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Par Alexandre Sarranle 5 mars 2023

L’Église chrétienne : ça existe pourquoi ? Dans quel but ?

Imaginez que je vous demande de remplir un petit questionnaire ce matin, et que dans ce questionnaire, vous devez mettre les choses qui vous intéresseraient qu’on fasse en tant qu’Église—c’est-à-dire en tant que communauté chrétienne située ici à Lyon Gerland, clairement identifiée, structurée et dirigée par des responsables. Alors qu’est-ce qui vous intéresserait qu’on fasse en tant qu’Église ?

Vous pourriez cocher parmi plein de choix différents : soirées louange et prière, actions d’entraide envers les personnes défavorisées du quartier, organisation de concerts ou d’expositions artistiques, ouverture d’un café associatif, manifestations politiques, balades en pleine nature, visites de musée, sorties cinéma, après-midi foot, atelier point de croix, concours de fléchettes… Et si on organisait notre vie d’Église autour de ces activités ? Chacun y trouverait son compte, chacun pourrait se retrouver avec d’autres gens de l’Église qui partagent ces mêmes intérêts, et ce serait vachement sympa, non ?

Je vais vous faire une confession. Moi, j’ai envie de constituer un groupe dans l’Église juste avec les gens que je préfère, et on se retrouverait chaque semaine, et on ferait de la montagne, et de la musique, et des dégustations de fromage. Parfois, on discuterait du baptême des enfants. Franchement, qu’est-ce qu’on attend pour créer un groupe WhatsApp et démarrer ce ministère dans l’Église ?

Non, mais sérieusement : l’Église chrétienne, ça existe pourquoi ? J’ai donné plein d’exemples plus ou moins farfelus de choses qu’on pourrait faire en tant qu’Église, et il n’y a probablement rien de foncièrement mauvais dans tout ce que j’ai dit. Mais est-ce que l’Église chrétienne, ça existe pour ça ?

Eh bien le passage qu’on va prendre dans un instant va justement nous aider à comprendre ou à nous rappeler pourquoi l’Église (notre Église !) existe sur la terre.

On est dans la suite de la lettre que l’apôtre Paul a écrite aux chrétiens de la ville de Rome au premier siècle, et depuis plusieurs semaines, on a vu que Paul est très préoccupé par la question de l’unité et de la cohésion de l’Église—de cette communauté de croyants constituée de gens qui peuvent être très, très différents, parce qu’ils sont issus de milieux très, très différents. Et je vous rappelle qu’à cette époque, il y avait des différences très profondes surtout entre les chrétiens originaires du monde juif et ceux originaires du monde non-juif.

Et la tentation, comme on l’a dit la dernière fois, c’était d’avoir des classes différentes de personnes dans l’Église, et une forme de ségrégation entre les gens, ce qui pouvait tout simplement conduire à des divisions : chacun son Église selon son origine, selon ses sensibilités, selon sa manière de vivre sa foi.

Et donc Paul arrive à la fin de cette partie assez longue, où il a vraiment exhorté ses destinataires à avoir de l’amour les uns pour les autres, et à se faire bon accueil mutuellement. Et ce qu’il va faire maintenant, c’est qu’il va obliger un peu tout le monde à lever la tête et à regarder un peu plus loin que simplement aux problématiques internes de l’Église. Paul veut que ses destinataires prennent un peu de recul, ou un peu de hauteur, et qu’ils se rappellent pourquoi ils existent en tant qu’Église sur la terre.

Et ça, en fait, ça va les aider justement à bien s’entendre à l’intérieur de l’Église, s’ils comprennent bien quelle est leur raison d’être en tant qu’Église. Parce que justement : c’est la mission de l’Église que de rassembler un peuple issus de toutes origines.

Je l’ai dit la dernière fois : ce n’est pas un bug, c’est un but. On existe pour appeler et pour accueillir le peuple que Dieu veut, constitué de croyants issus de toutes les nations. On existe pour rassembler les élus des quatre vents (cf. Mc 13.27), parce que Jésus notre maître nous a envoyés dans toute la création pour aller les chercher et les intégrer dans son peuple. C’est ça notre mission. C’est pour ça qu’on existe en tant qu’Église sur la terre.

