Quand Dieu ne nous suffit pas

Par Alexandre Sarranle 3 mars 2024

Dans mon expérience de la vie chrétienne, une des choses les plus difficiles que j’ai trouvé à réaliser dans ma croissance spirituelle, c’est le contentement en Dieu. C’est-à-dire le fait de sentir sincèrement, à l’intérieur, que je n’ai besoin de rien d’autre pour être heureux – rien d’autre pour être satisfait – que ce que Dieu me présente en son Fils Jésus-Christ.

Est-ce que vous arrivez à vous sentir comblé par Jésus, vous ? Je pose la question, bien sûr, à ceux d’entre vous qui sont des croyants. Est-ce que vous êtes arrivé à un stade de votre vie dans la foi, où vous vous réveillez le matin après une bonne nuit de sommeil profond, et vous vous dites très sincèrement : « Ouah comme je me sens en paix et joyeux à l’intérieur ! J’ai déjà tout ce qu’il me faut par la foi en Jésus-Christ ! Je ne désire rien d’autre pour être heureux aujourd’hui ! »

Parce que si c’est votre cas, franchement, j’aimerais beaucoup que vous me donniez quelques tips s’il vous plaît (quelques astuces) !

Voici ce qui se passe dans ma tête, à moi, le matin. Déjà, j’ai mal dormi. Parce que dans la nuit, je me réveille et je réfléchis aux circonstances de ma vie qui me déplaisent. J’ai des projets qui ne se sont pas accomplis, des trucs qui m’ont déçu ou qui me frustrent, et des désirs non réalisés qui assaillent mon cœur – et oui, ça occupe mes rêves et mes pensées dans la nuit. Et puis le réveil sonne et je m’extraie difficilement de la couette en me disant :

« Ah oui, on est dimanche… C’est le jour du Seigneur, et j’adore ça parce que je vais revoir certaines des personnes que je préfère sur cette terre. Je vais pouvoir chanter et faire de la musique pour le Seigneur, et aujourd’hui, en plus, j’ai le privilège de pouvoir expliquer aux gens le message de la Bible – et ça, c’est une des choses que j’aime le plus faire dans la vie ! Dieu est tellement bon envers moi. Il m’a donné la santé encore ce matin, et je sais qu’il est avec moi et que je suis son enfant pour toujours, parce qu’il m’a pardonné mes péchés, il m’a régénéré et il m’a adopté. C’est vraiment super… mais quand même. Mais quand même, il y a quelque chose qui manque dans mon cœur. Et il y a ce truc-là auquel je pense tous les jours, de plus en plus – même quand je me lève le dimanche – et je me dis que si je l’avais, eh bien je serais heureux ! »

J’imagine que je ne suis pas tout seul à vivre ce genre de chose. J’imagine que vous aussi, si vous êtes croyant, vous portez parfois vos espoirs sur des projets, sur des possessions, sur des personnes, peut-être sur des expériences, dont vous faites dépendre votre satisfaction, votre sécurité et votre bonheur – pour ne pas dire le sens-même de votre vie – plutôt que de trouver votre contentement en Dieu et en Dieu seul.

C’est dur de se satisfaire de Dieu, n’est-ce pas, et d’arrêter de chercher à se rassurer par des trucs en plus ! Eh bien, si c’est quelque chose que vous observez dans votre propre vie, le passage qu’on va lire dans un instant va vous intéresser.

On poursuit notre étude du livre des Juges (on se rapproche de la fin), un livre de l’Ancien Testament qui raconte ce qui se passait en Israël plus de 1000 ans avant l’époque de Jésus-Christ, quand les Israélites ont commencé à occuper la terre promise, mais qu’il n’y avait pas encore de roi pour gouverner le pays. Et là, on va découvrir la manière dont la tribu de Dan (c’est une partie du peuple d’Israël, à ne pas confondre avec la Tribu de Dana, qui est le titre d’une chanson du groupe Manau sortie en 1998 !) va entrer en possession d’un territoire qui va devenir, à partir de ce moment-là, le territoire historique de ces gens.

