Ton épreuve en perspective

Par Alexandre Sarranle 21 mai 2023

Qu’est-ce qui vous tracasse en ce moment ? Des problèmes de santé, des problèmes au travail, des problèmes dans votre couple ? Peut-être que vous êtes soucieux parce qu’il y a eu des imprévus dans votre semaine, qui vous ont mis en retard dans la réalisation de vos projets. Peut-être que vous avez été blessé par le comportement ou les paroles de quelqu’un dans votre entourage. Peut-être que vous avez des difficultés financières en ce moment et vous ne savez pas si vous allez avoir assez pour subvenir à vos besoins ou à ceux de votre famille.

Je ne veux pas trop prendre mon cas pour une généralité, mais franchement, c’est rare qu’il n’y ait pas quelque chose qui pèse sur mon moral. C’est rare que je me sente libre de toute préoccupation ! Et donc je vous demande : qu’est-ce qui vous tracasse en ce moment ?

Ça peut être quelque chose de super important, ou a priori super futile, mais ça peut quand même être vécu comme un fardeau pesant, qui parasite nos journées, qui occupe nos pensées, qui nuit à notre sommeil—et le risque pour nous, c’est qu’on réagisse mal à ça. Souvent, quand on est contrarié par quelque chose dans la vie, on a une réaction qui est intuitivement centrée sur nous-mêmes et sur notre intérêt : on n’est pas content et on râle !

Alors, se plaindre de quelque chose qui nous arrive, ce n’est pas mal en soi. Mais râler, c’est avoir une mauvaise attitude. Râler, c’est se plaindre d’une manière grincheuse, avec de l’orgueil et de l’amertume dans le cœur. Synonymes : grogner, maugréer, pester, rouspéter, ronchonner ! Et malheureusement, sous-entendu dans notre mauvaise humeur, eh bien c’est qui, le coupable tout désigné, celui à qui on reproche sans le dire les circonstances difficiles qu’on traverse ? C’est Dieu bien sûr, lui qui est souverain et qui gouverne tout l’univers !

Donc soyons honnêtes : les difficultés qu’on traverse et qui pèsent sur notre moral, est-ce qu’on se dit pas, au fond, que ce n’est pas très juste, ce que Dieu nous fait ? Et peut-être que ça, mine de rien, ça produit même en nous, au fond, un genre de ressentiment contre Dieu. On en veut à Dieu !

Et si je vous dis tout ça ce matin, c’est parce que le passage de la Bible qu’on va regarder dans un instant, c’est un passage qui va nous inviter à remettre nos épreuves en perspective. C’est un passage qui veut nous faire réfléchir à notre posture face aux épreuves, ou dans les épreuves. Et nous aider à avoir la bonne posture.

On va poursuivre notre étude du livre des Juges là où on s’était arrêté la semaine dernière. On est encore dans le début du livre, et même dans la partie du livre qui sert de prologue. L’auteur est en train de nous donner des éléments de contexte ; il est en train de planter le décor et de nous donner des clefs pour comprendre le récit qu’il va faire ensuite. Et là, dans le passage qui va nous intéresser ce matin, il va vraiment nous donner en quelque sorte la moralité de tout le livre des Juges. Le but de ce livre, c’est quoi ? C’est qu’on se regarde dans le miroir et qu’on fuie vers Jésus-Christ. Ça, ce sera le thème de toute notre étude de ce livre.

Mais pour ce qui nous concerne plus précisément ce matin, il faut qu’on se rappelle que les gens qui reçoivent ce texte à l’origine, ce sont les Israélites de l’Antiquité, qui vivent en terre promise mais qui n’ont pas la jouissance paisible et complète de toute la terre promise, parce que dans cette terre promise, il y a encore des peuples étrangers qui sont méchants et hostiles. Et donc ces Israélites, ils se disaient peut-être : « Non mais franchement, on est en terre promise depuis 300 ans, mais c’est toujours la galère ! Il y a toujours ces Cananéens, ces Hittites, ces Amoréens, ces Phéréziens, ces Héviens et ces Yébousiens qui nous cassent les pieds ! Finalement cette soi-disant terre promise, c’était peut-être un cadeau empoisonné. Ce n’est pas très juste, ce que Dieu nous fait, quand même ! »

Vous voyez ? Ces Israélites étaient tentés de murmurer contre Dieu et de râler. Mais l’auteur de notre passage leur raconte leur passé pour les inciter à remettre leurs épreuves présentes en perspective et leur permettre de corriger leur posture face à ces épreuves.

