Des relations sans pareilles

Par Alexandre Sarranle 19 mars 2023

Bonjour à tous, mes bien-aimés (1 Pi 2.11), mes très chers frères et sœurs (Ph 4.1 ; Jc 2.15) que je porte dans mon cœur et que je chéris avec la tendresse du Christ-Jésus (Ph 1.7-8). Vous qui êtes dans mon cœur à la vie et à la mort (2 Co 7.3) : toute la semaine, j’ai désiré vous revoir—mes bien-aimés, ma joie, ma couronne (Ph 4.1), mon réconfort (Col 4.11). J’ai envie de tous vous embrasser et de vous faire des bisous d’amour (1 Pi 5.14).

Ça va, vous êtes mal à l’aise, ou pas encore ? Ce serait assez normal que vous soyez mal à l’aise, et pourtant. Je n’ai fait que vous saluer en des termes bibliques qui décrivent les relations entre les croyants dans l’Église (dans la communauté chrétienne). Même ma dernière phrase est tirée de la fin d’une lettre de l’apôtre Pierre : « Saluez-vous les uns les autres par un baiser d’affection » (1 Pi 5.14), littéralement : « par un baiser d’agapè »—un bisou d’amour.

Peut-être que ce langage nous mettrait moins mal à l’aise, s’il s’agissait seulement de notre relation avec des personnes très proches : papa, maman, papy, mamie, mon petit cousin ou mon petit filleul adoré, ma meilleure amie pour toute la vie, ou mon fiancé. Mais pour décrire votre relation avec les personnes assises devant vous ou derrière vous ce matin ? Hmm.

Bon, avant que ça ne devienne un peu trop glauque, la question qu’on va se poser ce matin, c’est la suivante : quel est le genre de relation qu’on est censé avoir les uns avec les autres dans le cadre de l’Église chrétienne—et donc dans le cadre de l’Église Lyon Gerland ?

Et peut-être que la première chose qu’on devrait faire, avant d’essayer de répondre à cette question, c’est se demander : eh bien, quelle est la perception que j’ai aujourd’hui de ce que c’est que l’Église chrétienne ? Comment est-ce que je perçois cette communauté ?

Il y en a peut-être parmi nous qui sont juste en train de découvrir la foi, ou qui ne sont pas encore des croyants, et c’est super que vous soyez là, mais pour vous, l’Église, ça ressemble peut-être simplement à une sorte d’amicale : un groupe de gens qui partagent un même intérêt pour quelque chose et qui se retrouvent régulièrement pour faire des activités ou pour échanger autour de leur passion.

Et si ça se trouve, vous êtes chrétien, et c’est comme ça que vous percevez l’Église, vous aussi : l’amicale des admirateurs de Jésus-Christ, qui se retrouve régulièrement pour rappeler son histoire et pour chanter des hymnes à sa mémoire ! Et donc pour vous, la relation que vous avez avec les autres dans ce groupe, c’est peut-être comme la relation que vous pourriez avoir avec les autres membres de votre parti politique, ou avec des gens que vous croiseriez à un concert de votre groupe préféré : il y a une certaine affinité, une certaine collusion tacite sous-entendue autour d’un objet en particulier, mais vous n’êtes pas forcément appelés à devenir très, très proches. C’est peut-être comme ça que vous voyez l’Église.

Ou bien pour vous, l’Église c’est peut-être plutôt comme un fournisseur de services. Vous avez des besoins, et l’Église est là pour répondre à vos besoins. Un peu comme votre fournisseur d’accès à internet, votre garagiste ou votre boulangerie. L’Église fournit, elle aussi, un service, par rapport à vos besoins spirituels, vos besoins relationnels, peut-être même certains besoins matériels. Et à l’Église, vous côtoyez par nécessité d’autres clients de ce même fournisseur ; mais il n’y a pas de raison que vous vous sentiez hyper proche d’eux. Ce n’est pas parce que vous croisez les mêmes personnes à la boulangerie chaque samedi matin que vous allez les saluer en leur disant : « Bonjour, mes bien-aimés, ma joie, ma couronne, que je porte dans mon cœur à la vie et à la mort ! »

Et en fait, je pense que beaucoup d’entre nous, on se satisfait très bien de ça. Oui, on côtoie des gens à l’amicale des calvinistes de Lyon Gerland ou chez le fournisseur de services réformés évangéliques, mais ça nous va très bien si on maintient un petit peu de distance entre nous, si on garde un pied dans l’entrebâillement de la porte, si on n’est pas trop engagé relationnellement, si on peut venir quand on en a envie ou besoin, et ne pas venir quand on n’en a pas envie ou besoin—bref, préserver un peu notre indépendance, notre liberté, pour ne pas dire notre « célibat » ecclésial. Vous voyez ce que je veux dire ?

