Le vrai trésor

Par Jonah Haddadle 13 mai 2018

Le célèbre livre de Charles Dickens intitulé « Le Chant de Noël » raconte l’histoire de Scrooge, un homme riche qui vit seulement pour ses richesses et pour la possibilité d’en avoir de plus en plus. Scrooge déteste tout le monde, y compris lui-même. Il ignore la souffrance des pauvres autour de lui, et n’utilise son argent ni pour leur bien, ni pour son propre bien. Mais la veille de Noël, il est visité par l’esprit de son ami Marley (qui est mort depuis 7 ans). Celui-ci transmet à Scrooge un message : c’est qu’il doit changer de comportement à tout prix, sinon il connaîtra, comme son ami, la souffrance de l’enfer pour l’éternité. À travers une série de visites d’autres fantômes, Scrooge finalement est convaincu que sa cupidité est le signe de la mauvaise condition de son cœur, qui va sûrement le mener à la condamnation éternelle. En fin de compte, Scrooge se repent et il met son argent au profit de ceux qui en ont besoin.

D’une certaine manière, cette histoire fictive reprend l’histoire vraie de Zachée, une histoire qui se trouve dans l’évangile selon Luc chapitre 19. En accueillant la grâce et l’appel du Seigneur Jésus, Zachée, un escroc, s’est humilié devant le Seigneur. Et son salut s’est manifesté, en pratique, par sa détermination à rembourser ceux qu’il avait arnaqués.

La Bible nous parle beaucoup de l’argent et de ses effets ; et ce qu’elle nous en dit n’est pas toujours très positif. Bien sûr que l’argent peut être une bonne chose. Dieu utilise l’argent pour nous aider dans le domaine économique. L’argent est nécessaire à notre capacité de vivre convenablement. Pour les gens de l’époque où la Bible a été écrite, l’argent était aussi un signe de la bénédiction de Dieu.

Mais la Bible nous avertit aussi que l’amour de l’argent est la racine de tous les maux (1 Tm 6.10). L’avidité et la thésaurisation (c’est-à-dire le fait d’accumuler des richesses) sont dénoncées comme vanité par le roi Salomon qui a pu voir, en personne, les conséquences néfastes d’une vie de cupidité. Même la loi de Dieu dénonce la cupidité et l’oppression économique dans Deutéronome chapitre 24, où Dieu s’adresse au peuple en disant :

« Tu n’opprimeras pas le salarié pauvre et indigent, qu’il soit l’un de tes frères, ou l’un des immigrants qui résident avec toi dans ton pays. »

Mais malgré tous les avertissements que l’expérience et l’histoire nous donnent, notre monde est plein d’exemples d’avidité et de thésaurisation obscène. Et c’est ce thème-là qui préoccupe l’apôtre Jacques dans le 5ème chapitre de son épître. Jacques a observé l’oppression dont des chrétiens de son assemblée font l’objet, sous la main de gens riches et puissants. Mais en condamnant ce comportement, Jacques présente aussi une espérance en Christ qui se manifeste dans le présent et qui se réalise totalement au retour de Jésus. Il pointe ses lecteurs vers une espérance eschatologique (ou future) qui délivra les opprimés et qui se présente déjà dans la vie des croyants. Notre vrai trésor, c’est Jésus qui est descendu du ciel, afin de nous offrir le trésor qui consiste à le connaître. Pour les croyants, qu’ils soient riches ou pauvres, le vrai trésor se trouve dans une relation avec Dieu par la foi en Christ.

L’épître de Jacques est une lettre adressée aux croyants du premier siècle. Jacques écrit à son assemblée, qui a été dispersée par la persécution, afin de les encourager à marcher selon la foi malgré les circonstances difficiles. Mais ici, pour la première fois dans son épître, son attention se tourne vers les gens qui sont en-dehors de l’église. Et il faut se demander pourquoi, dans une lettre qui s’adresse à l’église, Jacques parle aux riches non-croyants qui oppriment les pauvres fidèles ? À quoi ça sert ? En fait, selon le commentateur et réformateur Jean Calvin, ces paroles adressées aux riches sont vraiment dirigées vers l’église et servent d’avertissement contre l’avidité, et aussi comme encouragement par rapport au fait que le Seigneur vengera les souffrances des croyants.

Les destinataires de cette lettre étaient victimes d’une oppression économique sévère. Il est possible que cette oppression était due à leur foi, à leur statut de réfugié, ou à leur situation sociale en général. En tout cas, ceux qui exerçaient le pouvoir n’étaient pas justes dans leur traitement des autres. Leur vie était caractérisée par la cupidité et la thésaurisation.

Ça me fait penser à une chanson de Megadeth (un groupe de heavy metal pionnier du mouvement thrash dans les années 80, et un des groupes préférés de Gilles et Yvette). Dans leur chanson intitulée « Bite the Hand » (mordre la main) ils parlent des injustices de l’oppression économique, commise par les gouvernements, par les grands entreprises, et par des individus ; et ils disent que ceux qui exercent le pouvoir (et je cite) « sont comme des rats qui prennent tout l’argent ; ils sont comme des cafards qui vont dans nos placards nous dérober nos plateaux-repas et notre bière » (fin de citation). Cette citation sophistiquée, poétique et philosophiquement profonde, sert à nous rappeler que les injustices font partie de notre société aujourd’hui comme à l’époque de Jacques.

