Ça va bien se passer

Par Alexandre Sarranle 26 mars 2023

Eh bien, ça y est. On arrive à la fin.

La fin, bien sûr, de la lettre que l’apôtre Paul a écrite à la communauté de chrétiens qui habitaient dans la ville de Rome au premier siècle—cette lettre qu’on a lue et étudiée ensemble, ici à l’Église Lyon Gerland, depuis de nombreux mois. On arrive à la fin. Et quels vont être les derniers mots de Paul, au moment de conclure cette lettre ?

Imaginez un instant que je m’apprête aujourd’hui… à vous prêcher ma dernière prédication, avant de vous quitter pour longtemps. Pour très longtemps. Qu’est-ce que vous pensez que vous auriez besoin d’entendre de la part de votre pasteur ?

Disons que je vous ai transmis beaucoup de choses. Je vous ai expliqué en long, en large et en travers plein de choses sur Dieu, et surtout, sur comment vous pouvez avoir une relation personnelle et vivante avec lui. Je vous ai expliqué des trucs super importants, comme le fait que Dieu vous propose d’être pardonné par lui, pour toutes vos fautes, et d’être réconcilié avec lui pour toujours, et d’avoir l’assurance de la vie éternelle ! Je vous ai expliqué comment votre vie pouvait changer radicalement, et comment—si vous êtes croyant—vous avez reçu une place et un rôle dans un projet extraordinaire, qui est le projet de Dieu pour ce monde !

Je vous ai tout expliqué, et désormais, vous avez une compréhension très claire de ce que Dieu a fait pour vous, de ce que vous êtes, en tant que croyants constitués en communauté (qu’on appelle l’Église), et de la vocation que Dieu vous a adressée, à vous et à vos frères et sœurs dans la foi, pour le reste de votre vie. Et maintenant ? Quels vont être les derniers mots de votre pasteur, au moment de conclure, et de vous laisser ?

Imaginez encore des enfants, à qui leurs parents ont donné des instructions précises pour qu’ils rejoignent tout seuls l’arrêt de bus qui se trouve à 15 minutes à pied de la maison. Les enfants ont très bien intégré l’itinéraire, ils savent ils vont, comment ils y vont, et pourquoi ils y vont. Mais au moment de dire au-revoir à leurs parents, au moment de quitter la maison et de se mettre en route, qu’est-ce que leurs parents vont vouloir leur dire, en dernier ?

Inutile de répéter les instructions. Inutile de revenir sur tout ce que les enfants savent déjà parfaitement. Les parents vont peut-être simplement leur donner… une dernière parole d’encouragement. Quelque chose du genre : « Ne vous inquiétez pas, les loulous ! Vous avez tout ce qu’il faut pour arriver là où vous devez aller. Restez concentrés, faites un tout petit peu attention, et vous allez voir que ça va bien se passer ! »

Et c’est un peu ce qu’on a dans notre passage. La communauté chrétienne de Rome a beaucoup reçu de la part de Paul dans les chapitres précédents—en fait, ils ont reçu tout ce dont ils avaient besoin pour savoir est-ce qu’ils allaient, comment ils y allaient, et pourquoi ils y allaient. Mais maintenant, au moment où ils vont refermer la lettre de Paul et se mettre en route, ils ont besoin d’entendre une dernière parole d’encouragement. Et c’est ce que Paul va leur donner : une sorte d’exhortation finale qui va à la fois les inciter à la vigilance, et en même temps les rassurer sur le fait qu’ils ont déjà tout ce qu’il faut pour réussir.

Et donc ce matin, avant de lire le texte, je vous pose la question, si vous êtes croyant : est-ce que vous avez des doutes sur le fait que vous allez progresser dans la vie chrétienne ? Des doutes sur la capacité de l’Église à progresser ? Des doutes sur le fait qu’on va franchir la ligne d’arrivée sans faire naufrage avant, et que l’histoire court vers un but heureux ? Est-ce que vous êtes confiant dans votre avenir dans la foi, et dans le nôtre ensemble, ou bien est-ce que vous êtes parfois rempli d’angoisse, voire de peur, voire de défaitisme ?

