Démoralisé ?

Par Alexandre Sarranle 16 avril 2023

Il nous arrive tous, parfois, d’être démoralisé. C’est comme ça, c’est dans notre nature. Parfois on a de la lassitude, on est fatigué, et on n’a pas vraiment de motivation pour aller de l’avant. Et le truc, c’est que quand on a la foi, ça ne nous empêche pas pour autant d’être démoralisé !

Des fois, en tant que croyant, on a l’impression de faire du sur place, de ne pas avancer, de ne pas progresser avec Dieu. On a peut-être l’impression d’avoir connu un super départ dans notre vie chrétienne, et puis voilà, un an, deux ans, dix ans plus tard… notre marche avec Dieu a perdu de sa saveur, ce n’est plus trop excitant, on n’attend plus trop grand-chose de l’avenir. Peut-être même qu’on a beaucoup donné au début de notre vie chrétienne, mais aujourd’hui, on ne voit pas trop le résultat, à part qu’on est super fatigué !

C’est comme ça. Peut-être qu’on fait beaucoup d’efforts pour grandir spirituellement, mais qu’on fait quand même face à des tentations qui sont encore et toujours les mêmes, et qu’on tombe encore et toujours dans les mêmes péchés. Peut-être qu’on essaie de témoigner de notre foi à notre entourage, mais que personne ne s’y intéresse, et c’est hyper décourageant. Peut-être qu’on s’est beaucoup investi dans la vie de nos frères et sœurs dans la foi, mais qu’on dirait que ça n’a rien produit du tout, au contraire, peut-être que ces frères et ces sœurs se sont renfermés et nous ont repoussé. Peut-être qu’on a cherché un local pour notre Église depuis super longtemps et qu’on n’a toujours rien trouvé—et on ne sait pas comment avancer.

Et peut-être même qu’aujourd’hui, avec cette espèce de sentiment de lassitude et d’inachevé, on se demande si finalement, ce qu’on a l’impression d’avoir connu avec Dieu, c’était peut-être juste une illusion. Juste un moment d’exaltation passagère. On pensait que notre vie serait tellement différente ! Mais en fait, notre vie est toujours très compliquée et on n’a pas l’impression d’avancer. Peut-être même qu’on en est venu à douter que Dieu existe, ou à douter qu’il soit bon, ou à douter que la Bible soit vraiment fiable. Peut-être qu’on est tenté de devenir sceptique, voire cynique, voire même de tout laisser tomber !

Eh bien le texte qu’on va lire dans un instant s’adresse à l’origine à des gens qui sont dans cette situation. Ces gens, ce sont les Israélites vers l’an 1000 av. J.-C., qui habitent dans un territoire que Dieu leur avait promis en leur disant que ce serait un lieu de repos, un genre de paradis sur terre, un pays découlant de lait et de miel, où ils pourraient vivre ensemble dans la justice, la sécurité et la paix.

Mais au lieu de ça, dans cette fameuse terre promise, trois cents ans après que les premiers Israélites ont commencé à prendre possession du territoire—trois cents ans après, il y a encore des populations locales qui leur font la guerre, il y a des cultes rendus à des idoles auxquels même des Israélites participent, et il y a même des rivalités internes et des guerres civiles !

Donc beaucoup d’Israélites sont sûrement, eux aussi, démoralisés ! Ils se posent des questions sur Dieu et sur leur foi. Est-ce que vraiment ça vaut le coup de suivre l’Éternel ? Parce que trois cents ans après qu’on est entré dans la « terre promise », on en est encore là ? Elles sont passées où toutes les belles promesses de Dieu ? Alors oui, ils sont démoralisés, ces gens, vous comprenez ?

Et dans ce contexte, ces Israélites-là sont les premiers destinataires du livre de la Bible qu’on va commencer à étudier aujourd’hui, qui est peut-être le livre le plus gênant de toute la Bible. J’ai nommé : le livre des Juges. C’est un livre qui raconte aux Israélites de l’an 1000 av. J.-C. (environ) justement les trois cents ans d’histoire (environ) qui les précèdent.

Le livre des Juges, c’est un livre d’histoire. Et comme tout bon livre d’histoire, son but est de nous raconter le passé pour nous aider à comprendre le présent. L’auteur veut donner à ses premiers destinataires, notamment, l’explication de pourquoi ils se trouvent dans la situation où ils se trouvent, mais aussi une exhortation et des clefs pour savoir comment avancer.