Et Paul va rappeler cette réalité à ses destinataires en leur parlant de son propre ministère. En quelque sorte, Paul va lever les yeux et regarder vers l’horizon, et en faisant ça, il dirige le regard des autres aussi vers l’horizon, et il les invite à se rappeler quel est ce projet que Paul est en train de viser, qui est le projet de Dieu—un projet auquel les destinataires de Paul et tous les croyants sont invités à se rallier.

Est-ce que l’Église Lyon Gerland est prête à rejoindre le mouvement ? Est-ce qu’on est prêt à viser la même chose que ce que l’apôtre Paul visait, et est-ce qu’on va laisser ce cap conditionner notre vie d’Église ? D’abord, lisons le texte.

1/ Les qualités d’une Église en mission (v. 14-15)

L’Église chrétienne existe pour appeler et pour accueillir le peuple que Dieu veut, constitué de croyants issus de toutes les nations. Et ce texte nous invite à rejoindre le mouvement, tout comme Paul invitait les chrétiens de la ville de Rome à se rappeler cette mission et à rejoindre le mouvement. Mais regardons plus en détail ce qui se passe dans ce passage.

La première chose qu’on voit (v. 14-15), c’est Paul qui souligne les qualités de la communauté chrétienne de Rome—et en faisant ça, il nous donne une indication de ce que sont les qualités d’une Église en mission. C’est-à-dire quelles sont les qualités que Dieu veut pour l’Église qui œuvre dans son projet—pour l’Église qui assume fidèlement sa vocation.

Alors pour bien comprendre ce qui se passe, il faut garder à l’esprit le contexte de ce passage. Ça fait de nombreux chapitres maintenant que le sujet général de ce que raconte Paul, c’est la place des peuples non-juifs dans le projet de Dieu. Jusqu’à l’époque de Jésus, la relation de Dieu avec les humains s’était concentrée sur l’existence et sur l’histoire d’une nation—la nation d’Israël. Mais depuis l’époque de Jésus, maintenant, tous les autres peuples du monde sont invités à se rallier au messie d’Israël et à former avec eux un seul peuple—et ce peuple-là, c’est ce qu’on appelle habituellement l’Église chrétienne.

Mais ça, c’était vraiment quelque chose de nouveau, et de difficile à mettre en pratique au début, à cause des différences énormes qui existaient, au niveau culturel et religieux, entre les Juifs et les non-juifs. Et les premières Églises—les Églises du premier siècle—ont vraiment dû prendre ce problème à bras-le-corps, et ce n’était pas évident ! C’est pourquoi Paul consacre pas mal de chapitres de sa lettre à ce problème.

Revenons un petit peu en arrière. Dans les chapitres 9 à 11, Paul donne une explication théologique de l’ouverture du peuple de Dieu aux peuples non-juifs. Et puis ensuite, dans les chapitres 12 à 15, il donne des instructions pratiques sur comment faire pour que ces deux groupes de population si différents arrivent à former une Église unifiée.

Et donc Paul a beaucoup, beaucoup insisté sur ce sujet, et finalement à la fin, il dit : « Mais bon ! Vous, à Rome, je sais que dans ce domaine, vous faites déjà les choses très bien (v. 14). Si j’ai autant insisté sur ce point, c’est parce que je ne voulais surtout pas que vous oubliiez l’importance de cette question (v. 15). En tant qu’Église chrétienne, vous êtes censés viser l’intégration de toutes les personnes que Dieu appelle à lui, dans toute leur diversité ! Or vous à Rome, je le sais, et je vous félicite : vous avez déjà bien assimilé cette idée que vous êtes une Église en mission, selon la volonté de Dieu. »

Mais quelles sont ces qualités présentes chez les chrétiens de Rome, qui montrent qu’ils sont déjà en bonne position pour accomplir leur mission ? Paul dit qu’ils sont remplis de deux choses. Ils sont « pleins de bonté » et « remplis de connaissance ».

