Ambassadeurs de Christ

Par Denis Blumle 1 mars 2020

Savez-vous ce qu'est un ambassadeur et à quoi il sert ?

Un ambassadeur représente un état, ou une institution auprès d’un autre état ou d’une autre institution. Il est investi par celui qui l’envoie d’une mission qu’il doit remplir au nom de la personne ou de l’état qui l’envoie.

Un ambassadeur représente donc officiellement la personne qui l’envoie. Et donc tout ce qu’il va dire et faire, le sera au nom de la personne qui l’envoie. Et il est donc légitime que la personne ou l’état qui envoie un ambassadeur en son nom lui donne des consignes. Suite au Brexit, le gouvernement du Royaume-Uni a donné à ses ambassadeurs un certain nombre de consignes et notamment de ne plus s’asseoir à côté des autres ambassadeurs des pays de l’union européenne dans les sommets internationaux, pour bien se démarquer et signifier leur indépendance.

Eh bien dans le passage que nous allons lire dans l’évangile de Luc, nous allons voir Jésus qui envoie un certain nombre d’ambassadeurs pour accomplir une mission et qui leur donne des consignes.

Ce passage est étonnant à plus d’un titre, et notamment parce que Luc est le seul évangéliste à nous rapporter cet épisode de l'envoi des 70 disciples. Vous vous dites peut-être : Jésus n’avait-il pas 12 disciples ? C’est le cas, il avait choisi 12 disciples qui sont devenus les apôtres, le fondement sur lequel l’église a été construite après la mort, la résurrection et l’ascension de Jésus. Mais il y avait bien plus de monde que ça qui le suivait dans ses déplacements et qui bénéficiaient de ses enseignements. Et les 12 disciples avaient déjà été envoyés au nord de la Galilée au début du chapitre 9 de Luc (Luc 9. 1-6) pour une mission analogue à celle des 70 disciples de notre texte d’aujourd’hui.

Pour resituer le contexte : à ce moment du récit de l’évangile, Jésus est dans la dernière ligne droite de son ministère public, car nous apprenons en Luc 9.51 que : « Lorsque le temps où il devait être enlevé du monde approcha, Jésus prit la résolution de se rendre à Jérusalem. ». Et toute la suite de l’évangile de Luc correspond à cette lente marche en direction de Jérusalem. Mais avant d’entamer cette marche, il envoie ces « 70 autres disciples » (les 12 n’en font pas partie) avec pour mission de préparer son arrivée dans le sud de la Galilée et peut-être même en Judée et en Pérée (Matthieu 19.1), là où il se rendra par la suite au cours de son périple vers Jérusalem. Il les envoie comme des ambassadeurs, et même si la mission des 70 a été unique dans l’histoire, elle a beaucoup de choses à nous apprendre car Dieu nous demande encore aujourd’hui de faire de toutes les nations des disciples et il nous dit même en 2 Corinthiens 5.20 :

« Nous faisons donc les fonctions d’ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! »

Nous avons donc beaucoup de choses à apprendre de la mission des 70.

Commençons par regarder la mission qui leur est confiée qui est une mission terrestre, temporelle, et nous verrons dans un 2e temps que cette mission a des conséquences célestes, éternelles.

1/ Une mission terrestre (v. 1-16)

Jésus commence par choisir ces ambassadeurs et vous notez qu’il choisit des disciples, c’est-à-dire des personnes qui considéraient Jésus comme leur maître, qui l’avaient accompagné jusqu’à présent, et qui étaient donc susceptibles de faire connaître son enseignement, de témoigner de ce qu’ils avaient vu et entendu, et donc de le représenter auprès des personnes et des villes qu’ils allaient rencontrer. Mais les disciples ne sont pas nommés, il s’agit de disciples lambda, probablement peu instruits puisqu’ils sont comparés à des enfants au verset 21. Leur seule caractéristique est d’être des disciples.

