Dieu habite avec son peuple

Par Alexandre Sarranle 1 octobre 2017

Est-ce que vous avez l’impression que Dieu est présent dans votre vie ? Il y a plein de façons de répondre à cette question. Il y a peut-être des athées dans la salle, qui se disent : « Quelle question ridicule, puisqu’il n’y a pas de Dieu ». Mais la plupart d’entre nous ici présents nous croyons en Dieu, je suppose. Mais ce n’est pas pour autant que nous avons l’impression que Dieu est particulièrement présent dans notre vie.

On peut croire, par exemple, qu’il existe un « grand horloger », qui a créé le monde et tous les mécanismes de l’univers, mais qui est loin, distant, tellement transcendant qu’il ne s’implique pas dans notre monde. Ou bien on peut croire que Dieu est impliqué dans le monde, mais de manière générale ; il s’occupe de faire tourner l’univers, il coordonne l’histoire de l’humanité, il a peut-être même envoyé Jésus, mais il n’est pas plus présent que ça dans la vie des gens.

Ou bien on peut croire que Dieu est impliqué dans le monde et dans la vie des gens, mais sans faire de distinction entre les gens : Dieu est partout, donc il est présent dans notre vie, comme dans la vie de tout le monde. Et finalement la différence entre un croyant et un non-croyant, c’est que le croyant a pris conscience de la présence de Dieu dans sa vie, et il a adapté sa vie à cette réalité.

Mais écoutez bien : d’après la Bible, il y a une présence spéciale de Dieu dans la vie des croyants. Dieu n’est pas présent dans la vie des croyants comme dans la vie d’un non-croyant, ou comme n’importe où ailleurs dans tout l’univers. Dieu est tellement spécialement présent dans la vie des croyants que, tenez-vous bien, c’est comme s’il habitait avec nous ! On est en coloc avec Dieu !

La question, c’est : pourquoi est-ce qu’on n’en a pas plus conscience ? Et la réponse, c’est peut-être parce qu’on ne prête pas assez attention à certains passages de la Bible comme celui qu’on va lire et étudier dans un instant.

On est dans le livre de l’Exode, et Dieu a délivré son peuple d’Égypte, il a fait alliance avec son peuple au Mont Sinaï, et il a appelé Moïse en haut de la montagne. Maintenant, il va lui donner les plans très détaillés d’un lieu de culte appelé un « tabernacle », ce qui veut tout simplement dire, en hébreu (mishkan), une « demeure ». Dieu est en train d’organiser de manière pratique sa présence permanente au milieu de son peuple. L’intention de Dieu, c’est d’habiter avec son peuple, et c’est absolument extraordinaire ! Vous voulez comprendre comment ça marche ? Regardez le texte.

Une présence annoncée (v. 1-9)

La première chose qui se passe dans le texte, c’est que Dieu ordonne un prélèvement de toutes sortes de ressources de la part des Israélites. Dieu explique ensuite à quoi vont servir ces ressources, et ce qui est censé nous frapper, c’est le contraste surprenant entre la nature de ces matériaux (qui sont très terrestres) et leur destination (qui est la construction d’un sanctuaire pour faire habiter Dieu) ! Dieu demande qu’on lui construise une maison avec des matériaux de la nature (et le texte insiste sur ce rapport à la nature).

C’est comme si mon oncle milliardaire m’appelait un jour pendant que je suis en train de camper à la montagne, et me disait : « Tu peux me réserver un emplacement à côté de toi, et me prêter une tente et un duvet ? Je vais arriver dans deux jours et je voudrais profiter de toi, de ta famille et du paysage ». Mon oncle milliardaire, dans une tente ? C’est surprenant ! Il pourrait se payer le meilleur hôtel de la région ! Et de même ici, Dieu commande la construction d’un sanctuaire très « naturel », alors que lui-même est radicalement distinct de la nature, puisqu’il en est le Créateur.

Le texte commence par dresser ce contraste surprenant pour nous faire comprendre non seulement l’intention de Dieu qui est d’habiter au milieu de son peuple, mais aussi le caractère concret, et pas juste abstrait, de cette intention. Quand Dieu dit qu’il veut « demeurer » au milieu de son peuple, ce n’est pas juste une allégorie. Vous savez, parfois on dit de quelqu’un qui est parti loin géographiquement, ou qui est mort, qu’il sera « toujours présent dans mon cœur ». Eh bien il y a une différence entre cette « présence » abstraite, et la « présence » concrète de quelqu’un que vous hébergez chez vous.

