Comment ne pas être sauvé

Par Alexandre Sarranle 2 octobre 2022

Si vous avez déjà plusieurs années de vie chrétienne derrière vous, vous avez sûrement déjà pu observer ce phénomène, où des gens font profession de foi chrétienne et participent assez activement à la vie d’une Église locale, et puis un jour, ils tournent la page, ils se détournent de Dieu, ils ne sont plus intéressés par la foi.

Ça peut être des gens qui à un moment-donné avaient une grande connaissance de la Bible, des gens semble-t-il très engagés, ou bien ça peut être des jeunes qui ont grandi dans l’Église, qui ont reçu le baptême comme signe de leur appartenance à la communauté chrétienne, qui ont entendu parler de Dieu toute leur vie—et qui malgré tout ça, finissent quand même sans la foi. Des gens qui finissent par ne pas croire, alors qu’ils avaient tout pour croire.

C’est perturbant, n’est-ce pas ? Et la question qu’on va se poser aujourd’hui, c’est : est-ce qu’il y a quelque chose qu’on peut faire pour essayer d’éviter ça ? Pour essayer d’éviter que ça nous arrive, ou que ça arrive dans notre Église ?

Alors on va reprendre là où on s’était arrêté la semaine dernière dans la fameuse lettre de l’apôtre Paul aux chrétiens de Rome. On a parlé la dernière fois du fait que si des gens croient, et si des gens ne croient pas, en fin de compte, Dieu a le contrôle de cette situation, et s’il autorise cette situation, c’est qu’il l’a décidée, et s’il l’a décidée, c’est qu’à travers cette situation, il est en train d’accomplir un plan qui est parfaitement sage, juste et bon.

Mais en tout cas, la dernière chose que Paul a dite, c’est que, effectivement et manifestement, il y a pas mal d’Israélites qui ne croient pas—alors même que les Israélites, c’étaient justement les mieux placés pour croire. Et donc d’un côté, oui, OK, s’il y a beaucoup d’Israélites qui ne croient pas, c’est que ça fait partie du plan de Dieu. Mais en même temps, il y a une question parfaitement légitime qu’on peut se poser, c’est : qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il ne croient pas ?

On l’a dit la semaine dernière : la souveraineté de Dieu ne nous déresponsabilise pas dans les choix réels qui se présentent à nous, selon notre condition de créatures. Même si Dieu a décrété qu’ils ne croiraient pas, ils sont quand même coupables de ne pas croire—étant donné que les décrets de Dieu et la liberté des hommes ne se situent pas sur le même plan. Donc il n’y a pas de concurrence entre les deux.

Et donc dans le chapitre 9, Paul a expliqué le pourquoi du fait que beaucoup d’Israélites ne croient pas. Le pourquoi, c’est que Dieu l’a décidé ainsi. Mais nous, ce qui nous intéresse surtout, c’est le comment—ce qui est relatif à notre responsabilité. Comment est-ce qu’ils se sont heurtés à la pierre d’achoppement (cf. Rm 9.32) ? Comment est-ce qu’ils ont trébuché sur le truc qui devait—au contraire—les sauver ? Qu’est-ce qui s’est passé, qu’est-ce qu’ils ont mal fait, comment est-ce qu’ils se sont fourvoyés—alors qu’ils étaient en position idéale pour être sauvés ? Et qu’est-ce qu’on peut en tirer comme leçon pour nous aujourd’hui ?

Et ce que ce passage va nous apprendre, c’est qu’on doit absolument se rappeler quel est le but de tout ce que Dieu nous donne pour se faire connaître à nous : le but, c’est de nous conduire à la foi personnelle en Jésus. Et si on loupe ce but, on passe à côté de tout.

En ignorant l’instrumentalité de la foi (v. 1-13)

Donc la grande question, c’est : qu’est-ce qui s’est passé pour que des gens qui étaient idéalement placés pour être sauvés, se soient pas sauvés ? Et qu’est-ce qu’on doit comprendre à notre tour, à partir de leur exemple, pour ne pas tomber dans le même piège ? Et la première chose que Paul veut nous faire comprendre, c’est qu’on doit faire très, très attention de ne pas chercher le salut autrement que par le moyen de la foi.

