Souffre avec moi

Par Alexandre Sarranle 10 mai 2020

Des fois, la vie des non-chrétiens a quand même l’air plus facile que celle des chrétiens. Déjà, on a l’impression qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent sans être inquiétés dans leur conscience. Ils peuvent regarder n’importe quoi à la TV ou sur internet, ils peuvent dire des gros mots, tricher un peu quand ça les arrange, tromper leur conjoint s’ils en ont envie, et même divorcer, pourquoi pas—on ne dirait pas que ça va les empêcher de dormir.

Ils ont l’air plus cool dans la relation avec leurs enfants, ils ne sont pas soumis à la pression de devoir les élever « en les corrigeant et en les avertissant selon le Seigneur » (Ép 6.4), et quand il leur arrive de leur crier dessus, on ne voit pas pourquoi ils seraient rongés par la culpabilité. Et puis c’est grasse-mat tous les dimanches, et quand il fait beau, piscine chez tonton et tata ; on choisit ses amis, on voit des gens quand on veut et si on veut, on est libre du carcan de la religion, libre d’être soi-même, bref ça a l’air trop bien d’être un non-croyant !

À l’inverse, quand on est croyant, on peut avoir l’impression de vivre sous pression en permanence. Il y a des attentes sur le plan de la morale—tu as intérêt à être souriant et joyeux, de bonne humeur, toujours doux et bienveillant, patient, dévoué à ta famille et à ton église. Tu n’as pas intérêt à boire, à fumer, à te faire imprimer un tatouage ou à écouter du heavy metal. Et si tu es pasteur, alors là je ne te dis pas, tu ferais mieux d’être blanc comme neige, étincelant à chaque instant, sinon tu es mort !

Mais sans verser dans la caricature, c’est vrai que ce n’est pas facile d’être un croyant engagé (quelqu’un qui a vraiment la foi et qui cherche à tirer de sa foi un maximum d’applications pratiques pour sa vie). Il y a cette pression morale assortie du sentiment de culpabilité quand on n’y arrive pas. Il y a aussi, bien souvent en France et en Occident, une forme de mépris social. Certains chrétiens ont perdu des amis à cause de leur foi. D’autres sont calomniés sous prétexte d’avoir rejoint une « secte ». Il y a parfois de la discrimination sur le plan professionnel ; parfois de l’acharnement sur le plan judiciaire. Et dans certains pays, sans doute même dans certains quartiers de notre pays, il y a de la persécution physique violente.

À tout ça s’ajoute une autre réalité, difficile à quantifier et à décrire. Difficile à imaginer même pour beaucoup de gens. La réalité du combat spirituel. « Mais qu’est-ce que c’est que cette série noire qui me tombe dessus ? » « Et qu’est-ce que c’est que cette situation inextricable qu’aucun être humain n’aurait jamais pu prévoir ou imaginer, et qu’aucune créature sous le ciel n’aurait pu inventer sinon le diable lui-même ? » « Et moi qui pensais être prémuni contre telle ou telle faiblesse de ma chair, comment se fait-il que je suis maintenant tenté jusqu’au plus profond de mon être de commettre cette folie ? » « Et pourquoi, si je dois souffrir, est-ce que je dois souffrir là où ça fait le plus mal ? » « Et comment ça se fait qu’une heure après avoir prêché l’espérance et la vie à mes paroissiens, je suis capable de dégager une odeur de soufre et de mort dans ma maison, et de devoir lutter contre des sentiments si virulents de défaite, d’incapacité et d’indignité ? »

Servir Dieu, ce n’est pas facile. La vie chrétienne, ce n’est pas facile. Et les chrétiens en tout temps ont pu être tentés de baisser les bras et de se laisser vaincre par l’adversité. Mais voici ce que dit l’apôtre Paul au pasteur Timothée (pasteur de l’église d’Éphèse au premier siècle), et voici ce qu’il dit aux chrétiens de son église, et voici la leçon qu’il adresse de la part de Dieu à tous les chrétiens qui cherchent sincèrement à servir Dieu et à lui être fidèles, mais qui souffrent, et qui pleurent, et qui se demandent s’ils vont résister au poids des afflictions ; eh bien l’apôtre Paul leur dit, de la part de Dieu : « Oui, c’est dur ! Mais ça va passer. »

1/ Souffrir dans le ministère c’est normal (v. 3-7)