Et il va faire ça en leur racontant comment, à partir d’un excellent début, ils sont arrivés à une situation finalement désastreuse. Il ne leur dit pas ça pour les enfoncer, pour leur dire que c’est fichu maintenant, ils n’ont qu’à tout laisser tomber ! Non, au contraire, si l’auteur raconte tout ça, c’est pour que ses destinataires se disent : « Ah oui, OK, on comprend maintenant comment on en est arrivé là. On comprend ce qui était bien au début, et ce qui a mal tourné. On comprend qu’est-ce qu’on devrait corriger maintenant au niveau de nos attentes et de nos priorités pour que ça aille mieux. Si ça s’est bien passé au début, ça veut dire que ça peut encore bien se passer aujourd’hui. »

Et donc le texte qu’on va lire, nous ce matin, c’est le tout début du début du livre des Juges. Le livre des Juges commence par un prologue qui plante un peu le décor et qui nous donne un cadre pour bien comprendre tout ce qui va être raconté par la suite (1.1—3.6). Mais nous aujourd’hui, on va seulement regarder le début de ce prologue, et vous allez voir que c’est un début plutôt pas mal—et ce début plutôt pas mal est rappelé quelques générations plus tard aux Israélites pour leur donner envie de ça. C’est là pour les sortir du défaitisme, pour réveiller leurs aspirations, et pour réorienter leurs attentes vers ce qui leur permettra vraiment de surmonter leur découragement et de progresser avec Dieu.

Et pourquoi ce texte est-il pertinent pour nous aujourd’hui ? Pas seulement parce qu’il y a un parallèle entre les Israélites de cette époque et nous aujourd’hui. Il n’y a pas seulement un parallèle—mais il y a une continuité. D’après la Bible, l’Église chrétienne c’est le peuple de Dieu sur la terre, et ce peuple, ce sont les Israélites, à cette époque-là. Leur histoire, c’est notre histoire—au sens strict et pas juste par analogie ! Parce que c’est l’histoire du même Dieu—et du même projet du même Dieu sur la même terre au travers du peuple qui invoque son nom. On peut dire que l’histoire d’Israël à cette époque-là, c’est l’histoire de l’Église.

Et donc si nous, on est démoralisé ce matin, ce passage est pour nous, comme le dit l’apôtre Paul : « Ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction. » (Rm 15.4) Ce texte est là pour nous sortir du défaitisme, pour réveiller nos aspirations, et pour réorienter nos attentes vers ce qui nous permettra vraiment de surmonter notre découragement et de progresser avec Dieu. Et toute la leçon qu’on va tirer de ce texte ce matin—si on est démoralisé et si on est tenté de tout laisser tomber, c’est la suivante : on peut et on doit compter sur Dieu qui va terminer ce qu’il a si bien commencé.

Lisons le texte. Vous allez voir, ça raconte comment les Israélites ont commencé à prendre possession de la terre promise qui est à ce moment-là occupée par des gens appelés les « Cananéens » (parce que le territoire s’appelle à ce moment-là le pays de Canaan). En lisant le texte, je voudrais que vous remarquiez surtout la place prépondérante de la tribu de Juda dans cette histoire (appelée simplement « Juda »).

1/ Dieu va accomplir son projet ! (v. 1-7)

Toute l’idée à retenir ce matin—si on est démoralisé : on peut et on doit compter sur Dieu qui va terminer ce qu’il a si bien commencé. On va essayer de voir ce que ça veut dire et surtout comment ça peut se traduire en pratique dans notre vie aujourd’hui.

La première chose que ce texte veut nous rappeler, si on est démoralisé ce matin, c’est que Dieu a un projet, et que ce projet, il compte l’accomplir notamment à travers les œuvres de notre foi. Ou à travers notre foi en action. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Eh bien regardons le texte pour essayer de comprendre (v. 1-7).

Dans ces premiers versets, ce qu’on voit, c’est la tribu de Juda qui répond à l’appel de Dieu pour partir à la conquête du pays de Canaan. La tribu de Juda invite la tribu de Siméon à combattre avec elle, et ensemble ces deux tribus vont conquérir les parties du territoire que Dieu leur destinait ; et le texte dit que Dieu leur donne le succès.