Regardez le texte (v. 1-13). C’est un peu compliqué, ce que Paul explique dans ces versets, mais en gros, ce qu’il veut montrer, c’est que les Israélites avaient reçu plein de choses de la part de Dieu (dans leur histoire), mais qu’ils n’ont pas répondu à ces choses de la bonne manière. Ils ont pensé qu’ils pouvaient utiliser ces choses pour se sauver eux-mêmes.

Les Israélites avaient conscience que les humains étaient injustes et séparés de Dieu par nature, qu’ils avaient le mal en eux, et qu’ils avaient besoin de redevenir justes aux yeux de Dieu pour pouvoir être de nouveau en communion avec lui. Et les Israélites avaient reçu de la part de Dieu une description de cette justice qui était nécessaire pour pouvoir être de nouveau connectés à Dieu, et donc sauvés. Mais les Israélites ont pensé qu’ils pouvaient acquérir cette justice par eux-mêmes, en multipliant les efforts et en s’astreignant à des règles et des lois et des rites religieux par centaines.

Mais voilà : ce n’était pas la bonne manière de répondre à tout ce que Dieu leur avait révélé. Paul dit : « Ils ont du zèle pour Dieu, mais sans connaissance » (v. 2). Autrement dit, ils cherchent à faire tout plein de choses pour Dieu, pour être reconnectés à lui, pour se rendre justes et pour être sauvés—mais ils n’ont pas compris quelle était la bonne manière de recevoir tout ce que Dieu leur avait révélé. Ils ne se sont pas approprié ces choses de la bonne manière, ils n’en ont pas tiré les bonnes conséquences et les bonnes applications.

Paul nous explique que la justice qui était tant recherchée—et à raison—par les Israélites, eh bien il était impossible de l’acquérir par la pratique ou la performance. Impossible de l’acquérir par l’obéissance aux exigences de Dieu, à sa loi morale, ou à toutes ses instructions cérémonielles. Non, c’est seulement par le moyen de la foi qu’on pouvait recevoir cette justice, et être compté comme juste (ou reconnu comme juste) par Dieu.

Et Paul va montrer qu’en fait, les Israélites pouvaient le savoir, ça, et même auraient dû le savoir, parce que c’était écrit ou expliqué dans leurs textes. Dieu ne leur a pas tendu un piège, en leur disant : « Regardez tout ce que vous devez faire pour être sauvés. Allez-y, c’est dur mais c’est possible ! » Et puis finalement, plusieurs générations plus tard : « Non je rigole, en fait ce n’est pas possible. C’est seulement par la foi que vous pouvez être sauvés ! »

Non, d’après Paul, déjà à l’époque de Moïse, Dieu avait voulu faire comprendre aux Israélites qu’il ne fallait pas regarder aux exigences de la loi pour être justifié—et donc sauvé—, mais qu’il fallait regarder à Dieu, et s’appuyer sur ses promesses. (Une seule alliance de grâce !)

En fait, la loi était imposante, impressionnante, intimidante, et il y avait trois choses qu’on pouvait se dire devant cette loi.

Premièrement : Wouah, ce que Dieu attend de moi est incroyable, et je vais m’y mettre tout de suite, je vais gravir cette énorme montagne—je vais monter au ciel et descendre dans l’abîme pour acquérir cette justice—et quand j’y arriverai, j’aurai vraiment de quoi être fier, et Dieu va me féliciter pour sûr !

Deuxièmement : Wouah, ce que Dieu attend de moi est incroyable, et je ne vois pas du tout comment je pourrais y arriver—c’est peine perdue ! C’est hors d’atteinte ! Il faudrait quasiment pouvoir monter au ciel ou descendre dans l’abîme pour réaliser tout ça. Impossible ! Et donc je ne vais même pas essayer, et je vais vivre comme je veux.

