Les femmes doivent-elles se couvrir la tête au culte ?

Par Alexandre Sarranle 21 décembre 2014

Cette semaine, sous l’impulsion de la « délégation des droits des femmes du Sénat », deux sénateurs ont présenté un rapport visant à dénoncer les clichés sexistes qui sont véhiculés par les magasins de jouets, notamment dans leurs catalogues où l’on voit des filles habillées en princesse, jouant à la poupée et à la dinette, tandis que les garçons sont habillés en pompier et jouent avec des camions et des superhéros. Le rapport déplore cette « dégradation évidente par rapport à un idéal de société d’égalité, où filles et garçons se verraient proposer les mêmes opportunités » (Le Monde, 18/12/2014). Le sénateur Roland Courteau affirme, de plus, que « ces stéréotypes réduisent le champ des possibles pour les filles » (Midi Libre, 17/12/2014).

Alors ces pauvres sénateurs, et autres Caroline Fourest et Najat Vallaud-Belkacem, feraient peut-être une syncope en découvrant la question que nous nous posons aujourd’hui dans le cadre de cet exposé, à savoir : Les femmes doivent-elles se couvrir la tête au culte ? Et qui sait, peut-être vous-même, en entendant cette question, vous vous dites : « Mais d’où est-ce que ça sort, une telle question ? Dans quelle secte patriarcale et obscurantiste suis-je tombé ? ». Et vous êtes peut-être déjà en train de repérer la porte de sortie et de vous demander comment vous allez faire pour vous enfuir sans trop vous faire remarquer !

Si vous êtes choqué par la question, je vous demande juste de mettre de côté provisoirement vos préjugés, et d’écouter attentivement ce qu’on va dire dans le cadre de cet exposé. Il est certain (et cela, on peut le dire d’emblée) que la Bible traite certains sujets d’une manière qui froisse terriblement la bien-pensance actuelle et le politiquement correct. Si la Bible était une personne, elle aurait été depuis longtemps exclue de toutes les grandes radios et de toutes les grandes chaînes de télévision ; elle aurait sans doute été condamnée par les tribunaux à de multiples reprises ; elle aurait eu à payer beaucoup d’amendes ; et qui sait, elle serait peut-être même en prison. Et parmi ces sujets sur lesquels la Bible a un discours choquant pour beaucoup de nos contemporains, il y a celui de la différence des sexes, et plus précisément de la différence des rôles que Dieu attribue aux hommes et aux femmes dans la famille, dans l’Église, et de manière plus générale dans sa création.

Aujourd’hui, nous allons donc nous intéresser à une question précise, mais à travers cette question, vous allez voir qu’en réalité, c’est une vision plus globale qu’on va être amené à avoir sur le rapport entre les hommes et les femmes, notamment dans l’Église. Et si la question précise ne vous intéresse pas a priori, ou si vous pensez déjà être fixé par rapport à ce sujet, j’espère que cet exposé servira au moins à nous aider à voir un peu plus clairement pourquoi la distinction des sexes est importante selon Dieu, et j’espère qu’on pourra au moins retenir cette leçon : c’est que le masculin et le féminin sont des qualités objectives censées être apparentes parmi les chrétiens. Je précise que dans notre église, on ne recule pas devant le débat, donc si vous avez des questions ou des objections, n’hésitez pas à les noter quelque part et à les exprimer dans le temps de discussion qui suivra tout-à-l’heure.

Donc les femmes doivent-elles se couvrir la tête au culte ? Dans un premier temps, j’aimerais vous montrer que la question mérite d’être posée. Ensuite, j’aimerais vous montrer que la réponse à cette question, en dépit de ce qu’on pourrait penser, n’est pas une évidence. Troisièmement, on regardera plus en détail le passage biblique-clef qui parle de ce sujet, et on en relèvera plusieurs difficultés internes qui nécessitent d’être élucidées avant de pouvoir, quatrièmement, en tirer plus positivement un enseignement et une application pour nous.

