À quoi ça sert d’être chrétien, si ça ne fait pas disparaître nos problèmes ? À quoi ça sert de croire en Dieu, de suivre Jésus, de prier, de venir au culte et de lire la Bible si ça ne nous empêche pas d’être malade, d’être au chômage, d’avoir un accident de voiture, d’être triste pour des raisons x ou y, bref, de souffrir ?
OK, les Chrétiens disent qu’ils ont l’assurance de la vie éternelle, c’est-à-dire que quand ils vont mourir, ils vont être avec Dieu pour l’éternité. Mais alors pourquoi continuer à vivre et à souffrir en attendant ? Pourquoi le fait de devenir Chrétien ne nous permet-il pas d’aller directement au ciel ? Pourquoi faut-il encore, ici-bas, subir les affres du péché et de la souffrance ?
Je ne sais pas si vous vous êtes déjà posé ce genre de questions : peut-être que votre vie est un long fleuve tranquille ! Mais pour beaucoup d’entre nous, notre vie est ponctuée de périodes pénibles, pour ne pas dire vraiment éprouvantes. Et dans ces moments-là, il nous est difficile de comprendre ce que Dieu est en train de faire.
Ne vous êtes-vous jamais reconnu dans cette prière du roi David :
« Jusques à quand, Éternel, m’oublieras-tu sans cesse ? Jusques à quand me cacheras-tu ta face ? Jusques à quand aurai-je des soucis dans mon âme, et chaque jour du chagrin dans mon cœur ? » (Ps 13.2-3)
Le peuple d’Israël, en tout cas, a eu de multiples occasions de se poser ce genre de questions tout au long de son histoire. Qu’est-ce que Dieu est en train de faire ? Pourquoi donc ses promesses ne se sont-elles pas encore réalisées ? Finalement, est-ce qu’on a bien fait de croire en lui ?
Déjà pendant les quarante années passées dans le désert après la sortie d’Égypte, les Israélites ont eu le temps d’être perplexes et même de murmurer contre Dieu. Alors Moïse leur rappelle cet épisode de leur histoire, que nous sommes sur le point de lire, pour les aider, et nous aider, à rectifier notre perspective sur la réalité de notre vie ici-bas, où la vérité, c’est que nous attendons longuement et douloureusement la réalisation de ce que Dieu a promis.
Et la leçon de ce texte est toute simple en définitive, mais combien nous avons besoin d’être convaincu de la vérité de cette leçon ! Cette leçon, c’est la suivante : Dieu sait ce qu’il fait. Il sait parfaitement bien ce qu’il fait, et nous avons toutes les raisons de lui faire confiance, malgré les circonstances parfois (ou souvent) pénibles de notre vie.
Bien sûr, on va développer un peu cette idée, mais avant tout, lisons le texte, et vous allez voir que c’est une histoire bien étonnante ! Moïse vient de se rendre auprès du peuple d’Israël qui souffre sous la servitude égyptienne, et il a annoncé aux Israélites que Dieu allait les délivrer. À la fin du chapitre 4, le texte précise que le peuple croit aux paroles de Moïse, et qu’il se prosterne devant Dieu dans la foi et la reconnaissance. Alors voyons ce qui se passe après…
Je l’ai dit : le but de ce texte, c’est de nous convaincre que Dieu sait ce qu’il fait, et de nous inciter à avoir confiance en Dieu malgré les circonstances pénibles, parfois déconcertantes, de notre vie. Pour cela, la première chose que fait Moïse, c’est de nous faire comprendre que dans ce que Dieu fait, il y a des enjeux qui nous dépassent.
Dans ces versets, le texte raconte la première confrontation entre Moïse (avec Aaron) et Pharaon. Ces versets sont très importants car ils servent d’introduction à la deuxième grande section de cette histoire, qui couvre les huit prochains chapitres. Dans cette introduction, Moïse présente la véritable problématique de cette histoire, ce qui va mettre en perspective tout ce qui va suivre. Cette problématique est incarnée par le personnage de Pharaon, dont on apprend trois choses dans ces versets : qu’il ne connaît pas Dieu (v. 1-2), qu’il ne craint pas Dieu (v. 3-5), et qu’il ne croit pas Dieu (v. 6-9).
