Le pouvoir des mots

Par Jonah Haddadle 17 septembre 2017

Un simple mot ou une courte expression peuvent avoir une très grande portée. Considérez quelques expressions : « Je t’aime » ou « Entre nous, c’est fini » ; « Je te demande pardon » ou « Tu me dégoûtes » ; « Tu es trop belle » ; « Tu es trop moche. » Ces simples mots transmettent beaucoup de signification. Les mots ont le pouvoir d’encourager. Mais ils ont aussi un pouvoir nuisible et destructeur. Moi, je peux survivre plusieurs mois avec un bon compliment sincère. Ça me nourrit. Mais parfois, j’ai besoin d’entendre des vérités difficiles. Ça m’aide. En fait, c’est curieux les mots.

Les mots ont un grand pouvoir en bien et en mal. J’ai lu récemment que depuis quelques années, il y a plusieurs ados qui se sont suicidés après avoir été harcelés sans cesse par d’autres ados sur les réseaux sociaux. Dans quelques cas leurs bourreaux ont été traduits en justice à cause de leur harcèlement. Les mots ont un pouvoir énorme. De plus, on connait des histoires d’hommes politiques qui ont perdu leur poste ou qui ont gâché leur campagne électorale à cause d’une expression mal placée. Un bon discours peut motiver vers le bien, et un mauvais discours peut provoquer la guerre.

Dieu a créé l’univers par un acte de parole, et il nous a donné sa révélation sous la forme de paroles. C’est par les mots qu’on confesse la foi en Christ, et qu’on annonce la bonne nouvelle. Mais si on ne fait pas attention, nos mots peuvent nous condamner. Pour cette raison, l’apôtre Jacques veut nous faire réfléchir aux paroles qui sortent de notre bouche.

Je voudrais vous rappeler que dans Jacques chapitre 2, nous avons abordé la question de savoir comment la foi s’exprime à travers les œuvres. J’avais suggéré qu’une manière de comprendre l’enseignement de Jacques était de voir la foi comme une vocation. Ce n’est pas juste quelque chose qu’on dit, mais c’est quelque chose qu’on vit. La foi est une vocation à vivre. Nos œuvres sont une expression de ce qu’on croit. Et de la même manière, nos paroles sont une manifestation verbale de ce qui existe dans notre cœur.

Et donc, d’une certaine manière, le chapitre 3 de Jacques est avant tout un discours sur la foi. En nous demandant de contrôler nos paroles, Jacques nous invite à examiner notre foi prétendue. Le message de Jacques dans ces versets est ceci : seul un cœur renouvelé peut produire des paroles qui plaisent à Dieu, à savoir, des paroles bonnes et des paroles vraies.

Nos mots servent le bien ou le mal

La première chose que je veux souligner dans ce texte, c’est que nos paroles sont un outil qui pourrait servir le bien ou le mal. Les paroles concernées dans ce texte ne sont pas nécessairement des gros mots (bien qu’ils puissent être inclus), mais plutôt des mensonges, des calomnies, et des remarques imprudentes qui blessent les gens, et pire, qui les éloignent de Dieu. Le contexte suggère que les paroles destructrices dont Jacques parle sortent de la bouche de gens qui d’une part n’ont pas une foi authentique, et d’autre part qui éloignent les autres de la foi (même si c’est involontaire).

C’est avec la langue qu’on rend témoignage à la vérité, comme Jésus l’a fait (Jean 18.37). Mais c’est avec la même langue qu’on ment comme Satan, le père du mensonge (Jean 8.44). C’est avec la langue qu’on bénit les autres, comme Jésus nous a demandé de le faire quand il a dit : « bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent » (Luc 6.28). Mais notre langue peut aussi maudire, en prononçant la damnation sur les créatures que Dieu a déclarées bonnes. Comme ce qu’on observe souvent dans la littérature de la sagesse dans la Bible, Jacques dresse un contraste noir et blanc pour illustrer comment l’homme se comporte. Il s’appuie sur une tradition qu’il a héritée des proverbes juifs et de l’enseignement de Jésus son maître. Jacques emprunte l’image du Proverbe 16.27 qui nous dit que la parole d’un vaurien détruit comme un feu ardent, ou du Proverbe 17.7 qui nous dit que la bouche de l’insensé cause sa ruine. Il nous fait remarquer qu’il y a deux côtés de la médaille. La langue est à la fois une force pour le bien, et un feu embrasé par les fourneaux de la géhenne, qui veut dire l’enfer tout simplement (l’endroit où on jette toute impureté, saleté, péché, et vulgarité pour qu’ils soient détruits).

J’apprécie l’image du feu donnée par Jacques dans les versets 5 et 6. Après avoir vécu plusieurs années dans l’Ouest américain, j’ai vu la force destructrice des incendies de forêts. Dans un climat sec, le feu voyage vite. Je me souviens d’avoir reçu des alertes d’évacuation dans la nuit, à cause d’un tout petit feu à plusieurs kilomètres de chez nous. Je me souviens des centaines d’hectares de terrain brûlé à cause d’une clope jetée par terre. Comme un feu, nos mots ont un pouvoir énorme et destructeur.