1. Une question qui mérite d’être posée

a) Parce que c’est dans la Bible

Premièrement, donc, la question de savoir si les femmes doivent se couvrir la tête au culte est une question qui mérite d’être posée. Et elle mérite d’être posée pour plusieurs raisons. D’abord, tout simplement, parce que la Bible en parle ! Nous sommes une église chrétienne, ce qui veut dire que nous avons pour chef Jésus-Christ, ce qui veut dire que nous sommes censés respecter sa volonté, et sa volonté nous est révélée dans la Bible, à travers les enseignements des prophètes et des apôtres. Et il se trouve que le Nouveau Testament, dans un passage en particulier auquel nous viendrons tout-à-l’heure, parle des femmes qui doivent, semble-t-il, se couvrir la tête dans le cadre du culte, c’est-à-dire, semble-t-il, porter un voile ou un chapeau lorsqu’elles viennent à l’église. La Bible en parle, donc les chrétiens doivent en parler, c’est aussi simple que ça.

b) Parce que la réponse ne fait pas consensus chez les chrétiens

La question mérite d’être posée, aussi, parce que non seulement la Bible en parle, mais en plus, c’est une pratique qui existe et à laquelle on est susceptible d’être confronté dans nos milieux chrétiens évangéliques. Il y a des chrétiens, et des églises, qui disent que les femmes doivent se couvrir la tête au culte, et il y en a d’autres qui disent : « Non, ce n’est pas la peine ». Dans les assemblées dites « de frères », c’est une pratique relativement courante, notamment chez les Darbystes. Dans l’histoire, d’ailleurs, cela a été la pratique ordinaire dans la plupart des églises, quelle que soit leur dénomination, jusqu’à récemment. Il aurait été inapproprié pour une femme de venir à l’église sans porter un chapeau ou un foulard sur la tête.

Dans notre église, à l’inverse, vous avez remarqué qu’on n’incite pas les femmes à mettre quelque chose sur la tête pour pouvoir assister au culte (pas jusqu’à aujourd’hui en tout cas !). Donc il n’y a pas de consensus chez les chrétiens sur cette question, et c’est pourquoi elle mérite d’être posée. Et peut-être que vous avez déjà été conduit naturellement à vous poser cette question parce que vous-même, vous avez assisté à un culte quelque part où la pratique était différente de la nôtre, ou parce que vous avez des amis chrétiens qui ont un avis clair sur la question, ce qui vous a interpellé.

c) Parce que l’herméneutique est un enjeu très important

La question mérite d’être posée, troisièmement, parce que la façon dont nous interprétons la Bible constitue un enjeu très important pour nous en tant que chrétiens et en tant qu’église. Je m’explique. La Bible contient un certain nombre d’instructions qu’apparemment, nous n’appliquons pas. Par exemple, la Bible dit qu’on ne doit pas manger certains aliments comme le boudin ou les fruits de mer (Cf. Lv 11, 17) ; or, moi je mange du boudin et des fruits de mer. Comment ça se fait ? Est-ce que je peux simplement rejeter certains passages de la Bible juste parce que j’en ai envie ? Est-ce que je peux dire, sans avoir à me justifier, que tel passage ne s’applique pas aujourd’hui, tandis que d’autres oui ? Et si je fais ça, où est-ce que je m’arrête ?

La façon dont nous interprétons la Bible est un enjeu très important, parce que nous affirmons que la Bible est la règle infaillible de notre foi et de notre conduite en tant que chrétiens. Et si la Bible dit qu’il faut faire (ou croire) quelque chose, ou qu’il ne faut pas faire (ou croire) quelque chose, on ne peut pas juste balayer ça d’un revers de main en disant : « Bof, ça c’était dans un autre contexte, c’était pour un autre temps », juste parce que ça contredit nos idées ou les idées de notre culture et de notre société. Nous devons savoir pourquoi nous appliquons de telle manière ou de telle autre les enseignements de la Bible.

Or, comme je le disais, le fait que les femmes se couvrent la tête au culte fait l’objet, semble-t-il, d’un passage biblique en particulier dans le Nouveau Testament. Et nous ne pouvons pas juste balayer cet enseignement d’un revers de main, autrement nous donnerions raison aux libéraux et aux modernistes qui appliquent la même méthode, non seulement à ce type de passage, mais aussi aux passages de la Bible qui parlent de la nature divine de Jésus, de ses miracles, de sa résurrection corporelle, de son retour futur, et même, pourquoi pas, de tous les enseignements moraux de la Bible.

(Lecture de 1 Corinthiens 11.2-16)

2. Une question à laquelle la réponse n’est pas une évidence

a) Parce qu’il n’y a pas consensus

La question de savoir si les femmes doivent se couvrir la tête au culte mérite donc d’être posée, vous voyez ? Au début, vous vous disiez peut-être : « Quelle question ridicule ! ». Mais j’espère que vous comprenez pourquoi, si nous sommes chrétiens, cette question est pertinente. Mais il faut ajouter que la réponse à cette question, en dépit de ce qu’on pourrait penser, n’est pas une évidence.