Premier point : souffrir quand on sert Dieu, c’est normal. Toute l’exhortation de ce passage, finalement, se résume à ces trois mots en français qui se trouvent tout au début de ce qu’on a lu : « Souffre avec moi » (v. 3). En grec, c’est un seul mot (le verbe sunkakopatheo), qu’on ne trouve qu’à deux endroits dans tout le Nouveau Testament : ici et quelques versets plus haut (1.8). Le complément du verbe « avec moi » n’est pas aussi explicite en grec. Littéralement, le mot veut dire « Souffre péniblement avec », sans autre complément, ce qui voudrait dire : « Prends part aux souffrances pénibles qui sont celles d’un bon soldat du Christ-Jésus. »

Pourquoi cette petite leçon de grammaire ? Parce que l’exhortation de Paul n’est pas définie ou limitée par les circonstances particulières de Paul ou de Timothée. Paul n’est pas en train de dire : « Dans les circonstances précises qui nous touchent, exceptionnellement, souffre avec moi, soutiens-moi qui suis en prison, sois prêt toi aussi à aller en prison et à être persécuté comme moi », même si tout ça est vrai ! Mais l’exhortation a une portée beaucoup plus générale : être « un bon soldat du Christ-Jésus », servir Dieu fidèlement, être un chrétien sérieux, ça implique en général des souffrances pénibles. Paul est en train de dire : « Prends part à ces souffrances avec tous ceux qui cherchent à être fidèles à Dieu. »

Souffrir quand on sert Dieu, c’est normal ! C’est comme quand on est un militaire à l’armée. Ça fait partie de la vocation. Personne ne trouve ça anormal qu’un militaire se fatigue et se salisse et se mette en danger ou se blesse. On a chez nous un enfant qui s’intéresse beaucoup aux forces spéciales et qui aimerait bien s’engager dans cette branche de l’armée. Et nous on est tellement relous en tant que parents qu’on n’arrête pas de le charrier, quand il n’a pas fait son lit le matin, ou qu’il n’a pas envie de manger ses champignons… et on lui dit quoi à votre avis ? « Tu sais, quand tu seras à l’armée… Ton commandant, il ne te laissera pas passer ça, hein ! Tu ferais mieux de t’habituer tout de suite à faire des choses qui ne te plaisent pas ! »

C’est difficile, c’est éprouvant, c’est pénible d’être un militaire, et ça fait partie de la vocation. C’est pareil pour les athlètes, dit l’apôtre Paul (v. 5). Si tu veux être sélectionné pour les Jeux Olympiques, il ne faut pas reculer devant la souffrance ! Et si tu veux remporter une médaille, encore moins ! Entraînement toutes les semaines, sous un soleil de plomb, ou dans le froid ou sous la pluie, régime alimentaire très strict, horaires de sommeil à respecter, contrôles anti-dopage inopinés, etc. Qui pourrait prétendre faire un sport sérieusement et remporter des compétitions de haut niveau sans passer par toutes ces difficultés ?

Et Paul dit que c’est aussi pareil pour les agriculteurs ! C’est « le laboureur qui peine qui sera le premier à recueillir le fruit » (v. 6) ! Littéralement : le laboureur qui se fatigue. Il faut bosser dur et surmonter bien des difficultés et des imprévus pour avoir une belle récolte à la fin. Il faut se lever tôt pour traire les vaches, il faut retourner la terre et semer au bon moment, il faut arroser, traiter, protéger, récolter, stocker, on fait de très longues journées dans des conditions parfois très difficiles. Il faut souffrir, et c’est normal quand on est agriculteur. C’est un métier difficile. On parle de nos jours de la « pénibilité » du travail.

Et notre texte nous dit qu’il y a une « pénibilité » ordinaire de la vie chrétienne, comme pour les militaires, les sportifs de haut niveau ou les agriculteurs. Souffrir quand on sert Dieu, c’est normal. Si tu es chrétien et que tu souffres aujourd’hui, ce n’est rien d’anormal. Si en devenant chrétien, tes difficultés ont augmenté, ce n’est rien d’anormal. Si plus tu cherches à être fidèle à Dieu, plus c’est compliqué dans ta vie, ce n’est rien d’anormal.