Et en fait, il faut se rappeler que dans le prologue du livre des Juges, l’auteur nous avait dit qu’au moment où les autres tribus d’Israël étaient en train de conquérir, plus ou moins, leurs territoires respectifs, eh bien la tribu de Dan, elle, n’avait pas réussi à prendre possession de son territoire, et elle avait même été repoussée dans les montagnes par les Amoréens (Jg 1.34). Le livre de Josué (qui est le livre précédent dans la Bible) avait aussi fait cette précision (Jos 19.40-48) : c’est que les « fils de Dan » n’avaient pas réussi à prendre possession du territoire qui leur était destiné, donc ils se sont rabattus sur un autre territoire, au nord du pays, et c’est cette histoire, en fait, qu’on va découvrir dans notre texte.

Pourquoi je précise tout ça ? Parce qu’on a besoin de comprendre à quel point, dans notre texte, il se passe quelque chose de positif pour les Danites, grâce à Dieu ; mais à quel point aussi le comportement des Danites va être en décalage par rapport à la bonté, la générosité et la fidélité de Dieu envers eux. Et ça, ça devrait nous choquer.

On va voir dans ce texte quelque chose qui nous ressemble à nous aussi aujourd’hui ; c’est combien il est facile d’être à la fois au bénéfice de la grâce de Dieu, et de se laisser en même temps séduire par des idoles. Parce qu’on n’arrive pas à croire que Dieu nous suffit.

Et finalement, toute la leçon de ce passage, elle est là : c’est qu’on doit faire attention. On doit se rappeler intentionnellement et perpétuellement qui est Dieu et ce qu’il nous offre par sa grâce, pour éviter de nous faire arnaquer par nos propres désirs.

1/ Nous sommes gâtés ! (v. 1-10)

La première chose que ce passage veut nous faire comprendre, c’est combien Dieu est fidèle dans l’accomplissement de son projet, et combien il est bon, généreux et plein de miséricorde envers nous, malgré nos défauts. Bref, on peut dire qu’on est vraiment gâté !

Regardez ce qui se passe dans le texte (v. 1-10). Comme je le disais en introduction, la tribu des Danites cherche un territoire où s’installer en terre promise, parce qu’ils n’ont pas pu prendre possession du territoire qui, normalement, leur était destiné. Et donc ils envoient cinq éclaireurs pour chercher un endroit où ils pourraient s’installer.

Ça me fait penser à ma famille et moi, quand on arrive au camping début juillet et qu’on se gare dans un coin, et qu’on envoie nos enfants à pied explorer le camping pour trouver un bon emplacement pour nos tentes – parce qu’on ne veut pas faire ça avec la voiture, en se trimballant la grosse remorque, toute la famille et toutes nos affaires. C’est pareil dans le texte : les Danites veulent trouver le bon endroit où ils vont s’installer, pour longtemps !

Et donc ces cinq éclaireurs vont passer près de chez un homme qui s’appelle Mika – et ce gars, on en a parlé la dernière fois, c’est quelqu’un de très religieux qui a chez lui un prêtre personnel, un Lévite que Mika a embauché pour lui fournir des services religieux. Puisque c’est un prêtre, les cinq éclaireurs lui demandent de consulter Dieu, pour voir si leur projet de trouver un territoire pour la tribu de Dan va réussir. Et la réponse de Dieu est : « Oui ! ».

À ce stade, on est censé se dire : « Tiens, ce n’est pas la première fois dans l’histoire d’Israël qu’il y a des éclaireurs qui sont envoyés en avance pour explorer le pays. Moïse avait fait ça, il avait envoyé douze espions en terre promise (Nb 13 – 14), et Josué aussi, il avait fait ça, il avait envoyé deux espions explorer le pays (Jos 2). À chaque fois, les éclaireurs sont envoyés pour préparer l’arrivée du reste du peuple, conformément au projet de Dieu qui veut que les Israélites prennent possession de la terre promise.

Et donc dans notre passage, on a une sorte de répétition de ce motif, et les éclaireurs vont arriver dans le nord du pays, ils vont explorer un territoire où il n’y a pas d’Israélites, et ils vont revenir avec plein de bonnes nouvelles : « On a trouvé un emplacement super, où rien ne manque de tout ce qu’il y a sur la terre (v. 10), où il n’y a pas de camping-car hollandais ou espagnol ou philistin juste à côté (v. 7), où on va pouvoir repousser facilement les méchants qui habitent là, et en plus, un prêtre lévite nous a dit que l’Éternel était avec nous ! »

Donc vous voyez, c’est très positif ce qui se passe pour les Danites dans les dix premiers versets de notre passage. On est censé comprendre, comme l’ont compris les éclaireurs, que Dieu est en train d’ouvrir généreusement le chemin devant les Danites pour leur donner enfin un héritage dans la terre promise. Et ça, c’est particulièrement frappant, parce que dans les 17 chapitres précédents, globalement, le message qu’on nous a expliqué, c’est que les Israélites ne sont pas très fidèles à Dieu ! Alors c’est fou, voilà que Dieu est quand même en train de se montrer favorable à son peuple, dans cette histoire !