Si vous posez la question aux chrétiens que vous connaissez, j’imagine que la plupart d’entre eux vous diraient : « Mais bien sûr que non ! Quelle idée ! Évidemment que les femmes ne sont pas obligées de porter un chapeau ou un foulard sur la tête pour assister au culte ! ». Mais si vous leur demandez comment ils interprètent ce fameux passage du Nouveau Testament qui en parle, d’abord un certain nombre d’entre eux ne savent peut-être pas que ce passage existe, d’autres seraient incapables de vous dire où se trouve ce passage ni ce qu’il dit exactement, et d’autres encore vous en offriraient peut-être une interprétation un peu légère, qui consiste en fin de compte à dire, tout simplement : « Bof, ce passage est propre au contexte de l’époque et ne s’applique plus aujourd’hui ». Une façon d’aborder le texte biblique plutôt légère, donc, et dangereuse, comme on l’a dit.

Mais de l’autre côté, vous allez trouver des chrétiens qui vous diront : « Mais bien sûr qu’il faut que les femmes portent quelque chose sur la tête quand elles assistent au culte, puisque c’est ce que dit la Bible. C’est évident, regarde ce passage ; c’est dit noir sur blanc ! »

Mais la réalité, c’est que la réponse à cette question n’est pas une évidence, ni dans un sens ni dans l’autre, et le fait que les chrétiens ne soient pas d’accord sur cette question en est déjà la preuve. Et il y a des théologiens éminents, très sérieux, qui sont partagés sur cette question. R.C. Sproul, un grand théologien réformé, pour lequel j’ai le plus grand respect, est pour que les femmes portent quelque chose sur la tête au culte, tandis que Wayne Grudem (un autre théologien) ou John Piper ne sont pas pour cette pratique en tant que règle. Vous voyez : la réponse n’est pas une évidence, contrairement à d’autres doctrines bibliques comme la doctrine de la Trinité ou celle de la naissance virginale, sur lesquelles tous les chrétiens sont censés être d’accord.

b) En raison de la forme littéraire : une réponse épistolaire à une question inconnue

Mais la réponse à cette question n’est pas une évidence, deuxièmement, parce que le seul passage biblique qui en parle explicitement (et qui justifie donc qu’on se pose la question) comporte un certain nombre de difficultés d’interprétation, la première étant liée à la forme littéraire de ce texte. Je m’explique : ce passage biblique ne se présente pas à nous comme une entrée dans une « encyclopédie de la vie chrétienne » ou dans un « manuel d’organisation de l’Église ». Si c’était le cas, on pourrait chercher dans cette encyclopédie ou dans ce manuel l’article consacré à la tenue des femmes dans le culte, et en effet, on aurait une réponse claire, précise, et pratique.

Or il se trouve que le passage en question s’inscrit dans une lettre que l’apôtre Paul a adressée à une église particulière de son époque, en réponse à une autre lettre qu’il avait reçue de leur part. Et même plus précisément, il se trouve que ce passage en particulier s’inscrit dans une section de la lettre où Paul répond précisément à des questions particulières que les Corinthiens lui ont posées (depuis le chapitre 7 notamment). Nous avons donc déjà une difficulté d’interprétation, parce que cette lettre que les Corinthiens ont envoyée à Paul ne nous est pas parvenue. Nous avons donc les réponses de Paul, mais pas les questions. Ça complique a priori l’interprétation, non ?

Imaginez que vous soyez quelqu’un d’hypocondriaque, c’est-à-dire que vous êtes un peu parano par rapport à la maladie. Et donc pour vous prémunir contre la maladie, vous installez en douce un petit micro dans le bureau de votre médecin, en vous disant que vous allez pouvoir bénéficier de sa compétence sans avoir à payer toutes les semaines une consultation. Sitôt ce petit micro installé, vous vous mettez à écouter ce qui se passe dans le cabinet, et voilà que le téléphone sonne dans le cabinet du médecin, et votre médecin répond. Et vous l’entendez dire : « Oui, je comprends monsieur. Il est très important, pour la santé d’un être humain, d’avoir une tension normale. Donc voilà ce que vous devez faire, impérativement. Vous allez prendre ces diurétiques matin, midi et soir, d’accord ? C’est très important pour votre santé. »