Et les premières instructions que Dieu adresse à Moïse sont là pour nous faire comprendre que Dieu a le projet d’être concrètement, intimement présent dans la vie des croyants. Dieu est transcendant, mais il n’a pas peur de sa propre création ; au contraire, il veut habiter sa création, et il veut même demeurer de façon très particulière au milieu d’un certain ensemble d’êtres humains qu’il appelle son peuple.

Cette présence spéciale de Dieu dans la vie des croyants, Dieu l’annonce, et Dieu la veut depuis toujours. Dans le jardin d’Éden, Dieu marchait avec Adam et Ève (Gn 3.8). Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul dit que l’Église est « le temple de Dieu » (1 Co 3.16), et l’apôtre Pierre dit que nous sommes « une maison spirituelle » (1 Pi 2.5). Et le livre de l’Apocalypse décrit l’état définitif du monde, après le retour de Jésus, en ces termes :

« Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. » (Ap 21.3)

Donc attention à ne pas sous-estimer le projet de Dieu ! Dieu annonce son projet d’être présent au milieu de son peuple, et ce n’est pas une présence abstraite, ou générale, ou purement théorique ou sentimentale ; c’est une présence concrète, spéciale et réelle.

Une présence établie (v. 10-22)

Mais regardons la suite. Après avoir annoncé sa présence spéciale au milieu du peuple, Dieu commande maintenant la construction d’un objet particulier, très important ! C’est un coffre en bois, rectangulaire (115x70x70 cm à peu près). Il doit contenir les tables de la loi ; il sera fermé par un couvercle appelé « kapporet » (du mot « kaphar » : Dieu qui « efface » nos péchés—d’où Yom Kippour, le jour des expiations) ; et il y aura la statue de deux anges par-dessus ce propitiatoire. Et c’est précisément là que Dieu « rencontrera » Moïse pour lui « parler » (v. 22). Voilà pourquoi cet objet est si important !

L’arche de l’alliance résume les mécanismes de la relation de Dieu avec son peuple. Il y a l’appel de Dieu matérialisé par les tables de la loi ; la loi qui révèle le péché du peuple, mais la grâce de Dieu matérialisée par le propitiatoire ; et par-dessus, la présence glorieuse de Dieu matérialisée par les chérubins. Et là, le point de rencontre entre Dieu et son peuple, par l’intermédiaire du médiateur.

Dieu commande la construction de ce coffre appelé « l’arche de l’alliance » pour représenter perpétuellement au peuple le mécanisme de la relation du peuple à Dieu. Dieu montre ici comment sa présence au milieu du peuple est établie, comment elle est rendue possible. Le but, c’est que le peuple sache à quoi se fier dans sa relation avec Dieu.

Cet été, j’ai fait une randonnée tout seul en terrain « d’aventure » (hors sentiers), et je me souviens de m’être arrêté un bon moment pour étudier ma carte IGN, car je n’étais pas sûr du bon couloir rocheux à emprunter pour accéder au col. Il y en avait un qui avait l’air très praticable, mais en fait, d’après la carte, c’était un autre couloir, qui avait l’air moins praticable, qui était en réalité le bon couloir. Le premier m’aurait conduit à une falaise infranchissable. Heureusement que j’avais la carte, et en l’étudiant, et en me fiant à ses indications, je suis arrivé au bon endroit. L’arche de l’alliance a un peu la même fonction : elle présente des indications pour avoir une vraie relation durable et personnelle avec le vrai Dieu.

Ou pour le dire encore autrement, l’arche de l’alliance présente l’anatomie de la relation entre Dieu et son peuple. Quand on est médecin, on doit connaître l’anatomie des gens pour  comprendre, parfois, ce qui ne va pas, et pour pouvoir administrer le bon traitement. De même, quelqu’un qui croit en Dieu mais ne sait pas qui il est, peut considérer l’arche de l’alliance, et se rappeler que Dieu, c’est l’Éternel, le Dieu qui s’est révélé dans l’alliance, le Dieu de Moïse et des Dix Commandements—il peut se tourner vers cette révélation pour connaître Dieu.

Quelqu’un qui se sent perdu et séparé de Dieu, qui se morfond dans sa culpabilité, peut aussi considérer l’arche de l’alliance et se rappeler que Dieu est lent à la colère et riche en bonté et en miséricorde. Il est le Dieu qui recouvre les péchés, qui fournit un moyen d’expiation, bref, le Dieu qui pardonne—le croyant peut s’approcher de Dieu dans la repentance et s’attendre à recevoir son secours.

Quelqu’un qui trouve que Dieu est distant et peu impliqué dans sa vie, peut aussi considérer l’arche de l’alliance et se rappeler que Dieu, en fait, est spécialement présent au milieu de son peuple, sa gloire n’est pas loin, et il est très attentif à son peuple par l’intermédiaire du médiateur qu’il a établi—le croyant peut donc faire l’expérience de la présence de Dieu par la prière, et par sa participation à la vie de la communauté de l’alliance et aux rites que Dieu a institués.