Eh bien, peut-être que ce que vous auriez besoin d’entendre, au moment de vous mettre en route—ce que vous auriez besoin d’entendre de la part de votre pasteur dans sa dernière prédication avant qu’il ne vous laisse—ou mieux encore, de la part de Dieu lui-même au travers de sa Parole, c’est justement ça : « Ne vous inquiétez pas, les loulous ! Vous avez tout ce qu’il vous faut pour y arriver. Faites un tout petit peu attention, et ça va bien se passer. »

Ça va bien se passer. Mais pour autant, il faut quand même qu’on fasse un petit peu attention. Et c’est là toute la leçon de ce passage, comme on va le voir.

1/ Être attentif aux ennemis (v. 17-20)

Alors vous avez vu, c’est un passage où il y a pas mal de choses qui ont l’air assez différentes. Le dénominateur commun, c’est que ce sont des choses que Paul a voulu dire en conclusion de sa lettre. Ce sont vraiment les dernières paroles qu’il voulait que ses destinataires reçoivent (ou reçussent !). Et à travers ces paroles, il veut vraiment leur transmettre de l’assurance pour la route qui est devant eux. Il veut leur dire : « Voilà, vous savez quoi faire maintenant. Vous avez tout ce qu’il faut pour réussir. Mais quand même, je veux vous exhorter à être un peu attentif à ces petites choses pour la route, et en étant attentif à ces deux, trois choses, vous allez pour sûr arriver au bout ! »

Premièrement, donc : soyez attentifs aux ennemis. Regardez le texte (v. 17-20). Ce qu’on a dans un premier temps, ici, c’est Paul qui nous rappelle que si on est croyant, on vit quand même sur la terre comme sur un terrain de bataille, où tout le monde ne tire pas dans le même sens—mais cela dit, ça ne doit pas nous faire peur.

Alors dans le contexte, Paul vient juste d’énumérer une longue liste de personnes à qui il voulait transmettre des salutations, à Rome, et on a vu la dernière fois la façon dont ce passage nous montrait l’importance de reconnaître que dans la communauté des chrétiens (dans l’Église), on était vraiment une équipe, une famille, et qu’on devait avoir une grande affection les uns pour les autres. Paul aurait pu s’arrêter là et dire au-revoir, ou bien enchaîner directement avec une parole de bénédiction. Mais au lieu de ça, il pense à ajouter une remarque qui lui semble importante avant de conclure.

Il vient de parler de l’importance de l’unité et de l’amour fraternel, et donc il ajoute :

« Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, contrairement à l’enseignement que vous avez reçu. » (v. 17)

Autrement dit : « Vous avez compris ce à quoi Dieu vous appelait, et vous avez tout pour réussir ; mais sur la route, il va falloir quand même faire un petit peu attention. » Paul rappelle à ses destinataires qu’il y a des « hommes » qui « ne servent pas Christ notre Seigneur » (v. 18), et qui ont un but dans la vie complètement différent du nôtre. Ces gens-là, ils vont les croiser, mais il ne faudra pas leur accorder du pouvoir et de l’influence. Il faudra « s’éloigner d’eux » (v. 17). C’est le rappel d’une réalité, et un avertissement. La vocation des croyants sur la terre, la mission de l’Église, ça ne va pas être un long fleuve tranquille.

Et en même temps. En même temps, Paul n’est pas inquiet pour ses destinataires. Il veut les rassurer. Il est certain qu’ils sont bien ancrés dans la vérité et qu’ils reçoivent volontiers, avec confiance les enseignements de Paul. Il « se réjouit donc à leur sujet » (v. 19). Il les encourage simplement à être « sages en ce qui concerne le bien et purs en ce qui concerne le mal », et il leur affirme que « Dieu écrasera bientôt Satan sous leurs pieds » (v. 20).

Donc vous voyez : Paul leur dit en quelque sorte : « Il faut faire attention, mais je ne me fais pas de souci pour vous. » Comme les parents qui disent à leurs enfants au moment où ils vont partir pour rejoindre l’arrêt de bus : « Faites attention à ceci ou à cela, n’oubliez pas de bien regarder avant de traverser, ne parlez pas à des inconnus, mais en tout cas, rassurez-vous : on ne se fait pas de souci pour vous, on sait que ça va bien se passer ! »

Simplement, il faut quand même être réaliste par rapport à l’expérience de la vie ici-bas. Et Paul dans notre passage, ne veut pas que ses destinataires fassent de l’angélisme, c’est-à-dire qu’ils avancent dans leur vie chrétienne et dans leur vie d’Église la fleur au fusil—comme on dit—en niant ou en minimisant la réalité qu’en fait, ici-bas, tout le monde ne recherche pas la gloire de Dieu, tout le monde ne recherche pas l’unité et la croissance de l’Église, tout le monde ne cherche pas à diffuser le message de l’Évangile à toutes les nations de la terre.