Ce serait idiot (et même dangereux) de votre part de vous appliquer à vous-mêmes ces instructions, sans savoir quelle était la question à l’autre bout du fil, alors même que le médecin est parfaitement compétent et fiable, et alors même qu’il a affirmé qu’il était impératif que tout être humain ait une tension normale. N’empêche que la question qui a été posée conditionne l’interprétation de ce qu’il a dit. Et il faut reconnaître qu’avec ce texte dans 1 Corinthiens, comme avec d’autres passages de cette épître, il y a ce paramètre qui complique un peu l’interprétation et l’application.

c) En raison des difficultés textuelles

Mais il n’y a pas que ça. Il y a d’autres éléments, cette fois non pas relatifs à la forme, mais relatifs au contenu du texte, qui rendent son interprétation et son application difficiles. Je ne vais pas résoudre ces difficultés, mais simplement en mentionner quelques-unes pour vous convaincre que la réponse à notre question de savoir si les femmes doivent se couvrir la tête au culte, n’est pas une évidence.

Il y a le fait, d’abord, qu’on ne sait pas s’il faut traduire les mots « hommes » et « femme » par les mots « homme » et « femme » ou par les mots « mari » et « femme ». En grec, ce sont les mêmes termes. Peut-être que dans la question que les Corinthiens ont posée, il était évident qu’il s’agissait de l’une ou de l’autre de ces options, et donc dans la réponse de Paul, le sens aurait été clair pour les Corinthiens. Mais nous, nous ne savons pas, et on peut essayer de trancher à partir d’autres éléments du texte, mais en fin de compte, on ne peut pas être parfaitement sûr. Évidemment, en fonction du sens qu’on choisit, l’application pourrait être très différente à la fin.

Une autre difficulté se trouve dans le fait que les mots « chef » et « tête » en français sont un seul mot en grec, tantôt utilisé dans un sens propre (v. 10 par ex.), tantôt dans un sens figuré (v. 3). La difficulté est de savoir si le sens est propre ou figuré lorsqu’il y a ambigüité (v. 4-5, par ex.).

Encore une autre difficulté : l’apôtre Paul fait référence aux « anges » au v. 10, et ça semble être un argument important pour lui en faveur du fait que les femmes portent quelque chose sur la tête (on reviendra à cette expression : « avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend »). Le problème, c’est que le mot qui est traduit par « ange » peut aussi bien vouloir dire « messager ». C’est-à-dire que ça peut désigner les êtres célestes que nous appelons « anges », ou bien des messagers humains, c’est-à-dire des gens de passage qui seraient chargés de transmettre des nouvelles (un peu comme un facteur).

Et encore une autre difficulté : le texte parle d’avoir la tête couverte (ou « recouverte »), mais à aucun moment le texte ne dit ce qu’il faut mettre sur la tête pour la couvrir (ou la « recouvrir »). La seule mention qui est faite d’un objet ou d’un vêtement se trouve au v. 15, où le mot « voile » ou « couverture » est employé… pour désigner la chevelure d’une femme. Donc une femme qui voudrait se couvrir la tête au culte selon la Bible, qu’est-ce qu’elle pourrait utiliser pour être fidèle aux instructions de ce passage ? Un foulard, un chapeau ? Une petite kippa en carton comme celle qu’on m’a fait porter lorsque j’ai visité le cimetière juif à Prague ? Un mouchoir, un bout de papier ? Une paire de lunettes ? Un hijab, une burqa, un niqab, un parapluie ? Dans tous ces cas, on peut dire que la femme a la tête couverte, non ?

Vous voyez : la réponse à la question qui fait l’objet de cet exposé, n’est pas une évidence. Et déjà à ce stade, cela devrait nous inspirer une certaine prudence et une certaine humilité. Il faut être lucide devant le texte biblique, qui est clair en beaucoup d’endroits, et pas très clair en certains endroits. Et à cela s’ajoute le fait que nous avons une intelligence limitée, et pire encore, une intelligence corrompue. Ça veut dire qu’il faut savoir défendre les doctrines essentielles de la foi chrétienne avec une grande fermeté, et les doctrines secondes avec une grande miséricorde. Tout dans la Bible est important, mais tout n’est pas d’égale importance (cf. Mt 12.1-8). On va regarder le texte un peu plus en détail maintenant.