Dieu est en train de se montrer très généreux envers les Danites, comme il s’était montré très généreux envers tous les Israélites en les délivrant de l’esclavage en Égypte, et en ouvrant le chemin au travers de la Mer Rouge, et en les nourrissant dans le désert, et en les conduisant jusqu’à la terre promise, un pays découlant de lait et de miel, et en leur donnant des victoires sur les méchants qui occupaient le territoire (tout ça alors qu’ils ne le méritaient pas !).

Voilà, Dieu est comme ça, nous rappelle ce texte. Il a un projet, il a fait des promesses, il s’est engagé à accomplir ce projet, et au cœur de ce projet, il y a son peuple – un peuple à qui Dieu veut donner la vie en abondance. Un peuple que Dieu veut racheter de ses fautes, à qui il veut faire du bien, et qu’il veut accueillir en fin de compte dans son paradis pour toujours.

Et c’est ce que Dieu présente encore aux humains aujourd’hui. La Bible nous explique que pour aller au bout de son projet, Dieu s’est approché lui-même des humains par la personne de Jésus-Christ, et il a tout accompli pour que tous ceux qui se confient en lui reçoivent la vie éternelle. C’est ce que Joshua nous expliquait la semaine dernière dans sa prédication sur l’Évangile de Jean, chapitre 10 : Jésus est venu « afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance » (Jn 10.10).

En fait, c’est simple : d’après la Bible, Dieu présente à son peuple tout ce qu’il faut pour que son peuple soit comblé – tout ce qu’il faut pour que son peuple ait tout ce dont il a besoin pour être complètement heureux, pour toujours !

Vous y croyez ou vous n’y croyez pas, mais franchement, c’est ce que la Bible nous dit. J’imagine que beaucoup d’entre nous, on aimerait être heureux. Peut-être que c’est quelque chose qu’on recherche désespérément. C’est un peu comme quand on cherche à acquérir un objet très spécifique et très rare – très difficile à trouver – et qu’on se met une alerte sur le site Le Bon Coin pour que dès que quelqu’un, quelque part, met cet objet en vente, eh bien on soit tout de suite notifié.

Eh bien imaginez que vous mettiez une alerte sur Le Bon Coin pour… le bonheur ! Moi j’ai cherché « le bonheur » sur Le Bon Coin, et tout ce que ça m’a proposé, c’était un « lot de 5 livres Tchoupi pour dire je t’aime ». Mais vous savez quoi, si vous recherchez le bonheur, eh bien j’ai le plaisir de vous notifier que le bonheur est enfin accessible ! Il n’est pas en vente, il vous est présenté gratuitement par Dieu lui-même en son Fils Jésus-Christ !

L’apôtre Paul dans le Nouveau Testament, dit :

« En [Jésus-Christ] habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Et vous avez tout pleinement en lui… » (Col 2.9-10)

Ça vous intéresse ? Ce n’est pas une arnaque ! Dieu veut vraiment nous « gâter » en nous offrant tout ce qu’il nous faut, en Jésus, à condition qu’on se repose tout simplement en lui par la foi.

Et cette première partie de notre texte pointe dans cette direction. C’est l’expression de cette générosité de Dieu envers nous. Si vous n’êtes pas croyant, ce matin, est-ce que vous vous rendez compte de ce que Dieu vous présente – ce matin-même – en Jésus-Christ ? Vous pouvez placer votre confiance en lui, et recevoir tout ce dont vous avez besoin pour être heureux pour toujours. Et moi ce matin, et les chrétiens que vous connaissez autour de vous, on est comme ces éclaireurs dans le texte, et on est en train de vous dire :

« Debout ! Le pays est très bon ! Quoi ! Vous restez sans rien dire ! Venez [à Jésus-Christ], le pays est vaste, c’est un endroit où rien ne manque… »

Oui, Dieu est fidèle dans l’accomplissement de son projet, et il est bon, généreux et plein de miséricorde envers nous, malgré nos défauts. Il est comme ça, et toute la Bible en rend témoignage, et tous les chrétiens en rendent témoignage. C’est le premier point.