Mais troisièmement : Wouah, ce que Dieu attend de moi est incroyable, et c’est si beau et c’est si juste, parce que c’est l’expression de son caractère à lui. Mais Dieu ne me demande pas de monter au ciel ni de descendre dans l’abîme—il me demande simplement de serrer sa parole dans mon cœur, de lui faire confiance et de l’aimer en retour.

Imaginez votre conjoint ou votre amoureux ou votre amoureuse. Imaginez que quelqu’un vous dise : « Voici tes devoirs envers cette personne. Tu dois lui écrire des mots d’amour, lui offrir des fleurs, la sortir au restaurant, lui faire des compliments chaque jour, lui tenir la main, lui sourire, la protéger, l’accompagner, l’aider—parce que c’est ce qui lui fera plaisir. » Vous pourriez vous dire : « OK ! Je vais me faire une to-do list, et je vais cocher chaque jour quand j’aurais accompli mon devoir, et en appliquant cette recette, je vais gagner son approbation et même provoquer son admiration et son amour. » Vraiment ? Pas sûr que ce soit exactement ce qu’elle attend, en fait.

Ou bien vous pourriez vous dire : « Oh là là, quelle corvée. Il faut vraiment que je fasse tout ça pour lui faire plaisir ? Je ne pourrais jamais y arriver, ce n’est même pas la peine ! Je vais trouver quelqu’un d’autre. » Pas sûr que ça non plus, ce soit ce qu’elle attend.

Mais ce que vous pourriez vous dire, c’est : « Wouah, merci. Je comprends mieux quels sont ses goûts, et ce qui lui ferait plaisir. Je vais garder ces choses à l’esprit et y penser et les valoriser, parce que ce sont des choses qu’elle aime. Et comme je l’aime éperdument, et que je suis animé et pressé par cet amour, je vais essayer de voir comment je peux mettre ces choses en pratique, même si c’est très imparfaitement. » Cette attitude-là, c’est sûrement celle qui ferait vraiment plaisir à votre conjoint.

Cette attitude-là, c’est aussi celle que Dieu attendait des Israélites en réponse à sa loi, et à tout ce qu’il leur avait révélé. Non pas une conformité extérieure à sa loi (impossible à atteindre, d’ailleurs), mais plutôt, comme Dieu l’avait dit par Moïse : « La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. » (v. 8). Paul cite précisément la loi de Moïse pour prouver que c’est comme ça que Dieu voulait que les Israélites accueillent tout ce qu’il leur avait révélé.

Cette manière d’accueillir la parole de Dieu, c’est la foi. La foi, c’est un « SAC » qui est constitué de trois parties : le Savoir, l’Assentiment, et la Confiance. Le savoir, c’est-à-dire quelque chose—une information—qu’on a entendu et qu’on sait maintenant. L’assentiment, c’est-à-dire que non seulement on sait, mais on croit, on est d’accord avec l’information (c’est le sens de « confesser de ta bouche »). Et la confiance, c’est qu’on s’appuie maintenant de tout son poids sur cette réalité, on y transfère nos espoirs et nos attentes, on se repose là-dessus (c’est le sens de « croire dans ton cœur »).

Et vous avez vu que Paul vient ajouter un élément spécifiquement chrétien dans l’interprétation des textes de l’Ancien Testament qu’il vient de citer. C’est l’éclairage de la venue et de l’œuvre de Jésus. Jésus, lui, est descendu dans l’abîme et il est monté au ciel—lui, il a gravi la montagne impossible à gravir—il a parfaitement, complètement obéi à toute la loi de Dieu de façon à réaliser ce qui nous était impossible, et à accomplir les promesses de grâce de Dieu en faveur de tous ceux qui se confient en lui.

Il a accompli ça par sa mort et sa résurrection. Jésus est venu obéir activement à la loi de Dieu, c’est-à-dire en remplissant toutes ses exigences positives—il a été complètement juste dans toute sa manière de vivre. Mais il est venu aussi obéir passivement à la loi de Dieu, c’est-à-dire en supportant la peine prévue par la loi comme rétribution du péché. Et Jésus a fait ça pour que d’une part, les péchés de ceux qui croient en lui, lui soient imputés sur la croix, et pour que d’autre part, la justice qui était la sienne, nous soit imputée en échange.