Mais le texte qu’on va prendre dans un instant va carrément contredire cette façon de voir les choses, en tout cas pour ce qui est de nos relations en tant que croyants dans l’Église. Ce qu’on va voir, c’est qu’en fait, la communauté de l’Église constitue une société tout-à-fait unique, où normalement il devrait exister des relations extrêmement fortes, et même sans pareilles, en comparaison avec toutes les autres relations qu’on pourrait avoir dans le monde.

Vous allez voir, on approche vraiment de la fin de la lettre que l’apôtre Paul a écrite aux chrétiens de la ville de Rome au premier siècle, et avant de conclure, il veut transmettre des salutations à plein de gens. Ce que Paul est en train de faire, c’est qu’il est en train de mettre ces gens à l’honneur, en fait—et en les mettant à l’honneur, Paul veut communiquer quelque chose à ses destinataires concernant le genre de relation qui existe entre les croyants.

Alors on va lire le texte, et pendant la lecture je voudrais que vous remarquiez trois choses en particulier : d’abord, la façon dont Paul souligne l’engagement et le service chrétien de certaines de ces personnes ; ensuite, la façon dont Paul décrit la nature et la force du lien qui unit ces gens à Paul et les uns aux autres ; et enfin, remarquez la manière dont Paul va répéter le mot « saluez ».

À travers tout ça, ce qu’on va retenir surtout aujourd’hui, c’est que dans la communauté des croyants, on est suprêmement lié les uns aux autres.

1/ Une sacrée équipe ! (v. 1-5)

Alors vous voyez : dans la communauté des croyants, on est suprêmement lié les uns aux autres. Est-ce qu’on a tous conscience de ça, et est-ce qu’on vit vraiment cette réalité, en pratique, dans notre Église ?

Pour en parler, vous allez voir que j’ai proposé un découpage du texte en trois parties, mais en réalité, les points que je vais soulever se trouvent un peu partout dans ce passage. Mais quand même : premièrement, une sacrée équipe ! La première chose que j’aimerais qu’on remarque dans ce passage, c’est la manière dont Paul fait comprendre à ses destinataires qu’ils sont tous collègues ou co-équipiers dans un même projet qui est le projet suprême—le projet de Dieu !

Je le disais, Paul met à l’honneur toute une liste de personnes qui sont mentionnées nominativement, et la première qui est mentionnée, c’est Phoebé—une fille chrétienne qui était sûrement la personne qui avait transporté et livré la lettre de Paul à la communauté chrétienne de Rome. Mais Paul passe deux versets complets à parler d’elle, en soulignant son engagement et son service—elle est diaconnesse de l’Église de Cenchrées, elle mérite de par sa fonction qu’on se mettre « à sa disposition », et elle a fait un travail très, très utile qui a bénéficié à Paul et à beaucoup d’autres personnes (sûrement un travail d’ordre diaconal).

De la même façon, Paul va souligner l’engagement et le service d’autres personnes : « Prisca et Aquilas, mes compagnons d’œuvre […] qui ont exposé leur tête pour sauver ma vie. » (v. 3-4) Ou encore : « Marie qui a pris beaucoup de peine pour vous » (littéralement : qui s’est « fatiguée » pour vous, v. 6). Ou encore : « Andronicus et Junias, mas compagnons de captivité » (v. 7). « Urbain, notre compagnon d’œuvre » (v. 9). « Apellès, qui a fait ses preuves » (v. 10). « Tryphène et Tryphose, qui prennent de la peine pour le Seigneur », et aussi « Perside, qui a pris beaucoup de peine pour le Seigneur » (v. 12).

Vous voyez ? Paul est vraiment en train de souligner qu’il y a une réalité qui réunit tous ces gens—c’est la réalité de la mission chrétienne. Ou pour le dire autrement, c’est le fait que tous ces gens travaillent ensemble, de manière différente et dans des endroits différents, mais dans un même but qui est le projet de Dieu—ce fameux projet dont on a parlé la dernière fois parce c’était justement dans le chapitre précédent, quelques lignes plus haut dans cette lettre avant que Paul ne passe à cette série de salutations.

