Les derniers seront les premiers

Par Alexandre Sarranle 5 juillet 2015

Je voudrais vous poser une question. Comment évaluez-vous votre potentiel en tant que chrétien ? Si vous n’êtes pas chrétien, je vous pose la question différemment : comment évaluez-vous votre potentiel… en tant qu’être humain, tout simplement ? Quels sont vos meilleurs atouts, dans la vie ? Ou en tant que chrétien, quels sont vos meilleurs atouts… dans votre relation avec Dieu et dans son service ?

Peut-être que vous êtes doté d’une grande intelligence, et que vous avez beaucoup de connaissances. C’est un formidable atout, non ? Ou bien peut-être que vous êtes riche et en bonne santé. Ou peut-être que vous avez accumulé beaucoup d’expérience dans la vie, et que vous êtes aujourd’hui quelqu’un d’aguerri, à la peau dure ! Ou peut-être que vous êtes quelqu’un de très discipliné et de consciencieux. Peut-être encore que votre meilleur atout, c’est votre physique. Ou peut-être que vous êtes comme moi et que vous avez toutes ces choses réunies ! À l’inverse, il est possible que vous ne pensiez pas avoir beaucoup de potentiel. Vous ne voyez pas du tout quels sont vos atouts. Et vous vous sentez petit à côté de ces gens qui ont une vie bien garnie, bien organisée et toute étincelante.

Alors dites-moi si je me trompe, mais il me semble qu’en tant qu’êtres humains, nous avons tendance à suspendre notre valeur, voire même notre dignité, à nos capacités, comme une veste à un porte-manteau. La société nous encourage dans ce sens : « Toi, vu tout ton potentiel, tu vas vraiment faire quelque chose de ta vie ». Et en tant que chrétien, on a aussi tendance, par conséquent, à suspendre la qualité de notre christianisme, pour ne pas dire carrément notre relation à Dieu, à nos capacités. « Toi, tu vas vraiment impacter le monde pour Dieu… vu tout ton potentiel ! »

Alors en fait, cette tendance que nous avons présente de sérieux problèmes. D’abord, pour ceux qui n’ont pas beaucoup de capacités (ou plus beaucoup de capacités), ils n’ont finalement qu’une seule chose à faire : déprimer, en méditant sur leur inutilité et sur le fait qu’ils ne valent rien. Ensuite, pour ceux qui ont beaucoup de capacités, quant à eux, cette tendance va inciter leur cœur à s’éloigner de Dieu et des autres. S’éloigner de Dieu parce qu’en suspendant notre vie à ce que nous sommes capables de faire, on va négliger ce que Dieu a fait pour nous (et plus on aura de capacités, moins on sera sensible à ce que Dieu a fait) ; et s’éloigner des autres, parce que cette tendance va nous pousser vers une sorte de discrimination élitiste, où les gens qui ne sont pas aussi doués ou méritants que nous, seront laissés sur la touche, dédaignés, et mis au ban de la société et, si on est chrétien, de l’Église. Mais comme le dirait l’apôtre Jacques : « Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi » (Jc 3.10) !

Comment remédier à cette tendance, alors ? Eh bien en écoutant attentivement la prédication aujourd’hui ! Parce que dans le texte qu’on va lire, justement, l’auteur va attirer notre attention précisément sur ce problème. Et il y a une chose que ce texte veut nous faire comprendre ; c’est que Dieu ne récompense pas nos performances.

1. Un contraste étonnant (19.13-24)

La première chose qu’on découvre dans le texte, c’est que nos meilleures capacités ne nous rapprochent pas de Dieu. L’auteur dresse un contraste étonnant, ici, entre les petits enfants qui sont les bienvenus dans le royaume des cieux (c’est-à-dire auprès de Dieu, dans son paradis) et un jeune homme fringuant, qui a tout pour lui, mais pour qui il est, par contre, très difficile d’entrer dans le royaume des cieux. Quel contraste !