3. Un passage qui comporte des mystères à élucider

a) Une proposition de traduction qui colle à l’original

Et je voudrais vous proposer une traduction du texte qui colle un maximum à l’original, pour que vous ayez une meilleure idée de ce que l’apôtre Paul dit en grec. Ensuite, on s’attachera à élucider au moins deux éléments du texte qui peuvent paraître un peu mystérieux, et qui nous aideront, ensuite, à voir comment on doit comprendre ce texte et l’appliquer aujourd’hui.

2 Or je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi en toutes choses, et de ce que vous gardez les instructions, comme je vous les ai transmises.

3 Or je veux que vous compreniez que la tête de tout homme est le Christ, or la tête d’une femme est l’homme, or la tête du Christ est Dieu.

4 Tout homme qui prie ou qui prophétise en ayant sur la tête humilie sa tête.

5 Or toute femme qui prie ou qui prophétise la tête non-recouverte humilie sa tête, car c’est comme si elle était rasée.

6 Car si une femme n’est pas recouverte, qu’elle soit tondue ; mais puisqu’il est laid pour une femme d’être tondue ou d’être rasée, qu’elle soit recouverte.

7 Car un homme ne doit pas recouvrir sa tête, étant l’image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l’homme.

8 Car l’homme n’est pas de la femme, mais la femme de l’homme.

9 Et car l’homme n’a pas été créé en raison de la femme, mais la femme en raison de l’homme.

10 C’est pourquoi la femme doit avoir une autorité sur la tête en raison des anges [ou des messagers].

11 Toutefois, ni femme sans homme, ni homme sans femme dans le Seigneur.

12 Car tout comme la femme est de l’homme, de même l’homme est par la femme, et tout est de Dieu.

13 En vous-mêmes, jugez : est-il convenable qu’une femme non-recouverte prie Dieu ?

14 La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que si un homme laisse pousser ses cheveux c’est un déshonneur pour lui,

15 or si une femme laisse pousser ses cheveux, c’est une gloire pour elle, puisque la chevelure lui est donnée comme voile ?

16 Si quelqu’un est disposé à être querelleur, nous n’avons pas cette habitude, ni les églises de Dieu.

b) Le rapport entre le voile et la longueur des cheveux, v. 4-6

En lisant ce texte, vous avez peut-être remarqué qu’avant de pouvoir appliquer les instructions que contiennent ce passage, il y a des éléments importants à élucider, qui peuvent conditionner la compréhension générale du passage.

Pour commencer, il y a la question du rapport mystérieux entre le fait pour une femme de se couvrir ou non la tête et le fait pour elle d’être « tondue » ou « rasée ». Il y a là un élément qui semble être important pour Paul, mais qui n’est pas forcément facile à comprendre pour nous. Pourquoi donc Paul dit-il que « toute femme qui prie ou qui prophétise la tête non-recouverte humilie sa tête, car c’est comme si elle était rasée » (v. 5) ? Je pense que la façon la plus naturelle de comprendre ce que dit Paul ici, c’est que tout simplement, le fait qu’une femme se découvre la tête est contraire à la bienséance. C’est une tenue inappropriée pour une femme.

En fait, il est sous-entendu dans le discours de Paul ici, que les femmes ont pour tenue correcte habituelle un vêtement qui leur couvre la tête. La question des Corinthiens n’est pas de savoir si les femmes doivent mettre quelque chose sur la tête pour prier ou prophétiser, mais plutôt si elles peuvent enlever ce qu’elles portent habituellement. Et donc, il serait inapproprié pour un homme de mettre quelque chose sur la tête pour prier et pour prophétiser puisque ce serait comme mettre un vêtement de femme, et donc ce faisant, l’homme « humilierait sa tête » au sens propre, autrement dit, ce serait ridicule ; et de même, il serait inapproprié pour une femme dans ce contexte de se dévoiler lorsqu’elle prie ou qu’elle prophétise. Elle « humilierait » elle aussi « sa tête » au sens propre. Ce serait contraire à la tenue correcte d’une femme, tout comme le fait de se tondre serait humiliant (le verset 6 semble énoncer un principe général, pas forcément réservé au culte).

À cette époque, les femmes décentes et polies portaient normalement quelque chose sur la tête, sans doute une sorte de voile. Et les femmes qui ne le faisaient pas étaient les femmes de mauvaise vie, des femmes impudiques. C’était une sorte d’exhibitionnisme, et c’était à cela qu’on pouvait reconnaître notamment les prostituées. Or il se trouve que dans l’église de Corinthe, où il y avait beaucoup de problèmes y compris des problèmes d’impudicité, d’inconduite et même d’inceste, il y avait semble-t-il des chrétiennes qui se disaient que puisque des femmes pouvaient prier dans les réunions de prière, et puisqu’il y avait même des femmes qui prophétisaient (voir Ac 21.9), peut-être que toutes les règles habituelles de la société étaient appelées à exploser, y compris les distinctions traditionnelles entre les hommes et les femmes.