Qu’est-ce qui est en train de se passer, en fait ? Pour comprendre, il faut revenir un petit peu en arrière. Cette histoire s’inscrit dans une bien plus grande histoire, qui est celle de la relation entre Dieu et le monde. Rien que ça ! Et ce sont les pages précédentes de la Bible qui nous aident à comprendre le contexte. Le contexte, c’est celui d’un monde créé par Dieu à l’origine, mais abîmé à cause des humains. Un monde où il y a du mal, de la souffrance et plein de choses qui ne vont pas bien. Et le projet de Dieu, c’est de réparer ce monde et de le restaurer pour en faire un lieu d’habitation pour lui et pour toute une humanité elle aussi rachetée et réparée.

Et ce grand projet devait s’accomplir notamment à travers la venue et l’œuvre d’une personne en particulier appelée le « messie », issu de toute une lignée de personnes que Dieu a appelées à lui au fil de l’histoire et à qui Dieu s’est fait connaître. Autour de cette promesse (de la venue du messie et de la réparation du monde), Dieu s’est constitué un peuple entier à qui il s’est fait connaître, et qu’il a appelé à être un genre d’intermédiaire entre lui et le reste du monde. Un peuple-vitrine en quelque sorte—vitrine de sa justice, de sa bonté, et de sa grâce. C’est le peuple issu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qu’on appelle les Israélites.

Et donc Dieu a voulu donner à ces Israélites—son peuple—un territoire où ils pourraient vivre aux yeux du monde entier comme une société à part, où on rendrait un culte au vrai Dieu et où on vivrait selon ses lois qui sont admirables de justice et d’équité. Ce territoire que Dieu voulait donner aux Israélites, c’était le pays de Canaan—et pourquoi le pays de Canaan ? Parce que c’était un bon pays mais rempli de mauvaises personnes.

Un bon pays, riche et fertile, vraisemblablement là même où se trouvait à l’origine le jardin d’Éden, où en tout cas proche de l’emplacement du jardin d’Éden. Mais rempli de mauvaises personnes, c’est-à-dire que ce lieu merveilleux créé par Dieu est peuplé de gens qui ont des pratiques absolument horribles—la pire étant peut-être l’infanticide rituel.

Et donc Dieu, dans le cadre de son grand projet de réparation du monde, veut juger ces personnes méchantes, châtier le mal, nettoyer le pays et y établir à la place son peuple racheté qui va vivre selon des lois justes. Et à partir de ce peuple-là—le peuple-vitrine de Dieu sur la terre—un jour, c’est le messie qui arriverait, et à travers lui, la justice, la bonté et la grâce de Dieu auraient un tel rayonnement que ça profiterait à toutes les nations de la terre.

Vous voyez le projet de Dieu ? Et donc là où on en est au début du livre des Juges, c’est que les Israélites ont commencé à conquérir le territoire (ils ont commencé dans le livre précédent : le livre de Josué). Et donc le début du début du prologue nous raconte que ça se passe bien !

Si bien, que l’auteur nous rapporte cette anecdote du roi cananéen qui se fait attraper et couper les pouces des pieds et des mains. Ça nous semble assez cruel, et le texte ne dit rien sur le fait que Dieu l’ait voulu ou non. Mais ce que le texte nous dit, c’est que quand ça arrive, le roi cananéen en question reconnaît que ce n’est que justice (parce que lui, avait fait ça à 70 rois qu’il avait capturés au cours de son règne). « Dieu me rend ce que j’ai fait. » (v. 7) L’idée, c’est tout simplement que le projet de Dieu est en train de s’accomplir.

Mais par quel moyen est-ce qu’il est en train de s’accomplir ? Il s’accomplit (dans notre passage) par le moyen de la tribu de Juda qui a conscience de l’appel de Dieu et qui répond à cet appel par la foi. La tribu de Juda sait quel est le projet de Dieu : ils savent que Dieu a appelé Abraham, Isaac et Jacob, par sa grâce ; et ils savent que le peuple d’Israël a été délivré de l’esclavage en Égypte, par sa grâce ; et ils savent que Dieu compte leur donner ce pays de Canaan, par sa grâce ; et ils savent que Dieu leur dit maintenant : « Allez-y, j’ai livré le pays entre vos mains » (v. 2). Et donc ils font quoi ? Ils font confiance, et leur confiance se traduit par l’obéissance, et leur obéissance conduit à l’accomplissement du projet de Dieu.