Paul nous rappelle quelque chose de très, très important ici, c’est la réalité de ce qu’on appelle « le combat spirituel ». C’est pour ça qu’il parle de « Satan » au verset 20, juste après avoir parlé de « ceux qui causent des divisions ». En fait, le projet de Dieu dans lequel on s’inscrit et auquel on prend part positivement si on est croyant, c’est un projet de reconquête cosmique. C’est une sorte de grande guerre, une opération de débarquement et de libération à l’échelle de l’univers, et ça se joue en partie dans le monde invisible (spirituel).

Quand Paul dit que Dieu « écrasera bientôt Satan sous vos pieds », il fait référence à quelque chose que les gens qui connaissent la Bible vont reconnaître tout de suite. C’est dans l’histoire d’Adam et Ève, quand Dieu dit au serpent qui a séduit Adam et Ève et qui les a induits au péché, que la « descendance » de la femme lui « écraserait la tête » un jour (Gn 3.15). Dans cette histoire, le serpent représente Satan, le diable, qui est l’ennemi ultime de Dieu et des humains. Et ensuite, toute l’histoire de la Bible, en fait, c’est l’histoire de comment cette descendance promise à la femme va venir et finalement « écraser » le diable.

Donc la Bible nous raconte cette histoire, et on sait déjà comment ça va se terminer : c’est que le diable va perdre. Mais ce qui est intéressant, ici, c’est que Paul dit que Dieu va écraser Satan sous les pieds des chrétiens. Ce qu’il veut dire par là, c’est que les chrétiens sont associés au combat de Dieu contre Satan, et que ce combat se réalise en partie à travers la mission de l’Église.

Si on a une bonne théologie, on sait que c’est Jésus, le vainqueur de Satan. C’est Jésus qui a gagné la victoire décisive contre le diable, par sa mort et sa résurrection. Mais en même temps, les croyants, par la foi en Jésus, sont associés à Jésus et à son œuvre—et la mission de Jésus se prolonge dans la mission de l’Église. Jésus a dit : « Je bâtirai mon Église et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. » (Mt 16.18)

Donc oui, le texte ici est en train de nous dire que si on est un chrétien, si on est attaché à Jésus par la foi et si on fait partie de son Église, alors oui, à travers notre vie et notre service, Dieu est en train d’écraser la tête de Satan. Certes, Jésus est la descendance promise à la femme, qui est venu écraser la tête du serpent ; mais nous, on est en Jésus par la foi, et on est devenu nous aussi la descendance de la femme en Jésus. Vous comprenez ?

C’est un peu compliqué, mais tout ça pour nous faire comprendre qu’on existe ici-bas sur un terrain de bataille et qu’on doit être attentifs aux ennemis. Ce n’est pas qu’on doit avoir peur, pas du tout. Mais on doit être lucide et vigilant. Dans le projet de Dieu auquel on prend part et qui est en train de s’accomplir irrésistiblement, nous de notre côté on doit « prendre garde » à ceux qui servent les intérêts de l’ennemi, et nous éloigner d’eux. Et ça va bien se passer.

L’apôtre Jacques a dit : « Résistez au diable, et il fuira loin de vous. » (Jc 4.7) Pour ça, nous dit Paul, on doit être « sage en ce qui concerne le bien » et « pur en ce qui concerne le mal » (v. 19). L’idée, c’est d’être adulte vis-à-vis du bien, et enfant vis-à-vis du mal, ou encore : mûr pour le bien, et ingénu pour le mal. On doit être des gens qui sont des experts du bien, et des ignorants du mal—vous voyez l’idée ? C’est juste une façon de dire qu’on doit cultiver positivement le bien, et s’éloigner délibérément du mal.