2/ Nous sommes distraits ! (v. 11-26)

Mais il y a un deuxième point. La deuxième chose que ce passage veut nous faire comprendre, c’est combien il nous est facile de perdre la bonne perspective sur ce que Dieu nous offre, et de nous imaginer qu’on a besoin de quelque chose de plus. Bref, on est facilement distrait ! On est facilement oublieux. On est facilement incrédule.

Regardez de nouveau ce qui se passe dans le texte (v. 11-26). Il y a un bataillon de chasseurs alpins de la tribu de Dan (600 hommes) qui partent pour aller conquérir le territoire au nord du pays. Tout se présente très bien pour eux. Sauf qu’ils arrivent vers chez Mika, et là, il y a un truc qui se passe. Les mêmes éclaireurs qui avaient motivé tout le monde à se bouger au départ, eh bien ils se rappellent que Mika, il a chez lui des objets religieux qui pourraient quand même représenter une valeur ajoutée en termes de faveur divine pour leur projet de conquête, si jamais ils pouvaient se les procurer, ces objets.

Alors c’est encore une fois assez comique, ce qui va se passer (rappelez-vous que l’auteur du livre des Juges, il a vraiment de l’humour). Les éclaireurs vont signaler comme ça, comme en passant, qu’il y a ces objets chez Mika, et ils disent aux hommes du bataillon :

« Voyez maintenant ce que vous avez à faire ! » (v. 14)

Aujourd’hui, on dirait : « Oh ben nous, on dit ça, on dit rien ! » Et donc ensuite, l’auteur nous fait comprendre que ces hommes armés jusqu’aux dents, eh bien ils sont déterminés à se procurer ces objets.

Il faut bien se rendre compte que nous, les lecteurs, on a très bien compris que ces objets c’étaient des idoles, en fait. On l’a vu la dernière fois : la loi de Moïse interdit absolument de fabriquer ce genre de chose et d’en posséder chez soi, et encore plus de leur vouer un culte ! Et donc quand le texte insiste sur « l’éphod, les téraphim, la statue et l’image en métal fondu » (v. 14, 17, 18 et 20) qui sont convoités par ces « six cents hommes munis de leurs armes de guerre » (une expression qui est répétée aussi aux v. 11, 16 et 17), eh bien on est censé y voir quelque chose de vraiment ridicule, et de pas bien ! Un bataillon entier qui se mobilise pour récupérer quelques vulgaires objets !

Et l’auteur en rajoute une couche en se moquant du prêtre lévite qui avait été embauché par Mika, et ensuite en se moquant de Mika lui-même. D’abord du prêtre lévite, qui au début essaie de protester par rapport à ces gens qui sont venus piquer ses outils de travail (v. 18), mais dès qu’on lui propose un meilleur poste, son cœur est rempli de joie (v. 20).

Et ensuite l’auteur se moque de Mika, qui court après les voleurs, avec ses voisins, et surtout qui s’exclame :

« Mes dieux que j’avais faits, vous les avez enlevés avec le sacrificateurs et vous êtes partis : que me restera-t-il ? » (v. 24)

C’est incroyablement ironique, ce que dit Mika. « Mes dieux que j’avais faits », c’est une confession involontaire qu’en fait, ce ne sont pas des dieux ! Et en ajoutant : « Que me restera-t-il ? », c’est aussi une confession involontaire que Mika avait fondé son bonheur et sa sécurité sur ces idoles.

C’est pathétique et ridicule. Mais ce qui est drôle encore, c’est à la fin de cet échange (v. 26), où l’auteur nous dit que Mika, ils voit que les autres sont plus forts que lui, alors il fait demi-tour et il rentre chez lui. Point. La queue entre les jambes, on pourrait dire. Mika est passé d’une sorte de panique et d’hystérie, à tout simplement : « Bon, OK. »

L’impression qu’on est censé avoir, en lisant tout ça, c’est que les gens sont très changeants, très instables dans cette histoire, et que ces quelques objets exercent une fascination et un pouvoir bizarre sur ces gens. Ça me fait penser au film La course au jouet avec Arnold Schwarzenegger (1996), où c’est la veille de Noël, et tout le monde veut acheter le même jouet qui est ultra populaire, pour l’offrir à leur enfant, mais tous les magasins sont en rupture de stock. Et donc il y a une sorte de frénésie qui s’installe chez les gens qui sont absolument déterminés à se procurer ce jouet pour Noël.