J’ai dit qu’ils étaient 70, mais certains ont peut-être dans leur traduction 72 disciples. C’est parce que certains manuscrits mentionnent 70 et d’autres 72 et qu’on ne peut pas trancher la question. Ces deux chiffres ont une valeur symbolique. Il y avait déjà 12 disciples, et 72 c’est 12 x 6. Mais 70 a un écho biblique plus prononcé. Moïse était entouré de 70 anciens qui l’aidaient dans sa tâche en Nombres 11 et Exode 24.1. Mais les commentateurs associent plus souvent ce chiffre de 70 au nombre des nations païennes qui nous sont rapportées en Genèse 10. Puisque les 12 disciples représentaient le reste fidèle des 12 tribus d'Israël (le nouvel Israël), ces 70 disciples pourraient représenter l’ensemble des nations à qui la bonne nouvelle de l’évangile est destinée. Cela colle bien avec le verset 2 qui nous rappelle que « la moisson est grande ». Jésus est en train de faire entrevoir aux siens que le champ missionnaire est plus vaste qu’ils pouvaient le penser, et que le nouveau peuple de Dieu allait être beaucoup plus large que l’ancien. Et il envoie ces disciples comme des ouvriers dans cette moisson. Il faut comprendre que la moisson représente les personnes prêtes à accueillir l’évangile du royaume, et à accepter le message du Christ. Il s’agit d’une moisson spirituelle et Jésus les envoie comme des ouvriers dans le champ qu’est le monde (voir Matthieu 13.38), pour moissonner des « enfants de paix » (v. 6) c’est-à-dire ceux qui ont le cœur disposé à entendre le message.

En quoi consiste concrètement cette mission qui leur est confiée ?

On a dit qu’ils étaient comme des ambassadeurs, donc ils devaient représenter Christ, en le précédant là où il devait aller, et transmettre le message qui leur avait été indiqué.

De nos jours, avant un colloque international, des émissaires sont envoyés pour préparer la rencontre entre les chefs d’états. Eh bien les disciples devaient préparer le chemin du Seigneur, un peu comme Jean-Baptiste avait pu le faire au début du ministère de Jésus (Marc 1.2 : Voici, j'envoie devant toi mon messager, qui préparera ton chemin). Ils devaient préparer les cœurs à recevoir favorablement le messie afin que les esprits soient disposés positivement envers Jésus.

Mais Jésus leur donne peu d’indications sur le contenu du message. Ils devaient aborder les maisons en disant « que la paix soit sur cette maison ! » (v. 5), ce qui est une salutation ordinaire à l’époque (Shalom), et annoncer que le royaume de Dieu s’approchait d’eux (v. 9). C’est aussi le message que Jean-Baptiste proclamait pour préparer le chemin devant Jésus : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Matthieu 3.2) et c’est également ce que Jésus enseignait. Luc 8.1 : « Jésus allait de ville en ville et de village en village, prêchant et annonçant la bonne nouvelle du royaume de Dieu ». Ça peut nous paraître un peu mystique pour nous aujourd’hui cette notion du royaume de Dieu, mais les Juifs attendaient un messie qui serait un roi, un descendant de David qui régnerait sur eux. Nous l’avons encore vu la semaine dernière dans l’exposé du Psaume 110. Nous avons vu que le messie était annoncé comme étant un prêtre (sacrificateur) qui intercéderait pour nous auprès de Dieu, mais qu’il était aussi un roi. En annonçant donc que le royaume de Dieu était proche, ils annonçaient que le messie était là. Celui dont la venue avait été prophétisée dès la chute et le péché originel (en Genèse 3.15) était présent au milieu d’eux. Ésaïe avait dit du messie :

« On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (Ésaïe 9.6).

Ce prince de la paix était présent en personne.