C’est beau ce qui se passe au début du début du prologue du livre des Juges ! Il y a là un motif pour nous, et une leçon. Le motif, c’est cette suite logique vertueuse : la grâce de Dieu envers nous produit notre confiance en lui ; notre confiance motive notre obéissance ; notre obéissance est utilisée par Dieu pour accomplir son projet. Et la leçon, c’est ce premier point : il faut qu’on se rappelle que Dieu a un projet, et que ce projet, il compte l’accomplir notamment à travers les œuvres de notre foi. Ou à travers notre foi en action.

Et ce qui se passe dans le texte, c’est un peu comme quand vous vous trouvez devant un truc super dur à faire, et qu’on vous dise : « Écoute, ne te laisse pas décourager ou intimider ; regarde ces autres gens qui ont réussi dans ce domaine—comment ça se fait que ça s’est bien passé pour eux ? Tu peux apprendre de leur exemple. » On a des choses à apprendre des gens qui nous ont précédés et qui ont réussi—réussi un concours, réussi une performance sportive, réussi à perdre du poids, réussi dans les affaires, réussi des études. S’il y a des choses qu’ils ont faites, s’il y a une manière de procéder, s’il y a un motif, on veut reproduire ce motif si possible à notre tour, parce que, semble-t-il, c’est fructueux.

Et dans notre texte, c’est exactement ça. Apprenons de nos pères dans la foi ! Si on est découragé par l’impression qu’on fait du sur place, si on ne progresse pas et qu’on est tenté de tout laisser tomber, déjà il faut qu’on se rappelle que l’histoire n’avance pas sans direction, et que notre vie elle-même n’avance pas sans direction—mais que Dieu a un projet, et qu’il va accomplir son projet. Simplement, il compte l’accomplir notamment à travers les œuvres de notre foi, c’est-à-dire qu’on ne doit pas se lasser de se remémorer le projet de Dieu, et de lui faire confiance, et de lui faire confiance au point d’agir en conséquence.

Parce que Dieu va utiliser ça de manière fructueuse. C’est ce qui fait dire à l’apôtre Paul, par exemple : « Mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, avec crainte et tremblement, mettez votre salut en action. » (Ph 2.12) Ou : « Travaillez à votre salut. »

2/ Son projet est bon pour nous ! (v. 8-15)

Donc ça, c’était la première chose. Si on est démoralisé, on doit se rappeler que le projet de Dieu tient toujours, c’est un projet cosmique—Dieu est en train de réparer le monde—et on a une place là-dedans, et Dieu accomplit ordinairement son projet à travers les œuvres de notre foi. Et les Israélites qui reçoivent ce texte à l’origine, environ 300 ans après ces événements, sont censés se dire eux aussi—comme nous aujourd’hui : « On devrait rester attentif à ce que Dieu a fait jusqu’ici et à ce qu’il compte faire, on devrait lui faire confiance et mettre notre foi en action, et on va voir Dieu continuer d’accomplir son projet. »

Mais qu’est-ce qui peut nous motiver à faire ça ? Qu’est-ce qui peut nous motiver à faire confiance à Dieu et à agir en conséquence ? C’est bien beau d’être persuadé que Dieu a un projet, et que c’est un projet qui vise la réparation du monde. Mais est-ce que ça, c’est suffisant pour nous motiver à notre niveau ?

C’est ce qui nous amène au deuxième point. La deuxième chose que ce texte veut nous rappeler, si on est démoralisé, c’est que oui, Dieu a un projet et il va l’accomplir, mais en plus, c’est un projet est bon pour nous ! Vous comprenez, ce n’est pas suffisant de dire que Dieu a un projet cosmique, et que Dieu va accomplir son projet, même à travers les œuvres de notre foi. Il faut encore qu’on se rende compte que ce projet, s’il vise la réparation du monde et la gloire de Dieu, il vise aussi notre plus grand bien, à nous personnellement !

Et ça, c’est illustré dans la suite de notre passage (v. 8-15). D’abord, il y a des allusions très significatives dans notre texte qui montrent que les succès que Dieu donne à la tribu de Juda vont entraîner de grandes bénédictions pour le peuple d’Israël. Le texte dit que les fils de Juda s’emparent de Jérusalem, par exemple (v. 8). Jérusalem, c’est la future capitale d’Israël et le lieu où sera installé le sanctuaire de Dieu, c’est-à-dire l’endroit où on rendra un culte à Dieu pendant de nombreuses générations—et ça, ce sera très bon pour le peuple.