Finalement, par ces deux mots : bonté et connaissance, Paul résume tout ce qu’il attend d’une Église apte à accueillir toute la diversité des croyants que Dieu veut intégrer à son peuple. C’est une Église où il y a de l’amour, de la charité, de l’hospitalité, de la générosité, de la patience, de l’humilité, de l’écoute—une Église où on accueille bien, où on ne discrimine personne, où chacun plaît au prochain pour ce qui est bon en vue de l’édification (Rm 15.2).

Mais c’est aussi une Église où il y a la vérité, où on prend à cœur l’enseignement des apôtres, où on étudie la Parole de Dieu, où on a une théologie solide ancrée dans les Écritures saintes, où on affirme ce qui est vrai et où on dénonce ce qui est faux. Et avec ces deux éléments dont l’Église de Rome est remplie—la bonté et la connaissance—alors l’Église est capable d’avancer et de grandir, comme le dit  Paul: « vous êtes capables de vous avertir les uns les autres » (v. 15).

Ça vous fait peut-être penser à cet autre passage tiré d’une autre lettre de l’apôtre Paul :

« En disant la vérité avec amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ. » (Ép 4.15)

Ce sont deux mots très simples, mais si importants : « bonté et connaissance », ou « amour et vérité »—les qualités que Dieu veut pour son Église qui est appelée à accueillir toute la diversité des gens que Dieu appelle à lui.

Ça vous est peut-être déjà arrivé si vous avez eu un enfant, mais beaucoup de gens qui ont des enfants—à partir d’un certain âge, ils vont les mettre à la crèche. Mais quand on veut mettre son enfant à la crèche, on veut s’assurer qu’il va être accueilli dans de bonnes conditions. On va visiter la crèche, on va rencontrer l’équipe, on va examiner un peu les locaux. Et on espère trouver des gens bienveillants, des équipements propres, une organisation bien rodée et sécurisante. On veut que notre enfant soit pris en charge dans les meilleures conditions.

Et Dieu veut la même chose pour son Église. Il veut que ses enfants soient pris en charge dans les meilleures conditions. Il veut des gens bienveillants. Il veut un cadre propre. Il veut des règles de sécurité qui sont bien respectées. Il veut que ses enfants—dans toute leur diversité—soient accueillis dans une communauté pleine de bonté et remplie de connaissance.

Et donc à notre tour, à l’Église Lyon Gerland, si on veut être une Église fidèle à la mission que Dieu nous a confiée, si on veut rejoindre le mouvement de ce que Dieu est en train de faire, si on veut prendre part au projet de Dieu, eh bien déjà, il faut qu’on recherche ces qualités : la bonté et la connaissance. Il faut qu’on les recherche, qu’on les apprécie et qu’on les préserve.

Dieu ne veut pas une Église qui serait pleine de bonté mais sans connaissance : une Église où on accueille tout le monde à bras grands ouverts, où tout le monde se sent bien, une Église ultra-inclusive, mais où jamais personne n’est confronté à la vérité. Mais Dieu ne veut pas non plus une Église remplie de connaissance mais sans bonté : une Église parfaitement au point sur sa théologie, hyper développée intellectuellement, souscrivant à la lettre de la confession de foi, mais où on n’aime pas les gens !

Non. Les qualités d’une Église en mission, ce sont la bonté et la connaissance, qui doivent aller main dans la main. C’était le premier point.

2/ Le sacerdoce d’une Église en mission (v. 16-22)

Deuxièmement : le sacerdoce d’une Église en mission. Alors d’abord, qu’est-ce que ça veut dire, « sacerdoce » ? Le sacerdoce, c’est tout simplement le nom qu’on donne à la fonction d’un prêtre, et un prêtre c’est quelqu’un qui fait l’intermédiaire entre des gens et Dieu. Donc ce qu’on va voir dans ce deuxième point, c’est que l’Église en mission—l’Église qui fait ce pourquoi elle existe, l’Église qui prend part au projet de Dieu en assumant le rôle que Dieu lui a donné—bref, l’Église en mission non seulement a les qualités qu’on vient de voir, mais elle a un sacerdoce, c’est-à-dire qu’elle a une fonction qui ressemble à celle d’un prêtre.