Et même si Jésus n’était pas encore mort et ressuscité, sa présence était déjà le signe de l’accomplissement des prophéties. Même si à ce moment-là de l’histoire Jésus n’avait pas encore porté à la croix la condamnation des péchés, on pouvait déjà dire de lui, comme Jean-Baptiste :

« Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. » (Jean 1.29)

Oui les disciples pouvaient annoncer que le royaume de Dieu s’approchait d’eux, puisque le roi en personne allait venir les visiter, il était en train d’établir son règne sur les sujets du royaume, ceux qui ont un cœur repentant, un cœur qui reconnait son péché et qui répond favorablement à l’offre de grâce qui lui est faite. Voilà ceux qui forment le peuple de Dieu. Et nous voyons au v. 13, que le fruit de ce ministère et des signes miraculeux qui l’accompagnaient devait être la repentance, la contrition, le désir de changer d’attitude, de se détourner de la voie suivie jusqu’à présent pour adhérer pleinement à la volonté de Dieu

Les disciples devaient représenter Christ, et puisque Jésus attestait son autorité en guérissant des malades, Jésus les a invités à faire de même, en digne représentant de leur maître.

Nous aussi aujourd’hui nous représentons notre Seigneur Jésus-Christ et nous sommes porteurs d’un message, la bonne nouvelle de l’Évangile, et c’est une très haute responsabilité. Jésus n’est pas présent physiquement sur cette terre c’est pour cela que Dieu de sert des hommes, comme s’ils étaient ses représentants, pour accomplir par eux son œuvre à la manière d’un ouvrier avec son outil. « Car nous sommes ouvriers avec Dieu. » (1 Corinthiens 3.9)

On raconte l’histoire d’un ambassadeur des Pays-Bas d’une soixantaine d’années avec une longue barbe, qui était entré un soir dans une salle de réception avec son uniforme diplomatique et qui avait grillé la priorité à une dame. Un de ses collègues lui avait fait remarquer son manque de courtoisie et de galanterie, ce à quoi il avait répondu fièrement : « Moi, quand je porte le pantalon blanc, je suis la reine des Pays-Bas. ». Et il est vrai qu’un ambassadeur représente un état au point qu’il le personnifie, et on oublie bien souvent que c’est notre situation à nous chrétiens. Chrétien veut dire « petit Christ », ne l’oublions pas. Notre mission est capitale et notre responsabilité énorme car si nous représentons Christ, cela veut dire que nous donnons un mauvais témoignage lorsque notre attitude n’est pas conforme à celle que Jésus aurait eue. Christ lui-même est déshonoré par les scandales sexuels qui touchent l’église. Christ est sali lorsque nous nous mettons en colère face à un collègue, etc

Lorsque nous considérons l’importance de la mission qui est confiée aux disciples on comprend mieux les conditions que Jésus donne aux disciples pour remplir leur mission.

Regardons quelles sont les exigences de cette mission.

Jésus commence par leur demander de prier, au v. 2. S’il y a une préparation à la mission encore aujourd’hui, c’est la prière. Priez que Dieu envoie des ouvriers. Et nous devons encore prier cela aujourd’hui. Romains 10.14 :

« Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s’il n’y a personne qui prêche ? »

Ça ne veut pas dire qu’il faut prier que Dieu envoie les autres mais pas nous. En priant nous devons évidemment être prêts à partir nous-mêmes, être disponibles pour accomplir la volonté de notre maître. Mais même si nous ne partons pas au loin comme missionnaires, cette fonction d’ambassadeurs, de porte-parole de Dieu est une mission que nous devons remplir quel que soit le contexte dans lequel nous vivons. Alors ne prions pas seulement pour que Dieu envoie d’autres personnes, prions qu’il nous montre comment être nous-mêmes des ouvriers dans la moisson.

Jésus les envoie dans le champ missionnaire en leur signifiant l’urgence de leur mission quand il leur dit de ne « saluer personne en chemin » (v. 4). Cela parait rustre et malpoli, mais il faut bien comprendre que les salutations à l’époque constituaient un véritable rituel qui prenait du temps. Quand nous avons travaillé avec mon épouse dans un hôpital au Togo, il y avait tout un cérémonial pour saluer nos collègues et ça prenait du temps. Comment ça va ? Et la famille ? Et ton épouse ? Et la fin de semaine ? Nous avons fait un trajet avec un co-voitureur le week-end dernier et il nous racontait que lorsqu’il avait séjourné dans un village du Sénégal, il lui fallait environ 1h30 pour traverser le village à cause du cérémonial des salutations qu’il devait respecter avec chaque personne. À l’époque de Jésus on pouvait s’affranchir de ces formalités sans paraître malpoli si on était porteur d’une mission urgente. Par ce conseil, Jésus voulait faire ressentir à ses disciples l’extrême urgence de la tâche qu’ils avaient à accomplir.