D’un côté, des petits enfants, dont Jésus dit que « le royaume des cieux est pour leurs pareils » (v. 14), et de l’autre, immédiatement après, un jeune homme sincère (semble-t-il), fidèle à la loi de Moïse, plein de ressources, bref un gars qui a du potentiel ! Mais d’après Jésus, il lui est plus difficile, à lui, d’entrer dans le royaume des cieux qu’à un chameau « de passer par un trou d’aiguille » (v. 24) ! Les petits enfants finissent par être reçus par le fils de Dieu, qui leur impose les mains et qui prie pour eux ; le jeune homme riche finit par faire demi-tour, tout triste (v. 22).

Qu’est-ce qu’il cherche à faire, l’auteur ? Il cherche à nous montrer que nos ressources propres, les choses qu’on perçoit comme des atouts dans la vie, ne sont pas forcément aussi utiles qu’elles en ont l’air. L’auteur veut nous surprendre, nous rendre un peu perplexes, en fait (comme le seront les disciples juste après, v. 25), et il veut nous faire douter de la valeur de nos capacités propres.

Quand on y pense, douter de la valeur de ses capacités propres, c’est non seulement contre-intuitif (c’est-à-dire contraire à ce qui nous viendrait naturellement), mais c’est aussi contraire à la culture. De nos jours, on dit tout l’inverse aux gens : « Il faut que tu croies en toi, tu es quelqu’un de génial, tu as tout ce formidable potentiel en toi ! » Alors bon, c’est une chose d’avoir une bonne estime de soi, et c’est vrai que Dieu a fait de nous des créatures merveilleuses (Ps 139.14). En même temps, le texte nous fait comprendre ici que nos meilleures capacités ne nous rapprochent pas de Dieu. Et on est censé être déconcerté par ce constat.

C’est un peu comme quand j’ai voulu acheter les billets d’avion pour notre voyage aux États-Unis. Mardi dernier, j’ai appelé la compagnie aérienne, et je leur ai dit, en gros : « Voilà, j’ai mille euros, je veux monter dans un avion pour me rendre aux États-Unis ». Mais imaginez que la personne à l’autre bout du fil, me réponde : « Bon, ben c’est bien que vous ayez mille euros, je suis content pour vous. Par contre ça ne va pas du tout vous permettre de vous rendre aux États-Unis. – Ah bon, pourquoi ? C’est pas assez ? – C’est pas que c’est pas assez, c’est plutôt que chez nous, on a un fonctionnement assez différent de la plupart des compagnies aériennes ; ce n’est pas sur la base de ce qu’ils sont capables de payer que nos clients montent dans nos avions. » Comment ça ! Moi qui ai économisé cet argent depuis des mois, maintenant cet argent ne me sert à rien ? Voilà, je suis déconcerté. Et bien sûr, la question qui est aussitôt soulevée, c’est : « Mais alors, qu’est-ce que je dois faire pour voyager avec vous ? ». Et c’est exactement comme ça que vont réagir les disciples dans notre texte (v. 25).

Mais avant d’y venir, réfléchissons un instant à ce que nous dit le texte, ici. Le vrai Dieu a « un fonctionnement assez différent » de la plupart des autres dieux (qui sont des faux dieux). On ne monte pas dans l’avion de Dieu, ou plutôt, on n’entre pas dans son royaume, sur la base de ce qu’on est capable de payer, ou sur la base de nos meilleurs atouts ou de nos meilleures performances ou de notre maturité spirituelle ou de n’importe quelle autre ressource propre. Nos meilleures capacités ne nous rapprochent pas de Dieu.