Ça peut sembler un peu bizarre, mais regardez ce que dit l’apôtre Paul dans la suite de notre passage (v. 16-22). Il va parler de son ministère—de son travail en tant qu’apôtre de Jésus—mais il va en parler en des termes très particuliers. Je vous rappelle que l’intention de Paul, ici, c’est que ses destinataires se sentent concernés, et associés à cette mission que Paul est en train de leur décrire.

Quelle est cette mission ? Paul dit qu’il « s’acquitte du service sacré de l’Évangile de Dieu, afin que les païens lui soient une offrande agréable, sanctifiée par l’Esprit-Saint » (v. 16). Ce qu’il faut savoir, c’est que Paul emploie un langage très particulier ici, qui est normalement utilisé pour décrire le travail d’un prêtre. Paul décrit de manière imagée ce qu’il est en train de faire en tant qu’apôtre. Et dans cette image, lui, c’est un prêtre ; et ce qu’il fait, c’est qu’il présente une offrande à Dieu ; et cette offrande, ce sont les païens—c’est-à-dire les croyants issus des nations, les croyants d’origine non-juive.

Et ce « service sacré » (ce sacerdoce), c’est le service sacré « de l’Évangile de Dieu », dit Paul. Et ensuite, il va expliciter un peu ce qu’il veut dire (v. 17-22) : c’est qu’en annonçant l’Évangile dans un maximum de territoires habités principalement par des païens, où les gens n’avaient encore jamais entendu parler de Jésus, eh bien Paul a amené plein de païens à la foi en Jésus. Et en fait, c’est Jésus lui-même, d’après Paul, qui était en train de réaliser son projet à travers lui (v. 18), en l’assistant de son Saint-Esprit et en réalisant même des signes et des prodiges (v. 19) pour attester de la fiabilité de la prédication de Paul.

En fait, ce que Paul est en train de faire, ici, c’est qu’il est juste en train de décrire son obéissance aux instructions de Jésus lui-même, qui a dit aux apôtres :

« Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur enseignant à garder tout ce que je vous ai prescrit. » (Mt 28.19-20)

Et Paul veut que l’Église se rappelle cette mission, et qu’on s’imagine cette mission comme un sacerdoce.

Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais au début du chapitre 12, Paul avait déjà dit que quand on est croyant, on devrait logiquement se vouer soi-même à Dieu comme en offrande, comme en sacrifice (Rm 12.1). C’était une image bien sûr de notre consécration à Dieu, qui résulte de la foi. Mais maintenant, Paul dit que la mission de l’Église consiste à présenter d’autres gens à Dieu comme en offrande, comme en sacrifice. Encore une fois, c’est une image ! C’est l’image de la consécration des nouveaux croyants à Dieu, qui résulte de la foi, qui elle-même résulte de l’annonce de l’Évangile.

Dans l’Ancien Testament, dans les pratiques rituelles du peuple d’Israël avant l’époque de Jésus, on consacrait régulièrement des choses à Dieu. Notamment à l’époque des récoltes, on prélevait les premiers fruits de la moisson et on les présentait au temple en offrande à Dieu. Mais on pouvait aussi présenter volontairement plein d’autres choses en offrande à Dieu. C’était une façon d’exprimer sa louange et sa foi. Et nous-mêmes, ici, dans le culte, on a aussi un moment d’offrande matérielle, quand on fait passer les aumônières dans les rangs pendant le dernier chant.

Et donc l’image, ici, c’est que l’Église en mission, c’est une Église qui va dans les champs cueillir sa récolte et qui présente sa moisson à Dieu en offrande. Et cette moisson, ce sont les gens qui entendent le message de l’Évangile et qui répondent par la foi. Et c’est comme ça que Paul nous invite à nous représenter notre mission : on va dehors récolter ce qui appartient à Dieu, et on « amasse le blé dans son grenier » (Mt 13.30).

Une autre image que Jésus emploie, c’est celle des brebis dispersées, que Jésus veut rassembler dans sa bergerie. En parlant des croyants issus des nations, Jésus dit :

« Celles-là, il faut aussi que je les amène ; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger. » (Jn 10.16)

Mais qui c’est qui fait entendre la voix du bon berger à toutes ses brebis dispersées dans le monde ? C’est l’Église, qui est dépositaire de sa parole.