Notre langue est comme un outil qui peut être utilisé pour le bien ou le mal. Notre langue est comme un couteau. Un couteau pourrait être utilisé pour faire des belles gravures, ou pour préparer des bons repas. Un couteau peut couper les liens qui attachent quelqu’un afin de le libérer. Mais un couteau pourrait servir d’arme meurtrière s’il tombait entre de mauvaises mains.

Alors, le contraste que Jacques fait entre les deux utilisations possibles de la langue est un concept assez facile à observer et à comprendre. Mais la deuxième chose que je veux souligner, c’est l’explication qu’il donne concernant l’origine des paroles bénites et des paroles maudites. Et ce deuxième point est lié au caractère de ceux qui parlent.

Nos mots sont une fenêtre ouverte sur notre caractère

N’oubliez pas que pour Jacques la foi doit instruire nos paroles. La foi, la confiance en Jésus, est définie par Jacques comme une vocation à vivre, et cette foi-là détermine comment on parle. Nos mots sont une fenêtre ouverte sur notre caractère. Bien que la manière dont nous nous exprimons corresponde à notre éducation et à notre personnalité, au fond nous nous exprimons selon notre caractère. Nos paroles révèlent beaucoup de choses sur qui nous sommes. Il est possible qu’ici Jacques se rappelle l’enseignement de Jésus (son frère) comme transmis par Luc chapitre 6 verset 45, où Jésus dit : « L’homme bon tire le bien du bon trésor de son cœur, et le mauvais tire le mal de son mauvais trésor, car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. » Il est également possible que Jacques fait référence à la tradition juive et aux proverbes qui suggèrent que la bonne disposition du cœur ne fait pas sortir de la bouche un double discours (la louange et la malédiction, l’honneur et l’abus, la paix et le conflit, et la vérité et le mensonge). La pureté sort d’un cœur pur.

C’est ce que Jacques veut dire par les images du gouvernail d’un navire et du mors dans la bouche d’un cheval. La direction du navire dépend du gouvernail, et la manipulation du gouvernail dépend de la volonté du pilote. Indépendamment de la discipline d’un cœur repentant, humble, et transformé par la foi en Jésus, la langue risque de produire des désastres. Mais il n’y a pas de permis de parler comme il y a un permis de conduire. C’est à chaque individu d’examiner et de contrôler ses paroles. C’est pourquoi nos mots sont si dangereux.

Quand quelqu’un veut conduire une voiture, il y a une procédure à suivre. Il faut s’inscrire à un cours de conduite. Il faut connaître le code de la route. Il faut un certain nombre d’heures, accompagné d’un instructeur. Il faut un permis de conduire.  Et tout ça parce qu’une voiture est une machine puissante et potentiellement dangereuse. Il faut montrer qu’on est capable de l’opérer. Mais par contre, tout le monde a un libre accès à la parole, ce qui est encore plus dangereux. Nos mots sont une fenêtre ouverte sur notre caractère. La liberté de l’expression est une bonne chose, mais elle est aussi un risque.

Et bien que les chrétiens ne soient pas toujours parfaits en paroles ou en actes, Jacques nous rappelle dans le contexte de ces versets que nous sommes accompagnés par Jésus Christ, l’objet de notre foi. Nous faisons de la conduite accompagnée (accompagnés par l’Esprit Saint de Dieu et par la révélation de Dieu dans la Bible). Si notre cœur, notre esprit, et notre volonté ne sont pas sous l’autorité de Christ, nos paroles ne mèneront pas à la vérité, ni à la vie. C’est un cœur renouvelé qui produit des paroles qui plaisent à Dieu. C’est un cœur renouvelé qui engendre des paroles bonnes et des paroles vraies.

Nos mots seront jugés

Et tout ça pour dire que nous sommes responsables de tous ce qui sort de notre bouche. Alors, maintenant je procède à l’envers pour finir par le début de ce texte, parce que c’est ici que nous voyons les enjeux. Jacques avertit les chrétiens, et plus particulièrement ceux qui enseignent. Le mot « didaskalos » au verset 1, en grec, désigne les enseignants, les docteurs de la théologie biblique à qui la tâche d’enseigner a été confiée. La responsabilité de la transmission de la doctrine chrétienne incombe à ces enseignants, ces pasteurs, qui à leur tour, sont plus susceptibles d’être examinés publiquement, et plus susceptibles d’être jugés. Jacques mentionne ici les pasteurs, parce que le moyen par lequel les pasteurs font leur travail, c’est la langue.