Tout le message de ce texte pour eux comme pour nous aujourd’hui, vous allez le voir, c’est le suivant : rappelle-toi qui tu es, qui est Dieu, et où tu vas. C’est ça qui va nous aider à avoir la bonne posture dans les épreuves, plutôt que de râler et de murmurer contre Dieu.

Et en fait, ça c’est aussi le plan de ma prédication : 1/ Rappelle-toi qui tu es, c’est-à-dire un pêcheur, quelqu’un qui a le mal profondément ancré dans son cœur ; 2/ rappelle-toi qui est Dieu, c’est-à-dire le Dieu juste et saint mais qui est aussi infiniment riche en bonté, en patience et en grâce ; 3/ et rappelle-toi où tu vas, c’est-à-dire que tu es en chemin, un chemin d’apprentissage et de préparation pour le paradis, si tu es un croyant.

Lisons le texte. Vous allez voir que ça va nous donner une description générale de cette époque de l’histoire d’Israël qu’on appelle la période des « juges », qui commence à la mort de Josué (celui qui a conduit les Israélites au début de la conquête de la terre promise) et qui va durer environ 300 ans. Notez bien les éléments de ce texte qui nous parlent du cœur de l’homme d’une part, et du cœur de Dieu d’autre part.

1/ Rappelle-toi ton péché (2.6-13)

Alors pour remettre ton épreuve en perspective, et pour avoir la bonne posture pour traverser cette épreuve, rappelle-toi qui tu es, qui est Dieu, et où tu vas.

Premièrement, rappelle-toi qui tu es. Rappelle-toi ton péché. Rappelle-toi ce qu’il y a dans ton cœur. Regarde à l’intérieur de toi-même, sans te voiler la face. La première chose que le texte veut nous montrer, c’est qu’on est désespérément addicts au mal. Et mine de rien, ça, c’est super important d’en avoir conscience et de s’en rappeler notamment pour avoir la bonne posture quand on traverse les épreuves. On est désespérément addicts au mal.

Alors peut-être que vous trouvez cette manière de formuler les choses un peu exagérée. Vous n’avez pas l’impression de désirer le mal dans le sens où vous ne rêvez pas en permanence d’égorger votre voisin, de poser des bombes dans les aéroports, ou de torturer des chatons. Mais le mal, dans la Bible, ce n’est pas défini simplement par les choses qui nous dérangent ou qui nous choquent. Le mal, c’est Dieu qui le définit, par définition (si j’ose dire) ! Le mal, en fait, c’est tout ce qui n’est pas conforme à la volonté morale de Dieu.

Et nous, on est addict à ce qui n’est pas conforme à la volonté morale de Dieu, tout simplement parce que nous, on aimerait fondamentalement être notre propre Dieu. Et donc on est enclin à désirer et à rechercher des choses qui nous permettent de ne pas dépendre du vrai Dieu et de ne pas lui être redevable. Mais regardons notre passage qui en parle.

Le texte dit qu’il y a une génération d’Israélites qui ont vécu de grandes choses avec Josué : ils ont vu Dieu leur accorder de belles victoires, ils ont certainement connu la manne dans le désert, avant le début des conquêtes, ils ont traversé le Jourdain à pied sec, ils ont vu tomber les murailles de Jéricho, etc. Cette génération-là a été globalement fidèle à Dieu (v. 6-9), vraisemblablement sous l’influence de Josué. Mais le texte nous dit que les choses ont changé dès la génération suivante (v. 10-13).

Je veux vraiment qu’on mesure la gravité de ce qui se passe dans le texte, parce que c’est vraiment l’intention de l’auteur qu’on soit horrifié par ce qu’il nous décrit.

Le texte dit qu’il s’est élevé une génération « qui ne connaissait pas l’Éternel, ni l’œuvre qu’il avait accomplie pour Israël » (v. 10), et nous, on lit ça et on se dit que ce sont des gens qui n’étaient pas au courant, tout simplement. Mais ce n’est pas ça que ça veut dire. Le verbe « connaître » en hébreu, ça ne veut pas simplement dire « savoir quelque chose », ou « avoir connaissance d’une information ». « Connaître », c’est le verbe qui est employé parfois pour décrire la relation conjugale entre un époux et une épouse. « Connaître », ça veut dire s’attacher à quelque chose.

