Sauvé par les œuvres !

Par Jonah Haddadle 6 août 2017

Pour beaucoup de gens, le Christianisme est trop facile, trop simple. Il suffit de confesser Christ et voilà, toute une vie de péché est effacée sans conséquences. Aux yeux du monde, la soi-disant foi en Christ sert de camouflage pour les péchés de l’église. Si Dieu a tout fait pour notre salut, il suffit de dire : « Je crois en Jésus », pour qu’on puisse continuer de vivre comme on veut, sans égard pour Dieu. Beaucoup de gens pensent que les chrétiens s’appuient sur la grâce de Dieu afin de pouvoir vivre sans conséquences comme des non-croyants.

Malheureusement, ceux qui voient le Christianisme comme ça n’ont pas toujours tort. Une mauvaise compréhension de la doctrine de la grâce risque en effet de produire des gens qui parlent de la foi sans vivre par la foi. Par cette méprise sur la grâce, on se retrouve à dissimuler bien facilement notre perdition sous une couverture de foi morte. On se sert de la foi pour déguiser notre mondanité de la même manière qu’on se sert de vêtements et de maquillage pour couvrir nos caractéristiques inesthétiques.

Comme le théologien allemand, Dietrich Bonhoeffer l’a dit, la foi des chrétiens ressemble souvent au pardon sans repentance, au baptême sans communauté, et à la Sainte-Cène sans confession des péchés. C’est la grâce sans être disciple ; c’est la grâce sans la croix ; c’est la grâce sans le Christ vivant.

Et en fait, la suite de l’épitre de Jacques soulève ce problème-là, celui de la foi sans foi ; celui de la foi extérieure qui cache l’incrédulité intérieure.

Je ne sais pas si cette lecture vous a mis mal à l’aise. Moi, oui. En tant que protestant attaché aux doctrines de la Réforme, comme la belle doctrine de la justification par la foi, ce texte ne sonne pas très bien à mes oreilles. En lisant le reste du Nouveau Testament, nous savons que nous sommes justifiés par la grâce de Dieu par le moyen de la foi. Et donc, quand Jacques nous suggère au verset 14 que la foi sans les œuvres ne sauve pas, je me demande d’où vient ce babillage étrange. Et ce n’est pas le verset 14 seulement. Aux versets 21, 22, 24, et encore 25, Jacques nous dit que les œuvres sont nécessaires pour le salut (pour la justification). Mais si on creuse un peu plus profondément le texte, je pense qu’on comprendra mieux ce que Jacques veut nous faire comprendre par ces mots. Jacques est provocateur et il nous donne des choses à méditer.

La foi définie

Pour mieux comprendre le discours de Jacques, je vous propose de commencer par une définition de la foi selon Jacques. En fait, la foi est difficile à définir en général, parce qu’on ne la voit pas, et parce qu’on ne peut pas la mesurer. Dans un passage célèbre, Hébreux chapitre 11 verset 1 définit la foi comme étant l’assurance des choses qu’on espère, et la démonstration de celles qu’on ne voit pas. C’est une définition très utile. Mais Jacques chapitre 2 va plus loin encore, en parlant de comment la foi se démontre d’une manière plus visible dans la vie des croyants.

Notre définition de la foi dépend largement de notre définition des œuvres. Ensemble, les mots « foi » et « œuvres » sont employés une bonne vingtaine de fois dans ces quelques versets.

En grec, le mot ἔργον, qui se traduit par « œuvre » en français, est souvent utilisé pour signifier une activité, une action, une œuvre, ou un projet. Mais il y a aussi un sens d’obéissance et de vocation qui accompagne ce mot. Et c’est ce sens de vocation qui qualifie et qui définit le mot « foi » (πίστις) dans ce contexte. S’il n’y a pas d’activité ou de vocation qui accompagne la foi, alors il n’y a pas de foi, selon Jacques.

La foi est définie par Jacques plutôt comme une vocation qui dépend de la confiance en Dieu, qui accomplit quelque chose, et qui aboutit à un but déterminé. Et donc, quand Jacques dit, « à quoi bon dire qu’on a la foi, si l’on n’a pas les œuvres ? » c’est comme s’il disait : « à quoi bon dire qu’on a la foi, si l’on n’a pas la vraie foi ? »