Malheureusement, notre façon naturelle de penser, encouragée par le monde qui nous entoure, prend souvent le dessus. Combien de fois me suis-je dit, en tant que pasteur : « Ce serait trop bien d’avoir un joueur de foot professionnel dans l’église, un Brésilien payé 200 000 euros par mois ; lui, il aurait une place de choix dans le royaume de Dieu ! Avec des moyens pareils, on pourrait vraiment faire des choses pour le Seigneur ! ». Par contre les gens pauvres, malades, fragiles, nécessiteux, personne n’en veut dans l’église. Ce sont des gens à problèmes, des boulets qui nous ralentissent dans l’œuvre de Dieu, ce sont en quelque sorte les chrétiens qu’on renvoie constamment à pôle-emploi parce qu’aucune église ne veut les embaucher. Pareil pour les enfants. Qu’est-ce qu’ils nous fatiguent, les enfants. On les supporte pendant un temps, mais on a hâte qu’ils deviennent des adultes et donc des chrétiens « à part entière ».

Vraiment ? Ça vous paraît cohérent avec ce que dit Jésus dans le texte ? Jésus, lui, accueille les enfants et les humbles dans son royaume à bras grands ouverts, et il accueille aussi les riches, mais à condition qu’ils ne placent aucun espoir dans leurs richesses.

Et donc on en vient à cette question, qui est celle des disciples. Puisque nos meilleures capacités ne nous rapprochent pas de Dieu, alors « qui peut donc être sauvé ? » (v. 25). Et c’est la réponse à cette question qui peut ensuite (et même qui doit) remédier à la tendance que nous avons d’accorder trop d’importance à nos capacités, au point de leur suspendre notre valeur en tant qu’êtres humains, ou la qualité de notre christianisme en tant que croyants, voire même notre relation à Dieu.

2. Une consécration radicale (19.25-30)

En effet, la deuxième chose qu’on voit dans le texte, c’est que l’œuvre de Dieu pour notre salut nous enseigne à tout relativiser par rapport à Jésus. Alors la question des disciples est simple, et la réponse de Jésus est simple aussi. Il est impossible aux hommes de faire ce qu’il faut pour entrer dans le royaume de Dieu, mais Dieu évidemment, à qui tout est possible, lui il peut faire ce qu’il faut.

Mais non seulement le texte, ici, souligne la souveraineté de Dieu dans le salut d’une personne (c’est-à-dire que notre entrée dans le royaume des cieux dépend entièrement de Dieu, de sa décision et de son œuvre), mais en plus, le texte pointe vers le moyen que Dieu a voulu utiliser pour sauver des gens, et ce moyen, c’est… Jésus ! Déjà dans son échange avec le jeune homme riche, Jésus lui dit : « Si tu veux être parfait, arrête de t’appuyer sur tes propres atouts, et viens et suis-moi » (v. 21). Et de même les disciples affirment avoir tout quitté et « suivi » Jésus (v. 27), et Jésus à son tour parle des gens qui sont sauvés comme ayant tout quitté « à cause de son nom » (v. 29). Donc c’est Dieu qui sauve, par Jésus. Et le texte insiste ensuite sur le fait que toutes les richesses de ce monde, tous les atouts des hommes, toutes nos capacités propres pâlissent par comparaison avec Jésus, son œuvre, et ce qui en résulte.

Le texte est en train de nous dire, ici, d’une part, qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, autrement dit : on ne peut pas être attaché à soi-même ou à son propre monde, et être attaché à Jésus en même temps. Mais d’autre part, si on est attaché à Jésus, on ne devrait même pas avoir de regrets par rapport à tout le reste auquel on va renoncer, puisqu’il n’y a pas photo ! Certes, c’est dur de se dire que tous vos meilleurs atouts, toutes vos richesses et vos capacités, ne pèsent rien par rapport à Jésus et son œuvre, mais ce dépouillement qui fait de vous le dernier aux yeux des hommes (ou à vos yeux), fait de vous, en réalité (objectivement), le premier, puisque Christ est votre richesse, et la vie éternelle votre héritage !

Imaginez que vous soyez une jeune personne célibataire, vous habitez encore chez vos parents, et vous rencontrez une autre personne célibataire, qui est la personne de vos rêves, le conjoint idéal que vous aviez toujours espéré rencontrer. Maintenant, est-ce que vous pensez pouvoir épouser cette personne sans que cela change la nature de votre relation avec vos parents ? Est-ce que vous allez trouver difficile de renoncer à vivre au domicile de vos parents, qui ne vous font pas payer de loyer ? Est-ce que vous pensez que, puisque vous aimez beaucoup vos parents, vous allez vous marier à moitié, ou vous marier à reculons, avec cette autre personne ? Je ne pense pas. Je pense que vous allez accomplir de bon cœur la parole de la Bible : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair ».