Donc vous comprenez ? C’est ça le sacerdoce de l’Église en mission : c’est qu’on sort dans le monde pour faire connaître le message de l’Évangile à toutes les nations, et qu’on récolte, et qu’on rassemble, et qu’on amène à Dieu ceux qui répondent à son appel par la foi.

Et donc avant d’aller plus loin, c’est quoi déjà cet Évangile que Paul s’est fait « un point d’honneur » d’annoncer « là où Christ n’avait pas été nommé », et qu’il a « abondamment répandu » partout où il est allé, « depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie » (c’est-à-dire d’Israël jusque là où se trouve la Croatie aujourd’hui) ?

L’Évangile, c’est la bonne nouvelle qui concerne la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. C’est le fait que Jésus est venu de la part de Dieu pour nous sauver. Il a vécu une vie parfaite, et il s’est offert en rançon pour la délivrance de tous ceux qui placent leur confiance en lui. Nous, on était coupables et passibles du jugement de Dieu, mais Jésus s’est substitué à nous sur la croix, pour prendre sur lui notre châtiment, et nous donner sa justice en échange—si on place notre confiance en lui !

Et le troisième jour il est ressuscité : il est le Sauveur vivant, victorieux, puissant pour délivrer du mal et de la mort tous ceux qui invoquent son nom !

Et de la même façon que je vous fais connaître cette bonne nouvelle maintenant-même, en priant que Dieu fasse naître la foi dans votre cœur si elle n’y est pas encore, de la même façon, l’Église est mandatée pour faire connaître cette bonne nouvelle à toutes les nations, et pour accueillir au nom du Seigneur tous ceux qui reconnaissent la voix du bon berger et qui viennent se réfugier dans sa bergerie, et pour consacrer à Dieu cette récolte qui lui appartient.

Vous voyez ? C’est notre sacerdoce en tant qu’Église chrétienne, ici à Lyon Gerland.

3/ La solidarité d’une Église en mission (v. 23-28)

Mais ce n’est pas tout. Troisièmement : la solidarité d’une Église en mission. Si on regarde ce qui se passe ensuite dans notre passage (v. 23-28), on voit que Paul explique qu’il compte poursuivre sa mission, notamment en voyageant jusqu’à Rome et même jusqu’en Espagne. Mais en attendant, il a quelque chose à faire : c’est qu’il doit apporter à Jérusalem une collecte qui a été faite par des Églises de la Macédoine et de l’Achaïe (en gros, le Nord de la Grèce) en faveur des chrétiens de Jérusalem qui sont dans le besoin.

Et ce qui est super intéressant, c’est que Paul fait un commentaire par rapport à ça : il dit que c’est un peu un « retour d’ascenseur », comme on dit ! Cette collecte a été faite par des chrétiens principalement d’origine païenne en faveur de chrétiens principalement d’origine juive. Et pourquoi c’est un retour d’ascenseur ? Parce que ces païens ont été enrichis spirituellement par le moyen de la foi en Jésus, qui est le messie d’Israël (le Sauveur de tous les croyants, mais qui a été promis à Israël et qui est issu d’Israël).

Non seulement ça, mais en plus, la propagation de l’Évangile dans le monde a commencé à Jérusalem. C’est depuis Jérusalem que le message du pardon des péchés et du salut par la foi en Jésus a commencé à se faire entendre, et s’est propagé progressivement de territoire en territoire, jusqu’aux païens de la Macédoine et de l’Achaïe. Et un des résultats, c’est que des nouveaux croyants issus des nations viennent maintenant au secours, matériellement, des premiers croyants qui se trouvent encore à Jérusalem.

Mais si Paul fait cette remarque, je pense que c’est pour souligner le fait que ces païens qui sont en quelque sorte les « petits nouveaux » dans le peuple de Dieu, ne sont pas pour autant un peuple à part ou inférieur ou en période d’essai. Ils sont déjà pleinement solidaires du peuple unique de Dieu, et de ceux qui les ont précédés dans ce peuple unique de Dieu. La preuve : sitôt entrés dans le peuple de Dieu, ils contribuent de leurs richesses aux besoins des autres dans le peuple, et il contribuent à l’intérêt commun.