Le texte dit aussi que la tribu de Juda arrive à s’emparer de la ville d’Hébron, et ça aussi c’est significatif, parce que Hébron, c’est l’endroit où plus tard, le roi David recevra l’onction comme roi de la tribu de Juda (2 Sm 2.4), et où plus tard toutes les tribus d’Israël lui prêteront allégeance (2 Sm 5.1-3). Et ça aussi, ce sera vraiment très, très bon pour le peuple.

Et puis on a aussi dans le texte cette autre anecdote où Caleb, un des héros d’Israël, promet de donner sa fille en mariage à celui qui arrivera à vaincre une certaine ville (v. 12-15). Finalement, un certain Otniel (qui est nul autre que le premier des juges dont on entendra parler par la suite)—Otniel donc, s’empare de la ville et obtient la main de la fille de Caleb, qui s’appelle Aksa. Aksa va ensuite demander pour elle-même un champ et des fontaines d’eau. C’est un peu curieux tout ce qui se passe ici, mais en gros ce qu’on a ici c’est tout simplement un genre de romantisme épique. Un héros de guerre, une princesse, un exploit au combat, un trésor, un héritage… On est censé être un peu captivé par tous ces détails.

L’idée, c’est tout simplement que ça se passe vraiment bien pour la tribu de Juda dans cette histoire—si bien, que les bénédictions de Dieu ruissellent dans tous les sens, et se manifestent sous forme de mariage et d’actes de bravoure et de cadeaux et de fontaines. Vous voyez ? L’idée, donc, c’est que le projet de Dieu qui est en train de s’accomplir, c’est un projet qui est vraiment, vraiment bon pour son peuple !

Et nous, on est la continuité de ce peuple. Si on est croyant, on est compté parmi le peuple de l’Éternel, et à ce titre, on est les descendants de Caleb, d’Otniel et d’Aksa—et comme eux, on doit reconnaître que le projet de Dieu qui vise la réparation du monde et la gloire de Dieu, vise aussi notre plus grand bien. C’est un projet qui est bon pour nous.

C’est un projet qui est bon pour nous, parce que dans son projet, Dieu nous a appelés à lui, et il veut faire de nous son peuple racheté, et il veut nous réparer et nous conduire selon des lois qui sont bonnes, justes et équitables, et il veut nous faire habiter avec lui pour toujours dans un pays découlant de lait et miel—c’est-à-dire dans son paradis, dans le jardin d’Éden ultime qui couvrira un jour la terre entière !

Le pasteur et théologien Kévin DeYoung, dans son livre sur le catéchisme de Heidelberg, décrit la finalité du projet de Dieu de la manière suivante, en reprenant des éléments de langage qu’on trouve un peu partout dans la Bible : « La vie éternelle signifie récompense, héritage, bénédictions, règne, banquet, sécurité, pas de souffrance, pas de deuil, pas de déception, pas de luttes et pas de crainte. La vie éternelle, c’est un jardin verdoyant, une ville magnifique, une solide fondation, une rue faite d’or, une mer de cristal et un mur de pierres précieuses. C’est une noce, un arbre de la vie, une eau vive, la manne qui tombe du ciel, une lumière sans fin et une louange infinie à celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau. Le caractère béni de la vie éternelle, c’est comme savourer sa nourriture préférée, boire sa boisson préférée, rire avec ses meilleurs amis […]. C’est comme tous ces moments—sauf que ces moments ne s’arrêtent jamais et ne déclinent jamais. »

Je crois que c’est clair : le projet de Dieu—le projet que Dieu est en train d’accomplir—est un projet qui est bon pour nous, et même très, très bon. Et c’est à ce projet que Dieu nous appelle, comme il a appelé la tribu de Juda dans notre passage.

Imaginez que vous soyez un ouvrier en train de construire un château. C’est un travail pénible et fatigant, et si vous vous dites que vous êtes en train de construire ce truc pour le compte d’un petit seigneur cruel et fainéant, vous auriez des raisons de rouspéter et de manquer de motivation. Mais imaginez maintenant que ce château que vous êtes en train de construire, il est pour vous. C’est un merveilleux château confortable et luxueux, et il vous est destiné, c’est vous qui allez habiter dedans ! Ça peut changer votre degré de motivation dans le travail !