Un « bon soldat du Christ-Jésus » va souffrir. Bien sûr, on peut souffrir pour toutes sortes d’autres raisons : à cause de nos mauvais choix, à cause de notre imprudence, à cause de nos péchés et de notre orgueil. Mais quand tu t’es examiné toi-même, et quand tu as scruté ton cœur devant Dieu, quand tu t’es mis à nu sous la lumière de sa Parole, et quand tu t’es peut-être même soumis à l’examen de tes amis dans la foi, et que ta conscience en est sortie soulagée et intacte— alors, accueille les souffrances que tu traverses non pas comme une sentence, mais si j’ose dire, comme une récompense. Comme les courbatures après 10 km de course à pied ou une séance de muscu ! Ce n’est pas mauvais signe, c’est bon signe !

Ta chair, le monde et le diable s’en prennent à toi parce que tu es « un bon soldat du Christ-Jésus ». Un bon soldat, ça souffre. Tout comme un bon athlète ou un bon agriculteur. Ce qui nous amène au deuxième point.

2/ Souffrir dans le ministère ça vaut le coup (v. 8-10)

Souffrir quand on sert Dieu, ça vaut le coup. Aux v. 8-10, Paul dit à Timothée de penser à certaines choses qui vont lui rappeler pourquoi il devrait avoir envie de tenir bon dans la souffrance. Il dit que ce n’est pas pour rien qu’un chrétien endure les souffrances, et persévère dans l’adversité. C’est pour « l’Évangile » (v. 8-9), et même, c’est « à cause des élus » (v. 10), afin qu’ils obtiennent le salut. Qu’est-ce que ça veut dire, tout ça ?

« L’Évangile », ça désigne le message, la « bonne nouvelle », que les chrétiens sont chargés d’annoncer autour d’eux, en bons « témoins » de Jésus (cf. 1.8 et Ac 1.8). On en a parlé ces dernières semaines. La communauté des croyants est chargée d’un message de la part de Dieu, dont on doit prendre le plus grand soin. La vie chrétienne, donc, ça implique une sorte de « mission » à laquelle on a été appelé par Dieu lui-même. Il nous a confié un truc, un truc hyper précieux, et on doit prendre le plus grand soin de ce truc, et en faire le bon usage aussi, qui consiste non pas à l’enfermer en secret dans un coffre-fort, mais plutôt à partager ce truc avec les gens autour de nous. Ça va être super dur, mais c’est super important.

Et Paul dit à Timothée : « Souviens-toi de ce truc qui t’a été confié, et de ce que tu dois en faire, et pourquoi tu dois le faire, et ça va t’aider à tenir bon dans l’adversité ». Ce truc, c’est quoi ? C’est « Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, issu de la descendance de David » (v. 8). J’adore quand Paul résume le cœur du message de toute la Bible en une seule phrase !

« Issu de la descendance de David », le Christ, le messie, le libérateur promis depuis les origines de l’humanité, est enfin venu, conformément aux promesses millénaires de Dieu. Jésus remplit toutes les attentes de l’Ancien Testament, et même, il les surpasse, pourrait-on dire ! Il est venu délivrer tous les gens qui se confient en lui. Il est venu nous délivrer de nos oppresseurs : du mal qui habite dans notre cœur, de la culpabilité et de la peine de nos fautes, de la mort, et du diable qui nous tourmente. Jésus s’est offert lui-même sur la croix en sacrifice et en rançon pour nous délivrer.

Et il est « ressuscité d’entre les morts ». Il a réussi sa mission et il en est sorti vainqueur. Le règlement de la dette a été validé, et Jésus qui a terrassé le diable et la mort règne maintenant au ciel, à la droite de Dieu, et il garantit par son incorruptibilité, notre future résurrection et notre future incorruptibilité (1 Co 15). Tous ceux qui invoquent son nom, tous ceux qui se confient en lui, qui lui remettent sans réserve les commandes de leur vie, peuvent recevoir par la foi l’assurance du pardon et de la vie éternelle.

Si toi qui écoutes aujourd’hui, tu ne t’es jamais incliné intérieurement devant Jésus, tu devrais le faire maintenant. N’attends même pas la fin de cette prédication. Ferme les yeux, adresse-toi à Dieu en pensée ou à voix haute, et dis-lui que tu désires lui appartenir. Demande-lui pardon d’avoir cherché à vivre sans lui, et demande-lui de te consoler, de te fortifier et de te guider dorénavant dans toute ta vie. Et si tu fais ça, ne reste pas seul. Prends contact avec d’autres chrétiens et raconte-leur ce tournant que ta vie vient de prendre.