Et dans notre texte, il se passe un peu la même chose. Tout le monde est obnubilé par ces idoles, et tout le monde se révèle comme étant fragile et influençable dans cette histoire. Vous avez remarqué ce motif ? Tout le monde est facilement détourné : le bataillon de chasseurs alpins fait un « détour » (v. 15) quand ils apprennent qu’il y a des idoles chez Mika, le Lévite accepte d’être débauché par un meilleur employeur qui lui promet plus importance (v. 20), et Mika renonce rapidement à ses idoles quand il voit que les autres sont plus forts que lui (v. 26). Ce que ce texte nous illustre, c’est combien il est facile pour notre cœur d’être captivé, combien il est vulnérable et influençable.

Ça me fait aussi penser au film d’animation Là-Haut (2009). À un moment-donné, les héros rencontrent un chien qui s’appelle Doug et qui porte un collier spécial, conçu par son maître, qui lui permet de parler. Ce chien est super sympa, mais il est hyper facilement déconcentré par les écureuils – et même par la possibilité qu’il puisse y avoir un écureuil pas loin. Doug, il pourrait être en train de vous parler, comme ça, et puis tout à coup – « Écureuil ! »

C’est assez drôle. Mais les gens sont comme ça dans notre texte – « Téraphim ! » Ils ont l’air bête à se laisser si facilement contrôler par de simples objets que Mika avait « faits » (comme il est dit dans le texte, v. 24 et 27). Mais nous aussi, on est comme ça, en fait ! On vit notre vie normalement, au travail, à la maison, à l’Église si on est croyant, mais on va être facilement distrait par des choses qui vont exercer un pouvoir sur notre cœur. Des choses qu’on aimerait avoir. Des choses dont on commence à se dire que si on les avait, on se sentirait sûrement mieux, on se sentirait satisfait, on serait peut-être même heureux.

Un meilleur travail. Un meilleur salaire. Une plus grande maison. Une meilleure Église. Une liaison amoureuse. Avoir un enfant. Écrire un livre.

Certaines de ces choses ne sont pas forcément mauvaises en soi. Et tenez-vous bien, l’insatisfaction de notre cœur (qu’il y a derrière ces désirs) n’est pas non plus anormale. C’est parce qu’on est des êtres incomplets ici-bas. On est des êtres brisés, déchus, dépendants – il y a un vide à l’intérieur, il y a un trou existentiel qui demande à être comblé. Mais le truc, c’est que ce trou ne peut être comblé que par le vrai Dieu – et il ne sera jamais comblé par « mes dieux que j’avais faits » (comme dit Mika).

On a tellement besoin d’être lucide là-dessus. Combien de personnes ont eu le job de leurs rêves, sont devenus des millionnaires, ont eu la liaison amoureuse dont ils rêvaient, ont réalisé toutes leurs ambitions, sont devenus ultra connus et populaires – et pourtant, ils ont continué de se sentir vides, insatisfaits, et parfois même désespérés.

C’est ce qui nous amène au dernier point.

3/ Nous sommes tordus ! (v. 27-31)

La troisième et dernière chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est combien on peut tomber vraiment bas dans notre insatisfaction et dans notre recherche de la sécurité et du bonheur ailleurs qu’en Dieu – alors que Dieu est là et qu’il a tout fait pour nous, et qu’il nous présente tout ce qu’il nous faut par sa grâce ! Bref, on est vraiment tordu à l’intérieur ! Mais ce qu’on va voir, c’est que même si on est tordu, Dieu ne va quand même pas nous abandonner, et ça c’est merveilleux.