Rappelez-moi ce que c’est que le projet de Dieu ? C’est d’appeler efficacement à lui toutes les personnes qui sont prédestinées à la vie éternelle (les personnes qu’il a voulu sauver), issues de toutes les nations de la terre. Jésus a décrit ce projet en utilisant l’expression : « rassembler les élus des quatre vents ». On en a parlé longuement la dernière fois, mais tel est le projet de Dieu : faire entendre dans tous les recoins du monde la bonne nouvelle de qui est Jésus et de ce qu’il a fait, de manière à ce que toutes les brebis qui sont de la bergerie de Dieu entendent et reconnaissent la voix de leur berger, et répondent à son appel par la foi.

Et l’Église—la communauté des croyants—existe pour faire entendre l’appel de Dieu à travers la proclamation de ce message, et pour accueillir les croyants en son sein, et pour enseigner, former et redéployer les croyants « en cette vie, et jusqu’à la fin du monde ». C’est le projet suprême ici-bas, parce que c’est le projet de Dieu—et c’est ce qu’on appelle la mission chrétienne.

Et pour Paul, il y a un lien particulier qui nous relie les uns aux autres parce qu’on est collègues ou co-équipiers dans ce projet merveilleux. On est littéralement une sacrée équipe ! Une équipe sacrée ! Une équipe à part, au service de Dieu, dans un but incroyable.

Je pense qu’on comprend assez bien ce concept d’équipe. On a des équipes dans le travail, on a des équipes dans le sport, on constitue des équipes pour des actions ponctuelles. Et si vous avez déjà fait partie d’une équipe, vous savez bien qu’une fois qu’on se met à travailler ensemble dans un but qu’on recherche ensemble—eh bien, ça rapproche les gens. On réfléchit ensemble, on rencontre des difficultés ensemble, on obtient des succès ensemble, et petit à petit, on a une histoire commune, des souvenirs communs, on a appris des leçons ensemble, et on se sent solidaire et même complice !

On vit ça de manière assez habituelle dans la vie, n’est-ce pas ? Mais est-ce qu’on se rend compte que l’Église, c’est l’équipe suprême ? C’est l’équipe au-dessus de toutes les équipes, parce que la mission qui est confiée à cette équipe, c’est la mission au-dessus de toutes les missions ! Et combien j’ai à cœur—parce que Paul a ça à cœur—combien j’ai à cœur qu’à l’Église Lyon Gerland on perçoive notre communauté chrétienne comme ça ! Qu’on est tous dans l’équipe de Dieu, dans la dream team, et qu’on vise un truc en commun, le projet même de Dieu—et pour cette raison, on est loyal les uns envers les autres, solidaires, unis, complémentaires, disponibles, et même complices !

Est-ce qu’on peut imaginer qu’un jour, une lettre soit écrite d’une Église de la région lyonnaise à une autre du département, et que vers la fin, ça dise : « Je vous recommande Mathilde, notre sœur, qui est assistante administrative de l’Église Lyon Gerland, afin que vous la receviez dans le Seigneur d’une manière digne des saints. Mettez-vous à sa disposition pour toute affaire où elle aurait besoin de vous, car elle est venue en aide à beaucoup, et aussi à moi-même. Saluez Maïlys et Denis, mes compagnons d’œuvre en Christ-Jésus qui ont exposé leur tête pour sauver ma vie ; saluez aussi leur groupe de maison. Saluez Joshua, mon bien-aimé. Saluez Lycia et Amaury qui ont pris beaucoup de peine pour vous. Saluez Hélène et Nicolas mes compagnons de captivité. Saluez Kalhou et Soohyun mes bien-aimés dans le Seigneur. Saluez Florian, Laetitia, Gilles, Léa, Colin, Linda, Stéphane, Étienne, Marc, Michael, Joshua et Charline, etc., etc., eux qui prennent de la peine pour le Seigneur ! »

J’aimerais ajouter tous vos prénoms, mais bon, vous avez compris l’idée ! Dans la communauté des croyants, on est tous collègues ou co-équipiers dans un même projet qui est le projet suprême, le projet qui dépasse tous les autres projets—le projet de Dieu ! On a part ensemble à ce truc-là qui va avoir des répercussions et des fruits et des effets pour toute l’éternité ! On est une sacrée équipe, et déjà, ça devrait nous donner une idée du genre de relations qu’on devrait avoir les uns avec les autres. Mais ça va plus loin que ça.