Comment on fait ça ? On persévérant dans la connaissance et l’enseignement de la vérité qui nous est révélée dans les saintes Écritures, et en s’exerçant à la piété, en « nous incitant à l’amour et aux œuvres bonnes » (Hé 10.24). Il y a ces deux aspects : la connaissance et la pratique. Et en veillant là-dessus—la connaissance de la vérité et la pratique du bien—comme fruits qui découlent de notre foi en Jésus, eh bien si on prend ces choses à cœur, on va progresser dans notre vie chrétienne, dans notre vie d’Église, et dans le combat spirituel contre les ennemis invisibles de Dieu et de notre âme.

Donc premier point : soyons attentifs aux ennemis, et ça va bien se passer !

2/ Être attentif aux amis (v. 21-24)

Deuxième point : soyons attentifs aux amis, et ça va bien se passer. Je vais passer plus rapidement sur ce deuxième point, parce que c’est beaucoup plus simple de comprendre ce qui se passe dans le texte (v. 21-24).

À la fin du verset 20, Paul bénit ses destinataires, pour les encourager (juste après leur avoir rappelé que si on est croyant, on vit quand même sur la terre comme sur un terrain de bataille, où tout le monde ne tire pas dans le même sens—mais cela dit, ça ne doit pas nous faire peur) ! Donc : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus soit avec vous ! » Et immédiatement après ça, Paul enchaîne avec une série de salutations qui viennent de l’entourage de Paul et qui sont pour les chrétiens de Rome qui reçoivent la lettre.

Il y a même une salutation de Tertius, qui est le secrétaire de Paul, celui qui a rédigé la lettre pour Paul (v. 22). Il y a des noms grecs et des noms latins, donc une belle diversité de croyants d’origine non-juive. Des croyants issus des « nations ».

Et en ajoutant ces salutations à cet endroit précis, c’est comme si Paul disait : « Je vous bénis au nom de Jésus pour la route qui est devant vous, et tous ces gens qui sont avec moi se joignent à moi pour vous bénir ! » Et c’est peut-être pour ça que dans certains manuscrits, la bénédiction du verset 20 est répétée juste après les salutations de tous ces gens, au verset 24, avec un peu plus d’insistance encore : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous ! Amen ! »

Alors ce n’est pas important de savoir si dans la version originale de Paul (écrite par Tertius), la bénédiction figure une fois ou deux fois. Ce qui est important, c’est de voir que Paul veut que ses destinataires sachent qu’il y a plein de gens derrière lui, ou autour de lui, qui se sentent solidaires des chrétiens de Rome, et qui veulent les saluer—ou plutôt les embrasser—, et leur manifester de l’affection et du soutien et des encouragements.

C’est un peu comme si vous vous teniez sur la ligne de départ d’une course, et que vous soyez un peu intimidé par l’épreuve qui est devant vous. Vous avez le trac, quoi. Mais parmi les spectateurs juste à côté de la ligne de départ, il y a des gens qui scandent votre nom, et qui vous encouragent, et qui portent des T-shirts et des drapeaux avec votre portrait dessus. Ils sont là pour vous ! Ce sont vos supporters. Et ça vous rassure et ça vous motive et ça vous donne des forces, qu’ils soient là, non ?

Et c’est un peu ce qui se passe dans notre passage. Au moment de conclure sa lettre, Paul veut que ses destinataires sachent non seulement qu’il y a des ennemis auxquels ils doivent être attentifs, mais qu’il y a aussi des amis auxquels ils doivent être attentifs. Ces amis, ces alliés, ce sont toutes les personnes comme eux, qui ont été appelées d’entre les nations à rejoindre le peuple de Dieu par la foi en Jésus-Christ.

Ces gens-là aussi font le même pèlerinage, sur la même terre, dans le même but.

Et donc est-ce qu’on se rend compte, nous aussi, qu’on n’est pas tout seuls ? Parfois on peut se sentir seul, en tant que chrétien, et quand on se trouve là, sur la ligne de départ, on peut avoir l’impression qu’on va devoir faire la course tout seul, et ça peut faire peur. Parfois, on peut être tellement concentré sur la course, et tellement angoissé par notre performance, qu’on oublie qu’il y a des gens autour de nous qui nous soutiennent et qui nous encouragent.