Et dans notre texte, c’est un peu pareil. Le projet de Dieu auquel on est invité à participer vise notre plus grand bien à nous personnellement. Et ça, ça devrait vraiment nous motiver à répondre à l’appel de Dieu par la foi, et à nous mettre à l’écoute de Dieu, et à lui faire confiance, et à mettre notre confiance en action, sachant que de cette manière, à travers les œuvres de notre foi, Dieu va poursuivre l’accomplissement de ce merveilleux projet.

En se rappelant que le projet de Dieu—décrit dans toutes les saintes Écritures—est très bon pour nous, eh bien peut-être qu’on va commencer à aimer davantage le projet de Dieu, et qu’on va désirer plus son accomplissement, et qu’on va grandir dans notre joie et dans notre reconnaissance pour toutes les bonnes choses que Dieu nous donne déjà. Comme tout simplement le logement, la nourriture et le vêtement. Mais aussi sa révélation—la Bible. Et la foi qu’il a fait naître dans notre cœur. Et une communauté chrétienne. Et les progrès déjà accomplis dans notre marche chrétienne. Et les prières déjà exaucées.

3/ On n’y arrivera jamais par nous-mêmes ! (v. 16-21)

Donc ça, c’était la deuxième chose. Si on est démoralisé, premièrement, on doit se rappeler que Dieu a un projet et qu’il va l’accomplir notamment à travers les œuvres de notre foi, mais deuxièmement, si on manque de motivation à mettre notre foi en action, eh bien on doit se rappeler que ce projet de Dieu, en fait il est vraiment bon pour nous !

Donc ça va mieux ? On regarde le début de notre histoire dans le prologue du livre des Juges, on voit comment ça se passait super bien pour nos ancêtres, et hop ! Ça nous remet sur les bons rails ? On se dit : « Il n’y a plus qu’à faire comme eux » ? Un bon coup de pied aux fesses et c’est reparti comme en quarante ?

Eh bien non, justement. Peut-être que de voir comment ça se passait bien pour nos ancêtres, ça nous rebooste, et on se dit qu’en se bougeant un peu, on pourra peut-être revivre la même chose qu’eux et connaître des victoires de nouveau dans notre marche chrétienne, dans notre témoignage, dans notre service et dans notre lutte contre le péché. Mais en réalité, ce coup de boost, si ça produit seulement une nouvelle dose d’auto-discipline—juste des nouvelles résolutions, juste un nouveau départ dans un effort de performance—eh bien ça va durer quelques jours, quelques semaines, et puis ça va vite retomber.

En fait, il ne faut pas passer à travers ce que ce texte est réellement en train de nous dire. Et c’est le troisième et dernier point ce matin. On n’y arrivera jamais par nous-mêmes. Regardez ce qui se passe dans la fin du passage qu’on a lu (v. 16-21). À partir du verset 16, tout d’un coup, on va commencer à avoir des petits grains de sable qui vont venir parasiter ce joli tableau des beaux débuts de la conquête du pays de Canaan.

D’abord, les descendants du beau-père de Moïse qui arrivent avec la tribu de Juda, mais qui décident de « s’établir parmi le peuple » au sud du pays (v. 16). Ce n’est pas très clair, mais l’idée, c’est sûrement qu’ils s’installent parmi le peuple qui habitait déjà là, sous-entendu : les Cananéens qui habitaient là. Ce serait très frappant, parce que le beau-père de Moïse, c’était un païen (un Madianite) qui s’était converti à l’Éternel (Ex 18) et qui avait intégré le peuple d’Israël. Et là, on a une sorte de retour en arrière. Ses descendants s’établissent parmi le peuple, au lieu d’exproprier le peuple comme le voulait Dieu.

Et puis, le texte nous dit aussi que la tribu de Juda n’arrive pas à déposséder les habitants de la vallée « parce qu’ils avaient des chars de fer » (v. 19). C’est un véritable bémol dans le récit, n’est-ce pas ? On a une défaite militaire. Ça ne se passe pas parfaitement.

Et enfin, le texte nous dit aussi que la tribu de Benjamin, également impliquée dans la conquête de Jérusalem (puisque leur territoire est attenant à celui de Juda)—eh bien, la tribu de Benjamin ne dépossède pas non plus les Yébousiens qui sont les habitant cananéens de Jérusalem (v. 21). Et ça, ça va poser problème pendant de nombreux siècles.