Si cette tâche était urgente à l’époque, elle l’est aussi aujourd’hui : il y a des milliards de personnes qui ne connaissent pas Jésus et on fait quoi ? On reste les bras croisés à attendre que d’autres y aillent ? On attend que ce soit un autre chrétien qui parle à nos collègues de travail et à notre copain de classe ? L’urgence est toujours là.

Si la mission est si urgente, on peut se demander pourquoi Jésus les envoie deux par deux, alors qu’il aurait pu toucher plus de villes en les envoyant chacun de son côté. Si Jésus les envoie deux par deux c’est parce qu'ils allaient accomplir une œuvre de témoignage orale. Ils allaient devoir témoigner de ce qu’ils avaient vu et entendu. Ils allaient annoncer qu’ils avaient trouvé le prince de la paix, celui qui ouvre les yeux des aveugles et qui enseigne avec autorité et sagesse. Ils n’allaient pas pouvoir sortir leur smartphone pour montrer des preuves avec une vidéo du dernier meeting de Jésus. Dans ce contexte, être à deux donnait du crédit au témoignage. Mais il y a aussi une certaine sagesse à ne pas partir tout seul en mission, car à deux on peut s’encourager, se fortifier mutuellement, se compléter, se soutenir dans les moments de faiblesse, s’entraider. C’est un conseil qui est encore pertinent aujourd’hui.

Comment comprendre les autres indications données par Jésus : « Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers » (v. 4) ? Il n’est pas en train de leur dire de partir pieds nus, sans rien du tout. Il est plutôt en train de leur dire de ne pas partir avec des économies, des réserves alimentaires, des vêtements et des chaussures de rechange. Il leur demande de partir dans la simplicité avec ce qu’ils avaient sur eux mais pas plus, et de faire confiance à Dieu qu’il pourvoirait à leurs besoins. Ils devaient partir dans la dépendance de Dieu. Et ils ne devaient pas chercher un confort personnel. Et c’est la même idée que l’on retrouve au verset 7. Ils doivent accepter l’hospitalité qui leur sera offerte, et prendre légitimement leur nourriture à la table de ceux pour qui ils travaillent car « l’ouvrier mérite son salaire », mais ils ne doivent pas rechercher le confort en allant « de maison en maison », mais s’installer dans la première qui leur sera proposée. Jésus leur demande de vivre dans la confiance et le contentement.

Imaginez un ambassadeur de France dans un pays quelconque qui aurait aussi un emploi séculier dans une entreprise pour subvenir à ses besoins. Il ne pourrait pas assurer pleinement sa fonction d’ambassadeur. Et je ne peux que nous encourager à soutenir financièrement des missionnaires qui partent au loin afin de leur permettre de se consacrer pleinement à leur tâche et leur mission.

En abordant la question des soucis matériels, Jésus leur montre que c’est important et qu’il faut en parler, mais il leur dit en même temps : « Ne vous inquiétez de rien », « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous seront données par-dessus » (Matthieu 6.33).

Regardons maintenant la controverse et l’opposition qui vont accompagner cette mission.

Jésus est très lucide sur les difficultés qu’ils vont rencontrer. Il commence même par leur dire : « Voici, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » (v. 3), ce qui n’est pas très encourageant, mais très réaliste. Jésus vit personnellement l’hostilité et la persécution, il est donc logique que ses ambassadeurs vivent la même chose. Et c’est ce qu’il promet à ses disciples et à nous également par la même occasion :

« Si le monde vous hait, sachez qu’il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. » (Jean 15.18-20)

Nous ne devons pas désirer la persécution mais nous devons nous attendre à la persécution. C’est le corollaire de la vie d’un disciple : « Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés » (2 Timothée 3.12). Et si l’on ne ressent aucune opposition dans ce monde, on devrait même se demander si l’on est vraiment un disciple de Christ et si l’on n’est pas un flambeau mis sous le boisseau, ou du sel qui a perdu son goût, pour reprendre des images utilisées par Jésus (Luc 11.33, Luc 14.34, Mat 5.13-15).