Mais ça, en tout cas, c’est le message, c’est l’évangile, c’est le truc, le trésor qui a été confié aux chrétiens, qu’on est chargé d’annoncer, et pour lequel Paul « souffre jusqu’à être lié comme un malfaiteur » (v. 9), et pour lequel nous aussi, on devrait être prêt à souffrir. Pourquoi ? « À cause des élus », dit Paul (v. 10). Ce qu’il veut dire par là, c’est : « À cause de ceux qui entendront ce message et qui croiront ! »

Voilà pourquoi souffrir, quand on sert Dieu, ça vaut le coup ! Parce que notre service fidèle, par l’annonce de l’évangile, va faire que les élus « obtiennent le salut qui est en Christ-Jésus, avec la gloire éternelle » (v. 10) ! Paul est certain de ça, parce que, dit-il, la parole de Dieu est puissante, elle n’est « pas liée » (v. 9) ! Même dans l’adversité, on est incité à persévérer, et à endurer, et à « tout supporter », parce que la parole de Dieu demeure toujours puissante et efficace. On est chargé d’un évangile, dont la proclamation, même dans les circonstances les moins favorables à vue humaine, produira toujours le salut des élus !

C’est génial ! Ça veut dire que si on souffre dans le service de Dieu, que ce soit par la persécution, par la maladie, par des épreuves matérielles, par des états d’âme et des combats intérieurs, par la lutte contre le péché, ou même par des attaques clairement démoniaques—si on souffre dans le service de Dieu, ce n’est pas une défaite ; c’est une circonstance dans l’accomplissement du projet de Dieu. On peut tenir bon, à condition de fixer les yeux sur ce projet, et non pas sur la circonstance.

C’est comme quand on veut gravir une haute montagne. J’ai fait beaucoup d’alpinisme, et c’est crevant. Des fois, on n’en peut plus physiquement et on se demande pourquoi on se traîne un sac de vingt kilos sur cette moraine interminable, et pourquoi on met encore un pied devant l’autre et pourquoi on n’est pas plutôt tranquillement installé au camping sous le parasol avec une bière bien fraîche ! Pourquoi ? Eh bien parce qu’on pense au projet plus qu’à la circonstance. On pense au sommet et à la vue incroyable qui va s’offrir à nous en haut. On pense au sentiment de satisfaction qu’on aura d’avoir pu épingler un nouveau 4000m à notre collection !

Ou bien pensez aux gens ces jours-ci qui enfilent chaque jour leur blouse de médecin ou d’infirmier. Qui mettent leurs sur-chaussures et leur masque. Chaque jour, ils quittent leur famille pour se rendre au service des urgences à l’hôpital pour accueillir et soigner des patients atteints du Covid-19. Ces personnels de santé produisent tellement d’efforts, et travaillent plus que ce qu’on attend d’eux, dans des conditions vraiment compliquées. Ils s’exposent au danger très réel de la contamination. Ils sont parfois mal vus par les autres habitants de leur immeuble, parce qu’ils portent peut-être le virus sur eux. Et pourquoi est-ce qu’ils endurent tout ça ? Pourquoi est-ce qu’ils « supportent tout » ? À cause de ceux qui seront sauvés—si j’ose dire—ceux qui seront guéris.

Vous comprenez l’analogie. Souffrir, quand on sert Dieu, ça vaut le coup. Parce que le projet de Dieu va réussir. Il nous en a donné un gage et une préfiguration par les souffrances de Jésus-Christ, notre Maître, qui ont précédé sa résurrection et sa victoire. Ça vaut le coup de souffrir quand on sert Dieu, parce que la souffrance est une circonstance ordinaire de la fidélité à Dieu, et qu’être fidèle à Dieu, c’est prendre part à un projet qui gagne à la fin !

3/ Souffrir dans le ministère ce n’est pas le plus grave (v. 11-15)

Troisième et dernier point : souffrir quand on sert Dieu, ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave. Le plus grave serait d’avoir à rougir de son manque de consécration à Dieu. Aux versets 11-13, Paul cite des paroles qui ressemblent à ce qui était vraisemblablement un chant chrétien du premier siècle—un chant qui servait peut-être à se motiver et à se fortifier face à la persécution. Il y a deux parties à ce chant, la première décrit la situation du croyant fidèle, la seconde la situation du croyant infidèle.