Mais pour Paul, vous voyez, c’est vraiment important, au moment où les chrétiens de Rome vont refermer sa lettre et se mettre en route—c’est important qu’ils se rappellent qu’ils ont des amis. Et pas juste des amis : des alliés, des coéquipiers, des frères et sœurs dans la foi, qui ne sont pas seulement ceux de leur communauté, mais qui sont partout dans le monde et même dans l’histoire.

Et ça, c’est facile de l’oublier quand on est une petite minorité dans notre société française au XXIème siècle. C’est facile d’oublier que nos amis—nos frères et sœurs—existent, quand on arrive au bureau le lundi matin. C’est facile de l’oublier quand on rentre chez soi le dimanche soir et qu’on n’est plus entouré de la communauté, et qu’on n’entend plus la voix suave de notre pasteur qui nous enseigne, qui nous exhorte et qui nous motive !

Mais regardez autour de vous, et imprégnez-vous de cette réalité : on n’est pas tout seul. Il y a tant d’autres chrétiens—vraisemblablement des centaines de millions—qui voyagent avec nous sur cette terre. On les voit pas tous, mais il y en a tellement, qui prennent part aujourd’hui, avec nous, au magnifique projet rédempteur de Dieu, ou qui nous ont précédés sur le chemin, et qui scandent notre nom—ou plutôt, qui scandent avec nous le nom de Jésus-Christ—et qui sont solidaires avec nous, et qui sont nos frères, nos sœurs, nos parents dans la foi, nos conseillers, nos consolateurs et nos supporters !

L’auteur de l’épître aux Hébreux, dit : « Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est l’auteur de la foi et celui qui la mène à la perfection. » (Hé 12.1-2)

Alors…, écoutez bien... Vous les entendez, tous ces frères et sœurs dans le monde, et dans l’histoire, qui nous encouragent ? Les frères et sœurs dans les pays où les chrétiens sont très nombreux, et les frères et sœurs dans les pays où ils sont persécutés pour leur foi ? Tous ces martyrs qui nous ont précédés—y compris ici-même, à Lyon, est-ce que vous les entendez ? Il nous disent : « Allez ! Persévérez ! Vous avez tout pour réussir ! »

Paul lui-même vous salue, il a connu ce pèlerinage lui aussi. Timothée son compagnon d’œuvre vous salue. Éraste le trésorier de la ville vous salue. Et Blandine vous salue. Irénée de Lyon vous salue. Et Polycarpe, et Jean Chrysostome, et Saint Augustin ! Et Martin Luther, et Jean Calvin, et John Knox, et John Owen, et John Bunyan, et John Milton (les puritains s’appelaient tous John !) ! Et Louis Berkhof et Herman Bavinck et R.C. Sproul vous saluent ! Façon de parler, bien sûr. S’ils sont morts, ils ne peuvent pas nous saluer littéralement, mais ils nous saluent indirectement par le souvenir, la trace et l’héritage qu’ils nous ont laissés.

Vous voyez ? Soyons attentifs aux amis, recevons leurs encouragements, appuyons-nous sur eux, et ça va bien se passer. Mais il y a encore une chose, et c’est la plus importante.

3/ Être attentif à l’Évangile (v. 25-27)

Troisièmement et dernièrement : soyons attentifs à l’Évangile. Revenons à notre passage (v. 25-27). Qu’est-ce qui se passe maintenant ? En gros, Paul va conclure tout ce qu’il a dit depuis le début, en disant : « Gloire à Dieu pour toujours, amen ! ». Mais Paul est un très bon auteur, un très bon écrivain, et il va profiter de cette ultime parole (où il veut rendre gloire à Dieu ; on appelle ça une doxologie)—il va profiter de cette ultime parole (de cette ultime bafouille, dirait Gad Elmaleh) pour insérer la conclusion parfaite de toute sa lettre.