Donc la première génération d’Israélites après la mort de Josué ne s’est pas attachée à l’Éternel ni à l’œuvre qu’il avait accomplie pour Israël. Cette génération avait été élevée dans les voies de l’Éternel, et savait ce qu’il avait accompli. Ces Israélites, quand ils étaient petits, ils avaient été circoncis, ils avaient été au catéchisme ; leurs parents avaient été fidèles pour leur transmettre cet héritage précieux. Leurs parents leur avaient raconté comment l’Éternel les avait délivrés de l’esclavage en Égypte, et comment il leur avait donné la loi par l’intermédiaire de Moïse, et comment il leur avait pardonné après qu’ils avaient fabriqué le veau d’or, et comment Dieu leur avait donné le tabernacle et le système des sacrifices, et comment il les avait accompagnés dans le désert pendant quarante ans en leur pardonnant de nouveau leurs murmures, et en leur donnant la manne qui tombait du ciel tous les jours, et comment ils étaient finalement entrés en terre promise !

Mais cette nouvelle génération a grandi, et qu’est-ce qu’ils font ? Ils abandonnent l’Éternel, le Dieu de leurs pères, qui les avait fait sortir du pays d’Égypte, et se rallient à d’autres dieux (v. 12). « Ils abandonnèrent l’Éternel et rendirent un culte à Baal et aux Astartés »—l’auteur insiste là-dessus en le disant deux fois. C’est une phrase atroce qui doit nous faire frémir d’horreur. Parce que les Israélites qui reçoivent ce texte à l’origine, ils savent très bien ce que ça veut dire exactement, rendre un culte à Baal et aux Astartés. Nous peut-être pas, mais je vais vous éclairer, si vous avez le cœur bien accroché.

Dans cette région et à cette époque, Baal et Astarté ce sont des dieux de la fertilité. L’un masculin, l’autre féminin. Et donc les Cananéens, ils leur rendaient un culte pour obtenir de leur part la fertilité dans leur propre reproduction et dans leur agriculture. Pour ça, on allait au temple de Baal et d’Astarté, et pour communier avec ce couple divin qui avait des relations sexuelles dans le ciel, on égorgeait un de nos propres enfants en sacrifice, et pendant que son corps brûlait sur l’autel, on avait des relations intimes sur place avec des prostituées.

Voilà. C’est pour ça que les Israélites « quittent l’Éternel qui les avait fait sortir du pays d’Égypte ». Et en nous communiquant ce sentiment d’horreur, l’auteur veut nous faire réfléchir. Il veut nous faire réfléchir à ce qui a pu faire que cette génération d’Israélites s’est détournée si vite de l’Éternel pour suivre d’autres dieux. La réponse ? C’est tout simplement ce qu’il y avait dans leur cœur—et ce qu’il y avait dans leur cœur, on l’a aussi dans le nôtre.

Encore une fois : la génération de Josué a été fidèle. On doit supposer que cette génération-là n’a pas caché à leurs enfants tout ce que l’Éternel avait fait, et tout ce qu’ils savaient sur Dieu et sur ses promesses et sur son projet de grâce en faveur de son peuple. Mais voyez-vous, on est désespérément addicts au mal.

Combien d’entre nous avons connu des parents chrétiens fidèles qui ont vu leurs enfants abandonner l’Éternel malgré l’éducation qu’ils avaient reçue, malgré la communauté chrétienne dans laquelle ils avaient grandi, malgré le fait qu’ils savaient beaucoup, beaucoup de choses sur Dieu ? Parce que rien de tout ça n’a le pouvoir de changer le cœur. Et combien d’entre nous, malgré notre profession de foi et notre engagement avec le Seigneur et notre vie d’Église—combien d’entre nous, après dix, quinze, trente ans de vie chrétienne, on en est encore à tomber dans les mêmes péchés habituels ?

C’est parce que notre cœur est indocile, il est réfractaire, il est dur. Par nature, on est désespérément addicts au mal. C’est-à-dire addicts à ce qui n’est pas conforme à la volonté morale de Dieu, parce qu’on aimerait fondamentalement nous dégager de toute redevabilité au vrai Dieu, afin d’être notre propre Dieu.