Et tout ça par quel moyen ? Par le moyen de la foi. Et ça, c’était la promesse de Dieu depuis toujours, c’est pourquoi même avant la venue de Jésus, les prophètes disaient déjà aux Israélites : « Quiconque croit en lui ne sera pas confus », ou encore : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » C’est-à-dire quiconque entend la promesse, croit à la promesse, et transfère sa confiance en la promesse.

Tout ce que Dieu avait révélé aux Israélites devait conduire à ça. C’est pourquoi Paul dit que « Christ est la fin de la loi, en vue de la justice pour tout croyant. » (v. 4) Les Israélites auraient dû reconnaître que la justice ne venait pas de la loi mais bien de la foi. Ils pouvaient le reconnaître, mais au lieu de ça, ils ont cherché à établir leur propre justice.

Et ça, c’est la première chose qu’on doit retenir de l’exemple des Israélites qui, pour un certain nombre d’entre eux, n’ont pas été sauvés. On ne doit surtout pas prendre les choses que Dieu nous a révélées, et penser qu’on peut les utiliser pour nous justifier nous-mêmes, pour gagner des points, des mérites, un statut devant Dieu—que ce soit par les rites qu’on accomplit à l’Église comme le baptême ou la sainte-cène, ou que ce soit par une vie ultra-disciplinée (prière tous les matins à 5h et lecture de toute la Bible deux fois par an), ou que ce soit par notre obéissance scrupuleuse aux exigences morales ou éthiques de Dieu.

Toutes ces choses sont super bonnes—et même excellentes ! Mais on doit faire très, très attention de ne pas chercher le salut autrement que par le moyen de la foi. Sinon, on va se retrouver super zélés pour Dieu—et quand même pas sauvés.

En ignorant la proclamation de l’évangile (v. 14-17)

C’était le premier point. Deuxièmement, on doit faire très, très attention à persister dans l’annonce de l’évangile et dans l’écoute de l’évangile. (Allez, je ne promets rien mais je vais essayer d’être plus court sur mes deuxième et troisième points !)

Revenons au texte (v. 14-17). Après nous avoir dit d’où venait la justice (« La justice vient de la foi », v. 6), maintenant Paul va nous dire d’où vient… la foi. Et il dit : « la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ » (ou dans certaines versions : de la parole de Dieu, v. 17).

Paul est très clair, ici. Il décrit une chaîne logique, en partant de la nécessité de la foi comme moyen d’être sauvé—la foi qui consiste à « invoquer le nom du Seigneur » (v. 13). Mais pour ça, il faut savoir qui c’est, le Seigneur. Et pour savoir qui c’est, il faut entendre parler de lui. Et pour entendre parler de lui, il faut que des gens parlent de lui. Et pour que des gens parlent de lui, il faut que ces gens soient chargés de ce rôle ou de cette mission. Bref, pour que les Israélites soient sauvés, il faut que des gens leur parlent de la part de Dieu, et leur annonce ce que Paul appelle « la parole du Christ », ou « la parole de Dieu », ou encore « la bonne nouvelle » (v. 15-16)

Là où Paul veut en venir, c’est très clair. On doit accueillir de la bonne manière les choses que Dieu nous révèle—c’est-à-dire en plaçant notre foi en Dieu (premier point)—mais pour ça (deuxième point), il faut que les choses que Dieu nous révèle nous soient annoncées de manière à nous faire comprendre la bonne nouvelle qui est au cœur de cette révélation.

Paul nous dit que la foi—la vraie foi—est suscitée en réponse à l’annonce de cette bonne nouvelle. C’est comme si je vous disais : « Hey, fais-moi confiance ! » Mais si je ne vous disais rien d’autre, ça serait peut-être un peu dur de me faire confiance. Alors admettons que je vous dise : « Hey, fais-moi confiance, et voici quelques infos sur moi : je suis brun, j’ai des yeux verts, je fais 1m87, j’aime le jazz et les piments, j’ai déjà discuté avec Laurent Wauquiez, et un jour, j’ai joué de la basse sur la scène de la halle Tony Garnier devant plusieurs milliers de personnes. » Je ne sais pas si ça vous aiderait vraiment à me faire confiance. Peut-être que ça vous donnerait envie d’en savoir plus sur moi, peut-être même d’écrire un livre sur ma vie trépidante. Mais me faire confiance ?