Pour comprendre ce qui se passe dans cette conclusion, il faut se rappeler l’introduction de toute sa lettre. Et dans l’introduction (Rm 1.1-17), Paul avait dit clairement quelle était son intention en écrivant aux chrétiens de Rome. Il voulait leur expliquer ce que c’était que « l’Évangile », cette bonne nouvelle qui concerne le Fils de Dieu, « Jésus-Christ notre Seigneur ». Cette bonne nouvelle avait été promise par les prophètes dans les saintes Écritures, et elle se révèle dans les saintes Écritures. Et Paul a été « mis à part » pour cet Évangile, dans le but de proclamer cet Évangile aux « nations » afin de les amener à « l’obéissance de la foi ». Et parmi ces gens, justement—ces gens issus des nations—qui ont entendu et reçu l’Évangile, et qui ont cru en Jésus-Christ, il y a ces gens à Rome, qui ont constitué une communauté chrétienne, et à qui Paul a voulu écrire cette lettre.

Son but en écrivant cette lettre, je le répète, c’était de leur expliquer de manière complète, précise, systématique, ce que c’est que l’Évangile—et de cette manière, Paul voulait que ces croyants soient « affermis » dans la foi, pour leur salut et pour leur marche chrétienne ici-bas (cf. Rm 1.11). Tous ces éléments que je viens d’énumérer, ils figurent dans l’introduction de cette lettre (et c’était l’objet de la toute première prédication de ma série sur cette lettre, le 19 septembre 2021).

Et maintenant, ce que Paul fait, c’est qu’il va nouer la gerbe, comme on dit. Il va boucler la boucle. Il va finir là où il a commencé. On relit les toutes dernières lignes de sa lettre ?

« À celui qui a le pouvoir de vous affermir selon mon Évangile et la prédication de Jésus-Christ, conformément à la révélation du mystère tenu secret dès l’origine des temps, mais manifesté maintenant par les Écrits prophétiques, d’après l’ordre du Dieu éternel, et porté à la connaissance de toutes les nations en vue de l’obéissance de la foi—à Dieu, seul sage, la gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles ! Amen ! »

Vous voyez ce qu’il a fait, là, Paul ? Il dit en gros : « Voilà, vous venez de finir de lire le truc que je voulais vous dire, et que Dieu va utiliser maintenant pour vous affermir dans la foi—exactement comme je le voulais au départ ! » Mission accomplie ! C’est une excellente conclusion, en fait (où il rappelle ce qu’il visait, et où il montre qu’il l’a réalisé).

Et ce qu’on doit en tirer, c’est l’importance capitale de cet Évangile que Paul appelle aussi « la prédication de Jésus-Christ ». Si important, que Paul a voulu l’expliquer dans une lettre super longue. Si important, que c’est signalé comme le sujet incontournable au début et à la fin. Si important, que Paul a été « mis à part » pour cet Évangile, qu’il appelle « l’Évangile de Dieu » au début, et « mon Évangile » à la fin—parce que c’est le truc que Dieu lui a confié pour qu’il l’administre en son nom !

Et donc Paul, en quelque sorte, est en train de dire à ses destinataires : « Hé, c’est la fin, je vais vous quitter, mais ne vous inquiétez pas, maintenant, vous êtes équipés pour la route. Vous avez l’Évangile. Vous avez la bonne nouvelle qui concerne Jésus-Christ. »

Je me rappelle, il y a quelques années, avec ma famille, on a eu un grave accident de voiture, dans une tempête de neige. Et il se trouve que deux jours plus tard, je n’avais pas le choix, il fallait que je reprenne la route (reprisse !), avec une voiture différente, et toute la famille dedans, pour poursuivre le voyage, dans des conditions qui étaient toujours hivernales. Et j’ai eu très peur de reprendre le volant dans ces conditions.

Mais heureusement, Suzanne était assise à la place du passager, et j’ai été « attentif à mon amie », si j’ose dire, qui m’a rappelé qu’on était très bien équipés, en fait, pour la route. On avait des bons pneus, de bons essuie-glaces, du chauffage qui marchait bien, un porte-bagages solide, de l’essence dans le réservoir… « Ça va bien se passer ! » Et effectivement, c’était rassurant de penser qu’on était bien équipés pour le voyage. J’ai été attentif à cette information, attentif aux dangers éventuels sur la route, attentif à ma co-équipière, et ça allait mieux, et on est arrivé à destination.