Mais Paul leur rappelle immédiatement quelque chose qui n’est pas une tradition mais un principe universel (créationnel) : c’est qu’il y a un ordre dans l’humanité et une distinction appropriée à faire entre les hommes et les femmes. Non pas une différence de valeur ou de dignité, puisqu’entre Dieu le Père et Dieu le Fils il n’y en a pas non plus, tous deux étant égaux en puissance et en gloire, mais une différence de rôle, voire de responsabilité. Et Paul va revenir sur ce point un peu plus loin. Mais d’abord, sur cette base, il réaffirme tout simplement cette idée qui était contestée, semble-t-il, par certaines personnes dans l’église des Corinthiens : il y a une tenue correcte qui convient aux hommes, et une tenue correcte qui convient aux femmes, et la foi chrétienne n’efface pas cette distinction, puisque cette distinction est ancrée par Dieu dans sa création.

Difficile de faire un rapprochement avec notre contexte aujourd’hui, puisque cette distinction est largement contestée, et il est pratiquement impossible de dire que quelque chose comme un vêtement puisse être déshonorant ou honteux pour une personne. Mais on pourrait peut-être quand même faire ce rapprochement : « Si un homme porte des talons aiguille, qu’il s’épile aussi le corps ; or, s’il est honteux pour un homme d’avoir le corps tout épilé, qu’il renonce aux talons aiguille ». Vous voyez : Paul fait référence à la bienséance de son époque, en sous-entendant que les femmes portent habituellement quelque chose sur la tête, et non les hommes. Et cette réalité donne encore plus de poids à la question rhétorique qui est posée au v. 13 (la réponse est supposée évidente : bien sûr que ce serait inapproprié pour une femme non-recouverte de prier Dieu, puisque c’est inapproprié en général).

c) Gloire de Dieu et gloire de l’homme, v. 7-9

Un deuxième élément à élucider, c’est ce que dit Paul au verset 7, où il affirme que l’homme est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme, et où il fait un lien entre ça et le fait d’avoir la tête couverte ou non. En fait, cette affirmation fait partie d’une section qui couvre les versets 7 à 12, où Paul se réfère tout simplement à la création de l’homme et de la femme pour montrer que les deux n’ont pas exactement la même place dans la création de Dieu, et donc qu’il doit y avoir une différence visible entre les deux.

Paul dit que l’homme est l’image et la gloire de Dieu, et c’est une référence explicite au récit de la Genèse. Mais attention : Paul n’est pas en train de dire que seul l’homme (c’est-à-dire l’être humain de sexe masculin) est l’image et la gloire de Dieu. Paul sait que l’être humain en général (homme et femme) est l’image et la gloire de Dieu, puisque c’est ce que dit explicitement le récit de la Genèse (Gn 1.27). Mais Paul sait toutefois que Dieu a créé un homme en premier, et c’est cet homme que Dieu a placé dans le jardin d’Éden pour le garder et le cultiver, et ensuite il a créé une femme pour l’homme, pour lui être « une aide qui sera son vis-à-vis » (Gn 2).

Il y a donc une légère différence de vocation entre le premier homme et la première femme, non ? L’homme est appelé, en quelque sorte, à « collaborer » avec Dieu pour cultiver sa création, et la femme est appelée à « collaborer » avec l’homme dans sa vocation qui consiste à « collaborer » avec Dieu. On pourrait donc dire que l’homme est la gloire de Dieu, et que la femme est « la gloire de la gloire » de Dieu.

En fait, je pense que Paul est en train de faire un compliment aux femmes ici. C’est un peu comme la blague que vous connaissez sans doute, qui dit que la raison pour laquelle Dieu a créé l’homme en premier, puis la femme, c’est parce qu’avant de faire son chef-d’œuvre, il voulait faire un brouillon !