Revenons une dernière fois au texte (v. 27-31). On a la conclusion, ici, de cet épisode. Et c’est assez… lapidaire, disons. Les Danites ont capturé les objets de Mika et son prêtre personnel, et ils arrivent à conquérir sans difficulté ce territoire où ils voulaient s’installer. Ils changent le nom de la ville qui s’appelait Laïch, et ils l’appellent dorénavant Dan. Et c’est devenu une ville très connue dans l’histoire d’Israël, puisque c’est la grande ville la plus au nord du pays (dans l’Ancien Testament, vous trouvez parfois cette expression : « de Dan à Beer-Shéba », qui désigne les extrémités nord et sud du pays).

Cette conquête n’est pas une surprise puisqu’au début de notre texte, on savait que tout se présentait bien pour les Danites, parce que Dieu, l’Éternel, était pour que les Danites obtiennent un héritage en terre promise. Le prêtre lévite avait dit :

« L’Éternel vous accompagne dans le voyage que vous allez entreprendre. » (v. 6)

Et les éclaireurs avaient dit :

« Le pays est vaste, et Dieu l’a livré entre vos mains. » (v. 10)

Mais ce qui se passe dans la conclusion de notre passage est tout-à-fait choquant, puisque l’auteur nous dit qu’après la victoire que l’Éternel a donnée à son peuple, eh bien ce peuple va dresser « la statue » (v. 30), c’est-à-dire la statue qu’ils ont piquée à Mika. Les Danites dressent cette statue pour commémorer leur victoire, en supposant que les idoles de Mika les ont aidés à gagner, alors qu’en fait, c’est l’Éternel. Vous comprenez ? Ça doit nous rappeler ce que les Israélites avaient fait après leur libération de l’esclavage en Égypte : c’est l’Éternel qui les a délivrés, mais ils se sont construit une statue, un veau en or, en disant :

« Les voici tes dieux qui t’ont fait monter du pays d’Égypte ! » (Ex 32.4)

Et là, tenez-vous bien, ultime plot twist dans notre histoire (rebondissement). On découvre à la toute fin l’identité de ce fameux prêtre lévite qui avait été embauché par Mika, puis débauché par les Danites. Ce gars qui était complètement complice de l’idolâtrie des Israélites dans notre histoire. Ce gars qui va maintenant servir de prêtre pour les Danites, lui et sa descendance, auprès de cette statue qui a été dressée dans la ville de Dan (v. 30). Alors c’est qui, ce gars ? « Jonathan, fils de Guerchom, fils de Manassé ». En fait, vous avez peut-être une petite note de bas de page qui vous explique que « Manassé », c’est une écriture possible du nom « Moïse » - qui avait en effet un fils appelé Guerchom.

En fait, l’auteur du texte a retenu cette information intentionnellement et nous la donne seulement à la fin, pour justement enfoncer le clou. C’est pour nous choquer. Ah oui, la situation est vraiment catastrophique en Israël : non seulement on a cette statue dressée dans la grande ville de Dan, non seulement la conquête historique de ce territoire par les Danites a été entachée d’idolâtrie, non seulement ces gens-là vont honorer un faux dieu pour une victoire que l’Éternel leur a donnée, mais en plus, un descendant direct de Moïse est complice de tout ça, et avec ses enfants à lui, ils vont fonder un ordre de sacrificateurs idolâtres !

Vous comprenez comme c’est choquant ? C’est comme si je vous rendais un énorme service – disons que je vais vous consacrer beaucoup de temps, d’argent et d’énergie pour vraiment vous aider à réaliser quelque chose de difficile que vous ne pourriez pas faire tout seul. Je me dépense comme un fou pour vous, parce que je vous aime beaucoup. Et une fois que j’ai terminé, vous tenez vraiment à exprimer votre gratitude publiquement, pour que tout le monde sache à quel point vous êtes reconnaissant. Alors vous faites une publication sur Facebook et Instagram… pour remercier Denis ! Alors que lui, il n’a rien fait, il avait aqua-poney !

Ce serait vraiment blessant pour moi ! Ce serait vraiment tordu. Mais justement, on est tordu. Les Israélites sont tordus dans notre passage. Tous les êtres humains sont tordus. On peut tomber vraiment bas dans notre insatisfaction et dans notre recherche de la sécurité et du bonheur ailleurs qu’en Dieu. On a ce vide insatiable à l’intérieur, et ça peut vraiment nous obnubiler et nous aveugler. C’est comme quand on a faim, et qu’on sait très bien qu’il y a un repas qui va arriver, mais qu’on ne peut pas s’empêcher de remettre la main quinze fois dans le bol de chips pendant l’apéro. C’est irrésistible !