Eh bien de façon similaire, le texte nous incite à voir Jésus, ici, comme le « conjoint idéal », si j’ose dire, en tout cas la richesse qui surpasse infiniment toute autre richesse, l’Époux rêvé de l’Église, qui ne nous fait pas hésiter une seule seconde à « quitter, à cause de son nom, maisons, frères, sœurs, père, mère, femme, enfants ou terre », et à nous attacher à lui ; non pas que ces autres choses soient mauvaises en elles-mêmes ou qu’on doive les rejeter, comme si on devait couper les ponts avec notre famille ou devenir des SDF pour Dieu, mais ce que ça veut dire, c’est que ces autres choses sont insignifiantes si on les compare à Jésus et à ce qu’il a fait pour nous.

C’est ce que je disais il y a un instant : l’œuvre de Dieu pour notre salut nous enseigne à tout relativiser par rapport à Jésus. Et pour vraiment comprendre la valeur de l’œuvre de Dieu et la « préciosité » infinie de Jésus, il faut comprendre une chose : c’est que si Jésus nous invite à le suivre, ce n’est pas parce que nous sommes séduisants à ses yeux. Si Dieu veut nous sauver, ce n’est pas parce que nous le valons bien. Au contraire, nous l’avons vu au premier point : nos meilleures capacités ne nous rapprochent pas de Dieu. Nos meilleurs atouts ne nous rendent pas plus agréables aux yeux de Dieu. Nous sommes en réalité des gens par nature assez détestables aux yeux de Dieu, parce que nous sommes ingrats, égocentriques et arrogants, nous préférerions être dieu à la place de Dieu, et ça, c’est ce que la Bible appelle le péché.

Mais Dieu a quand même voulu de nous, à cause de son amour, qui n’est pas fondé sur qui nous sommes ou sur ce dont nous sommes capables, mais qui est fondé sur qui il est et sur ce dont il est capable. Et par cet amour souverain, unilatéral, Dieu a envoyé Jésus son Fils, réaliser à ses propres frais notre délivrance, nous ouvrir la porte de son royaume au prix de son propre sang qui a coulé sur la croix. Ce qui était impossible aux hommes, Dieu l’a fait par Jésus.

Tous nos meilleurs atouts, nos meilleures performances, nos plus grandes capacités et nos plus grandes richesses, nos plus grands exploits et nos plus grands mérites, tout cela ne change rien à cette réalité que soulignent les disciples, et Jésus : les hommes ne peuvent pas se rendre agréables à Dieu. Mais Dieu peut nous rendre agréables à Dieu ! Il l’a fait par Jésus. Et donc tous tes atouts, toutes tes richesses propres, tu peux les relativiser par rapport à Jésus.

Comme l’a dit Jim Elliot, missionnaire bien connu du 20e siècle qui est mort en martyr à 28 ans en Équateur :

« Il n’est pas fou celui qui abandonne ce qu’il ne peut pas garder pour gagner ce qu’il ne peut pas perdre. »

Ou comme l’a dit Jonathan Edwards (grand prédicateur du 18e siècle) :

« Tout ce que tu peux apporter comme contribution à ton salut, c’est le péché qui l’a rendu nécessaire. »

Maintenant, et surtout si tu es quelqu’un de très doué dans la vie, quelqu’un qui a beaucoup de capacités, tu dois éduquer ton cœur (par la méditation de l’Évangile et avec l’aide du Saint-Esprit) à chérir Christ plus que tout le reste, tu dois considérer ces choses comme des ordures « à cause de l’excellence de la connaissance du Christ-Jésus » (Ph 3.8), tu dois ressembler à un enfant, et devenir le dernier pour que Christ devienne ta richesse et ta gloire, et ainsi tu seras, en réalité, le premier. Et ça, ça va changer ta vision de la vie, et en particulier ta vision de ton service en tant que chrétien, comme on le voit dans la dernière partie du texte.

