Deux amours

Par Jonah Haddadle 12 novembre 2017

Je voudrais commencer ce soir par une question―le genre de question rhétorique souvent utilisée par des pasteurs pour vous montrer notre perspicacité spirituelle : Avez-vous déjà eu des sentiments de jalousie ? Bien sûr, la réponse honnête c’est oui ! Peut-être qu’une tierce personne s’est mise entre toi et un ami proche. Peut-être que votre amoureux a pris quelqu’un d’autre comme objet de son affection. Peut-être que votre ami a été invité par un ami mutuel, mais pas vous. Pour les filles, peut-être à l’école, ce sont vos copines qui reçoivent toute l’attention des garçons. Ou pour les garçons, peut-être que la fille qui attire votre attention ne fait pas du tout attention à vous. J’imagine que chacun de nous avons déjà vécu un moment gênant ou on était en quelque sorte la troisième roue, ignorée et oubliée par les autres.

Nous avons tous déjà eu des sentiments de jalousie, de rivalité, et de convoitise. Et en fait, la jalousie se manifeste le plus dans les relations amoureuses. C’est pourquoi presque toutes les sociétés dans l’histoire du monde ont désapprouvé l’adultère, et dans une moindre mesure, la polygamie aussi. Des ménages à trois et les « triangles amoureux », comme on dit, ne fonctionnent pour personne en fin de compte.

Jacques chapitre 4 versets 1-12 parle de l’idée de la jalousie et de l’amour dans le cadre de la vie chrétienne. L’apôtre Jacques parle de notre jalousie les uns vis-à-vis des autres, il parle des dangers de l’amour pour les priorités du monde, et il parle de la jalousie de Dieu quand nous sommes pris en flagrant délit d’adultère avec le monde par notre amour pour le monde. Jacques constate l’incohérence entre notre amour pour le monde et notre profession de foi en Dieu. Mais ce que Jacques souligne c’est que Dieu nous présente sa grâce pour que nous puissions vivre en étant fidèlement attachés à lui.

Bien que ce texte ne soit pas un texte narratif, il se lit comme une histoire d’amour, de trahison, et de pardon.

Les versets 1-3 parlent de la jalousie, des querelles, des passions, et des luttes provoquées par un amour impur pour le monde et pour ses priorités.

Les versets 4-6 poursuivent en parlant de la jalousie de Dieu, quand notre amour pour le monde nous éloigne de Dieu et fait de nous ses ennemis.

Les versets 7-10 racontent comment l’humilité et la repentance nous ramènent à Dieu.

Les versets 11-12 terminent l’histoire en nous avertissant de ne pas retourner vers le mal en rejetant la faute et le jugement sur les autres quand nous sommes tout autant coupables.

Avec ce plan en tête, je vous propose qu’on aborde deux points. Dans un premier temps nous allons voir comment l’infidélité de l’église blesse et provoque la colère du Seigneur. Et dans un deuxième temps nous allons voir comment Dieu nous donne sa grâce afin de restaurer un mariage heureux (c’est-à-dire, une bonne relation entre Dieu et l’église).

Une église infidèle

Peut-être que vous avez remarqué ce phénomène en Occident, dans les pays comme la France : ce n’est pas la persécution qui fait souffrir les églises, mais ce sont les plaisirs du monde qui nous font souffrir le plus. Et qu’est-ce que je veux dire par là ? En fait, cette mondanité nous fait souffrir (notre vie spirituelle) parce que c’est le monde et ses plaisirs qui nous distraient et nous détournent de notre Seigneur et de la joie de son salut. Jacques présuppose une distinction entre les bienfaits de Dieu qui servent à nous édifier, et les passions charnelles qui nous éloignent de Dieu. Autrement dit, quand les plaisirs de la vie nous font tourner vers Dieu dans la reconnaissance, c’est une bonne chose. Quand les plaisirs de la vie deviennent notre Dieu, c’est l’idolâtrie. Dans les versets 1-3 de ce texte, nous lisons que même les prières de l’église étaient ignorées et rejetées par Dieu parce qu’elles étaient motivées par l’ambition égoïste et par des passions licencieuses (impures). La première partie de ce texte nous fait constater les dangers de l’amour pour le monde.

Le petit catéchisme de Westminster nous pose la question : quel est le but principal de la vie de l’homme ? Et nous les chrétiens qui sommes fidèles aux principes de la réforme et de la théologie biblique, nous savons que la réponse est de glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éternel. Mais nous sommes souvent tentés de vivre comme si le but principal de la vie de l’homme c’est de dévorer une série sur Netflix en enchaînant un maximum d’épisodes les uns après les autres, de passer un moment sympa avec nos potes, de faire une beuverie le samedi soir, de coucher avec le maximum de personnes, de gagner le plus d’argent possible en faisant le moins de travail possible, de nous obséder avec qui remportera la Ligue des champions, et de scruter toutes les actions de notre prochain afin d’avoir toujours l’avantage sur lui. Si la plupart d’entre nous, les êtres humains, nous étions honnêtes, nous confesserions sans hésitation les vraies priorités qui nous occupent.