Moïse rappelle donc au lecteur que l’action de son récit ne se déroule pas dans un contexte de neutralité, mais dans un monde en rébellion contre Dieu, dans un monde où des pouvoirs s’élèvent contre Dieu pour lui faire concurrence, bref, dans un monde déchu. Ce constat est très important à faire, car il montre que la libération du peuple d’Israël s’inscrit dans un contexte où il y a bien plus de choses en jeu que simplement le bien-être des Israélites. En fait, ce que Dieu va faire pour Israël ne concerne pas seulement Israël, mais concerne aussi au plus haut point l’Égypte. Dieu sait ce qu’il fait, et dans ce qu’il fait, il y a des enjeux qui nous dépassent.
Il était important pour les Israélites de se rendre compte que Dieu avait un plan qui dépassait leurs simples intérêts. Il n’est pas question que des Israélites dans ce que Dieu fait. De même, nous aussi nous devons nous rendre compte que nos propres personnes, si importantes soient-elles, ne sont pas l’enjeu principal de ce que Dieu fait ! Nous verrons dans un petit moment quel est l’enjeu principal de ce que Dieu fait, mais en attendant, nous devons accepter le fait que ce ne sont pas d’abord nos intérêts personnels qui conditionnent ce que Dieu fait (pourtant, Dieu tient énormément à son peuple, comme on l’a vu la dernière fois !).
Pour illustrer ce point, on peut penser à la situation de crise économique dans laquelle nous vivons actuellement. Chacun de nous subit, d’une façon ou d’une autre, les effets néfastes de cette crise. Mais voilà que pour remédier à la situation, les autorités politiques mettent en place des mesures qui nous pénalisent encore plus ! Comment est-ce possible ? Et bien c’est possible parce que les enjeux de la crise, au niveau national voire international, nécessitent des mesures qui ne vont pas forcément dans le sens de mes intérêts immédiats et personnels.
De la même façon, nous vivons dans un monde qui n’est pas seulement en crise économique, mais en crise spirituelle, c’est-à-dire un monde déchu, où des pouvoirs s’élèvent contre Dieu, où des hommes ne connaissent pas Dieu, ne le craignent pas et ne croient pas à sa Parole. Et ce que Dieu est en train de faire aujourd’hui tient compte de cette réalité, et donc ne va pas forcément dans le sens de mes intérêts immédiats et personnels. Je compte aux yeux de Dieu, mais le plan de Dieu ne se résume pas à mon propre bonheur.
Ce premier point est donc un appel à l’humilité, au recul et à la lucidité. Bien souvent, les circonstances de notre vie sont pénibles, douloureuses, déconcertantes, parfois tragiques. Pourquoi Dieu attend-il pour réaliser ses promesses ? Parce qu’il y a des enjeux qui nous dépassent. Regardons la suite pour essayer de comprendre ce que Dieu est en train de faire.
Mais avant de donner la parole à Dieu, qui va répondre à la détresse et à l’incompréhension de Moïse et du peuple, Moïse explique en long, en large et en travers les conséquences très néfastes de la démarche de Moïse et d’Aaron auprès du Pharaon.
Le récit insiste sur une idée bien précise : c’est que la foi du peuple en Dieu et à ses promesses (cf. 4.31), ainsi que l’obéissance de Moïse et d’Aaron aux ordres de Dieu, ont produit exactement l’inverse de ce qu’on pensait devait arriver. Au lieu d’être délivré de la servitude égyptienne, le peuple subit un traitement encore pire, et en plus, Moïse et Aaron perdent la confiance des responsables du peuple (v. 21).
Quand on arrive à ce stade du récit, on est totalement perplexe, n’est-ce pas ? En fait, Moïse nous fait comprendre quelque chose de simple, c’est que malgré notre foi et notre fidélité, nous allons parfois souffrir terriblement en attendant la réalisation des promesses de Dieu. Dieu sait ce qu’il fait, mais dans ce qu’il fait, il y a pour nous des circonstances très pénibles à traverser.
Je veux que vous compreniez une chose, c’est que ces versets insistent sur la contradiction apparente entre ce que Dieu a promis de faire et ce qui se passe en réalité. Et cette contradiction est d’autant plus évidente et dramatique que le peuple faisait confiance à Dieu (4.31). Le récit est donc très, très réaliste, et c’est ce réalisme que Moïse veut nous transmettre.