Imaginez des chrétiens sous l’empire romain, qu’on serait en train de conduire à l’amphithéâtre ou au forum, pour être torturés et suppliciés, et qui pourraient obtenir leur liberté simplement en reniant leur foi. Des hommes, des femmes, des vieillards. Peut-être des enfants. Et sur le chemin, et dans l’arène, on les entend à peine chanter, d’une voix tremblante : « Si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui ; si nous persévérons, nous règnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera ; si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même. »

Vous comprenez la teneur de ce chant ? Nos souffrances ne peuvent rien nous faire perdre si on est attaché à Jésus par la foi. Si on est croyant, on est déjà mort, et notre vie est cachée avec le Christ en Dieu (Col 3.3). Notre vocation ici-bas, c’est celle de la « persévérance », c’est-à-dire le fait d’endurer, de supporter, de patienter dans la tribulation (cf. Ap 1.9). C’est caractéristique de notre vie chrétienne ici-bas, mais en marchant ainsi à la suite du Christ, on règnera aussi avec lui. Donc on peut tenir bon. C’est dur, mais ça va passer.

Par contre. Jésus a dit :

« Quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 10.33)

Si on lui est infidèle, si on se détourne de lui, ça aura un effet néfaste, mais que sur nous, puisque ça ne changera strictement rien au projet de Dieu qui, par ailleurs, s’accomplira quand même. Donc la fin de ce chant (v. 13), ça veut dire tout simplement : « Si on se sépare de Jésus, c’est qu’on choisit la défaite, puisque lui va gagner quand même ! » Lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même. Donc mieux vaut pour nous souffrir que se détourner de l’équipe qui gagne à la fin.

Et donc Paul en tire une application pour Timothée. « Ne te laisse pas détourner de ta vocation. Ne rentre pas dans des joutes verbales sur Facebook qui ne servent qu’à flatter ta grande science théologique ou ton talent oratoire et ton sens de la répartie, et qui en fait, entraînent dans la ruine (katastrophè) les jeunes croyants fragiles et les personnes sincères qui sont en recherche spirituelle. Dis aux autres d’éviter ça, et à la place, concentre-toi sur ce que Dieu nous appelle vraiment à faire, même si c’est beaucoup moins gratifiant, et même si ça ouvre grand la porte à l’adversité. Dispense correctement la parole de la vérité » (v. 14-15).

Paul développe ce que ça veut dire dans la suite de cette lettre, et donc on verra ça dans les prochaines semaines. Mais pour l’instant, il suffit de noter que pour Paul, le choix qui se présente aux chrétiens est : d’un côté, d’être fidèle dans le service de Dieu, de conserver et de diffuser l’évangile, de souffrir en conséquence, et ainsi d’être un instrument du salut des élus, et d’entrer à la fin dans la gloire du paradis ; ou bien, de l’autre côté, de se détourner du Seigneur, d’avoir honte du témoignage véritable à lui rendre (« le modèle des saines paroles à retenir dans la foi et dans l’amour », cf. 1.13), de préférer des disputes de mots, de ne pas prendre part aux souffrances pénibles qui sont celles d’un bon soldat du Christ-Jésus, et ainsi d’entraîner la ruine ou la perdition des hommes, et en fin de compte, un jour, d’avoir à rougir devant Dieu de la façon dont on a mené notre pseudo-vie chrétienne.

C’est dur. Mais on voit que la souffrance dans la vie chrétienne, c’est un peu cet embranchement sur la route, où on a à choisir entre ces deux chemins. À gauche le chemin étroit et difficile mais qui mène à la victoire ; à droite le chemin large et moins difficile mais qui mène à la défaite. Ce n’est pas la souffrance qui doit conditionner notre choix mais la foi. Les difficultés, les épreuves, les afflictions ne sont pas mauvais signe, elles ne doivent pas nous dissuader de prendre le bon chemin ou nous faire douter qu’on est sur le bon chemin.