Selon Jacques, il ne suffit pas de dire « je crois. » La foi n’est pas simplement des mots. La foi est une confiance en Dieu qui agit. Imaginez qu’un ami de l’église a besoin d’un logement temporaire. Imaginez qu’un frère traverse des épreuves financières. Imaginez quelque chose de plus simple encore. Imaginez qu’un ami de l’église a besoin d’aide pour déménager. Ou qu’un jeune couple a besoin de quelqu’un pour garder leurs enfants pour qu’ils puissent profiter d’une soirée tout seuls. On peut imaginez toutes sortes de situations qui pourraient arriver (et qui arrivent déjà) dans cette église. On pourrait facilement dire à nos frères et sœurs, « Je suis désolé pour votre situation difficile ; je vais prier pour que le Seigneur vous bénisse ; bon courage ; allez en paix. »

Alors, je veux être clair qu’un mot d’encouragement, et les prières, sont des bonnes choses. Mais une vraie confiance en Dieu est marquée par une vraie sincérité qui agit si possible. Quand on dit « allez en paix, » nos mots peuvent se traduire facilement comme cela : « Je vais vous encourager en parole et je vais prier pour vous afin de vous donner l’impression que je suis un bon frère en Christ, même si je me désintéresse totalement de votre souffrance ou de vos difficultés ». Quand on dit « allez en paix » nos mots peuvent se traduire facilement comme ceci : « je n’ai ni le temps ni le désir de faire les efforts nécessaires pour me rendre à votre service. » La foi sans une vie marquée par une confiance dans le Seigneur qui agit, une foi comme ça est morte. Et donc, pour résumer, selon Jacques, la foi est une vocation.

La foi qui agit

La foi, quand elle est vidée de la vocation d’être un fidèle serviteur de Christ, une foi comme ça est morte. La foi authentique en Christ exige des actions qui rendent honneur à Christ. Elle s’exprime par des actions. Jacques illustre cette idée par deux exemples tirés du récit biblique : D’un côté, on a Abraham, le patriarche du peuple de Dieu et père de tous ceux qui croient ; mais de l’autre côté, on a Rahab, une prostituée issue d’un peuple païen. Parmi tous les personnages bibliques, Jacques a choisi de parler de deux personnes complètement opposées dans leur caractère et dans leur statut social : un patriarche et une prostituée. Mais malgré leurs différences, ce sont deux personnes qui ont démontré leur confiance en Dieu par leur obéissance. Dans le cas d’Abraham, il a quitté son pays sur la base de la promesse de Dieu (Gn 12.1-3). Dans le cas de Rahab, elle a montré sa foi en Dieu en cachant les espions que Josué avait envoyés parmi les Cananéens. Josué chapitre 2 raconte comment Rahab, par la foi, a aidé les Israélites dans leur conquête du pays. Ce texte montre que la foi agit. Jacques nous rappelle que la grâce sans être disciple, ce n’est pas une possibilité. Une déclaration verbale de la foi ne sert à rien si le cœur n’est pas bien disposé.

L’habit ne fait pas le moine ! Une activité qui me plait, c’est de pêcher des poissons. Donc, j’utilise la pêche pour cet exemple-ci. Imaginez que quelqu’un prétende être un grand pêcheur sérieux. Mais ce gars n’a pas de canne à pêche. Il n’a pas de boite d’accessoires. Il n’a pas d’appâts. Il n’a pas d’hameçons, de leurres, de flotteurs, de fils, de tresses, de plombs… rien. Il n’a jamais pratiqué la pêche. De plus, il n’a aucune intention d’aller faire de la pêche. Il ne connait pas les différentes espèces de poissons dans les ruisseaux locaux. Mais il prétend être un grand pêcheur parce qu’il vient d’obtenir une carte pour pêcher. Avec son permis dans les mains, il pense être pêcheur.

De la même manière, Jacques craint que l’église fasse pareil. Il voit les gens qui se disent chrétiens parce qu’ils croient en Jésus, mais qui n’ont aucune intention d’abandonner leur vie de péché afin de suivre Jésus. Il voit les gens qui se disent chrétiens, mais qui n’utilisent pas leurs dons dans le service de l’église. Il voit les gens qui se disent chrétiens mais qui ne s’intéressent ni à la prière ni à l’étude de la parole. Jacques pense ici à ceux qui connaissent la Bible, qui ont mémorisé des versets, et qui ont une croyance en Jésus. Et alors ? Les démons font pareil. Les démons croient en Jésus. Ils savent que Jésus est Seigneur. Mais les démons ont un bon point, si j’ose dire : eux, ils répondent à Jésus. Au moins, la parole provoque une réponse chez les démons. Selon Jacques, ils croient… et ils tremblent devant Dieu. C’est mieux que ce que font beaucoup de chrétiens qui croient et qui ensuite ignorent complètement leur Seigneur !