3. Une comparaison inappropriée (20.1-16)

Je vais être un peu plus bref, ici, mais la troisième et dernière chose qu’on voit dans le texte, c’est qu’il n’y a pas d’enthousiasme pour les croyants qui exercent leur piété en s’appuyant encore sur leurs propres mérites. La dernière partie de ce texte, c’est cette parabole assez longue, mais finalement assez simple. Jésus explique que tous les gens qui appartiennent à son royaume reçoivent une même récompense, quels que soient leurs mérites.

Ça paraît injuste, mais en réalité c’est parfaitement juste puisque cette récompense ne dépend de toute façon que de la grâce de Dieu (qui est le seul à pouvoir sauver des gens, rappelez-vous ; et dans la parabole, le maître de la vigne n’est pas obligé d’embaucher des ouvriers). Cette récompense, en réalité, n’est à aucun moment basée sur les mérites des croyants, mais elle est entièrement basée sur les mérites de Jésus-Christ. Jésus a acquis le salut des croyants, qu’ils soient riches ou pauvres, intelligents ou bêtes, jeunes ou vieux, disciplinés ou trébuchants, expérimentés ou novices, Juifs ou non-juifs, qu’ils aient connu le Seigneur depuis leur naissance ou qu’ils l’aient rencontré sur leur lit de mort.

Mais la moralité de la parabole arrive à la fin, où l’on découvre l’ingratitude des ouvriers de la première heure. Et ce que le texte souligne, me semble-t-il, c’est cette piété malheureuse, ce christianisme ingrat, cette attitude vexée dont ces serviteurs font preuve parce qu’ils n’ont pas l’impression d’être reconnus à leur juste valeur. (Ils font une comparaison inappropriée). Leur problème, c’est qu’ils s’appuient encore sur leurs mérites, justement, plutôt que de reconnaître que le maître est « bon » (v. 15). C’est-à-dire plutôt que de faire leur joie de la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ.

Et donc si je peux me permettre de schématiser, on peut dire qu’objectivement, tous les croyants ont la même récompense (le même salut) calculée selon les mérites de Jésus. Ce qu’on verra dans l’éternité, c’est que ce salut dépasse infiniment tout ce qu’on peut imaginer aujourd’hui. N’empêche que même aujourd’hui, tous les croyants ont déjà, objectivement, un statut identique devant Dieu, en Jésus.

Mais subjectivement, cette grâce de Dieu peut avoir un goût différent : ceux qui comptent encore sur leurs propres ressources, sur leurs propres efforts, sur leurs propres mérites, dans leur marche chrétienne, apprécient moins cette grâce de Dieu, et ce statut objectif qu’ils ont devant lui en Christ, que ceux qui se savent entièrement démunis devant Dieu et totalement suspendus à sa bienveillance souveraine. Eux, ce sont les « derniers » de la parabole, qui ont le moins de choses à faire valoir, les ouvriers de la dernière heure, que ce soient des petits enfants, que ce soient des disciples qui ont tout quitté pour suivre Jésus, ou des pauvres en esprit quels qu’ils soient. Eux, ce sont les vrais premiers.

Les faux « premiers », qui sont en réalité les derniers, sont à l’inverse ceux qui ont beaucoup de ressources, beaucoup de mérites, qu’ils sont tentés de faire valoir, que ce soient « les sages et les intelligents », les gens expérimentés, les riches, etc. Eux, subjectivement, vivent mal leur vie chrétienne, ils sont souvent tristes et insatisfaits, et pourquoi ? Parce qu’ils ont plus de mal à mesurer combien le maître de la vigne est bon et combien grande est la grâce de Dieu.