On pourrait aussi comparer ça à un gâteau. Ma mère fait des gâteaux extraordinaires pour des grandes occasions. Elle commence par faire une espèce de cake aux fruits, tout-à-fait typique des gâteaux britanniques. C’est déjà assez délicieux, mais ça ne paie pas de mine quand on le regarde comme ça. Ma mère passe ensuite des heures à appliquer méticuleusement sur ce cake un glaçage extraordinaire : d’abord une couche de pâte d’amande, puis une couche de glaçage au sucre parfaitement lisse, puis toutes sortes d’ornementations finement sculptées qui font de ce cake aux fruits une pure merveille. Si bien qu’on a parfois plus de plaisir à manger le glaçage que le cake. Mais vous voyez : le cake est la gloire de ma mère, mais le glaçage aussi est la gloire de ma mère, mais le glaçage c’est aussi la gloire du cake. Vous avez suivi ?

Donc quand Paul dit que la femme est la gloire de l’homme, ce n’est pas pour la rabaisser mais plutôt pour l’élever ; et quand il dit que la femme doit assumer manifestement cette vocation particulière, ce n’est pas pour l’asservir, mais plutôt pour l’honorer, de la même façon qu’il vaut mieux mettre un bijou dans un écrin approprié plutôt que dans un vieux carton.

Et c’est à peu près ce que dit Paul à la fin de ce passage, lorsqu’il dit que la chevelure d’une femme est comme un vêtement qui la met en valeur en tant que femme, c’est-à-dire qui atteste de cette distinction entre l’homme et la femme, une différence de place et de vocation dans la création, qui est une bonne chose et non une contrainte néfaste !

Et c’est dans ce sens aussi qu’il faut comprendre le v. 10 qui dit que la femme doit avoir « une autorité » sur la tête. C’est un langage difficile à accepter de nos jours, mais tout ce que ça veut dire, c’est que les hommes et les femmes doivent s’assurer que l’ordre qui les distingue, et en vertu duquel les hommes sont appelés à certaines responsabilités et les femmes à d’autres, doit être manifeste (que ce soit pour les anges qui désirent « plonger leurs regards » dans la vérité de l’Évangile et qui « connaissent par l’Église la sagesse de Dieu dans sa grande diversité », 1 Pi 1.12 et Ép 3.10, ou pour les « messagers », les gens de passage dans l’église).

4. Comment appliquer ce passage ?

Alors vous voyez que ce passage n’est pas forcément évident à comprendre, mais on a pu défricher un petit peu le terrain, et déjà, on peut voir peut-être un peu mieux la portée de ce passage. Comment l’appliquer aujourd’hui, d’un point de vue pratique ?

Je rappelle ce qu’on vient de voir : il y a d’abord un principe créationnel (universel) que Paul énonce clairement ici, et qui est ancré dans la révélation biblique. C’est que les hommes et les femmes n’ont pas exactement la même place et la même vocation dans la création de Dieu.

L’homme est appelé à un rôle de responsable et de conducteur, qui se manifeste surtout dans la famille et dans l’Église (d’autres textes le confirment). Les gens qui sont chrétiens doivent reconnaître ce principe biblique et chercher à s’y conformer malgré ce qu’en pense la société.

Cette responsabilité particulière de l’homme n’est pas une atteinte à la dignité de la femme. Elle aussi est appelée à certaines choses auxquelles l’homme n’est pas appelé. Et son rôle particulier se manifeste aussi surtout dans la famille et dans l’Église.

Il y a donc une distinction entre les hommes et les femmes qui doit être professée, protégée et préservée par les chrétiens à cause de ce que dit la Bible. Mais Paul dit ici que cette distinction, si elle est réellement préservée, devrait être manifeste, c’est-à-dire visible.

Voilà ce qui fait dire à Paul que la femme « doit avoir une autorité sur la tête » (v. 10, sous-entendu visiblement), et ce n’est pas une expression péjorative, mais simplement la règle qui découle naturellement de l’ordre de la création, et que Paul veut que les Corinthiens appliquent. C’est sa réponse à leur question, en fait. « Est-ce que les femmes peuvent enlever leur vêtement ordinaire pour prier ou prophétiser ? – Et bien, dit Paul, à la base, il faut que les femmes aient visiblement une autorité sur la tête ; est-ce que vous pensez qu’en enlevant ce vêtement, ce qui n’est pas très correct pour une femme, elles vont préserver manifestement la distinction créationnelle que Dieu a établie entre les hommes et les femmes ? »

L’application pratique de ce principe est en partie sous-entendue par Paul qui ne dit à aucun moment ce que les Corinthiennes peuvent (ou doivent) mettre sur la tête pour marquer le fait que « l’homme est leur tête » et qu’elles sont « la gloire de l’homme ». Paul se réfère simplement à la bienséance de l’époque ; il ne veut pas que les Corinthiennes aient une tenue ou un comportement à l’église qui contrediraient manifestement la distinction créationelle que Dieu veut maintenir entre les hommes et les femmes, surtout dans les familles chrétiennes et dans l’Église qui est son peuple.