Donc le texte nous montre ici qu’il y a des grains de sable dans l’accomplissement du projet de Dieu, et peut-être bien plus que des grains de sable. Il y a des échecs. Il y a de la résistance et de l’opposition. Ça commence bien, mais ça se passe difficilement, essentiellement pour deux raisons : des obstacles externes et des obstacles internes. Des obstacles externes car les adversaires du projet de Dieu sont puissants et ils ne se laissent pas faire. Mais aussi des obstacles internes, parce que le peuple de Dieu lui-même ne fait pas ce que Dieu lui demande.

Bref, le texte nous montre déjà que même au début du début, quand ça semblait vraiment bien se passer, ce n’était déjà pas parfait—le texte nous montre que les Israélites n’arrivaient pas par eux-mêmes à accomplir le projet de Dieu.

Mais il y a une ambivalence, parce que le texte met quand même en valeur les succès de la tribu de Juda—qui est au centre de ce passage. Et ça, c’est très, très significatif. Quand les Israélites 300 ans plus tard lisent cette histoire, ils se disent naturellement : « Ah ouais, quand même, la tribu de Juda, elle a pris ses responsabilités, et elle est allée de l’avant pour obéir à Dieu par la foi, et par ce moyen-là, Dieu était en train d’accomplir son projet. La tribu de Juda, elle était quand même à part. Elle a une place importante dans notre histoire. »

Et du coup, le texte fait reposer sur la tribu de Juda une attente particulière ; et ce n’est pas par hasard. Puisque bien des générations auparavant, lorsque Jacob avait béni ses douze fils (qui sont devenus les douze tribus d’Israël), il avait dit au sujet de Juda : « Le bâton de commandement ne s’écartera pas de Juda, ni l’insigne du législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne le Chilo [sûrement une allusion au messie] et que les peuples lui obéissent. » (Gn 49.10). Donc les Israélites s’attendent à ce qu’un certain leadership (un certain commandement, une certaine direction) vienne de la tribu de Juda, vous comprenez ?

Et donc ce n’est pas par hasard que le roi David soit issu de la tribu de Juda—lui qui va gagner des victoires importantes en faveur d’Israël, et qui va réussir à prendre un peu mieux possession de la terre promise. Mais surtout, ce n’est pas un hasard que Jésus soit issu de la tribu de Juda—Jésus-Christ, le descendant de David.

Notre texte fait reposer une attente particulière sur la tribu de Juda, et en fin de compte, c’est par la venue de Jésus-Christ que cette attente est satisfaite—lui qui est appelé parfois « le Lion de Juda ». Parce que Jésus arrive comme le messie promis—la descendance promise depuis des temps immémoriaux, au travers de laquelle Dieu allait accomplir son projet de réparation du monde. Jésus arrive, et il va accomplir parfaitement ce que la tribu de Juda a commencé d’accomplir bien imparfaitement dans notre texte. C’est-à-dire que Jésus va déposséder non pas simplement les habitants méchants qui occupent la terre promise—mais il va déposséder leur chef, celui que la Bible appelle « le prince de ce monde » (Jn 12.31).

C’est vrai que Jésus n’est pas venu comme un prince conquérant tel qu’on pouvait l’imaginer—il est venu comme un serviteur souffrant, mais il est venu pour gagner une victoire bien plus grande que la victoire d’Otniel dans notre passage ou de n’importe quel autre grand chef de guerre de l’histoire d’Israël. Jésus s’est attaqué au diable lui-même, il a attaqué le mal à la racine.

Imaginez que vous ayez un jardin, et qu’avec le printemps, eh bien il y a plein de mauvaises herbes qui se mettent à pousser. Comme tous les printemps, vous allez essayer d’arracher les mauvaises herbes. Mais quelques semaines plus tard, elles repoussent. Pourquoi ? Parce qu’il y a encore la racine. Pour les éliminer efficacement, il faudrait détruire la racine.