Jésus ne promet pas monts et merveilles à ses disciples. Il est très réaliste sur le rejet qu'ils vont rencontrer. Il leur explique même comment se comporter en cas de rejet. S’ils ne sont pas reçus, ils doivent secouer la poussière de la ville qui s’est attachée à leurs pieds pour signifier qu’ils ne voulaient plus rien avoir de commun avec cette ville. Les Juifs avaient l’habitude de secouer de leurs pieds la poussière des terres païennes qu’ils avaient pu visiter en voyage. Ce qui veut dire que Jésus demande aux disciples de considérer certains de leurs concitoyens comme des païens puisqu’ils ont refusé leur témoignage.

L'Évangile ne s’impose pas, il pénètre là où il trouve accès, et il se retire là où il est repoussé. C’est comme cela que Jésus a agi. C’est l’idée qui est attachée au verset 6 : soit la paix que vous annoncez est reçue favorablement, soit elle est rejetée et elle « reviendra à vous » ce qui veut dire que les disciples seront quittes, et partiront de ce lieu pour faire profiter de leur message à d’autres.

C’est comme si ces personnes avaient laissé passer le train avec toutes les conséquences que cela peut avoir. En l’occurrence, les conséquences sont lourdes car il compare leur sort à celui de Sodome (v. 12) qui est un symbole de jugement divin sévère et immédiat, puisque Sodome a été intégralement détruite à cause de sa méchanceté et de son péché (Genèse 18-19). Jésus dit même que le sort des villes qui vont rejeter les disciples sera pire que celui de Sodome car leur responsabilité est plus importante. Sodome n’a pas reçu de révélation aussi claire que les habitants des villes de Galilée. Sodome n’avait pas reçu d’avertissement. Plus le privilège est grand plus la responsabilité est grande, plus la faute est grave.

C’est ce qui amène Jésus à évoquer trois villes de Galilée, Chorazin, Bethsaïda, et Capernaüm qui ont été extrêmement privilégiées car elles ont été en contact étroit avec le ministère de Jésus. Il y avait prêché et il avait accompli sous leurs yeux des miracles, mais les habitants étaient restés incrédules. Et Jésus les compare à Tyr et Sidon, deux villes phéniciennes de l’époque qui étaient réputées pour leur orgueil et leur débauche, et il annonce que ces deux villes païennes seront traitées moins rigoureusement que les villes juives galiléennes qui ont été indifférentes à Jésus. Il met Capernaüm à part, en disant même qu’elle avait été « élevée jusqu'au ciel » (v. 15) parce que c’est dans cette ville qu’il avait fixé son domicile ordinaire (Matthieu 4.13). Capernaüm était en quelque sorte le camp de base du ministère de Jésus, mais ce privilège inouï n’a pas produit en eux la foi, ce qui les condamnera encore plus. Elle sera abaissée « jusqu’au séjour des morts » (v. 15), elle vivra l’abaissement profond auquel est réduit l’homme qui repousse la grâce. En effet, Luc 12.48 :

« On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié. »

Jésus est en train de quitter définitivement cette partie de la Galilée, et son verdict est sans appel envers l’incrédulité. Et on pourrait faire le parallèle aujourd’hui avec tous ceux qui ont bénéficié de l’enseignement d’une église et les enfants qui ont grandi dans une famille chrétienne. C’est un grand privilège, mais aussi une plus grande responsabilité que d’autres en cas d’incrédulité. Ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.

Et il termine cet envoi des disciples avec une phrase qui résume la caractéristique de cette fonction d’ambassadeur, de cette mission terrestre des disciples au v. 16 :

« Celui qui vous écoute m’écoute, et celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé. »

Rejeter un ambassadeur ou le traiter avec mépris constituent un affront pour le prince ou le président qui l’a mandaté et envoyé et dont il est le représentant. De nos jours, lorsqu’un état veut rompre une relation diplomatique avec un autre, il renvoie son ambassadeur, et c’est comme s’il avait rompu avec le pays tout entier.