2/ Une sacrée famille ! (v. 6-11)

Parce que, deuxièmement, on n’est pas seulement une sacrée équipe. On est plus que ça. On est aussi, et surtout, une sacrée famille. La deuxième chose en effet que j’aimerais qu’on remarque dans ce passage, c’est la manière dont Paul souligne auprès de ses destinataires la relation commune qu’ils ont tous à Jésus-Christ—Jésus-Christ, qui est dans l’Église comme le chef d’un foyer. Le chef d’une maisonnée.

Regardez encore le langage que Paul emploie pour mettre à l’honneur ces différentes personnes. Regardez le nombre de fois où Paul utilise l’expression : « dans le Seigneur », ou bien « en Christ » ou « en Christ-Jésus », ou même « pour Christ ».

« Recevez-la dans le Seigneur » (v. 1). « Mes compagnons d’œuvre en Christ-Jésus » (v. 3). « Les prémices de l’Asie pour Christ » (v. 5). « Ils ont appartenu à Christ avant moi » (v. 7). « Mon bien-aimé dans le Seigneur » (v. 8). « Notre compagnon d’œuvre en Christ » (v. 9). « Il a fait ses preuves en Christ » (v. 10). « Ceux de la maison de Narcisse qui sont dans le Seigneur » (v. 11). « Ils prennent de la peine pour le Seigneur » (v. 12-13). « L’élu dans le Seigneur » (v. 13). Bref, vous voyez l’idée ? Dans l’esprit de Paul, Jésus est… relativement important, non, dans la relation qui existe entre tous ces gens !

Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi le fait que Paul appelle tous ces gens ses « frères » et ses « sœurs », et même sa « mère » pour l’une d’elles (v. 13 : « la mère de Rufus, qui est aussi la mienne »). C’est dire que c’est fort, le lien qui existe entre tous ces gens !

Franchement, qu’est-ce que c’est qui peut conduire quelqu’un à appeler quelqu’un d’autre son frère, alors qu’ils n’ont pas les mêmes parents ? Le collègue prof avec qui vous avez travaillé vingt ans dans le même lycée, est-ce que vous l’appelleriez votre frère ? Et la camarade de classe de votre promo à la fac, vous avez passé cinq ou six ans ensemble, mais pour autant, est-ce que vous pourriez l’appeler votre sœur ? Et la directrice des ressources humaines dans votre boîte, qui a rédigé votre contrat, qui vous annonce des augmentations ou des diminutions de salaire, est-ce que vous pouvez imaginer l’appeler votre mère ?

Certes, on utilise parfois ce langage, par exemple pour un très, très bon ami, peut-être quelqu’un qui nous a montré de la compassion et qui nous a offert son aide à un moment très difficile de la vie : « Toi, tu as vraiment été pour moi un frère. » Ou bien dans l’armée, parce qu’on a combattu côte à côte et qu’on a vécu des choses difficiles ensemble : on va dire qu’on est des « frères d’armes ». Ou bien quand on a perdu ses parents (ou si on a une mauvaise relation avec ses parents), et que quelqu’un de leur génération à peu près, vienne suppléer à ce manque d’affection et de conseil, on va peut dire que cette personne « est comme une mère » pour nous. Quoi qu’il en soit, vous comprenez bien que ce genre de langage dénote une relation très, très forte.

Et c’est ça qui doit vraiment nous toucher dans notre passage. Il y a un lien très, très fort entre tous ces gens. Mais le texte nous dit ce qu’il y a de commun entre tous ces gens qui fait qu’il y a ce lien très, très fort. Qu’est-ce qu’il y a de commun ? Jésus-Christ !

Et là, évidemment, si on veut bien comprendre ce qui est sous-entendu par cette expression « en Christ », ou « dans le Seigneur », il faudrait revenir au début de la lettre, et tout relire ! Parce que si on retourne à l’introduction même de cette lettre, c’était quoi, déjà le sujet que Paul voulait aborder principalement ? Reprenons les toutes premières phrases de la lettre :

« Paul, serviteur du Christ-Jésus, appelé à être apôtre, mis à part pour l’Évangile de Dieu—cet Évangile, Dieu l’avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures, il concerne son Fils, né de la descendance de David selon la chair, et déclaré Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection d’entre les morts : Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rm 1.1-5)

Paul a voulu aborder un sujet qu’il a appelé « l’Évangile »—ce qui veut dire une « bonne nouvelle »—et cette bonne nouvelle, ça concernait justement la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Et ce qui concernait Jésus-Christ, c’est ce qui sous-entend ce que ça veut dire d’être « en Christ », et être « en Christ », c’est ce qui explique pourquoi le lien entre tous ces gens est si fort. Alors c’est quoi, cet Évangile qui concerne Jésus-Christ ?