Je suis désolé de commencer avec ce premier point à charge, mais c’est vraiment ce qui se passe dans le texte. Nous, on est capable des pires horreurs. C’est en nous. Rappelle-toi ton péché. C’est tellement important pour ensuite avoir la bonne posture dans les épreuves.

Imaginez quelqu’un qui dort mal la nuit parce que son matelas est trop dur. Il se plaint de ça, et il râle, et vous pouvez le comprendre : c’est vraiment galère de dormir sur un matelas qui est trop dur et de ne pas trouver le repos la nuit ! Mais si je vous disais que cette personne-là, c’est un tueur d’enfants en série qui purge sa peine de prison à perpétuité, et « qui dort mal la nuit parce que son matelas est trop dur » dans sa cellule.

Peut-être que ça remet un peu les choses en perspective ! Et de la même manière, ou presque, nous aussi quand on traverse les épreuves, au lieu de se demander : « Pourquoi moi ? », on devrait peut-être se demander d’abord : « Pourquoi pas moi ? »

Moi, mon cœur est enclin au mal. Je me détourne si facilement de Dieu. Et peut-être qu’il y en a parmi nous qui ne connaissent pas Dieu et qui franchement s’en fichent même de lui ! Eh bien soyons honnêtes : notre posture dans la vie, ça devrait être premièrement de nous rappeler, fondamentalement, que Dieu (s’il existe) ne nous doit rien. Ça peut être douloureux, et ça ne veut pas dire qu’on doit être masochiste et s’exposer volontairement aux épreuves, ou ne pas exprimer notre peine et notre désir d’en sortir, mais ce que ça veut dire, c’est faire profil bas en quelque sorte. C’est demeurer dans l’humilité. C’est résister à tout narcissisme égoïste égocentré, et reconnaître fondamentalement combien on est un danger pour soi-même.

Donc oui, pour remettre ton épreuve en perspective, déjà, rappelle-toi qui tu es. Rappelle-toi ton péché. Ce n’est pas que ton épreuve est une punition pour ton péché (bien souvent, il n’y a aucune raison de le penser), mais plutôt, prends les choses dans l’autre sens : c’est quand les épreuves te sont épargnées, qu’il t’est fait une grâce ! C’était le premier point.

2/ Rappelle-toi la grâce de Dieu (2.14-19)

Mais je me hâte de passer au deuxième point, de peur qu’on reste embourbé dans la contemplation morbide de notre indignité—et ce n’est pas ce que Dieu veut pour nous, ni ce texte qu’on est en train d’étudier.

Deuxièmement, pour remettre ton épreuve en perspective : rappelle-toi qui est Dieu. Rappelle-toi sa grâce. La deuxième chose que ce passage veut nous faire comprendre, en effet, c’est que Dieu est inimaginablement riche en bonté. Et ce que ça veut dire, ça, c’est que dans les épreuves, on peut se tourner vers Dieu avec confiance.

Revenons au texte. L’auteur vient de nous décrire l’horreur de ce qui se passe quand, en l’espace d’une génération, les Israélites abandonnent l’Éternel pour servir des faux dieux et se livrer à des abominations. Alors qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Eh bien, on aurait pu imaginer que ce soit la fin du livre des Juges, juste là. Et même la fin de la Bible ! « La colère de l’Éternel s’enflamma contre Israël, et il les extermina tous, puis il livra le reste de l’humanité à l’auto-destruction jusqu’à ce qu’il ne reste plus personne sur la terre. Fin. »

Non, ce n’est pas ça qui se passe, et justement : quand on lit la suite et qu’on voit que Dieu va livrer le peuple d’Israël à l’hostilité des peuples environnants, à des « pillards » et à des « ennemis », et quand on lit que « la main de l’Éternel était contre eux pour leur faire du mal » (v. 15), on pourrait se dire que Dieu est vraiment dur, sévère et inflexible. Il est juste et saint, donc il est en colère et il châtie son peuple—et on s’imagine que Dieu est super énervé, qu’il est furieux et que son intention c’est de faire souffrir les Israélites pour les punir.