Mais imaginons maintenant que je vous dise : « Hey, fais-moi confiance. J’ai les moyens de t’obtenir le pardon de tous tes péchés, de t’offrir l’espérance certaine de la vie éternelle, et c’est moi qui vais tout payer pour ça à ta place. Tu ne me crois pas ? Regarde, je peux te fournir les preuves indéniables et les garanties de ce que je te dis. »

Vous seriez peut-être un peu plus disposé à me faire confiance. Et pour faire confiance à Dieu, on a besoin d’entendre, pas seulement des informations générales sur Dieu, pas seulement des éléments de l’histoire de la relation entre Dieu et les hommes, pas seulement de la sagesse et des instructions éthiques ou morales, mais on a besoin d’entendre ce qui est au cœur de la révélation que Dieu a voulu donner aux hommes. Et le cœur, c’est l’évangile—la bonne nouvelle—à savoir que Dieu nous présente le pardon des péchés et l’espérance de la vie éternelle à un prix qu’il a voulu payer lui-même, entièrement et souverainement.

« La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ » (v. 17). Certaines versions mettent « de la parole de Dieu », mais justement, cette ambiguïté est très significative. C’est que dans la logique de Paul, la parole de Dieu c’est justement la parole de Christ, c’est-à-dire non pas « ce que Christ dit », mais « la parole qui concerne Christ ».

Ce qu’on doit entendre pour avoir la foi, c’est la parole (ou le message) du salut par grâce par le moyen de la foi, une parole déjà annoncée dans l’Ancien Testament (comme Paul l’a démontré au chapitre 4). Et si « la foi vient de ce qu’on entend » (c’est-à-dire de ce message qu’on entend), eh bien ça veut dire que l’annonce de l’évangile est le moyen ordinaire que Dieu a établi—ou ordonné—pour faire naître la foi chez les croyants.

C’est un peu comme quand autrefois, on développait des photos. On avait une pellicule (un bout de papier plastique d’une composition assez spéciale) qu’on avait utilisé dans un appareil photo, et où on pouvait supposer qu’une image, logiquement, s’était imprimée. Mais pour voir cette image, il fallait mettre cette pellicule dans un « bain révélateur », c’est-à-dire dans un liquide qui allait faire apparaître l’image sur la pellicule.

De la même façon, l’annonce de l’évangile agit dans la vie des gens comme un bain révélateur du salut. C’est-à-dire qu’on sait (à cause du chapitre 9) que le fait qu’une personne soit sauvée, ou non, ça dépend d’une décision éternelle et souveraine de Dieu ; mais de notre point de vue, selon notre condition de créatures, dans l’espace-temps, comment est-ce qu’on se tourne vers Dieu pour être sauvé ? C’est ordinairement en réponse à l’annonce de l’évangile.

Quand l’évangile est annoncé, ça suscite la foi chez des gens—ces gens placent volontairement leur confiance en Dieu, et découvrent de cette manière que Dieu les a aimés et choisis de toute éternité. La prédication de l’évangile révèle qui sont les enfants de Dieu. Pensez aussi aux produits révélateurs de plaque dentaire—ces produits qu’on peut mettre dans la bouche avant de se brosser les dents, et qui vont colorer les plaques dentaires, pour savoir plus exactement où on doit passer la brosse à dents.

L’évangile est comme ça. Quand on annonce l’évangile, ça va colorer les élus—c’est-à-dire que ça va susciter la foi chez certaines personnes qui vont se révéler comme étant des croyants. « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ. » Et si c’est vrai, alors combien on devrait faire attention à persister dans l’annonce de l’évangile et dans l’écoute de l’évangile !