Un petit rappel ! Premièrement, Paul a expliqué que tous les humains étaient coupables moralement d’avoir enfreint la loi de Dieu, et donc qu’ils étaient passibles de son jugement qui consiste à être séparé de Dieu pour toute l’éternité (ch. 1-3). Mais deuxièmement, Paul a expliqué que Dieu a fourni aux humains un moyen d’être sauvé, par sa grâce seule, par le moyen de la foi seule en Jésus seul (ch. 3-5). Jésus a été le seul humain à vivre une vie parfaite devant Dieu, et il s’est offert volontairement en sacrifice pour prendre sur lui le châtiment de gens qui eux, étaient coupables. Et donc si on a foi en lui, il y a un échange qui s’est opéré : Jésus a pris sur lui notre culpabilité, et il nous donne en échange sa justice. Et de cette façon, tous ceux qui ont la foi en Jésus reçoivent l’assurance de la part de Dieu qu’ils sont pardonnés et justifiés et donc approuvés par Dieu pour toujours.

Mais ce n’est pas tout ! Dans les chapitres 6 à 8, Paul a ensuite expliqué que les croyants étaient aussi régénérés (c’est-à-dire qu’ils reçoivent une vie nouvelle intérieurement) et qu’ils étaient aussi sanctifiés (c’est-à-dire qu’ils reçoivent le Saint-Esprit de Dieu qui vient habiter en eux et qui vient les aider à vivre pour Dieu et à grandir dans la foi), et aussi qu’ils ont été adoptés par Dieu (c’est-à-dire que Dieu les a pris pour ses propres enfants et qu’il les aime du même amour que celui dont il a toujours aimé son propre Fils, la deuxième personne de la Trinité, depuis toute l’éternité et pour toute l’éternité), et donc un jour, les croyants seront aussi glorifiés (c’est-à-dire qu’ils vont entrer au paradis, dans la joie de leur maître, dans la communion au Père, au Fils et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles, amen !).

Et donc quand Paul parle de gens qui sont en Christ, ou à Christ, il parle de ça ! Il parle de gens qui ont, pour toute l’éternité, Dieu pour Père et Jésus-Christ pour grand frère. Est-ce que vous, ce matin, vous avez la foi en Jésus ? Est-ce que vos regards sont tournés vers lui, est-ce que vous vous appuyez intérieurement sur lui, est-ce que vous vous reposez en lui ? Quand vous y réfléchissez, est-ce que Jésus-Christ est tout ce qui compte, à la fin, pour vous ?

Si oui, alors vous êtes un enfant de Dieu. Et toutes les personnes autour de vous dans cette pièce, qui ont aussi cette relation à Jésus-Christ, sont vos frères et vos sœurs, vos parents et vos enfants. Vous faites partie, littéralement, d’une sacrée famille. Une famille comme aucune autre, une famille sainte, la famille de Dieu, la maison de l’Éternel. Et ça aussi, ça devrait nous donner une idée du genre de relations qu’on devrait avoir les uns avec les autres.

3/ Une sacrée ambiance ! (v. 12-16)

Et justement, on y vient. On a vu, premièrement, que la communauté des croyants, c’est une sacrée équipe, mais plus que ça, deuxièmement, c’est une sacrée famille. Et pour cette raison, troisièmement, il devrait y avoir chez nous une sacrée ambiance !