Eh bien dans notre texte, les obstacles externes et les obstacles internes à l’accomplissement du projet de Dieu, c’est comme ces mauvaises herbes qui poussent dans le jardin d’Éden depuis que le péché est apparu dans le monde. Ce sont des mauvaises herbes qui poussent dans notre monde, et dans notre vie. Mais Jésus est venu pour s’attaquer à la racine. Et pour ça, Jésus a donné sa vie. Il a pris sur lui la racine du mal qu’il y avait dans notre cœur et qui produisait des mauvais fruits, et qui ne faisait pas confiance à Dieu, et qui désobéissait à sa loi. Et Jésus a détourné sur lui-même la malédiction qui nous était destinée, et que le diable aurait voulu utiliser pour nous détruire. Jésus a tout pris sur lui, il est mort sur la croix, et ensuite il est ressuscité le troisième jour—et en ressuscitant, il a terrassé le diable. Il est devenu les prémices de la nouvelle création. Il a exproprié le diable, comme on l’a lu tout-à-l’heure :

« Il a été précipité, l’accusateur de nos frères [le diable], celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. » (Ap 12.10)

Et un peu plus loin dans le livre de l’Apocalypse, il est dit que par sa victoire sur le diable, Jésus a enchaîné le diable de manière à ce qu’il n’ait plus le pouvoir qu’il avait avant, notamment le pouvoir de séduire les nations (Ap 20.3). Et ce que ça veut dire, c’est que cette conquête de la terre promise entamée par la tribu de Juda, elle s’est finalement poursuivie par Jésus qui a désarmé le chef spirituel des Cananéens (le diable) et qui l’a même dépossédé de la terre entière, au profit de tous ceux qui lui font confiance, de manière à ce que nous, à notre tour, par la foi en Jésus et par la prédication de cette bonne nouvelle, eh bien d’une part, que le règne de Dieu progresse dans notre vie, et d’autre part, qu’on fasse de toutes les nations des disciples, et qu’au retour glorieux de Jésus à la fin des temps, la terre entière soit définitivement et parfaitement réparée, et qu’on y habite pour toujours dans la communion avec Dieu !

Mais ce troisième point, c’est tout simplement qu’on n’y arrivera jamais par nous-mêmes. On a besoin de Jésus. Et heureusement, Jésus est venu, il a vu et il a vaincu.

Oui, donc, toute la leçon de ce passage pour nous qui sommes peut-être démoralisés ce matin, c’est bien la suivante : c’est qu’on peut et qu’on doit compter sur Dieu qui va terminer ce qu’il a si bien commencé. Dieu va accomplir son projet ! On a besoin de se rappeler en permanence que l’histoire de notre monde a un but. Et que notre vie, dans cette histoire, a un but. On n’existe pas par hasard. Dieu a voulu l’existence de ce monde, il a voulu notre existence, et il a décrété toute l’histoire de l’univers, du début à la fin. On fait partie de ce projet, où Dieu est en train de réparer ce qui a été abîmé et brisé—et il le fait pour sa gloire.

Mais il le fait aussi pour notre plus grand bien. Son projet est bon pour nous ! On a besoin de se rappeler en permanence vers où on va, en fait. Il faut qu’on prête attention aux passages de la Bible qui nous parlent de la fin de l’histoire. Il faut qu’on médite plus souvent sur la réalité du paradis. Il faut aussi qu’on réfléchisse plus souvent au caractère de notre Dieu, à ses attributs : il est grand, il est juste, il est sage, il est infiniment bon. Il est miséricordieux. Il est amour. Il est généreux. En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Ac 17.28). Il veut nous réparer, il veut prendre soin de nous, il veut nous accorder le repos, il veut déployer dans notre vie sa grâce, sa justice et sa vie en abondance ! Comme ça devrait nous réjouir et nous motiver, n’est-ce pas ? Est-ce qu’on est prêt à se remettre à l’écoute de Dieu ?

Mais en même temps, on n’y arrivera jamais par nous-mêmes. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas un nouveau programme, un nouveau système, une nouvelle discipline, une nouvelle étude biblique, une nouvelle conférence, un nouveau groupe de croissance—même si toutes ces choses ne sont pas mauvaises et même peuvent être très utiles ! Mais ce n’est pas ça qui va faire la différence. C’est Jésus qui va faire la différence, lui qui nous dit : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos » (Mt 11.28), et qui nous dit encore : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15.5)

Sil y a une chose à retenir, finalement, de toute cette prédication, c’est ça. Si on est démoralisé dans notre marche avec Dieu, on a besoin de recentrer nos attentes sur Jésus, « qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection » (Hé 12.2) Comme le dit aussi l’apôtre Paul :

« Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous une œuvre bonne, en poursuivra l’achèvement jusqu’au jour du Christ-Jésus. » (Ph 1.6)

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