Mais en réalité, ce n’est pas du tout la teneur du passage, si on y prête attention. Oui, « la colère de l’Éternel s’enflamma contre Israël », mais Dieu n’est pas un humain pour se mettre en colère comme nous. La colère de Dieu, c’est tout simplement le déploiement de sa justice contre le mal. Dieu exerce sa justice contre le mal commis par le peuple d’Israël, mais est-ce que vous avez remarqué ce qui se passe dans le texte, dès qu’il est dit que les Israélites se retrouvent dans une grande détresse ? (v. 15-16)

« L’Éternel suscita des juges qui les sauvèrent. » (Les juges, ce sont des genres de héros—généralement des guerriers ou des chefs de guerre—qui vont se lever pendant cette période pour gagner des batailles contre les ennemis du peuple d’Israël—d’où le titre du livre.)

Donc Dieu a voulu conduire les Israélites à la détresse, non pas pour se venger, non pas pour se satisfaire de leur souffrance, mais pour les corriger en vue de les ramener à lui. Dans le texte, dès que les Israélites sont dans la détresse, Dieu leur envoie la délivrance. Comme si Dieu ne supportait pas de les voir souffrir !

Et c’est là-dessus que l’auteur veut attirer notre attention ! Il veut nous montrer la sollicitude de Dieu pour son peuple—sa compassion et son amour, alors même que le peuple est infidèle à Dieu. Et l’auteur le dit très clairement au verset 18 : « L’Éternel leur suscitait des juges, l’Éternel était avec le juge et les délivrait de la main de leurs ennemis pendant tout le temps du juge ; car l’Éternel avait pitié de leurs gémissements devant ceux qui les opprimaient et les tourmentaient. » Et ça, c’est vraiment une clef pour comprendre tout le livre des Juges.

Mais c’est aussi une clef pour comprendre la portée de notre passage. L’auteur est en train de mettre en contraste les Israélites qui sont addicts au mal, et l’Éternel qui est inimaginablement riche en bonté. Et vous voyez ce qui se passe dans le texte ? Les Israélites crachent sur les œuvres de Dieu—Dieu qui les a délivrés de l’esclavage en Égypte et qui les a conduits en terre promise. Alors Dieu les afflige pour les humilier et les ramener à lui, et dès qu’ils sont dans la détresse, il les délivre par sa grâce en leur envoyant un juge—un libérateur. « Mais ils n'écoutèrent pas même leurs juges » (v. 17), et donc ils crachent aussi sur cette grâce de Dieu. Alors Dieu veut les humilier de nouveau. Mais Dieu a pitié de leurs gémissements et donc il leur renvoie des juges. Mais à la mort des juges, les Israélites « se corrompaient de nouveau plus que leurs pères » (v. 19), et « ils n’abandonnaient rien de leurs agissements ni de l’endurcissement de leur conduite ».

Vous voyez le contraste ? Mais ce contraste vise à souligner la différence entre ces deux réalités : le cœur du peuple d’un côté, le cœur de Dieu de l’autre côté. Le cœur endurci du peuple, et le cœur de l’Éternel, inimaginablement riche en patience et en miséricorde.

Imaginez un homme et sa femme. Imaginez que la femme délaisse son mari et aille vivre des aventures avec d’autres hommes, et que son mari l’apprenne. Maintenant imaginez qu’en apprenant l’infidélité de sa femme, cet homme reste complètement de marbre. Ça ne lui fait rien. Il dit à sa femme : « Bah, c’est pas grave, tu fais bien ce que tu veux. » Est-ce que vous supposeriez que cet homme aime beaucoup sa femme, ou qu’il ne l’aime pas beaucoup ?

Dans notre texte, tout ce qui se passe est là pour nous montrer à quel point Dieu aime son peuple ! Le peuple délaisse Dieu, mais Dieu ne délaisse pas son peuple. Dieu ne reste pas indifférent. La colère de Dieu « s’enflamme » parce que Dieu aime son peuple. Et Dieu tient ses promesses : il avait dit qu’il corrigerait son peuple s’il devait se détourner de lui, et donc il le fait, fidèlement. Il attriste son peuple par sa correction, comme un père qui corrige son enfant—mais dès que le peuple est affligé, Dieu vient à son secours pour le consoler.

Et pourtant, le peuple est tellement addict au mal qu’il recommence encore et encore ; mais Dieu est tellement riche en bonté qu’il recommence aussi, encore et encore, à corriger et à consoler son peuple. Le peuple abandonne l’Éternel pour s’attacher à d’autres dieux, mais l’Éternel n’abandonne pas son peuple pour s’attacher à un autre peuple.