La foi qui sauve

Je voudrais prendre un moment pour creuser un peu plus cette idée de la justification par les œuvres. Je vous rappelle que la Bible a été écrite sous l’inspiration du Saint Esprit. Les apôtres ont enseigné un seul évangile. Et donc, quand l’apôtre Jacques parle de la justification par les œuvres, il ne contredit pas l’enseignement de Paul ou de Jean. En revanche, il offre de la clarification, de la perspective, et du recul afin d’approfondir nos réflexions sur la doctrine de la foi. L’apôtre Paul estime que nous sommes justifiés par la foi. Jacques ajoute ensuite que l’absence d’œuvres révèle l’absence de justification. Et donc, je pense que Jacques emploie le mot « justification » d’une manière adaptée. Au lieu de parler de la justification qui sauve, Jacques parle de la justification comme preuve de notre salut.

Autrement dit, le fait de prétendre être disciple de Jésus ne nous sauve pas. En revanche, être un disciple de Jésus nous sauve. Le fait de prétendre être appelé par Dieu ne nous sauve pas. Par contre, être appelé par Dieu nous sauve. Comme je l’ai dit, la foi est liée à la vocation, dans ce passage de Jacques 2. Et cette vocation consiste à se confier en Dieu, étant convaincu qu’il va faire tout ce qu’il promet de faire, et ensuite, à vivre une vie qui soit cohérente avec cette confiance en Dieu.

La foi et les œuvres constituent un don par la grâce de Dieu. Sans la grâce, il n’y a pas de foi. Sans la foi, il n’y a pas d’œuvres. C’est dans ce contexte que Jacques comprend la justification par les œuvres. Le salut est à nous par la grâce de Dieu, mais la vie chrétienne se vit dans une relation réciproque avec Dieu où nous répondons chaque jour à l’invitation qu’il nous fait de le connaitre.

Il faut imaginez la grâce de Dieu comme un cadeau. Mais elle est plus que ça. La grâce est le cadeau. Mais la grâce est aussi la capacité des hommes d’étendre le bras et de saisir le cadeau. La grâce nous permet de déballer le cadeau et de l’utiliser selon le dessein pour lequel il a été conçu. Si nous ne voyons pas le salut par la grâce de Dieu dans ce texte, alors, nous nous trompons tout simplement sur l’intention de Jacques chapitre 2.

Application

Alors, que faire aujourd’hui avec ce texte ? Jacques 2.14-26 nous présente une exhortation et un défi. L’exhortation de Jacques prend presque la forme d’un reproche. En tant que pasteur de l’église à Jérusalem, Jacques avertit son assemblée contre la foi morte. Il les supplie en disant, « comment osez-vous venir à l’église le dimanche, affirmer être chrétien, prendre la Sainte Cène, parler comme quelqu’un de spirituel et de pieux, tout en vivant la semaine sans penser à Dieu, sans prier, sans annoncer Christ, sans obéir à ses commandements, sans aimer votre prochain, et sans vous repentir. » Comment osez-vous parler de votre foi, quand votre foi est morte. Comment osez-vous mentir à Dieu et à son église en emballant votre incrédulité dans le joli papier glacé de votre foi prétendue ? Jacques nous exhorte à identifier nos tendances hypocrites et à les corriger immédiatement.

Jacques, comme tout bon pasteur, veut nous rendre mal à l’aise par rapport à notre péché et à notre laisser-aller spirituel. Il ne veut pas nous manipuler par la peur, ou nous contraindre sous la menace de l’enfer. En revanche, je pense qu’il veut que son église vérifie et contrôle leurs présupposés sur le fonctionnement de la foi chrétienne. Jacques sait que l’enfer sera rempli de gens qui confessent le Dieu trinitaire, qui croient à la divinité de Jésus, et qui reconnaissent les bonnes doctrines, mais qui sont perdus parce qu’ils refusent de se repentir et de marcher dans la foi en Jésus le Christ. Et donc, ça c’est l’exhortation.

Mais le défi que Jacques nous présente, c’est de réfléchir à comment notre foi se manifeste dans notre quotidien. Le défi est de nous poser la question de savoir si notre vie est centrée sur Christ. Le défi est de demander à Dieu la grâce de vivre dans la cohérence avec la foi en Christ que nous confessons, et de servir notre Seigneur en servant nos frères. Si on veut souhaiter à notre frère bon courage, il faut qu’on soit prêt à l’aider dans son besoin. Si on veut professer foi en Christ, il faut qu’on soit prêt à donner notre vie pour cela. La foi n’est pas une parole prononcée, mais une vocation à vivre.

Copyright ©2024 Église Lyon Gerland.