Nous voyons clairement avec ce verset que les apôtres et les 70 disciples étaient les ambassadeurs et les représentants de Christ. La façon dont ils sont traités reflète la façon donc celui qui les envoie aurait été traité. Ceux qui les rejetaient et les méprisaient, rejetaient et méprisaient en réalité le Seigneur-Jésus, et en définitive c’était Dieu qui était rejeté.

C’est ce qui fait dire au commentateur John Charles Ryle que ce verset « est l’une des affirmations les plus fortes du Nouveau Testament concernant la dignité de la mission d’un serviteur fidèle, et la gravité du péché commis par ceux qui refusent d’écouter son message. »

Encore aujourd’hui notre mission terrestre est extrêmement solennelle et significative car nous représentons le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs.

2/ Des conséquences célestes (v. 17-24)

Nous ne savons pas combien de temps a duré leur mission, mais nous voyons qu’ils reviennent remplis de joie auprès du Seigneur Jésus qui va leur montrer que leur mission terrestre a eu des conséquences célestes. C’est notre 2e partie.

Premièrement, l’ennemi recule et il est déjà battu.

Les disciples s’émerveillent de voir que les démons leur étaient soumis, et qu’ils avaient pu exorciser des personnes possédées. Et Jésus va leur signifier que ce qu’ils ont vécu n’était qu’un symptôme d’une guérison bien plus grande, qu’il ne s’agissait que de quelques combats d’une bataille bien plus grande et que la guerre dans son ensemble était en train d’être gagnée.

L’ennemi dont il est question n’est pas l’opposition humaine qu’ils rencontrent, ni l’occupant romain, mais Jésus dit que c’est Satan lui-même, l’auteur du mal. Celui qui a corrompu toute l’humanité qui s’est alors rebellée et qui a déclaré son indépendance envers Dieu. C’est parce qu’ils se sont affranchis de l’autorité de Dieu, qu’Adam et Ève ont péché. Les disciples faisaient reculer Satan, et ils remplaçaient son règne par celui de Dieu. Leur mission terrestre avait un impact spirituel immédiat, mais aussi un impact éternel, parce que la guerre était en train d’être gagnée.

En disant : « je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair » (v. 18), Jésus annonce prophétiquement la défaite finale du diable. Ce qu’il a aussi dit en Jean 12.31 : « Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors », et ce qui sera prophétisé en Apocalypse 12.9 : « Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. » Jésus contemple au v. 18 le dernier acte de la chute du diable. Ce dernier acte a été scellé lorsque Jésus est mort à la croix pour nous permettre d’être pardonnés de nos péchés. À ce moment-là de l’histoire, le diable a perdu son pouvoir car la malédiction du péché a été engloutie dans la victoire acquise par Jésus, par sa mort et sa résurrection.

Cette situation ressemble à celle d’un incendie de maison. Quand on voit quelques flammes, on peut déjà comprendre que la maison tout entière va brûler. Les disciples voyaient quelques flammes, ils voyaient que l’ennemi reculait, mais Jésus avait une vision plus large et il savait que c’était toute la maison du diable qui était en train de brûler et que c’était comme si l’ennemi était déjà battu.

Et même les enfants savent que le feu ça brûle, et qu’il ne faut pas jouer avec. Alors quand on lit le verset 19, ça ne veut pas dire qu’il faut jouer avec des serpents et essayer de marcher sur des scorpions. Il faut plutôt y voir la grâce de Dieu qui accompagne ses serviteurs et qui les protège du danger, il faut plutôt y voir la suprématie de Christ, et sa victoire éclatante déjà acquise sur les forces du mal, même si ces forces se déchaînent encore pour un peu de temps.

Être chrétien ne veut pas dire que nous ne connaîtrons jamais de difficultés sur cette terre, et que la souffrance et l’adversité ne devraient pas faire partie de l’expérience du chrétien, mais nous pouvons nous appuyer sur l’assurance de la victoire de Christ. Jésus a dit :

« Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde. » (Jean 16.33)

La deuxième chose que Jésus leur dit à leur retour de mission c’est que seule la connaissance personnelle de Jésus ouvre les portes du royaume de Dieu.