Puisque le texte ne dit pas comment précisément les hommes et les femmes à l’église doivent manifester la distinction qui existe entre leurs places et leurs vocations respectives, nous n’avons pas, à notre tour, l’autorité pour dire aux filles : « Voici comment tu dois manifester ta féminité à l’église : tu dois mettre un chapeau, ou une casquette, ou un napperon, ou un fichu, ou un sac, ou un livre, ou un parapluie au-dessus de ta tête pour te recouvrir ». Comme je l’ai dit, les versets 4-6, et 13, font référence implicitement à ce qui était correct ou humiliant pour l’époque, dans le contexte des Corinthiens.

Nous avons, en revanche, l’autorité pour dire (puisque c’est ce qu’enseigne ce passage) que les hommes doivent montrer qu’ils sont « l’image et la gloire de Dieu », et que les femmes doivent montrer qu’elles sont « la gloire de l’homme », c’est-à-dire qu’il faut que les hommes et les femmes assument avec joie, dans la foi, et visiblement, les rôles respectifs que Dieu leur a confiés, et notamment dans l’Église. Cela peut se traduire au niveau vestimentaire, au niveau comportemental et au niveau institutionnel.

Oui, c’est une idée choquante pour notre société. Pourtant, c’est en honorant notre Créateur, et en suivant sa volonté, que se trouve réellement notre bonheur en tant qu’hommes et en tant que femmes. Est-ce que je vous apprends quelque chose si je vous dis que toute personne a en elle le désir de définir elle-même les normes de son existence ? La Bible appelle cela le péché ; c’est cette quête d’indépendance qui, par nature, nous destine à être séparés de Dieu pour l’éternité.

Mais la Bible nous dit que Dieu nous a tellement aimés qu’il a fait porter à son propre Fils, innocent et parfait, le poids de nos fautes afin que nous en soyons libérés, que nous puissions être pardonnés de nos péchés, et que nous soyons destinés à la vie éternelle. Tout cela, Dieu l’offre gratuitement à tous ceux qui placent leur confiance en Jésus à cause de ce qu’il a accompli. Jésus n’est pas resté sur la croix, ni dans le tombeau, mais il est ressuscité pour le bénéfice de tous ceux qui se confient en lui, et il compte maintenant nous restaurer, nous réparer de tous les dégâts que le péché a occasionnés dans notre existence.

Imaginez un puzzle de 2,000 pièces toutes mélangées, dont vous avez perdu le modèle. Vous savez bien, en théorie, que ce puzzle représente une image magnifique, mais la beauté de cette image est perdue, et il vous est impossible de la retrouver sans le modèle. « Ichabod » : la gloire a disparu ! Mais la Bible dit que Jésus est venu de la part de Dieu comme le second Adam, le modèle retrouvé, celui qui seul a la capacité de recouvrer pour le puzzle, ou plutôt, pour l’être humain, sa beauté et sa gloire originelles. Cette beauté et cette gloire, entre autres, sont liées au rétablissement en nous les hommes, de notre vraie masculinité telle que Dieu l’a conçue, et en vous les femmes, de votre vraie féminité telle que Dieu l’a conçue.

Conclusion

Je conclus rapidement. J’espère que vous avez vu pourquoi je disais en introduction que la leçon que j’espérais qu’on retienne de cet exposé, finalement, c’était que le masculin et le féminin étaient des qualités objectives censées être apparentes parmi les chrétiens. Pour ce qui est de l’application pratique de cette leçon, vous voyez aussi pourquoi je ne pense pas que le port d’un voile ou de quoi que ce soit d’autre sur la tête, pour les femmes à l’église, soit une obligation biblique universelle. Les femmes qui souhaitent, en conscience, se couvrir la tête à l’église peuvent le faire et personne ne devrait les regarder avec des gros yeux et les juger. Inversement, celles qui, en conscience, ne pensent pas que Dieu leur demande de se couvrir physiquement la tête à l’église, devraient se sentir libres de venir telles quelles. J’aime la façon dont Jean Calvin résume la portée de ce texte. Il dit : « Bref, pour toute règle, il n’y a ici qu’à regarder à bienséance ; si elle est sauvegardée, St Paul ne requiert rien de plus » !

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