Et ça a une valeur de leçon, évidemment, pour les chrétiens de Rome à qui Paul est en train d’écrire, comme pour nous aujourd’hui. L’Église qui sait pourquoi elle existe sur la terre, qui reconnaît le projet de Dieu et qui prend part à ce projet, est une Église solidaire, c’est-à-dire une Église où on met en commun des richesses pour l’accomplissement du projet de Dieu.

L’Église en mission, c’est une Église qui ne s’occupe pas seulement de faire entrer les richesses de Dieu dans le grenier de Dieu, mais c’est une Église qui re-déploie ensuite ces richesses pour accomplir la mission que Dieu lui a confiée.

Quelques chapitres auparavant, Paul a utilisé l’image d’une greffe. Il a dit que les païens qui deviennent des croyants en Jésus, le messie d’Israël, sont comme des branches d’un olivier sauvage qui ont été greffées à un olivier saint. Et donc ces branches se mettent à recevoir la sève de cet olivier. Mais ce que Paul n’a pas dit explicitement à ce moment-là, c’est que quand on fait une greffe comme ça, eh bien le tronc reçoit aussi des bienfaits à travers les nouvelles branches. C’est le principe de la photosynthèse : les feuilles captent de la lumière et du dioxyde de carbone et transforment tout ça en sucre qui est envoyé dans la plante.

Donc vous comprenez : l’idée, c’est que quand on rejoint le peuple de Dieu par la foi en Jésus, d’où qu’on vient—qu’on soit d’origine juive ou écossaise ou mong—on vient pas s’ajouter au peuple de Dieu comme une boule ou une guirlande sur un sapin de Noël, mais comme une branche greffée à l’olivier. Et immédiatement, on devient solidaire de l’olivier : on reçoit la sève qui nous fait vivre, et on contribue à la santé et à la croissance de la plante.

C’est la même idée qu’on retrouve ailleurs dans le Nouveau Testament, quand Paul dit que l’Église est un corps formé de plusieurs membres, et que tous les membres du corps contribuent des caractéristiques, des aptitudes, des richesses différentes « pour l’utilité commune » (1 Co 12.7).

Et donc nous tous, ici à l’Église Lyon Gerland, est-ce qu’on est convaincu de cette réalité ? Est-ce qu’on est convaincu de la solidarité de l’Église en mission ? Est-ce qu’on est convaincu que si l’Église veut assumer la mission à laquelle Dieu l’a appelée, elle a besoin de tous ses membres ? Elle a besoin de toutes les richesses que chacun de ses membres apporte avec lui ?

Et si on est un de ses membres, est-ce qu’on est convaincu qu’on n’a pas été admis dans le peuple de Dieu seulement pour recevoir, mais aussi pour donner ? Donner de l’argent, oui bien sûr, certes, mais pas seulement ça : donner aussi de son temps, de sa personne, de son expérience—et peut-être aussi de ses compétences. Pour contribuer à l’accomplissement du projet de Dieu pour son Église—qui est de faire de toutes les nations des disciples, en entérinant leur intégration dans le peuple de Dieu par le baptême, et ensuite en les enseignant et en les redéployant pour avancer encore plus dans l’accomplissement de cette mission.

4/ Le combat d’une Église en mission (v. 29-33)

Et ça nous amène au dernier point. Le combat d’une Église en mission. Revenons une dernière fois au texte.

On a compris que Paul, dans tout ce passage, est en train de rappeler à ses destinataires ce qui est en train de se passer dans le projet de Dieu. Vous savez, parfois on a besoin d’un petit récap dans la vie, comme quand on recommence à regarder une série TV après une longue pause. On est content d’avoir un petit résumé qui nous aide à nous rappeler l’histoire. Paul fait un peu la même chose ici, dans ce passage, en décrivant son propre ministère (on l’a dit) ; et à travers ça, il veut rappeler quel est le projet de Dieu, en fait, et il veut rappeler à ses destinataires que eux aussi, en fait, sont invités à se rallier à ce projet.