Sans nier la valeur des signes miraculeux qu’ils ont pu voir et la portée beaucoup plus grande de ces signes, Jésus ne veut pas que ses disciples placent leur confiance dans des manifestations extraordinaires, comme la puissance exercée sur les démons ou celle d’accomplir des miracles. Ces manifestations extraordinaires ne servent à rien pour le salut.

Si vous recherchez des signes miraculeux, souvenez-vous que ce sont des épiphénomènes qui ne sauvent pas de la mort. La seule chose qui doit nous réjouir, le seul sujet de joie c’est la vie éternelle, c’est d’avoir l’assurance du salut, et que nos « noms sont écrits dans les cieux » (v. 20). Ce qui sauve, ce qui est source de salut, ce qui procure la vie éternelle, c’est de connaître Christ personnellement, comme son Sauveur et son Seigneur, c’est d’avoir placé sa foi en lui, et ce n’est pas par nos œuvres, quand bien même il s’agirait d’œuvres extraordinaires accomplies au nom de Dieu (voir Matthieu 7.22-23). Seule la foi sauve et pas les œuvres (Romains 3.20-22, 28, Galates 2.16). Jésus dit en Jean 5:24 :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.»

Et au verset 22, alors qu’il tressaille de joie devant la profondeur de la sagesse de Dieu, Jésus affirme qu’il est LE moyen par lequel nous pouvons nous approcher du Père, LE moyen par lequel le Père se révèle. « Personne ne connaît qui est le Fils, si ce n’est le Père, ni qui est le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler » (v. 22). Il affirme la souveraineté de Dieu, mais aussi sa propre divinité, et son rôle d’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Lui qui est à la fois pleinement Dieu et pleinement humain, il est l’intermédiaire parfait.

Le fait que Dieu ait pu devenir homme et habiter dans un corps humain reste incompréhensible pour une créature comme nous, mais nous arrivons à comprendre qu’il s’agit de la posture idéale pour la mission qu’il devait accomplir.  Si deux pays voulaient communiquer, on pourrait imaginer qu’un citoyen qui a les deux nationalités serait la personne idéale pour une telle responsabilité. Il est à même de comprendre les deux parties et d’être un bon intermédiaire. Imaginez maintenant que cet intermédiaire qui a la binationalité est en plus le Prince du royaume dans lequel vous voulez vous rendre. Pour rentrer dans un pays, ça aide de connaitre l’ambassadeur, mais ce qui est mieux encore c’est de connaître le prince lui-même, car c’est Lui qui a ultimement le pouvoir de vous accueillir ou pas. Voilà le rôle joué par Jésus qui a dit :

« Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. » (Jean 14.6)

Jésus est celui qui nous donne accès au royaume du Père et qui nous révèle le Père. Il est l’intermédiaire parfait parce qu’il connaît parfaitement le Père (v. 22). Jésus est la révélation parfaite du Père après laquelle a soupiré l’élite des hommes de l’ancienne alliance, qui ont désiré voir cet intermédiaire parfait ! Jésus affirme encore une fois clairement qu’il est le messie attendu par les rois et les prophètes de l’Ancien Testament, qu’il est l’espérance d’Israël.

Mais si les disciples avaient le privilège d’avoir cette connaissance, ce n’était pas par leur intelligence ou leur sage raisonnement puisque Jésus les compare à des enfants (v. 21), mais seulement par l’œuvre souveraine de Dieu. C’est un éloge de la grâce de Dieu qui ne se mérite pas à force d’intelligence ou de connaissances. Les chefs spirituels juifs se croyaient sages et intelligents. Mais leur orgueil les aveuglait et les empêchait de discerner la vraie valeur du Fils de Dieu. Ils passaient à côté de la bonne nouvelle de l’Évangile.

C’est parce que la connaissance de l’œuvre de Jésus est essentielle, que l’œuvre des disciples et notre témoignage sont nécessaires encore aujourd’hui. Notre mission terrestre a des conséquences célestes car « nous faisons les fonctions d’ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Corinthiens 5.20)

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