Ce qui est surtout important à comprendre, c’est que Dieu définit précisément le mécanisme de sa relation avec son peuple. Dieu n’est pas n’importe qui, et il ne s’y prend pas n’importe comment pour établir sa présence au milieu de son peuple. L’arche de l’alliance représente clairement ce mécanisme. L’arche de l’alliance illustre une réalité que Moïse a vue en haut de la montagne. C’est une « image » d’une réalité céleste (Hé 8.5).

Et ce que l’arche de l’alliance représentait partiellement est apparu pleinement avec la personne et l’œuvre de Jésus. On avait le descriptif, maintenant on a le prototype. On avait l’image, maintenant on a l’original. Jésus accomplit ce qui est représenté par l’arche de l’alliance. Il a obéi parfaitement à la loi. Il s’est offert lui-même sur la croix pour expier nos péchés. Il est ressuscité et il est entré dans la gloire de Dieu. Il est notre médiateur à perpétuité. Il est notre lieu de rencontre avec Dieu. Il a fait sa demeure en nous, avec le Père, par le Saint-Esprit (Jn 14.23). Il nous ouvre l’accès à l’arbre de vie, gardé par les chérubins (Gn 3.24). Bref, Jésus réconcilie les croyants avec Dieu pour toujours, et il établit pour toujours la présence de Dieu au milieu de son peuple.

Une présence entretenue (v. 23-40)

Donc dans ce texte, on a une présence annoncée, une présence établie, mais il y a aussi une présence entretenue.

Dieu commande la construction de deux autres objets, manifestement importants puisqu’ils viennent juste après l’arche de l’alliance, mais avant le Tabernacle proprement dit. L’attention ici est surtout sur les particularités de ces objets : une table mobile avec tout le temps du pain dessus et de la vaisselle (v. 23-30), et un chandelier énorme en or (35 kg), en forme de plante fleurissante, destiné à faire de la lumière tout le temps. Ce qui est différent avec ces objets, par rapport à l’arche de l’alliance, c’est qu’ils doivent être entretenus (le pain doit être remplacé toutes les semaines, et il faut qu’il y ait de l’huile dans les lampes en permanence).

Ce que ces objets nous disent surtout, c’est que la présence de Dieu au milieu de son peuple est une présence vivante, dynamique. Il n’y a pas juste un gros coffre en bois qui ne bouge pas, mais il y a une table qui est mise, du pain qu’on doit faire, et manger, et remplacer, et de la lumière en permanence.

Bref, ça bouge dans le temple, il y a du mouvement, il y a de la vie ! Et ça nous dit quelque chose de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Vous savez, avec les moyens de technologie modernes, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens chez moi, très souvent. Je suis dans mon bureau en train de préparer ma prédication, et tout d’un coup, j’entends la voix de David Pujadas dans la pièce à côté ! Heureusement, je me rends compte qu’il s’agit simplement de la TV que quelqu’un vient d’allumer. David Pujadas n’est pas vraiment, personnellement présent. Mais un peu plus tard, j’entends la voix de ma belle-mère dans une autre pièce, et Suzanne qui lui répond ! Mais ma belle-mère, elle n’est pas censée habiter à l’autre bout du monde ? Mais par les moyens de technologie modernes, on peut se parler en visio-conférence, c’est dingue ! C’est comme si elle était là ! Enfin… pas vraiment. Parce que si elle était là pour de vrai, elle aurait une place à table avec nous, on se croiserait dans le couloir, on s’assurerait que le chauffage est allumé dans sa chambre, on ferait attention à ne pas faire couler l’eau chaude pendant qu’elle prend sa douche, etc.

C’est un peu pareil dans le texte. Dieu ne commande pas la construction d’une statue qui le représenterait dans le temple (ce qui tranche avec les cultes païens de l’époque). Parce que Dieu n’est pas présent en visioconférence, il est présent en personne ; c’est une présence vivante. C’est comme quand on voit une maison avec de la fumée qui sort de la cheminée, et de la lumière aux fenêtres : on sait qu’il y a quelqu’un de vivant à l’intérieur.

Et Dieu institue donc cette table et ce chandelier pour représenter au peuple sa présence vivante au milieu d’eux. Il habite avec eux. Il « communie » avec eux. Il entretient sa présence. Et ce service rendu par les prêtres est un moyen de grâce pour le peuple, puisque c’est un service qui communique la présence vivante de Dieu au peuple, qui la matérialise à leurs yeux.