Et ça, ça devient tout-à-fait explicite dans la fin de notre passage, où finalement Paul dit, avec beaucoup de solennité (v. 30) : « Je vous exhorte, frères, par notre Seigneur Jésus-Christ et par l’amour de l’Esprit, à combattre avec moi… »

La portée de ce texte est donc bien là : c’est qu’on doit rejoindre le mouvement, on doit faire nôtre, en tant qu’Église chrétienne, le projet de Dieu qui est de se constituer un peuple à partir de toutes les personnes dans le monde entier, qui vont répondre par la foi à l’appel de l’Évangile—des personnes de toutes les nations qui vont rejoindre le peuple de l’Éternel, le véritable Israël de Dieu. Ce peuple sera manifesté dans sa plénitude le dernier jour, le jour où le Seigneur Jésus reviendra pour le jugement dernier, et où il établira pour toujours son royaume sur la terre. Et là, si notre confiance est en Jésus-Christ, si on est attaché à lui par le lien de la foi, alors on vivra pour toujours dans une communion parfaite avec Dieu et les uns avec les autres.

Voilà le programme, et on avait besoin de se le rappeler ! Mais en attendant, pour « combattre » avec Paul et avec tout le reste de l’Église universelle qui comprend bien quel est le projet de Dieu et qui prend part à ce projet, qu’est-ce qu’on doit faire ? Eh bien Paul le dit :

« Combattez avec moi… en adressant à Dieu des prières. » (v. 30)

Mais ce n’est pas tout. Paul demande aussi à être soutenu matériellement par la communauté chrétienne de Rome, puisqu’il dit qu’il espère aussi aller chez eux pour se reposer pendant un temps—on peut imaginer un soutien logistique et financier. Et il a aussi dit, qu’il comptait même être accompagné par les chrétiens de Rome jusqu’en Espagne (v. 24)—c’est-à-dire être accompagné au moins par certains d’entre eux qui auront été envoyés par leur Église.

Donc vous voyez où Paul voulait en venir, dans ce passage. Il voulait vraiment remettre à l’esprit de ses destinataires la raison d’être de leur Église—le pourquoi de leur existence—pour qu’ensuite, ils voient mieux comment en pratique ils peuvent assumer cette vocation.

C’est un peu comme si vous vous faisiez embaucher par une petite entreprise, et vous savez à peu près quel va être votre rôle, mais vous ne connaissez pas encore très bien quels sont les objectifs précis de l’entreprise ou sa vision. Alors vous allez prendre part à un petit séminaire, une petite formation, pour mieux comprendre tout ça, et de cette manière, vous allez pouvoir travailler de manière plus pertinente et plus efficace.

Et nous aussi, des fois on a besoin de s’arrêter et de se rappeler qu’est-ce qu’on fait dans l’Église de Jésus-Christ. On a besoin de se reposer les questions qui comptent vraiment. Où vais-je ? Où cours-je ? À quoi sers-je ? Dans quel état j’erre ? Et on a besoin d’entendre de nouveau à travers les saintes Écritures quelle est la vocation de l’Église chrétienne, dont on fait partie si on est un disciple de Jésus-Christ.

Notre confession de foi dit que l’Église sur la terre existe « pour le rassemblement et le perfectionnement des saints, en cette vie et jusqu’à la fin du monde » (Westminster XXV.3). Les « saints », ça désigne toutes les personnes appelées par Dieu à faire partie de son peuple. Ce sont les brebis bien-aimées de Dieu, et il y en a dans toutes les nations, et beaucoup d’entre elles n’ont pas encore eu l’occasion de reconnaître la voix de leur berger, parce que l’Évangile ne leur a pas encore été annoncé.

Mais nous, l’Église chrétienne, on existe sur la terre pour les rassembler, les accueillir, les consacrer à Dieu par le baptême, et les mettre à leur tour au service de Dieu pour sa gloire. Si c’est vrai, alors : est-ce qu’on prie pour ça ? Est-ce qu’on donne pour ça ? Est-ce qu’on se bouge pour ça ? Est-ce qu’on est prêt à s’engager dans le combat d’une Église en mission, comme le dit Paul dans ce passage ?