C’est un peu comme si j’avais le projet de gravir l’Everest et que je me renseigne auprès d’un guide de haute montagne pour connaître un peu mieux les conditions d’ascension. Imaginez que le guide me réponde : « L’Everest ? Facile ! Tu vas arriver en haut les doigts dans le nez. Pas besoin d’équipement particulier, tu vas voir, c’est du gâteau. » Ça, ce n’est pas une réponse réaliste. La réponse réaliste, ce serait plutôt : « L’Everest ? Aïe, aïe, aïe ! Il y a 9 chances sur 10 que tu n’arrives pas au sommet. Tu risques même de mourir. Il va te falloir beaucoup d’équipement et c’est très cher. Franchement, tu es sûr de vouloir essayer ? ».
Moïse est donc réaliste dans le texte, concernant la marche du peuple avec Dieu. Moïse sait que bien souvent dans son histoire, le peuple va éprouver le même genre de perplexité, et Moïse ne fait pas d’angélisme : « croyez en Dieu, vous allez voir, tout va bien se passer, vous allez être heureux et tous vos problèmes vont disparaître ! ». Dans le récit, c’est exactement le contraire : le peuple croit (pour la première fois !), et les problèmes empirent.
Ce deuxième point renforce donc le premier : c’est aussi un appel à l’humilité, au recul et à la lucidité. Dans ce que Dieu fait, il y a des enjeux qui nous dépassent, et par conséquent, nous allons parfois faire l’expérience de circonstances terriblement douloureuses et accablantes.
Le Nouveau Testament confirme cette idée, par exemple lorsque les apôtres avertissent les Chrétiens en leur disant :
« C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » (Ac 14.22)
Ou encore l’apôtre Paul qui décrit ainsi la condition des Chrétiens :
« Nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. » (Rm 8.23)
Alors qu’est-ce qui peut nous encourager ?
Eh bien heureusement pour nous que le récit ne s’arrête pas là. Moïse exprime sa détresse et sa frustration à Dieu, de façon très poignante. Et c’est à Dieu de prendre la parole. La réponse de Dieu à l’incompréhension de Moïse et du peuple se trouve au verset 1, mais il ne faut pas dissocier ce verset des versets suivants (v. 2-8).
Au verset 1, Dieu fait comprendre à Moïse que toutes les circonstances pénibles et déconcertantes que connaît le peuple vont servir à mettre en valeur la main puissante de Dieu. Ensuite, Dieu fait un discours concis mais péremptoire où il rappelle au peuple tout ce qu’il est censé savoir à ce moment-là de son histoire, c’est-à-dire : que Dieu l’a choisi pour qu’il le connaisse et pour qu’il serve à son plan, que Dieu s’est engagé avec lui par une alliance, que Dieu a promis de le délivrer de la servitude, qu’il a une grande valeur aux yeux de Dieu, et que Dieu lui donnera la terre promise. Bref, tout ce que Dieu a révélé tient toujours.
Mais qui est le sujet de la plupart des verbes, ici ? C’est Dieu. Ce que Dieu est en train de faire comprendre à Moïse, c’est qu’à la fin de l’histoire, il ne fera aucun doute que c’est Dieu qui a fait tout cela. Personne ne pourra faire autrement que reconnaître la main puissante de Dieu. Les circonstances qui accablent le peuple serviront en fin de compte à faire éclater incontestablement la puissance et la gloire de Dieu.
Quel est l’enjeu principal de ce que Dieu est en train de faire ? C’est sa gloire ! Voilà pourquoi les promesses de Dieu, même si nous attendons leur accomplissement, doivent nous encourager, comme elles étaient censées encourager Moïse et le peuple. Parce que Dieu a mis sa propre gloire en jeu.
Imaginez que vous soyez en train d’assister à une partie de poker. D’un côté de la table, le Pharaon. De l’autre, Dieu. Pharaon pense qu’il a une meilleure main que Dieu. Il mise la force vive de son économie, c’est-à-dire le peuple Hébreu. Il est convaincu qu’il va gagner. Tous les regards se tournent alors vers Dieu. Que va-t-il faire ? Va-t-il surenchérir ? A-t-il les moyens de rivaliser ? Et là, sous des regards ébahis, il « fait tapis », c’est-à-dire qu’il mise tout ce qu’il a. Il mise sa propre gloire. C’est ce qui se passe dans le texte ! Dieu sait qu’il va remporter la partie contre Pharaon. Et la souffrance à laquelle le peuple d’Israël est soumis, cette servitude qui empire, va servir à révéler aux yeux du monde (c’est-à-dire non seulement aux yeux d’Israël mais aussi aux yeux du Pharaon et de l’Égypte) la gloire de Dieu.