Le verset 1 concerne les pasteurs (principalement), mais pas que. Tous ceux qui osent conduire les autres dans la foi doivent dire la vérité, et vivre la vérité. À un moment ou à un autre, nous aurons tous l’occasion et la responsabilité d’expliquer ce que nous croyons, de répondre aux questions sur la foi, et d’aider un frère à comprendre un texte. Ça devrait être avec crainte et trépidation que moi (ou Alex, ou Denis) j’ouvre la bouche pour prêcher. Ça devrait être avec crainte et trépidation que Gilles ou Kahlou conduisent le culte, ou que Lycia, Amy, ou Suzanne enseignent dans le club biblique, ou que les parents enseignent leurs enfants, ou que n’importe quel membre de l’église ose répondre à un autre en expliquant la volonté de Dieu. Que Dieu nous garde du jour où un de vos anciens ne prêcherait plus le Christ Jésus crucifié. Que Dieu nous garde des faux évangiles qui prolifèrent abondamment dans ce monde.

Comme à l’époque de Jacques, il y a aujourd’hui plein de faux prédicateurs et de faux évangiles dans ce monde. Ces évangiles cachent beaucoup de mensonges sous un mince glaçage de vérité. L’évangile de la prospérité est une des religions les plus pratiquées dans le monde aujourd’hui. C’est un mensonge qui dit que Dieu veut que vous soyez riche, que vous soyez toujours en bonne santé, que vous ayez une vie tranquille et sans difficulté. Ça enseigne que l’optimisme est la clef du succès. Donnez plus pour que Dieu vous rende riche. Mais selon Jacques, ceux qui enseignent cela, vont au-devant d’un jugement sévère, parce que la vraie priorité de Dieu est sa gloire et notre foi.

Et il y a d’autres prédicateurs aujourd’hui qui prêchent un évangile des œuvres, ou le légalisme. L’idée c’est que vous pouvez surmonter vos problèmes et vos péchés par vos actes de volonté et de courage en suivant des lois imposées selon les caprices de la culture religieuse. Ne danse pas, ne boit pas, ne fume pas, ne regarde pas des films, ne porte pas des vêtements à la mode, ne rigole pas. Ces prédicateurs prêchent la loi avant la foi. Mais ça, ce n’est pas l’évangile de Jésus Christ.

Et il y a ensuite les prédicateurs d’un évangile social qui est de plus en plus répandu dans les églises protestantes libérales. Leurs homélies ressemblent à quelque chose comme ça : « Si Jésus est Dieu, ou s’il est ressuscité d’entre les morts, ça on ne sait pas trop. Mais on sait que le vrai miracle de la Bible c’est le miracle de l’amour. La vie de Jésus devrait nous inspirer à aimer notre prochain. Le salut que Jésus inspire n’est que la justice temporelle pour notre société. » Et donc, selon l’évangile social, l’amour de Jésus devrait nous inspirer à aimer la planète et tous ceux qui vivent dedans. Jésus nous inspire à utiliser des produits bio, à acheter des voitures électriques, à mettre la photo d’un drapeau arc-en-ciel sur tous nos comptes de réseaux sociaux, à défendre la vérité commune de toutes les religions, à pratiquer la tolérance de tout et n’importe quoi, et à manifester dans les rues pour aucune raison. J’exagère un petit peu, mais c’est globalement ça. Et où est Jésus, sa croix, et sa résurrection glorieuse ? Nulle part. La croix est remplacée par la politique.

Tous ces évangiles (tous ces faux évangiles) ont un point commun : ils sont tous centrés sur l’homme. Tous ces prédicateurs pourraient être gentils, doux, et persuasifs, mais s’ils ne prêchent pas Christ crucifié et ressuscité, et s’ils ne prêchent pas la repentance et la foi, s’ils ne prêchent que ce que le monde veut entendre, leur jugement sera sévère. Les paroles qui plaisent à Dieu viennent d’un cœur renouvelé par la foi en Jésus Christ, et rendent témoignage à Jésus.

Vous avez surement entendu l’aphorisme insipide qui dit : « à grand pouvoir grande responsabilité. » Je vous donne une nouvelle version : « à grande responsabilité grande possibilité de jugement. » Voilà.

Application

Si on lit Jacques chapitre 3 dans son contexte et dans le contexte de tout le témoignage de l’Ecriture, on comprendra mieux les enjeux. C’est par le pouvoir créateur de sa parole que Dieu a créé l’univers. C’est par les mots, les paroles, que Dieu a transmis sa révélation aux prophètes et aux apôtres. C’était dans les langues courantes que la bonne nouvelle a été transmise aux nations. Jésus, himself, a été décrit en Jean chapitre 1 comme parole de Dieu faite chair. La parole, qui est Jésus, transmet la pensée de Dieu, le raisonnement de Dieu. Jésus a transmis le cœur de Dieu par l’expression verbale. La syntaxe et la grammaire qui communiquent les vérités propositionnelles de l’évangile ont été utilisées par Jésus lors de son ministère. En Jésus, nous voyons l’union de la parole et des actes.

Nos paroles sont tellement importantes pour Dieu que nous devons nous demander perpétuellement si ces paroles rendent témoignage à notre foi en Jésus, la parole faite chair. Seul un cœur renouvelé va produire des paroles bonnes et des paroles vraies qui pointent vers Jésus, le Seigneur et Sauveur de la vie.

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