Souffrir quand on sert Dieu, ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave. Le plus grave serait de prendre le mauvais chemin et d’avoir à rougir, à la fin, de son manque de consécration à Dieu. La souffrance dans la vie chrétienne, en fait, est une tentation au sens biblique, c’est-à-dire qu’elle met notre foi à l’épreuve. Est-ce qu’on va refuser, ou chercher à contourner ces difficultés, et ne pas prendre part aux souffrances pénibles qui sont celles d’un bon soldat du Christ-Jésus, ou bien est-ce qu’on va les accueillir par la foi, et continuer de faire confiance à Dieu, en le servant et en lui obéissant malgré tout ?

Le pasteur Samuel Petershmitt, de l’église La Porte Ouverte, à Mulhouse, a traversé bien des difficultés dans sa vie familiale et dans son ministère au fil des années. Récemment, on a entendu parler de cette église dans les média parce qu’on a découvert que cette assemblée a été un foyer important de propagation du coronavirus dans notre pays à la fin du mois de février. Il n’y a eu aucune faute ni négligence de la part de cette église, et elle s’est retrouvée au cœur de la tourmente, non seulement à devoir gérer une situation de crise sanitaire interne, mais aussi à devoir endurer les accusations, la colère et les calomnies de certains médias, de certaines personnalités politiques et d’une partie de la population. Je ne peux qu’imaginer l’angoisse des responsables de l’église et en particulier de son pasteur. À ce jour, 17 personnes de l’église sont décédées du Covid-19, et beaucoup d’autres ont été hospitalisées, y compris le pasteur lui-même.

Par la grâce de Dieu, Samuel Petershmitt est sorti de l’hôpital affaibli mais en bonne voie de rétablissement. Surtout, il en est sorti profondément bouleversé dans sa relation avec Dieu. Dans sa prédication de dimanche dernier, qu’il a prêchée depuis chez lui, il dit : « Dans mon temps d’hospitalisation, […] le Seigneur s’est révélé à moi d’une manière tout-à-fait nouvelle, et lorsqu’il s’est révélé à moi dans cette profondeur, mon cœur a été profondément bouleversé. […] Il m’a fait la grâce de découvrir tout à nouveau la bénédiction que représente la prise de conscience de qui est Dieu, la prise de conscience de la crainte de Dieu. Et je l’ai vécu, et je le vis présentement, comme une vraie bénédiction. »

Je vous renvoie à son témoignage, que vous pouvez trouver sur internet, pour en savoir plus sur ce que Samuel Petershmitt a appris au travers de cette épreuve. Mais sa contamination au virus, et son séjour en réanimation, se sont transformés, dit-il, en « vraie bénédiction ». L’épreuve aurait pu le détourner de Dieu, mais il a persévéré par la foi, il a souffert comme un bon soldat du Christ-Jésus, et sa relation avec Dieu s’est tellement enrichie et renforcée, qu’il décrit son expérience, par ailleurs, comme « une deuxième nouvelle naissance » !

Donc servir Dieu, ce n’est pas facile. Pression, discrimination, préjugés, incompréhension, tentation, culpabilité, états d’âme, découragement, échecs, doutes, épreuves, combat spirituel, relations brisées, accidents et maladies… la vie chrétienne, ce n’est pas facile ! Et oui, nous aussi aujourd’hui, comme les chrétiens à toutes les époques, on peut être tenté de baisser les bras et de se laisser vaincre par l’adversité. Mais à nous tous qui souffrons et qui pleurons et qui nous demandons si on va encore résister longtemps au poids des afflictions, Dieu nous dit à travers ce texte : « Oui, c’est dur. Mais ça va passer. »

Souffrir quand on sert Dieu, c’est normal, ça vaut le coup, et ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave. Le plus grave serait de se détourner de Dieu. En fait, la vie des non-croyants n’est pas à envier. Je me demande si on pourrait apprendre par cœur les paroles de ce cantique que chantaient les premiers chrétiens face à l’adversité, et si on pouvait se remémorer ces paroles quand on traverse la difficulté. Comme le dirait aussi Dora l’exploratrice : « Quand quelque chose est difficile, tu n’as qu’à en faire une chanson ! »

Eh bien là, peut-être que je traverse quelque chose d’extrêmement difficile. Je ne sais pas comment je vais avoir les forces pour tenir. J’ai conscience d’être en lutte, en tant que croyant, non pas contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les pouvoirs (Ép 6). Cette vie chrétienne, c’est vraiment un combat (Hé 12.4). Comme c’est dur ! Comme c’est dur ! Mais :

« Si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui ; si nous persévérons, nous règnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera ; si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même. »

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