On est comme ça, malheureusement. On est tenté de l’intérieur, par notre propre cœur insatisfait. Même en tant que croyants. Même en tant que peuple de Dieu. Même si Dieu nous a gâté, comme il m’a gâté. Je suis tellement heureux d’être un enfant de Dieu, tellement heureux d’être un chrétien et de faire partie de notre Église. Tellement heureux de me lever le dimanche matin pour adorer Dieu avec vous, et tellement privilégié de pouvoir étudier la Bible avec vous.

Mais je me lève quand même le dimanche matin avec des mauvais désirs. Il y a une statue dressée dans mon cœur devant laquelle je suis tenté de m’incliner. Il y a un trou que j’aimerais combler, et je m’imagine – même le dimanche ! – que peut-être que si seulement j’avais ce truc-là, je serais heureux ! Mais c’est une illusion.

Mais regardez les toutes dernières remarques que fait l’auteur dans notre passage. Il précise que cette situation catastrophique pour les Danites ne va pas durer éternellement. L’auteur fait référence à une « déportation du pays » (v. 30) et à un jour où « la maison de Dieu » ne sera plus à Silo (v. 31). En fait, l’auteur (qui est en train d’écrire forcément après ces événements) est en train de nous faire remarquer que Dieu va encore intervenir dans l’histoire de son peuple. Il ne va pas les abandonner, mais il va continuer de réaliser son projet.

Alors certes, ce projet va consister à corriger ce qui ne va pas : il va y avoir une déportation, et ça fait sûrement référence à une invasion de Philistins qui va arriver dans la région, et par laquelle Dieu va exercer une forme de discipline paternelle envers son peuple, pour justement les ramener à lui et les faire renoncer à l’idolâtrie. Mais il y a aussi une référence ici au jour où « la maison de Dieu » ne sera plus à Silo, et ça, ça fait référence à l’époque du roi David, quand le sanctuaire (le Tabernacle) sera transféré de Silo à Jérusalem.

Bref, l’auteur nous dit tout simplement que Dieu n’a pas abandonné son peuple et qu’il va continuer de réaliser son projet. Malgré l’incroyable infidélité du peuple. L’auteur nous projette vers l’avenir, où la « statue » ne sera plus dressée à Dan, et où la « maison de Dieu » sera mieux établie, dans la capitale d’Israël, sous le règne d’un bon roi. Ces choses vont arriver parce que Dieu est fidèle à ses promesses – et qu’il les tiendra toutes par sa grâce.

Et ça, c’est vraiment la dernière chose que j’aimerais qu’on retienne. Oui, on est tordu. Profondément tordu ! Le prophète Jérémie dit :

« Le cœur est tortueux par-dessus tout et il est incurable : qui peut le connaître ? » (Jr 17.9)

Mais Dieu fait grâce. L’Éternel, le seul vrai Dieu, le Dieu unique et vivant, le créateur de l’univers, celui justement qui nous a créés et qui sonde les cœurs, lui, il fait grâce. Nos idoles sont impitoyables, mais le vrai Dieu fait grâce.

Et en nous pointant vers l’avenir et vers le projet de Dieu pour son peuple, l’auteur nous pointe aussi vers la culmination de ce projet, qui se trouve en la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, plus de mille ans après ces événements. Malgré toutes les infidélités de son peuple, malgré ce cœur profondément idolâtre qu’on a tous, eh bien Dieu va quand même s’approcher des hommes par Jésus-Christ, justement pour réaliser notre pardon et notre délivrance.

En Jésus, l’Éternel lui-même choisit d’être châtié, d’être « déporté » à notre place, pour ainsi dire, sous l’effet du jugement de nos péchés, pour que nous, on puisse recevoir le pardon sans être châtiés pour nos péchés. Il nous suffit de nous reposer sur lui ou en lui. En Jésus, Dieu fait tout à notre place pour qu’on soit pardonné pour nos mauvais actes, nos mauvaises paroles, nos mauvaises pensées, nos mauvais sentiments et nos mauvais désirs.