Maintenant imaginez une autre partie de poker. D’un côté de la table, votre situation professionnelle précaire, ou votre maladie récurrente ou incurable, ou votre dépression, ou votre deuil, ou peut-être même ce péché qui vous tourmente, bref toutes ces circonstances que vous traversez et qui vous accablent. Vous pensez peut-être qu’elles ont une meilleure main que Dieu. Qu’est-ce qu’elles misent ? Elles misent leur victime, c’est-à-dire vous-même. Vous voilà dans une situation inconfortable, douloureuse, déconcertante, en proie à ces épreuves qui veulent vous asservir ! Mais de l’autre côté de la table, il y a l’Éternel. Et lui, il mise sa propre gloire sur la réalisation de toutes ses promesses en votre faveur.
Si Dieu a mis sa gloire en jeu, pensez-vous qu’il ne tiendra pas ses promesses ? Comment donc allons-nous réagir lorsque nous serons accablés par les épreuves ? Ferons-nous preuve d’impatience et d’ingratitude, comme le peuple d’Israël (v. 9) ou bien répondrons-nous aux promesses de Dieu par la foi et l’obéissance, parce que nous savons qu’à la fin de l’histoire, c’est Dieu qui l’emportera par une main puissante, et que toute circonstance douloureuse servira en fin de compte à faire éclater sa gloire ?
Alors c’est vrai que quand on est chrétien, ça ne fait pas disparaître nos problèmes. On a beau croire en Dieu, suivre Jésus, prier, venir au culte et lire la Bible, ça ne nous empêche pas d’être malade, d’être au chômage, d’avoir un accident de voiture, d’être triste pour des raisons x ou y, bref, de souffrir.
Mais qu’est-ce qu’on a vu cet après-midi ? D’abord que dans ce que Dieu fait, il y a des enjeux qui nous dépassent. Nous vivons dans un monde déchu, ou bien des puissances s’élèvent contre Dieu pour être connues, craintes et crues à sa place. Dieu n’agit pas principalement pour notre petit bonheur personnel, mais pour corriger une situation qui est anormale à l’échelle du monde ! Dieu veut être reconnu pour qui il est, c’est-à-dire le seul vrai Dieu, et il compte réconcilier avec lui-même tout ce qui est sur terre et dans les cieux. Voilà un enjeu qui nous dépasse !
Pour cette raison, nous continuons d’attendre la pleine réalisation des promesses de Dieu, et cette attente est souvent douloureuse, et parfois déconcertante. Tel est le réalisme de la Bible, et telle est la vérité en ce qui concerne la vie chrétienne. Ne laissez personne vous dire que parce que vous êtes croyant, vous êtes censé aujourd’hui être riche et en bonne santé. C’est un mensonge. L’auteur de l’Épître aux Hébreux parle de croyants qui ont « reçu par leur foi un bon témoignage » et qui, pourtant, « n’ont pas obtenu [ici-bas] ce qui leur avait été promis ». Ces gens-là, qui sont nos modèles, ont été torturés, ont éprouvé les moqueries et le fouet, bien plus, les chaînes et la prison, ils ont été lapidés, mis à l’épreuve, sciés, tués par l’épée, ils ont erré vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dans les déserts, les montagnes, les cavernes et les antres de la terre, dénués de tout, opprimés, maltraités… (Hé 11.35-39).
Mais on a vu aussi, et troisièmement, que les promesses de Dieu tiennent toujours, et comment ! Dieu a mis en jeu sa propre gloire dans leur réalisation. Il s’est totalement engagé dans ce qu’il a promis.
Et voyez à quel point il s’est engagé : non seulement il a misé sa propre gloire, non seulement il a juré par sa propre sainteté (Ps 89.36), mais il est venu en personne accomplir ce que personne d’autre ne pouvait faire. Il a révélé sa main puissante en venant habiter parmi nous en la personne de Jésus, et en mourant et en ressuscitant au profit de tous ceux qui se confient en lui. Ce qui fait dire à l’apôtre Paul que :
« Toutes les promesses de Dieu sont oui et amen en Jésus. » (2 Co 1.20)
Certes, comme le dit aussi Paul, « nous soupirons encore en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps » (Rm 8.23), et certes, « c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14.22), mais en attendant que la gloire de Dieu éclate en plein jour aux yeux du monde entier, lors du retour de Jésus, nous pouvons entièrement nous fier aux promesses de Dieu et avancer par la foi et non par la vue, car Dieu sait ce qu’il fait. Et :
« Dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur. » (Rm 8.37-39)
Par conséquent :
« Courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection. » (Hé 11.1-2)