Mais dans Jacques chapitre 5, l’apôtre offre une consolation aux opprimés en parlant de trois sources d’encouragement qui pointent vers un meilleur trésor, au ciel.

La justice de Dieu

Dans les versets 1-6 où l’apôtre Jacques s’adresse aux oppresseurs riches, je pense que le but de Jacques est plutôt d’encourager les opprimés avec le fait que la justice de Dieu sera accomplie et que Dieu est conscient de la souffrance de l’église. Le texte ne promet pas un changement ici-bas, dans la condition de ceux qui souffrent dans cette vie, mais il promet quand-même que Dieu punira l’injustice et qu’il rétablira les fidèles. Ceux qui s’opposent à Dieu seront jugés. Ceux qui oppriment le peuple de Dieu seront jugés.

Les riches cupides vont faire la double expérience du jugement de Dieu par la misère de la perte de leurs richesses, mais aussi par la misère du jugement. Leurs métaux précieux se corroderont. D’une certaine manière, leur argent se décomposera. Mais pire encore, ils seront obligés de rendre compte de leurs actes injustes. C’est une double punition comme si, par exemple, quelqu’un était arrêté pour avoir participé illégalement à des jeux d’argent. Non seulement l’argent gagné est-il confisqué, mais le coupable, en plus, est sanctionné ou mis en prison.

Comme je l’ai dit tout-à-l’heure, je doute que cette mise en garde était dirigée seulement vers les oppresseurs, qui étaient des gens extérieurs à l’église. Ces mots sont plutôt là à l’attention des chrétiens pauvres. Le fait de s’adresser aux oppresseurs à la deuxième personne rend l’avertissement plus direct, et la réprimande plus sévère. Jacques parle de cette manière pour encourager ceux qui lisent sa lettre et qui sont dans un état de misère. Il les encourage à mettre en perspective leur souffrance en tenant compte du jugement des oppresseurs qui se tournent vers eux-mêmes par égoïsme, et qui utilisent le pouvoir, l’argent, ou l’influence pour faire souffrir les autres.

Jacques parle aux cadres qui s’enrichissent au détriment de leurs employés. Il parle aux leaders des pays communistes qui écrasent toute liberté de pensée et qui relèguent les citoyens à la pauvreté. Il parle aux religieux qui étouffent la grâce et la vérité en imposant un faux évangile de la prospérité et de la santé. Il nous parle, à nous, à chaque fois que nous utilisons le pouvoir, l’argent, ou l’influence pour faire souffrir les gens autour de nous.

Le jugement ne sera pas épargné à ceux qui remplacent le vrai trésor qui consiste à connaître Jésus, par un faux trésor qui rouille et qui disparaîtra. J’ai lu un petit encart dans un journal récemment qui parlait d’un homme mort en Ouganda, qui a été enterré avec plus de 25 mille euros pour qu’il puisse soudoyer Dieu au jour de jugement.

Mais l’argent ne nous sauve ni dans cette vie, ni dans la prochaine. Jacques veut rappeler aux chrétiens que le prix de la vie éternelle, c’est le sang de Jésus-Christ. Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, la vraie richesse, c’est quelque chose que seul Dieu peut nous accorder par sa grâce.

La patience des croyants

Mais Jacques parle ensuite (et deuxièmement) de la patience au milieu de la souffrance. On doit être encouragé par le fait que Dieu rectifiera le mal par son jugement, mais entre-temps, il donne aux chrétiens la force de persévérer. Au verset 7, Jacques compare la patience des chrétiens à la patience de l’agriculteur qui attend la pluie. Si vous avez déjà planté et cultivé un jardin potager, vous savez bien qu’un petit grain peut prendre des semaines avant de devenir une jeune pousse, et encore des semaines avant de devenir mûr, et encore des semaines avant de porter du fruit. Certains arbres fruitiers prennent des années, même, avant de produire du fruit.

Et comme Jacques le constate, la Bible nous donne l’exemple de la patience de Job qui a souffert énormément de la perte de ses biens, de la perte de sa famille, et de la perte de sa santé, avant d’être enfin consolé et rétabli.

La patience, c’est une façon de prendre du recul, en regardant vers l’avenir. Toute souffrance, tout doute, tout défi, toute crainte passeront (soit dans cette vie, soit au ciel dans la présence de Jésus). C’est avec la confiance en Jésus, le Seigneur et Sauveur du monde, que Jacques exhorte son église à rester fidèle, dans la patience. Oui, je souffre économiquement, mais Jésus viendra me restaurer. Oui, je suis opprimé, mais Jésus viendra me délivrer. Oui, on me prive de ma liberté et de mes biens, mais je suis libre du règne du péché, en vertu de la mort et de la résurrection glorieuse de Jésus. Je suis riche en Christ !