On devrait accorder beaucoup de valeur à la prédication le dimanche matin, à l’étude biblique dans les groupes de maison, à l’enseignement au groupe d’ados, à l’éveil à la foi des moins de six ans, et au club biblique des plus de six ans, en tant que moyens ordinaires, puissants, efficaces, par lesquels la bonne nouvelle de Jésus mort et ressuscité est proclamée, et par lesquels Dieu va faire naître la foi chez ses enfants.

On devrait aussi accorder beaucoup de valeur au témoignage et à l’annonce de cette bonne nouvelle auprès des gens de l’extérieur de l’Église—ce qu’on appelle parfois l’évangélisation (littéralement ça veut dire l’annonce de la bonne nouvelle). On peut « évangéliser » avec beaucoup de simplicité et en même temps beaucoup d’assurance, parce qu’on peut s’attendre à ce que Dieu donne la foi à travers ce qui sera entendu.

Il y a un comité dans notre Église qui a à cœur de nous encourager dans le domaine du témoignage, et qui veut vraiment promouvoir l’annonce de l’évangile dans nos vies personnelles et dans la vie de notre paroisse. La personne-référente de ce comité est Sophie, et je vous encourage à aller lui parler si vous aimeriez en savoir plus là-dessus.

En ignorant l’appel insistant de Dieu (v. 18-21)

Donc si on veut tirer des leçons de l’exemple des Israélites qui avaient tout pour croire, et qui finalement n’ont pas été sauvés, 1/ on doit faire attention à ne pas chercher le salut autrement que par le moyen de la foi, et 2/ on doit faire attention à persister dans l’annonce et dans l’écoute de l’évangile. Troisièmement et dernièrement, on doit faire très, très attention à veiller à la docilité de notre cœur devant Dieu.

Paul vient juste de dire, donc, que la foi venait de ce qu’on entendait. On pouvait supposer, donc, que Paul était en train de sous-entendre que les Israélites n’ont pas eu la foi parce qu’ils n’ont pas entendu. Ils n’ont pas eu la chance d’entendre l’évangile, la bonne nouvelle du salut par grâce par le moyen de la foi. Mais ce n’est pas ce que Paul dit !

Justement, Paul dit au verset 18 : « N’ont-ils pas entendu ? Au contraire ! ». D’ailleurs juste avant, au verset 16, il avait déjà précisé : « Mais tous n’ont pas obéi à la bonne nouvelle. » Autrement dit, ils ont entendu la bonne nouvelle, mais—littéralement—ils n’y ont pas prêté attention, ils n’en ont pas tenu compte, ils ne l’ont pas écoutée de manière à en tirer les conséquences pour eux-mêmes.

Si on revient à la chaîne logique que Paul vient de décrire en disant que la justice vient de la foi, que la foi vient de ce qu’on entend, et que ce qu’on entend vient de la parole du Christ—eh bien il ne veut pas dire, inversement, que la parole du Christ (l’annonce de l’évangile) va mécaniquement produire la foi, qui à son tour est l’instrument de la justification et du salut d’une personne. Dieu a établi l’annonce de l’évangile comme moyen ordinaire de faire naître la foi chez les croyants, mais l’annonce de l’évangile ne produit pas toujours la foi.

Et c’est ce cas de figure dramatique, que Paul décrit dans les versets 18-21, à travers l’expérience des Israélites. Et ce cas de figure était déjà prévu dans la loi de Moïse, comme un avertissement ! Dieu avait dit aux Israélites : « Regardez tout ce que je mets devant vous ! Vous avez tout pour croire et pour être sauvés ! Mais si vous rejetez mes promesses de grâce, vous savez ce qui va se passer ? Je vais présenter ma grâce à d’autres peuples qui eux, pour l’instant, n’ont jamais entendu parler de moi, n’ont aucune connaissance de ma loi, et ne cherchent même pas à savoir si j’existe. Peut-être que quand vous verrez ces autres peuples se tourner vers moi par la foi, vous vous direz que vous avez peut-être loupé quelque chose, et vous deviendrez dociles et attentifs à mes promesses de grâce. »