Il est comme ça, Dieu ! Rappelle-toi qu’il est comme ça ! Rappelle-toi qui il est. Rappelle-toi sa grâce. Et dans l’épreuve en particulier, rappelle-toi que Dieu est inimaginablement riche en bonté. Si tu es croyant, si tu fais partie du peuple de Dieu, si tu invoques son nom, rappelle-toi que Dieu n’est pas indifférent à ta détresse. Au contraire ! Dieu t’aime tellement malgré ton péché qu’il a pitié de tes gémissements. Il ne peut pas s’en empêcher, si j’ose dire ! Toi, tes sentiments envers Dieu, ils fluctuent—des fois, tu t’intéresses à lui, des fois tu te détournes de lui—mais lui, son amour pour toi si tu es un croyant, il est immuable.

Le pasteur et auteur Tim Keller, qui est décédé il y a deux jours, a dit ceci :

« Le fondement de l’assurance chrétienne, ce n’est pas combien notre cœur s’attache à Dieu, mais combien le cœur de Dieu s’est attaché à nous. »

Donc dans l’épreuve, à cause de notre péché, on devrait garder une posture d’humilité. Mais à cause de la grâce de Dieu, on peut aussi se tourner vers lui avec confiance. Il est toujours là, toujours disposé à recevoir nos prières, toujours attentif à nos détresses, toujours compatissant à nos souffrances—même si ça fait trois mois qu’on n’a pas prié ou lu la Bible ! Parce qu’il est comme ça, Dieu—inimaginablement riche en bonté !

3/ Rappelle-toi le sens de l’histoire (2.20—3.6)

Et ça nous amène au troisième et dernier point. Pour remettre ton épreuve en perspective : rappelle-toi où tu vas. Rappelle-toi le sens de l’histoire. La troisième et dernière chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est que Dieu accomplira indéfectiblement ses projets pour les croyants. Le peuple de Dieu est désespérément addict au mal, mais Dieu est inimaginablement riche en bonté—donc il n’abandonne pas son peuple mais il le corrigera, le formera et le conduira jusqu’au bout.

Regardez une dernière fois notre passage. On arrive à la conclusion de ce prologue, et encore une fois, on aurait pu imaginer que la fin de ce prologue soit la fin de toute l’histoire. Le peuple d’Israël a craché sur les œuvres de Dieu, il crache sur les juges, il crache sur la miséricorde de Dieu. Mais Dieu, au lieu d’exterminer ce peuple ingrat, décide à la place de simplement « laisser en repos » (v. 23) les nations méchantes qui occupaient la terre promise et que les Israélites devaient normalement chasser du territoire.

Dieu dit qu’il ne va pas les « déposséder », ces nations, en tout cas pas tout de suite. Il ne va pas « se hâter » de les déposséder, ces nations qui étaient encore là après la mort de Josué (v. 23). Et le but nous est expliqué dans le texte : c’est pour « mettre Israël à l’épreuve » (2.22 et 3.1 et 3.4), pour voir « si oui ou non ils s’appliqueront à suivre la voie de l’Éternel, comme leurs pères s’y sont appliqués » (2.22 et 3.4).

Ce que le texte nous fait comprendre, c’est que Dieu va poursuivre fidèlement l’éducation de son peuple réfractaire. La fin de ce prologue est à la fois infamante pour Israël et en même temps, ça met en valeur la fidélité de Dieu. Parce que le tableau final, à la fin de notre passage, qui anticipe toute la trajectoire du livre des Juges, c’est vraiment une catastrophe pour Israël : il y a une cohabitation d’Israël avec les nations méchantes, au point où ils vont se marier entre eux et où les Israélites vont se tourner vers leurs dieux (v. 6). Autrement dit, Dieu va les mettre à l’épreuve pour voir s’ils vont s’appliquer à suivre ses voies—et on a déjà la réponse ! Non, ils ne vont pas suivre ses voies !

On a donc un tableau complètement inachevé : on a l’impression que le projet de Dieu, c’est un échec. Le projet de se constituer un peuple qui fasse connaître l’Éternel au reste du monde, ça n’a pas marché. Le projet d’occuper la terre promise et d’en chasser les peuples qui avaient des pratiques abominables, ça n’a pas marché. L’idée d’envoyer des juges pour réformer le peuple et le pays, ça n’a pas marché. Dieu a conclu une alliance avec un peuple qu’il s’était choisi, mais ce peuple se montre incapable de demeurer fidèle à cette alliance.