La dernière chose que j’aimerais qu’on remarque dans ce passage, c’est la façon dont Paul exprime l’affection assez incroyable qu’il a pour ces gens, et qui devrait exister entre eux. Vous avez vu que Paul utilise plusieurs fois le terme de « bien-aimé » pour désigner des gens dans sa liste. Vous avez vu la façon dont il a souligné l’amour sacrificiel de certaines de ces personnes : Phoebé qui est venue en aide à beaucoup, Prisca et Aquilas qui ont exposé leur tête pour sauver sa vie, Marie qui a pris beaucoup de peine pour les autres…

Mais surtout, vous avez peut-être remarqué la répétition de ce mot : « Saluez ». C’est presque lourd à la fin ! Mais en lisant ce texte en français, ça ne nous parle peut-être pas plus que ça. Or en grec, en fait, ce mot « saluez » est un mot relativement long à dire et à écrire, composé de dix lettres : « aspasasthe ». Et quand j’ai vu ça, je me suis dit : « Mais pourquoi est-ce qu’il répète ce mot une vingtaine de fois en 16 versets (et même en 14), alors qu’il aurait juste pu dire Saluez Prisca et Aquilas… et Épaïnète… et Marie… et Andronicus et Junias… ? »

Il aurait pu juste faire une liste à puces, non ? « Transmettez mes salutations à : … » Mais au lieu de ça, Paul a voulu que son secrétaire réécrive ce mot à chaque fois. Alors je ne veux pas accorder trop d’importance à ce détail—je ne veux pas spéculer sur les intentions de Paul—mais je voudrais quand même vous dire d’où vient ce mot en grec, pour comprendre peut-être qu’est-ce que ça devait évoquer pour les destinataires de Paul, cette notion de se « saluer » les uns et les autres (je précise que dans ce seul passage se trouve plus d’un tiers de toutes les apparitions de ce mot dans tout le Nouveau Testament, donc c’est quand même assez frappant). Alors ça vient d’où ?

Ça vient d’un verbe qui veut dire « tirer, prendre, contracter » (le verbe spao qui a donné spasme en français), avec un préfixe copulatif, c’est-à-dire un préfixe qui exprime le fait d’associer, d’unir, d’attacher, de joindre, de lier ensemble. Donc « se saluer » dans le langage du premier siècle, ça ne voulait pas juste dire se faire un petit signe de la main en passant, un petit sourire, un petit « Salut ! » sobre et discret, et on passe à autre chose.

Non, « se saluer », au moins dans le sens étymologique du mot, ça suggère une véritable étreinte, quelque chose de physique, d’engageant, de réellement affectueux. En français, on utiliserait plutôt le verbe : « embrasser » pour exprimer cette idée. « Embrassez Prisca et Aquilas… Embrassez Épaïnète… Embrassez Marie… Embrassez Andronicus et Junias… » Vous voyez la différence ? Ce n’est pas juste : « Passez leur le bonjour ! », mais vraiment : « Embrassez-les de ma part. » (cf. Luc 10.4)

Alors bien sûr, quand on dit : « Embrasse un tel », ça ne veut pas dire littéralement, qu’on va prendre à chaque fois la personne dans nos bras (em-brasser). Parfois, on va juste dire à la personne : « Alex t’embrasse ». Mais ça veut dire quelque chose de plus que juste « salut ». Mais parfois, « embrasser », ça veut vraiment dire « embrasser », et c’est ce qui fait dire à Paul au verset 16 : « Saluez-vous les uns les autres—ou plutôt, embrassez-vous les uns les autres—par un saint baiser. »

Alors bien sûr, ce n’est pas le onzième commandement de la loi de Dieu, ici. Il y a une occasion particulière et un contexte culturel, et le fait de s’embrasser au sens de se faire des bisous, c’est simplement ici une expression de la grande affection fraternelle des croyants, propre au contexte méditerranéen du premier siècle.

Mais ce qui est intéressant, c’est l’adjectif « saint ». Ce que ça veut dire pour Paul, c’est que les bisous que se font les chrétiens ne sont pas des bisous comme les autres. Ce sont des bisous saints, des bisous à part, des bisous chrétiens, des bisous qui ne manifestent pas simplement de l’amitié comme l’amitié qui peut exister avec nos collègues ou nos camarades de classe—mais ce sont des bisous qui expriment la relation suprême, spirituelle, sacrée qui existe entre les croyants.

Quand deux croyants s’embrassent en se faisant la bise—ou tout simplement se serrent chaleureusement la main, ou se font une accolade affectueuse—ces deux croyants savent que cette salutation vaut infiniment plus qu’il n’y paraît. C’est un peu comme dans une société secrète, quand il y a un signe de reconnaissance. Vous savez, ces sociétés secrètes qui existent ou qui n’existent pas—on ne sait pas—mais qui transcendent toute autre société et toute autre loyauté. Quand deux membres de la société secrète se saluent, eh bien à l’extérieur, personne n’y voit rien d’étrange—mais entre les membres de la société secrète, on se reconnaît et on sait très bien ce qui se passe !