Paul est en train de nous montrer, ici, que Dieu est vraiment fidèle et patient envers son peuple : il persiste à lui présenter sa grâce, même quand son peuple lui tourne le dos. Dieu n’a pas laissé tomber les Israélites au premier signe de résistance de leur part. Au premier doute, à la première incrédulité, au premier péché : « Ah non, puisque c’est comme ça je ne vous parle plus ! » Pas du tout. Toute l’histoire de l’Ancien Testament nous raconte exactement le contraire. C’est l’histoire de Dieu qui pardonne, qui persiste, qui patiente, et qui renouvelle constamment ses promesses—malgré les infidélités de son peuple.

« Tout le jour j’ai tendu mes mains vers un peuple rebelle et contredisant. » (v. 21) Et Paul veut nous faire réfléchir à la disposition du cœur de ces Israélites, qui « ont entendu » la bonne nouvelle, qui l’ont entendue encore et encore parce que la voix de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles est allée par toute la terre—et qui pourtant se sont endurcis contre Dieu.

Et aujourd’hui plus que jamais : la bonne nouvelle de Jésus mort et ressuscité pour le salut de tous ceux qui croient—cette bonne nouvelle a été annoncée dans des centaines de langues, auprès de centaines de peuples dans le monde entier. Il y a des gens qui ont consacré toute leur vie à ça—à l’annonce de l’évangile même dans des contextes très hostiles. Et c’est le signe dans l’histoire, et encore aujourd’hui, de l’appel insistant de Dieu, adressé en premier aux Israélites et ensuite à toutes les nations, à se tourner vers lui et à recevoir le salut par le moyen de la foi.

Comme on l’a chanté :

« En tout lieu, ô Roi fidèle, tu fais retentir ta voix : c’est ton cœur qui nous appelle auprès de toi ! »

Le fondateur de l’association Portes Ouvertes (une association qui fait connaître les besoins de l’Église persécutée dans le monde et qui aide les chrétiens persécutés)—frère André comme on l’appelait, est décédé il y a 5 jours. On l’appelait le « contrebandier de Dieu » parce qu’il apportait des Bibles clandestinement dans des pays très fermés à l’évangile. Il disait :

« Notre mission s’appelle Portes Ouvertes parce que nous croyons que toutes les portes sont ouvertes, partout et tout le temps. »

Oui, les portes sont ouvertes à l’annonce de l’évangile—elles sont ouvertes ici, à Lyon ; les portes du théâtre de Lulu sont ouvertes chaque dimanche matin pour qu’on y entende l’évangile, et c’est le signe de l’appel insistant de Dieu qui nous tend les mains.

Et donc comme le dit l’auteur d’un psaume :

« Il est notre Dieu, et nous sommes le peuple de son pâturage, le troupeau que sa main conduit. Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur. » (Ps 95.7-8)

Quand on réfléchit à l’exemple des Israélites, qui avaient tout pour croire, et qui pourtant, pour un certain nombre d’entre eux, n’ont pas été sauvés, à notre tour on doit faire très, très attention à veiller à la docilité de notre cœur devant Dieu. N’est-ce pas ?

Alors permettez-moi de tirer quelques applications de tout ce qu’on a vu jusqu’ici. La grande question, c’était : qu’est-ce qui s’est passé pour que des gens qui étaient idéalement placés pour être sauvés ne soient pas sauvés, et qu’est-ce qu’on peut apprendre, à notre tour, de leur exemple ? Paul nous a montré l’exemple des Israélites incrédules pour nous montrer comment ne pas être sauvé ! Nous, on veut faire l’inverse !