C’est intéressant que Jacques utilise l’image d’une bataille qui guerroie dans nos membres, qui guerroie dans l’église, et qui guerroie contre Dieu. Il fait allusion même au meurtre au verset 2, ce qui nous suggère que toute manière de pécher est possible quand on est contrôlé par la jalousie et la convoitise. Et ça ne s’arrête pas là. Pire encore, l’amour pour le monde qui suscite en nous la jalousie, cet amour adultère nous éloigne de Dieu. Ça nous met dans une situation gênante ou on professe l’amour pour Dieu, tout en poursuivant une relation avec le monde.

Considérez l’absurdité de cette contradiction. Imaginez un homme qui passe deux heures chaque samedi soir en professant son amour inaltérable pour sa femme. Il chante son amour pour elle. Il lui lit des poésies romantiques. Il lui donne des petits cadeaux. Il partage avec elle un dîner aux chandelles. Et ensuite, il passe toute la semaine avec d’autres femmes. En fait, ça c’est exactement ce que Jacques craint que l’église fait dans sa relation avec Dieu.

Et donc, le problème central de ce texte est révélé au verset 4, par une affreuse dénonciation concernant l’église. Adultère ! nous dit Jacques. Dieu est un mari jaloux qui va se venger contre le monde, la chair, et le diable (qui ensemble cherchent à nous séduire jusqu’à la mort). C’est pourquoi la citation des Ecritures au verset 5 nous dit que Dieu nous aime jusqu’à la jalousie. Cette citation de l’AT n’est pas un verset particulier de la Bible, mais je pense que Jacques cite quand même un principe de l’AT : l’idée selon laquelle Dieu aime son peuple et il ne lui permet pas d’avoir d’autres dieux. Il n’y a pas de place pour l’infidélité.

Il y a tellement d’exemples de comment l’infidélité détruit les individus, les familles, et les sociétés, que je pourrais citer une centaine d’exemples tirés de l’actualité, du cinéma, et de l’histoire. Mais la Bible est déjà pleine d’histoires où ce genre de triangles amoureux, et les infidélités, provoquent la jalousie, la rétribution, et la RUINE de tous. Le livre de la Genèse raconte comment Abraham, le patriarche du peuple d’Israël et de l’église, a pris une maitresse avec l’accord de sa femme, ce qui a provoqué ensuite la jalousie de sa femme. Cette histoire se termine par la naissance de deux héritiers nés à deux femmes différentes, ce qui a entraîné à son tour l’animosité entre la nation d’Israël et la nation d’Ismaël, une animosité qui se poursuit encore de nos jours au Moyen Orient. Aussi dans la Genèse, Jacob a pris deux femmes, Rachel qui était aimée, et Léa qui était négligée. Léa, avec son cœur brisé, était jalouse de l’attention que Jacob portait envers Rachel. Et Rachel, qui n’avait pas d’enfant, était jalouse de Léa, qui a eu plusieurs fils de son mari. Et de la même manière, plus tard dans la Bible, on voit comment la jalousie et la convoitise ont conduit le roi David au meurtre et à l’adultère.

L’image de l’infidélité est souvent utilisée dans l’AT quand le peuple de Dieu se détourne vers l’amour pour le monde et pour ses idoles. En Ezéchiel 6, Dieu dit à son peuple qu’il est brisé par leur cœur prostitué. Et le chapitre 16 donne une longue liste des infidélités d’Israël. Le prophète Osée nous dit la même chose quand il raconte comment le pays s’est vautré dans la prostitution en abandonnant l’Eternel. Même le NT nous dit en Ephésiens 5 que Jésus est un mari qui aime l’église, son épouse. Nous pouvons comprendre pourquoi Deutéronome 4 nous dit que Dieu est un feu dévorant et un Dieu jaloux.

L’église ne doit pas penser que l’infidélité avec le monde n’est qu’une petite entorse dans la vie chrétienne pour nous faire plaisir. Dieu prend au sérieux sa relation avec nous.

Un mariage heureux

Mais Dieu donne sa grâce afin de restaurer un mariage heureux entre lui et son peuple. Jacques est conscient de cette tendance adultère (c’est-à-dire, cette tendance vers l’amour pour le monde) dans l’église du premier siècle. C’est pourquoi il leur présente une issue en disant que la grâce de Dieu se manifeste envers ceux qui s’humilient devant Dieu, et envers ceux qui vivent une vie de repentance. Les versets 6-12 de Jacques 4 m’ont fait penser aux béatitudes de Jésus en Matthieu 5. Dans les béatitudes, Jésus dit : Heureux ceux qui sont humbles, ceux qui pleurent sur leurs péchés, ceux qui ont un cœur pur, ceux qui cherchent la paix, etc. Mais ici, Jacques transforme ces bénédictions en impératifs. Humiliez-vous. Pleurez sur vos péchés. Purifiez vos cœurs. J’ai compté 11 impératifs dans ces quelques versets.