Dieu a une relation vivante, spéciale, avec son peuple, et cette relation, qui a été établie une fois pour toutes par Jésus-Christ, est aussi entretenue par Jésus-Christ. Jésus a dit :

« Je suis le pain de vie. […] Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. » (Jn 6.48, 56)

Il a dit aussi :

« Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » (Jn 8.12)

Comment fait-on pour se nourrir de Jésus-Christ, et pour recevoir sa lumière ? On le fait par ce qu’on appelle à notre tour, les moyens de grâce, et dont on est en train de faire l’expérience en ce moment-même ! Par la prière, par l’étude de la Bible, par le culte, et par la communion fraternelle.

La question qu’on se posait au début, c’était : est-ce que vous avez l’impression que Dieu est présent dans votre vie ? Qu’il est particulièrement présent ? Qu’il est présent de manière spéciale, pas juste de manière générale comme partout ailleurs (puisqu’il est Dieu) ? Et on a vu dans ce texte que l’intention de Dieu, c’était vraiment d’habiter avec son peuple. Et que ce n’était pas juste une figure de style. C’est vraiment le projet de Dieu.

Pourquoi sous-estimons-nous la présence de Dieu dans notre vie ? Peut-être parce que nous ne prêtons pas assez attention à ce type de texte, qui nous a rappelé le genre de présence que Dieu veut avoir dans notre vie. Une présence qu’il a annoncée depuis le début et qui est conforme au projet qu’il est en train de réaliser dans l’histoire ; une présence qu’il a établie sur la base de son alliance de grâce (il nous a communiqué sa loi, il nous a révélé notre péché, il a recouvert nos péchés par sa grâce, en vertu de l’œuvre de Jésus, et il nous communique sa gloire par Jésus, notre médiateur) ; une présence enfin qu’il entretient, notamment dans l’Église qui est la communauté des croyants, le peuple de Dieu depuis la venue de Jésus.

Comme l’a dit Emmanuel Macron dans un discours à Paris, il y a une semaine, à l’occasion de la commémoration des 500 ans de la Réforme :

« Votre identité de protestants ne se construit pas dans la sécheresse d’une sociologie, mais dans un dialogue intense avec Dieu ; et c’est cela que la République respecte, c’est cela que la laïcité protège. »

Un dialogue intense avec Dieu. Oui, car Dieu est tellement spécialement présent au milieu de son peuple que c’est comme s’il habitait avec nous. Mais un dialogue intense avec Dieu, selon un mécanisme clairement défini par Dieu.

Hier, j’ai eu l’occasion de parler à un Témoin de Jéhovah, qui pensait sincèrement avoir la faveur de Dieu. Sauf qu’il ne suffit pas de le penser, il faut encore que ce soit une réalité, et la seule façon de le savoir, c’est si on se fie à ce que Dieu nous dit dans la Bible. J’ai dit à ce monsieur : « Vous invoquez Jésus-Christ, mais il ne suffit pas d’utiliser son nom. Si votre Jésus n’est pas Dieu incarné, alors ce n’est pas le Jésus de la Bible, c’est un faux Christ, et il ne peut rien faire pour vous ».

De la même façon, de nos jours on peut rencontrer des gens qui disent s’être « reconnectés avec le divin », qui ont retrouvé leur propre « essence divine », qui sont en paix avec eux-mêmes et avec la nature parce qu’ils sont réconciliés avec « le grand tout », et qui invoquent eux-mêmes les noms de Jésus, de Moïse, des anges, et puis d’une flopée d’autres leaders spirituels prétendus. Ça sonne bien tout ça. Mais si on ne se fie pas à ce que Dieu a révélé concernant qui il est et comment il établit et entretient vraiment sa présence chez les croyants, alors tout ce qu’on est en train de faire, c’est se bercer d’illusions, et on va finir dans un précipice. La vraie spiritualité est précisément définie par Dieu, comme on l’a vu aujourd’hui, contrairement aux discours vagues de l’ésotérisme fourre-tout dont il faut se méfier comme de la peste.

Si tu es attaché à Jésus par la foi, Dieu habite avec toi, et c’est le Dieu de la Bible, le Dieu unique et vivant, le Dieu d’Abraham, de Moïse, de Jésus et des apôtres. Et il n’est pas loin, là-bas quelque part dans l’univers, et relié à toi par une espèce de lien invisible et mystérieux, par des jumelles ultra-puissantes ou par un méga réseau satellite ; il est réellement, personnellement, spécialement, intimement présent dans ta vie par le Saint-Esprit, comme dans la vie de l’Église, dans la communion des croyants, dans la prédication de sa Parole, dans nos louanges et nos prières, et dans les sacrements.

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