C’est une catastrophe pour Israël. Mais il y a une chose qui demeure : les promesses de Dieu. Dieu, lui, ne change pas—et parce qu’il ne change pas, ses promesses ne changent pas, son alliance ne change pas, son projet ne change pas.

Et donc si on se met à la place des Israélites quelques siècles plus tard qui reçoivent ce texte, ils voient ces autres peuples qui sont encore là en terre promise, et qui leur causent tellement de difficultés (les Cananéens, les Hittites, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Yébousiens), et ils se disent : « OK, on comprend pourquoi ils sont encore là, et pourquoi on souffre de leur présence. C’est parce qu’on a le cœur enclin au mal, et que Dieu, au lieu de nous exterminer, a voulu au contraire nous corriger et nous former. Il veut nous mettre à l’épreuve. Son projet demeure, et son alliance est irrévocable. La présence de nos ennemis, en fait, c’est le signe de la patience de l’Éternel envers nous—et la question qu’on doit se poser dans cette situation, c’est : est-ce que nous, on va accueillir la discipline de Dieu, lui faire confiance et chercher sa face, ou bien est-ce qu’on va continuer à lui être infidèle comme nos ancêtres ? Qu’est-ce qu’on va apprendre de cette épreuve ? Est-ce qu’on va s’appliquer à suivre la voie de l’Éternel, ou bien est-ce qu’on va continuer de suivre d’autres dieux ? »

Et nous aujourd’hui, on a encore plus de recul que les Israélites qui ont reçu ce texte en premier. Nous, on est extrêmement avantagé en fait, parce que nous, on peut regarder en arrière dans l’histoire et voir comment Dieu a tenu ses promesses en faisant des choses qu’il n’avait pas encore faites à l’époque des Juges où à l’époque où les Israélites reçoivent ce récit.

Nous, on peut voir à quel point Dieu a été fidèle à son peuple, et jusqu’où il est allé pour délivrer son peuple de ce qui l’opprimait et le tourmentait, malgré le cœur endurci du peuple et son addiction au mal. Dieu a tellement aimé son peuple, il a eu tellement pitié de ses gémissements, il a tellement compati à la grande détresse de son peuple, que Dieu s’est approché lui-même par Jésus-Christ, comme Juge ultime pour gagner la victoire ultime et communiquer la délivrance ultime à son peuple.

Jésus a été le Juge ultime, parce qu’il est venu combattre l’ennemi ultime du peuple de Dieu, qui est le mal qui habite dans notre cœur. Jésus a pris ce mal sur lui, et il en a supporté la peine sur la croix où il est mort à la place des croyants. Comme ça, il a délivré les croyants de la peine de leurs péchés, de façon à ce qu’on puisse être réconciliés avec Dieu pour toujours.

Mais ce n’est pas tout. Jésus est aussi le Juge ultime, parce que lui, n’est pas resté mort. Le troisième jour, il est ressuscité, et donc il est le Juge vivant à jamais. Notre texte nous dit que « à la mort du juge, ils se corrompaient de nouveau plus que leurs pères » (v. 19), mais notre Juge à nous, est vivant et il nous défend perpétuellement dans le ciel. Il est notre médiateur et il intercède pour nous sans relâche. Il est présent avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde—parce qu’il a déversé en nous son Esprit qui vit en nous et qui nous a scellé pour le jour de la rédemption.

Et l’Esprit de Jésus, qui est l’Esprit de Dieu, qui est le Saint-Esprit, la troisième personne de la Trinité—nous a fait naître de nouveau spirituellement (si on est croyant), et il a vivifié et transformé notre cœur, et il a gravé la loi de Dieu sur notre cœur, et il dispose notre cœur à aimer Dieu et à suivre ses voies. Tout ça, ce sont des choses que Dieu a promises à son peuple dans ce qu’on appelle « la nouvelle alliance », c’est-à-dire à travers la personne et l’œuvre du messie, qui est Jésus-Christ.

En gros, Dieu a promis d’accomplir pour son peuple tout ce qu’il attendait de son peuple.

Et nous, on regarde en arrière, on voit la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, et on peut se dire la même chose que ce que Jésus lui-même a proclamé sur la croix, au paroxysme de son agonie : « Tout est accompli » !