Alors au tout début, on s’est posé cette question : l’Église chrétienne : ça existe pourquoi ? Dans quel but ? Et on a imaginé plein de projets qu’on pourrait organiser en tant qu’Église. Plein de choses qui ne sont pas forcément mauvaises en soi. Mais ce que ce passage nous invite à faire, c’est nous rappeler clairement quelle est notre mission sur la terre, selon Dieu.

Je suis sûr que ça vous est déjà arrivé de prendre votre voiture pour aller quelque part, et pendant le trajet, vous étiez en train de réfléchir à plein de choses qui vous préoccupaient, ou bien vous étiez en train d’écouter un podcast hyper intéressant, et pendant quelques secondes, vous avez oublié où c’est que vous étiez en train d’aller. Et il a suffi de quelques secondes d’amnésie pour que vous loupiez un tournant, et que vous vous retrouviez dans une mauvaise direction. De la même façon, c’est super important que nous, en tant qu’Église, on se rappelle où c’est qu’on va. Ou plutôt, où c’est qu’on est censé aller. Pourquoi on existe. Dans quel but on est là. Sans quoi, on risque de perdre le cap et de dévier de la course. Et le passage qu’on a vu ce matin nous a rappelé où c’est qu’on allait, en tant qu’Église.

On existe pour appeler et pour accueillir le peuple que Dieu veut, constitué de croyants issus de toutes les nations. On existe pour « rassembler les élus des quatre vents », parce que Jésus notre maître nous a envoyés dans toute la création pour aller les chercher et les intégrer dans son peuple. C’est ça notre mission. C’est pour ça qu’on existe en tant qu’Église sur la terre.

Et puisque c’est ça notre mission, eh bien on veut être pleins de bonté mais aussi bien ancrés dans la vérité, parce que c’est dans ce genre d’Église que Dieu veut envoyer ses enfants. On veut aussi s’investir dans l’annonce de l’Évangile au plus grand nombre, comme l’a fait l’apôtre Paul, parce qu’on sait pour sûr que Dieu va utiliser ce moyen pour faire entrer le blé dans son grenier. La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers—alors prions le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers, et de mettre sur votre cœur d’aller parler à Linda qui est la référente d’un comité dans notre Église qui met en place les moyens de nous aider à témoigner de la bonne nouvelle auprès de notre entourage.

Prions aussi pour que l’Évangile soit entendu et bien reçu, et que de nombreuses personnes—hommes, femmes et enfants—répondent à l’Évangile en plaçant leur confiance en Jésus. Prions aussi pour les personnes qui témoignent de leur foi—et cette réalité de la prière, on peut la vivre de manière très chaleureuse dans le cadre des groupes de maison notamment.

On veut aussi donner pour l’œuvre de Dieu—donner de son argent pour que l’Église Lyon Gerland puisse fonctionner, pour qu’elle puisse mettre en place des projets qui visent l’annonce de l’Évangile, pour qu’elle puisse payer le loyer ou l’acquisition d’un local permanent sur Gerland, rémunérer un ou plusieurs salariés, et soutenir le travail d’autres serviteurs qui œuvrent dans d’autres ministères chrétiens. Mais on veut aussi offrir notre temps, prêter notre voiture, accueillir dans notre maison, préparer un repas, faire une visite chez un frère isolé, proposer notre aide, sourire, accueillir, aider à l’installation de la salle de culte, ou au rangement, contribuer un savoir-faire, une expérience, un conseil, tout ça dans l’intérêt de la mission de l’Église qui est de rassembler et de perfectionner les saints.

Et peut-être que certains d’entre nous vont se former et s’engager dans un service chrétien à temps plein, comme pasteur, pasteur-assistant, évangéliste, missionnaire, équipier des Groupes Bibliques Universitaires, assistant administratif, gérant d’une SCI visant l’acquisition d’un local pour l’Église—je ne sais pas, je donne des idées comme ça ! Et je bénis Dieu parce que je sais que beaucoup d’entre vous, vous avez déjà à cœur tout cela.

Vous avez déjà rejoint le mouvement. Gardons le cap que Dieu a fixé pour son Église, et prions que d’autres encore rejoignent le mouvement !

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