C’est un peu pareil ici, sauf que le signe de reconnaissance n’est pas secret. D’ailleurs la communauté des croyants, elle-même, n’est pas secrète ! Mais dans l’Église, quand on se salue, quand on s’embrasse, quand on se fait la bise, quand on se serre la main, on sait qu’il y a beaucoup, beaucoup plus. L’Église, la communauté des croyants, la famille de Dieu, certes ce n’est pas une société secrète, c’est vrai, mais en revanche, c’est bien une société qui transcende toute autre société et toute autre loyauté.

Parce que si on a la foi en Jésus, on est des enfants de Dieu, et ça, c’est ce qui nous définit au niveau le plus fondamental, non seulement dans notre identité propre, mais aussi dans nos relations les uns avec les autres.

Où est-ce que je veux en venir avec tout ça ? Je veux que vous compreniez qu’il y a une véritable et profonde affection qui s’exprime dans notre passage, à travers le langage de Paul. Une affection si profonde qu’elle ne peut exister nulle part ailleurs que dans l’Église, dans les relations entre les croyants. Et cette affection, cet amour fraternel profond et sacrificiel, ce sentiment de loyauté, de solidarité, c’est ça l’ambiance qui devrait logiquement exister dans la communauté des chrétiens.

Et non seulement dans l’Église locale, mais aussi entre les Église locales, pour autant que cela est possible. Parce que la famille de Dieu, c’est toutes les personnes qui sont unies à Jésus par la foi, et donc qui sont adoptées par Dieu—et ces personnes se trouvent dans le monde entier. C’est pourquoi Paul ajoute : « Toutes les Églises du Christ vous saluent. » (v. 16) Avec tous les croyants authentiques, on est donc une sacrée équipe, et mieux que ça, on est même une sacrée famille, et entre nous, en raison de ce lien spirituel qui nous unit, il y a une sacrée ambiance, si j’ose dire, c’est-à-dire des sentiments fraternels sans équivalent dans toute autre société humaine.

Alors la question qu’on se posait au début : quel est le genre de relation qu’on est censé avoir les uns avec les autres dans le cadre de l’Église chrétienne—et donc dans le cadre de l’Église Lyon Gerland ? Et on a dit que la réponse allait dépendre de la manière dont on allait percevoir ce que c’est que l’Église chrétienne. Le passage qu’on a vu ce matin, en tout cas, nous a aidés à voir que la communauté de l’Église constituait une société tout-à-fait unique, où normalement il devrait exister des relations extrêmement fortes, et même sans pareilles, en comparaison avec toutes les autres relations qu’on pourrait avoir dans le monde.

Oui, en effet, en vertu de la personne et de l’œuvre de Jésus-Christ, eh bien dans la communauté des croyants—ici à l’Église Lyon Gerland, on est suprêmement lié les uns aux autres. Est-ce que vous le croyez ?

C’est possible qu’il y en ait qui entendent ça et qui se disent : « Mais moi, franchement, je ne me sens pas si proche de ces gens. Franchement, je n’ai pas vraiment envie de les fréquenter plus que ça, ces gens. Je veux bien les voir de temps en temps, les croiser quand c’est nécessaire, mais plus que ça, franchement, ça ne me fait pas rêver ! »

Alors honnêtement, c’est parfaitement normal de penser ça si vous n’êtes pas encore un chrétien. Il n’y a pas de raison que vous vous sentiez particulièrement proche des croyants, au-delà d’une simple relation d’amitié et de respect. Je vous exhorte dans ce cas à ne pas vous focaliser sur votre relation avec les chrétiens, mais plutôt sur votre relation avec Dieu. Si vous vous intéressez à lui, allez au bout de votre recherche. Intéressez-vous à Jésus-Christ, lisez sa biographie dans la Bible, posez vos questions à des chrétiens.

Mais il est possible que vous ne vous sentiez pas très proche des autres chrétiens, alors que vous êtes vous-même un chrétien. Il y en a peut-être qui vont écouter cette prédication sur internet et qui ont arrêté depuis longtemps de fréquenter une Église, parce qu’ils n’aiment pas les chrétiens. Ou peut-être que vous venez ici, à l’Église Lyon Gerland, et que vous avez franchement du mal à avoir des relations profondes, fraternelles et affectueuses avec les autres personnes de l’Église. Voici quelques exhortations pratiques.