Nous, on est tordu, et on n’arrive pas à s’en sortir ! Mais Dieu fait grâce, par Jésus-Christ. Nous, on est constamment insatisfait, et on se tourne à droite, à gauche, en pensant qu’on va peut-être enfin trouver le truc qui va nous combler, alors que Dieu nous a déjà gâtés en Jésus-Christ ! Mais Dieu fait grâce. Nous, on continue de vivre, de penser et de désirer des choses comme si Dieu ne nous suffisait pas – quelle insulte à Dieu, en fait ! Mais il fait grâce !

Notre cœur idolâtre nous capture par ses mensonges ; mais le vrai Dieu, par Jésus-Christ, nous captive par son amour. Et j’espère de tout cœur que vous le connaissez. Il est tellement bon, il est tellement miséricordieux, il est tellement fidèle. Il nous suffit.

Tout ça pour dire quoi ? Je vous disais au début que c’était tellement dur, en fait, de vraiment trouver le contentement en Dieu. On peut être des croyants depuis super longtemps, et toujours trouver ça vraiment dur. C’est mon cas ! Ce texte nous a montré combien il est facile d’être à la fois au bénéfice de la grâce de Dieu, et de se laisser en même temps séduire par des idoles. Parce qu’on a tellement du mal à croire que Dieu nous suffit.

Alors qu’est-ce qu’on doit faire ? Eh bien on doit faire attention. On doit être lucide et vigilant. On doit reconnaître et confesser qu’on a un cœur insatiable. On doit impérativement être d’accord avec le verdict de Dieu concernant notre cœur qui se porte naturellement vers l’idolâtrie. Oui, quand je désire quelque chose très, très fort, et que j’ai l’impression que j’ai besoin de ça pour être heureux, et si ce truc ce n’est pas le vrai Dieu, eh bien c’est de l’idolâtrie. Même si ce truc que je désire n’est pas en soi quelque chose de mauvais. C’est la manière dont je le désire qui le transforme en idole.

Alors est-ce que je suis d’accord, au moins théoriquement, avec ça ? Si oui, alors déjà, ça va aider. Ça va aider à reconnaître la nature de nos désirs, à les identifier et à les tempérer en quelque sorte. Pourquoi est-ce que je désire tellement avoir cette augmentation au travail, ou réussir cet examen, ou acheter cette maison ? Peut-être que je soupire après ces choses parce qu’une partie de moi pense que ces choses vont me combler, mais en réalité, en soupirant de cette manière après ces choses, en réalité, c’est après Dieu que je soupire ! Est-ce que je peux déjà poser un regard lucide sur ce qui se passe en moi ?

Et ensuite, si je suis d’accord qu’il n’y a que Dieu qui peut me combler. Si je suis d’accord, au moins en théorie, sur le fait que Dieu devrait me suffire, eh bien voici ce que je peux faire pour grandir dans ce domaine (et j’ai beaucoup de progrès à faire moi-même).

D’abord, prier. Déposer devant Dieu mes désirs, mes aspirations profondes, mon insatisfaction. Lui dire en toute transparence, en toute simplicité : « Seigneur, tu vois comme j’aimerais avoir ce travail. Tu vois comme j’aimerais me marier. Tu vois comme j’aimerais avoir un enfant. Tu vois comme j’aimerais être populaire. Tu vois comme j’aimerais être riche. Tu vois comme j’aimerais être musclé, ou être plus jeune, ou être parfaitement en bonne santé. Tu vois comme j’aimerais avoir une relation amoureuse avec cette personne. Tu vois comme j’aimerais pécher, même ! »

Et déjà, déposer tout ça devant Dieu, ça permet de désarmer un peu les idoles. Elles deviennent un peu plus petites à côté du vrai Dieu.

Mais ensuite, ce qu’on peut faire, c’est tout simplement nous rappeler ce que Dieu a fait pour nous. Combien son amour pour nous est immense. Combien il a dépensé pour nous racheter, en s’offrant lui-même sur la croix pour nous délivrer de nos péchés. Combien l’héritage qu’il nous offre en Jésus-Christ, par le moyen de la foi, est infiniment précieux. Si on se repose en lui – tout simplement – un jour, on va être comblé, on va être satisfait à tout jamais, parce qu’on vivra dans la communion ultime à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et les uns aux autres. Et ce sera grandiose.

C’est ce que je disais au début, et c’est toute la leçon de ce passage finalement. On doit se rappeler intentionnellement et perpétuellement qui est Dieu et ce qu’il nous offre par sa grâce, pour éviter de nous faire arnaquer par nos propres désirs.

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