Pour mieux comprendre cette idée de la patience et de l’importance de prendre du recul par rapport à notre vie, le commentateur, Kent Hughes propose une illustration : c’est la vie d’un insecte qui s’appelle l’éphéméroptère et dont la durée de vie est très courte. Dès que l’éphéméroptère éclot comme adulte mature, l’insecte ne vit pas longtemps (24 heures, à peu près). Toute sa courte vie se déroule en une journée. Il se lève, il se reproduit, et il finit mangé par un poisson ou explosé sur un pare-brise. L’éphéméroptère peut passer toute sa vie sans jamais observer la transformation d’un têtard en grenouille. La vie de cet inspecte est trop courte pour qu’il puisse voir le monde changer autour de lui. Pour lui, le têtard reste un têtard, et la chenille reste une chenille. Pour lui, de son point de vue, le monde ne bouge pas. Et de même, nous pouvons passer toute notre vie sans voir la justice de Dieu se réaliser comme nous le voudrions. Nous pouvons passer toute notre vie sans voir l’issue de notre souffrance. Notre vie est si courte, à peu près 80 ans, que nous ne pouvons pas observer grand-chose à l’échelle de l’histoire, tout comme l’éphéméroptère. Nous avons besoin de prendre du recul. Il nous faut cette perspective que nous donne la patience.

Jésus reviendra. Jésus jugera. Jésus restaurera. Peut-être demain, peut-être dans 10 ans, peut-être dans mille ans. Mais une des richesses de la vie chrétienne, c’est la richesse de l’espérance de la foi dans les promesses de Jésus.

Le soutien de l’église

Et les chrétiens ne sont pas seuls dans cette démarche. Bien sûr que Dieu est avec nous. Mais en plus, il nous donne des frères et sœurs dans la foi qui nous soutiennent. Ce troisième trésor, cette troisième richesse mentionnée dans le texte se voit dans la communion fraternelle. Je pense que ça, c’est la raison pour laquelle Jacques met le verset 9 au milieu de son discours sur la patience dans l’oppression. Il exhorte l’église à soutenir les frères. L’idée c’est que nous sommes des alliés dans un monde hostile. Le conseil de Jacques au verset 9 n’est pas là par hasard. Il y a une corrélation directe entre l’oppression, la souffrance, et la tentation de se plaindre de ses frères, en les rendant injustement responsables.

Les croyants du premier siècle vivaient dans la précarité ? C’est pourquoi ils avaient besoin du soutien les uns des autres. Le monde est souvent contre nous. Le diable est sûrement contre nous. Nous n’avons pas besoin d’être une cause supplémentaire de difficulté et de souffrance pour nos frères.

En lisant le verset 9 dans le contexte de l’oppression, ça m’a fait penser au film « Matrix. » Ce film de science-fiction présente une petite bande de héros qui s’oppose à un ennemi indomptable. Leur situation est mauvaise jusqu’à ce qu’ils trouvent celui qui a le pouvoir de les délivrer. Ça nous donne un petit peu d’espoir de réussite, quand tout à coup, à un moment donné, tout bascule. Un des membres de la bande se retourne contre les autres et les trahit. Ça se passe à un moment où ils ont le plus besoin les uns des autres. C’est vraiment frustrant de voir une trahison comme ça.

De la même manière, Jacques nous rappelle que la vie des croyants est souvent précaire. Mais l’église est une richesse qui est à notre disposition. Les chrétiens qui sont déjà privés de leurs biens, de leur liberté, et d’une position honorable dans la société, ne doivent pas se faire encore plus violence par la calomnie et les disputes.

Les exhortations de Jacques contre l’abus de l’argent, contre l’oppression, et contre le manque de patience et de foi nous parlent à nous aujourd’hui. Il est possible que nous soyons des victimes (comme l’église de Jacques), mais il est plus probable qu’ici, aujourd’hui, nous soyons les coupables. Nous devrions nous poser la question de savoir si nous sommes attachés au mauvais trésor. Est-ce que notre vie est caractérisée par le désir de s’enrichir par des richesses corruptibles, ou est-ce que notre vie est caractérisée par le désir de connaître et de servir Jésus qui nous donne la richesse de la vie éternelle au service de Dieu ? Connaître Jésus nous rend spirituellement et « relationnellement » riches. Jésus nous a rachetés en donnant sa vie pour nous, afin que nous puissions vivre pour lui. Alors, est-ce que nous retenons nos biens, que nous pourrions mettre au service de Dieu ? Est-ce que nous retenons nos ressources, nos talents, notre temps, notre aide, notre amitié, etc. ? Qu’est-ce que nous refusons de donner aux autres et à Dieu ?

J’espère que ce texte nous aidera à nous tourner vers le vrai trésor ― Jésus, qui est descendu du ciel, qui est mort à croix, et qui est ressuscité d’entre les morts afin de nous offrir le trésor qui consiste à le connaître par la foi. Pour les croyants que nous sommes, que nous soyons riches ou pauvres, le vrai trésor se trouve dans notre relation avec Dieu, et dans le fait de le servir, jour après jour, dans la solidarité de l’église, dans la patience, et avec nos yeux fixés sur le but.

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