Alors on peut déjà répondre de la bonne manière aux choses que Dieu nous révèle, notamment dans la Bible. On ne devrait pas considérer la Bible comme une notice ou un mode d’emploi de la religion, mais plutôt comme une lettre personnelle, pleine d’affection, qui nous fait connaître notre grand Dieu. Quand on reçoit un manuel d’utilisation, on le consulte avec beaucoup d’intérêt pour savoir comment faire marcher la machine. Mais on ne va pas serrer un manuel d’utilisation contre son cœur, on ne va pas le renifler pour essayer d’y détecter le parfum de l’être aimé, on ne va pas le ranger son sous oreiller pour garder près de soi ce gage tangible de l’intérêt que nous porte le fabricant de la machine ! La Bible n’est pas un mode d’emploi qui nous dit quoi faire pour nous élever vers Dieu par nos propre performances. La Bible, plutôt, « est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur », parce qu’elle est la parole de notre tendre Père céleste qui nous aime et qui nous fait connaître sa grâce. On doit chérir tout ce que Dieu nous donne qui nous le fait connaître, et on doit répondre en plaçant notre foi en lui.

Ensuite, on doit s’exercer à toujours percevoir dans la Bible, dans l’enseignement de l’Église, dans les sacrements, dans notre louange, dans notre vie chrétienne, ce qui vraiment central. Et ce qui est vraiment central, c’est la parole qui concerne Christ—la parole de l’évangile, la bonne nouvelle de Jésus mort et ressuscité pour le salut de tous ceux qui croient. « Christ est la fin de la loi », dit Paul (v. 4), et c’est une vérité absolument incontournable. La « fin », ça veut dire le but, la visée, l’objectif. Tout ce que Dieu nous donne pour se faire connaître à nous, tout est centré sur Jésus, parce que « Jésus est le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par lui. » (cf. Jn 14.6) Paul est très attaché à ça, comme il le dit dans d’autres passages du Nouveau Testament :

« Je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Co 2.2)

Cette bonne nouvelle doit être au cœur de tout ce qu’on fait en tant qu’Église—parce que la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ.

Enfin, on doit veiller à l’état de notre cœur, et entretenir notre docilité devant Dieu et notre émerveillement devant sa grâce. Et pour ça, il n’y a rien de plus efficace que ces fameux moyens ordinaires—comme on dit—que Dieu a institués pour nous, pour nous entretenir dans la foi et nous faire grandir spirituellement. Ces moyens sont « ordinaires » parce qu’ils ne présentent rien de spectaculaire à nos yeux ; et pourtant ils ont un effet extraordinaire dans notre vie parce qu’ils nous communiquent des bienfaits spirituels de la part de Dieu. Ces moyens sont la participation au culte chaque dimanche, la participation aux groupes de maison, l’écoute et la lecture attentive des enseignements de la Bible, la prière en privé et avec d’autres chrétiens, et le temps investi dans des amitiés chrétiennes. Pour remédier à l’endurcissement de notre cœur, Dieu a voulu qu’on prenne ces médicaments, si j’ose dire. Mais notre tendance à nous, c’est de nous dire : « Bof, cette semaine je me sens pas trop mal, je ne vais pas prendre mon traitement. » Mais si Dieu, notre grand médecin qui nous aime, nous a prescrit ce médicament, c’est qu’on en a besoin—et on serait fou de ne pas le prendre et de s’exposer au danger mortel d’un cœur qui s’endurcit contre Dieu.

Dans tout ça, le dénominateur commun, c’est quoi ? C’est qu’on doit absolument se rappeler quel est le but de tout ce que Dieu nous donne pour se faire connaître à nous : le but, c’est de nous conduire à la foi personnelle en Jésus. Dieu a mobilisé tellement de moyens pour ça. Et si on est ici, ce matin, on est tellement privilégié, on est tellement idéalement placé pour connaître Dieu, entendre ses promesses, et répondre par la foi. On ne doit pas négliger tout ça. Parce que si on loupe ce but, de la foi personnelle en Jésus, on passe à côté de tout, et ce serait un drame.

N'imitons pas l’exemple (ou plutôt le contre-exemple) des Israélites incrédules dans ce texte. Comme il est dit ailleurs dans le Nouveau Testament :

« Car la bonne nouvelle nous a été annoncée aussi bien qu’à eux. Mais la parole qu’ils avaient écoutée ne leur servit de rien, car ceux qui l’entendirent ne la reçurent pas avec foi. Pour nous qui avons cru, nous entrons dans le repos [de Dieu]. » (Hé 4.2-3)

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