De la même façon, quand on pense au chemin qui est devant nous dans la vie, au chemin de la vie chrétienne, au chemin du service, du témoignage, et de l’obéissance à Dieu, et quand on pense à la destination tout au bout : les portes glorieuses de la cité éternelle de Dieu—est-ce qu’on angoisse, est-ce qu’on a peur de ne pas y arriver et de nous échouer en chemin ?

Soyons attentifs… à l’Évangile ! Si on est croyant, c’est qu’on a entendu et reçu ce message—et maintenant, on est appelé à nous souvenir perpétuellement de ce message et à y penser tous les jours, et à nous appuyer dessus tous les jours. Pourquoi ?

Parce que ce message, c’est le suivant. C’est que Dieu a tout fait pour nous. Si on est croyant, il nous a attachés à lui par un lien indestructible. Quand on n’était pas croyant, on était séparé de Dieu et complètement perdu, à la dérive, et on était destiné à une perdition totale. Et ça, c’était par notre faute parce que par nature, on n’a pas envie de Dieu ; on a plutôt envie de vivre comme bon nous semble, et ça c’est un affront terrible envers Dieu qui nous a créés.

Mais le message de l’Évangile, c’est que Dieu ne nous a pas laissés dans cette situation. Il aurait pu, et ç’aurait été parfaitement juste. Mais Dieu a aimé les hommes rebelles, au point de s’approcher de nous par Jésus-Christ, et au point de se donner lui-même en Jésus-Christ comme un sacrifice d’expiation, un paiement pour satisfaire sa justice, un substitut pour prendre sur lui le poids de nos péchés qui nous séparaient de lui, et pour détourner sur lui-même le châtiment qui nous était normalement destiné.

Dieu nous présente donc son salut—un salut total, parfait, complet—il le présente aux humains par sa grâce seule, par le moyen de la foi seule, en Jésus seul. C’est ça l’Évangile ! J’espère de tout cœur que vous tous ici présents, vous avez reçu ce don de la grâce de Dieu, et qu’aujourd’hui vous pouvez dire que vous vous reposez pleinement en Jésus-Christ.

Mais pourquoi ce message est si important, non seulement pour le début de notre vie chrétienne, mais pour toute notre vie chrétienne ? Parce que ce message nous rappelle en permanence que notre sécurité ne repose pas sur nos mérites ou sur nos performances. Selon l’Évangile, selon « la prédication de Jésus-Christ », notre sécurité, notre réussite et notre arrivée à destination reposent totalement sur l’œuvre accomplie une fois pour toutes par Dieu en notre faveur, en Jésus-Christ.

Avec cet Évangile, on est parfaitement équipé pour la route. On est parfaitement équipé pour la vie chrétienne. On est parfaitement équipé pour le service. On est parfaitement équipé pour la mission et pour le témoignage. On est parfaitement équipé pour persévérer jusqu’à la fin. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8.31) « Nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. » (Rm 8.37) « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur. » (Rm 8.39)

Vous voyez ? Dieu a donc le pouvoir de nous affermir. Ça va bien se passer. Soyons attentifs—restons attentifs, en tout temps, à l’Évangile. C’est vraiment, comme Paul l’a dit en introduction, la « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1.16). C’est cette bonne nouvelle seule qui est, le plus fondamentalement, susceptible de nous encourager, de nous consoler, de nous motiver, de nous fortifier et de nous apaiser pour le chemin qui est devant nous.

Alors moi aussi je veux boucler la boucle, et revenir à ce que je disais au début. Au moment où vous allez arrêter d’entendre la voix suave de votre pasteur—au moins pour ce matin—, au moment où, tout à l’heure, on va se disperser, au moment où vous allez rentrer chez vous et demain, reprendre le travail : qu’est-ce que vous avez besoin d’entendre ?

Si vous êtes croyant, ce matin : est-ce que, en venant ici aujourd’hui, vous aviez des doutes sur le fait que vous alliez progresser dans la vie chrétienne ? Des doutes sur la capacité de notre Église à progresser ? Des doutes sur le fait qu’on va franchir la ligne d’arrivée sans faire naufrage avant, et que l’histoire court vers un but heureux ? Est-ce que vous étiez confiant dans votre avenir dans la foi, et dans le nôtre ensemble, ou bien est-ce que vous étiez parfois rempli d’angoisse, voire de peur, voire de défaitisme ?