Tous ces commandements sont réalisables quand on est conscient que l’amour de Dieu envers nous nous incite à l’aimer à notre tour. Comme nous dit l’apôtre Jean : Cet amour consiste non pas en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et qu’il a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. (C’est-à-dire, Jésus, par son amour, a pris sur lui la punition que nous méritions).

Quand quelqu’un sait qu’il est aimé, sa réponse naturelle et d’aimer et de respecter la personne qui lui donne son amour. On sera heureux de se soumettre à Dieu dans l’humilité, quand on sait qu’il nous aime. Comme dans un mariage, quand le mari est fidèle, doux, tendre, agréable, patient, et attentif, sa femme sera plus disposée à le respecter et à l’aimer.

Les impératifs de Jacques servent comme réponse à l’amour de Dieu. Mais ces impératifs nous invitent aussi à une repentance radicale. Ils nous invitent à être dégoûtés par notre péché et à être conscients à quel point notre péché est moche et destructeur. Si on était vraiment prêt à démasquer nos péchés, à les regarder en face, on serait obligé de pleurer dans l’angoisse sur les horreurs qu’on a faites―nous la race humaine.

Le célèbre livre d’Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, raconte l’histoire d’un jeune homme qui formule le souhait qu’une peinture qui le représente vieillisse à sa place, pour que lui, puisse garder sa beauté de jeune homme. Il vend son âme pour être immunisé contre les effets de ses péchés, et pour que les conséquences de ses péchés soient transférées sur le tableau. Et donc, petit à petit, avec chaque péché de Dorian, son portrait devient de plus en plus moche et vieux. Toute sa cruauté, sa jalousie, et sa passion pour le plaisir et la débauche transforment le visage sur le tableau en monstre. Dorian dissimule son péché avec tous ses effets en les projetant sur cette peinture, jusqu’au jour où c’est le monstre du tableau qui le tue.

Est-ce que nous cachons aussi les horreurs de nos péchés atroces et odieux ? Est-ce que nous professons la foi en Dieu, une foi toute belle et agréable, en cachant en même temps notre hideuse attirance pour le monde, la chair, et le diable ? Jacques nous rappelle que nous ne pouvons pas aimer le monde et le Christ. Notre vrai visage sera démasqué un jour. C’est pourquoi Dieu nous présente sa grâce pour que nous puissions vivre en étant fidèlement attachés à lui par la foi en Jésus-Christ le Fils. Il nous donne sa grâce pour que nous puissions pleurer sur la condition humaine et sur toutes ses conséquences, dont nous sommes à la fois les auteurs et les victimes.

Application

Pour terminer, je voudrais vous donner quelques conseils à retenir de ce texte. D’abord, un amour partagé entre Dieu et le monde va détruire notre vie spirituelle (et surtout notre vie de prière). Quand on est obsédé par le monde et par ses pratiques mauvaises, notre relation avec Dieu dans la prière va souffrir. Imaginez si un ami venait à vous pour vous demander de l’argent qu’il compte dépenser ensuite sur un mode de vie destructeur. Vous seriez moins enclin de l’aider si vous êtes au courant de ses pratiques. Ou imaginez que vous négligez et ignorez un ami proche pendant des années. Qu’est-ce qui vous fait penser que vous allez garder une proximité émotionnelle et une amitié durable avec lui ? Mais Jacques nous avertit contre le même genre de comportement envers Dieu au verset 3. Pour recevoir de la part de Dieu ; et pour maintenir une bonne vie de prière avec lui, il faut résistez au monde et s’attacher à Dieu.

Ensuite, un amour partagé entre Dieu et le monde va faire de nous des ennemis de Dieu, des objets de sa colère, des destinataires de son jugement. Quand nous avons professé la foi en Dieu, nous avons aussi professé notre fidélité. Si, par exemple, vous avez fait une profession de foi à l’église, ou si vous prenez la Sainte Cène, vous avez fait allégeance à Jésus votre Sauveur. Jacques nous avertit de ne pas changer de camp. Par la foi nous devenons amis de Dieu. Ce n’est pas logique de créer ensuite une hostilité entre nous et le Créateur et Juge de l’univers.

Enfin, un amour partagé entre Dieu et le monde va faire de nous des mauvais juges et des hypocrites. Jacques nous avertit à la fin de ce texte, contre la tendance de tordre le sens de la loi de Dieu en notre faveur afin d’accommoder notre propre péché, et ensuite de juger les autres quand qu’ils enfreignent cette loi. Mais Jacques nous rappelle que Dieu seul est juge, de même que Dieu seul est sauveur.

Un amour partagé entre Dieu et le monde est néfaste à l’église. Je voudrais nous encourager donc, à rester fidèles à celui qui nous aime d’un amour parfait et éternel, de rester fidèles à celui qui a donné son Fils pour nous sauver, et à ne pas oublier que Dieu nous présente sa grâce pour que nous puissions vivre en étant fidèlement attachés à lui.

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