Premièrement, prenez le temps de vous imprégner de nouveau de l’Évangile—de cette bonne nouvelle qui concerne la personne et l’œuvre de Jésus-Christ—relisez si nécessaire la lettre de Paul aux Romains depuis le début, et méditez sur ces vérités et laissez-les pénétrer profondément dans votre âme. Laissez-vous émerveiller de nouveau par ce que Dieu a accompli pour vous sauver alors que vous étiez aussi indigne que ces autres chrétiens que vous avez du mal à apprécier. Et songez à ce lien surnaturel qui nous relie maintenant les uns aux autres parce qu’on a la foi en Jésus-Christ et qu’on est rempli du même Esprit !

Deuxièmement, rejoignez une communauté de croyants, et cherchez intentionnellement à connaître les autres dans la communauté. Ici à l’Église Lyon Gerland, on est une communauté qui grandit, alors c’est tellement important d’être aussi assidu que possible aux grands rendez-vous de l’Église, le premier étant évidemment le culte hebdomadaire, chaque dimanche. Honnêtement, l’assiduité, c’est un excellent moyen d’apprendre à connaître les gens ! Vous savez, pour certains d’entre nous, si on loupe un culte, ça veut dire qu’on va passer deux semaines (13 jours) sans voir un autre membre de la communauté, ce qui représente presque la moitié du temps sur un mois !

Troisièmement, on a besoin de se rendre compte que les autres ont besoin de nous. Parfois, on se dit : « Je n’ose pas aller vers les autres, je vais les laisser venir vers moi s’ils en ont envie. Apparemment, ils n’en ont pas envie, donc ils ne doivent pas m’apprécier ». Mais si tout le monde se dit la même chose, il se passe quoi ? Chacun doit intégrer cette réalité qui est une réalité spirituelle et biblique : Dieu nous a donnés les uns aux autres pour notre enrichissement mutuel. Pensez à ce que vous pouvez apporter aux autres en termes d’encouragement, de consolation, d’amitié, de présence, de soutien dans la prière. Si vous délaissez votre communauté, vous l’appauvrissez, vous la blessez, et vous lui manquez. Imaginez ce qui se serait passé si le jour où l’Église de Rome a reçu la lettre de l’apôtre Paul, le pasteur s’était levé pour la lire, et qu’il arrive à la fin, et que ça dise : « Saluez Tryphène et Tryphose—ah non, elles ne sont pas là. Heu, saluez Perside, la bien-aimée—ah non, pas là non plus. Voyons… Saluez Rufus, l’élu dans le Seigneur, heu, il est là, Rufus ? » Bref.

Dernièrement, si on a du mal à connaître des relations fraternelles affectueuses profondes dans l’Église, on a peut-être besoin d’apprendre à communiquer plus, ou mieux. Et ça vaut pour nous tous. D’un côté, on a besoin de se faire connaître aux autres, et de faire connaître aux autres notre vie et les circonstances qu’on traverse. Si je ne vais pas bien, est-ce qu’il y a quelqu’un dans l’Église à qui je pense que je pourrais en parler, et si oui, pourquoi est-ce que je ne le fais pas ? Si j’ai un empêchement qui fait que je ne peux pas venir au culte ou au groupe de maison, ça serait bien de prévenir et de partager ce qui se passe dans ma vie avec les frères et sœurs pour ne pas qu’ils ne s’imaginent que je leur pose simplement un lapin.

D’un autre côté et inversement, si je remarque que mon frère ou ma sœur n’est pas là, ou si je me fais du souci pour lui ou pour elle, pourquoi est-ce que je ne l’appellerais pas, ou pourquoi est-ce que je ne lui enverrai pas un message pour prendre de ses nouvelles ? Rien de plus normal, n’est-ce pas, dans une équipe—à plus forte raison dans une famille !

Parce que oui, dans la communauté des croyants, on est suprêmement liés les uns aux autres. L’Église, ce n’est pas l’amicale des admirateurs de Jésus-Christ, ce n’est pas un fournisseur de services religieux, mais c’est la maisonnée du Dieu vivant, dont nous sommes les enfants, en Jésus-Christ. N’est-ce pas… mes bien-aimés que je porte dans mon cœur, ma joie, ma couronne, mon réconfort !

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