Qu’est-ce que vous aviez besoin d’entendre ? Peut-être la même chose que les chrétiens de Rome à la conclusion de cette lettre de l’apôtre Paul. « Ne vous inquiétez pas, les loulous ! Vous avez tout ce qu’il vous faut pour y arriver. Faites un tout petit peu attention, et ça va bien se passer. » Oui, comme on l’a vu. Ça va bien se passer. Mais pour autant, il faut quand même qu’on fasse un petit peu attention.

Attention aux ennemis. Ne soyons pas naïfs, soyons plutôt réalistes. On prend part à un projet merveilleux, mais tout le monde ne tire pas dans le même sens. Dieu est irrésistible dans l’accomplissement de ses projets, mais il y a aussi un combat spirituel. Le diable a été vaincu à la croix, mais il a été précipité sur la terre et il mène la guerre à la descendance de la femme (Ap 12). En même temps, on n’a pas à avoir peur. Dieu est en train de détruire Satan, et il finira par l’écraser sous nos pieds.

En attendant, prenons garde à ceux qui causent des divisions. Ils viendront dans l’Église pour servir les intérêts du diable, dont le nom signifie « celui qui divise » ! Soyons lucides et vigilants. Ancrons-nous dans la vérité, n’ayons pas honte de savoir ce qu’on croit et de le tenir ferme (Hé 10.23), et recherchons la sanctification, c’est-à-dire cherchons à progresser dans notre piété et dans la pratique des bonnes œuvres (Hé 12.14). C’est comme ça qu’on sera sages en ce qui concerne le bien et purs en ce qui concerne le mal, et c’est comme ça qu’on « veillera », et qu’on « résistera au diable, fermes en la foi » (1 Pi 5.9)

Mais attention aussi aux amis ! « Attention » dans le sens de « soyons attentifs à eux », prenons conscience qu’ils sont là de la part de Dieu pour nous, et nous pour eux. On n’est pas tout seul. Dieu ne veut pas qu’on avance tout seul sur le chemin qu’il a préparé pour nous. On en a beaucoup parlé dans cette série de prédications sur la lettre de Paul aux Romains. On a tellement besoin d’affection fraternelle, de solidarité, de charité entre nous. On a tellement besoin de se faire bon accueil mutuellement, et de se serrer les coudes, et d’apprendre à nous connaître et à nous apprécier et à nous respecter !

On a tellement besoin de marcher ensemble, de « progresser ensemble », de nous soutenir les uns les autres, de nous encourager et de nous motiver ! Est-ce qu’on pourrait continuer de grandir dans ce domaine, à l’Église Lyon Gerland ? Est-ce qu’on pourrait s’ouvrir plus aux autres ? Est-ce qu’on pourrait partager plus souvent ce qu’on traverse comme difficultés ou comme joies dans la vie, par exemple dans les groupes de maison ; et est-ce qu’on pourrait demander plus souvent la prière et les conseils à des frères et sœurs ? Est-ce qu’on pourrait augmenter notre disponibilité pour les autres et notre fidélité aux réunions avec les autres ?

Enfin, attention à l’Évangile. Soyons attentifs à l’Évangile. Puissions-nous garder l’Évangile—c’est-à-dire la personne et l’œuvre de Jésus-Christ—au centre de tout ce qu’on fait à l’Église Lyon Gerland, et au centre de notre vie à chacun en tant que croyants. Si nécessaire, relisons la lettre de Paul aux Romains—plusieurs fois par an ! Réécoutons ou relisons les prédications—les 31 prédications—qui ont porté sur ce merveilleux texte tiré de la Bible, et qui sont toutes sur le site internet de l’Église.

Que l’Évangile—c’est-à-dire la bonne nouvelle qui concerne la personne et l’œuvre de Jésus-Christ—que l’Évangile, donc, soit toujours présent à notre esprit, au cœur de nos familles, au centre de nos couples, dans nos pensées matin, midi et soir, dans nos chants de louange, dans nos prières, dans nos discussions.

Et si ça devait être la dernière chose que je devais vous dire avant de vous quitter (pour ce matin), ce serait ça. Qu’est-ce qui est le plus important ? Qu’est-ce qui est, qui a été, et qui sera toujours le plus important ? Dites-le tous ensemble : Jésus !

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