Donc ce matin, à cause de tout ce que je viens de dire et à cause de tout ce que la Bible nous explique en plus de ce qu’on a dans le livre des Juges—eh bien ce matin, on a encore plus de raisons de faire confiance à Dieu que les Israélites de cette époque-là. Et si effectivement, votre foi est en Jésus ce matin, alors vous pouvez être certains d’avoir pour toujours la faveur de Dieu. Il ne vous abandonnera jamais.

Et il est en train d’œuvrer en vous pour vous faire grandir. Vous n’êtes pas encore arrivé à destination, mais vous êtes sur un chemin où Dieu va vous corriger, vous former et vous conduire jusqu’à la ligne d’arrivée. Et grâce à Jésus, on peut avancer sur ce chemin avec une assurance incroyable, parce qu’on est parfaitement en sécurité. Dans ton épreuve, rappelle-toi où tu vas. Rappelle-toi le sens de l’histoire. Dieu accomplira indéfectiblement ses projets pour les croyants.

Oui, il y a encore de l’adversité ici-bas, même après la venue de Jésus le Juge ultime—parce qu’on attend encore notre délivrance finale, qui arrivera à la toute fin de l’histoire. Mais en attendant, on est équipé pour traverser les épreuves.

En introduction, on parlait du risque et de la tentation qu’il y avait pour nous de réagir mal aux difficultés, c’est-à-dire d’avoir une réaction centrée sur nous-mêmes et sur nos intérêts, et de râler, de pester, de ronchonner, peut-être même en faisant des reproches sous-entendus à Dieu. C’était la tentation aussi pour les Israélites qui étaient confrontés au quotidien à ces peuples hostiles qui leur cassaient les pieds.

Mais le message de ce texte, comme on l’a vu, c’est qu’on devrait remettre nos épreuves en perspective afin de corriger notre posture. Rappelle-toi qui tu es, qui est Dieu, et où tu vas. On est méchant, mais Dieu est bon, et si on a la foi en Jésus, on va au paradis. C’est finalement assez simple, mais c’est ça qui doit conditionner fondamentalement notre posture dans la vie.

C’est encore Tim Keller qui a dit ceci, concernant les croyants :

« Ce que l’Évangile nous apprend, c’est qu’on est à la fois bien plus vicié et coupable qu’on ne l’aurait jamais imaginé, et en même temps bien plus aimé et approuvé qu’on ne l’aurait jamais espéré. »

Si on médite sur ces vérités qui nous viennent des Saintes Écritures, et si on garde nos yeux fixés sur Jésus, si on s’encourage les uns les autres, si on demeure solidaires dans la prière et dans la communion fraternelle pour ne pas mettre en oubli cette incroyable espérance qu’on a en tant que chrétiens, eh bien ça va nous aider à traverser les épreuves avec une attitude totalement différente. On ne va pas faire semblant que tout va bien quand ça ne va pas bien, mais nos lamentations, au lieu d’être centrées sur nous et sur nos intérêts, elles vont être centrées sur Dieu et sur ses promesses. Et on va pouvoir dire comme l’apôtre Paul :

« Nous savons que la tribulation produit la persévérance, la persévérance une fidélité éprouvée, et la fidélité éprouvée l’espérance. » (Rm 5.3-4)

Ou comme l’apôtre Jacques : « La mise à l’épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse une œuvre parfaite, afin que vous soyez parfaits et accomplis, et qu’il ne vous manque rien. […] Heureux l’homme qui endure la tentation ; car après avoir été mis à l’épreuve, il recevra la couronne de vie. » (Jc 1.3-4, 12)

Ou comme l’apôtre Pierre : « Vous êtes affligés par diverses épreuves, afin que votre foi éprouvée—bien plus précieuse que l’or périssable, cependant éprouvé par le feu—se trouve être un sujet de louange, de gloire et d’honneur, lors de la révélation de Jésus-Christ. » (1 Pi 1.6-7)

Ou comme le roi David—et si les Israélites de l’époque du roi David pouvaient chanter ce psaume par la foi au messie à venir, à combien plus forte raison nous qui pouvons regarder en arrière à la venue de Jésus-Christ, à sa mort et à sa résurrection pour nous : « J’entends un chant de délivrance ; un cri joyeux s’est élevé ; Dieu manifeste sa puissance, son bras vainqueur l’a emporté. S’il nous éprouve, il nous fait vivre ; venez tous et le célébrez. C’est de la mort qu’il me délivre ; je ne crains pas, car je vivrai. » (Ps 118.15-18)

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