Récemment, le journal les Échos a publié un sondage très intéressant, où on a demandé aux Français à partir de quel salaire mensuel ils pensaient que quelqu’un était riche. Les réponses ont énormément varié, évidemment, entre ceux qui pensent qu’on est riche à partir de 1000 euros par mois, et ceux qui pensent que les riches sont ceux qui gagnent plus de 100 000 euros par mois. Alors si vous prenez les gens qui pensent qu’on est riche à partir de 1000 euros par mois et que vous leur offriez un salaire de 50 000 euros par mois, vous pensez qu’ils seront enthousiastes ? Mais si vous faisiez pareil avec ceux qui pensent qu’on est riche à partir de 100 000 euros par mois ? Ils seraient peut-être contents d’avoir au moins 50 000 euros par mois, mais leur enthousiasme ne serait sans doute pas aussi grand que les autres.

Et vous, quand on vous parle de la grâce de Dieu, quand on vous parle de Jésus et de son œuvre, est-ce que franchement vos atouts, vos capacités, vos richesses pâlissent par comparaison avec les mérites de Christ ? Est-ce que vos mérites vous paraissent ridicules par rapport à ce que Dieu vous offre en Jésus ? Sinon, c’est que vous avez besoin de méditer sur l’Évangile un peu plus. Il n’y a pas d’enthousiasme pour les croyants qui exercent leur piété en s’appuyant encore sur leurs propres mérites.

J’ai été long, mais je veux conclure. Est-ce que, en tant qu’être humain, vous suspendez votre valeur à vos capacités ? Est-ce que, en tant que chrétien, vous suspendez la qualité de votre christianisme à vos capacités ? Est-ce que par conséquent, puisque vous trouvez que vous n’avez pas vraiment d’atouts dans la vie, vous avez l’impression d’être inutile dans le monde, ou dans l’Église ? D’être un bon à rien, comme on dit ?

Ou inversement, est-ce que vous vous rendez compte, ce soir, parce que vous avez beaucoup de qualités, beaucoup de compétences, que votre cœur est éloigné de Dieu et des autres ? Vos nombreux atouts vous ont rendu quelque peu insensible à ce que Dieu a fait pour vous. Et ces atouts vous incitent aussi à dédaigner quelque peu les autres, qui ne sont pas aussi intelligents, aussi bien-portants, aussi beaux, aussi riches, aussi expérimentés que vous.

Écoutez cette bonne nouvelle : Dieu ne récompense pas nos performances ! C’est génial ! Il se montre plutôt infiniment généreux envers tous ceux qui lui font confiance, depuis les plus petits aux plus grands, depuis les plus humbles aux plus riches ; il se montre infiniment généreux envers les croyants, non pas sur la base de nos performances mais sur la base des performances de Jésus à qui nous sommes attachés par la foi.

À cause de cette réalité, nous allons pouvoir nous réjouir dans quelques instants d’écouter Timothée et Lénora professer leur foi publiquement. Ce sont encore des enfants, mais ils vont commencer à prendre la sainte-cène chaque dimanche avec nous tous. Il y a peut-être des gens qui s’indigneraient que des enfants, si jeunes, manifestent ainsi leur attachement à Jésus et communient avec le reste de l’Église. Mais à quelle hauteur ces gens-là voudraient-ils mettre la barre, avant de dire : « Voilà, celui-là c’est un chrétien à part entière » ?

Dieu, qui est souverain, a déjà placé ces enfants dans son alliance avant même qu’ils soient nés. Et ils ont reçu le signe de cette appartenance lorsqu’ils ont été baptisés. Maintenant, par leur participation à la sainte-cène, ils veulent professer leur foi volontairement, avec le reste de l’Église, selon les explications de Paul dans 1 Corinthiens 11. Ont-ils énormément de connaissances théologiques ? Ont-ils une grande maturité spirituelle ? Sont-ils impressionnants aux yeux du monde ? Non. Mais ils aiment Dieu. Ils sont attachés à Jésus. Et le royaume des cieux est pour leurs pareils.

(Photo by Rafael De Nadai on Unsplash)

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