Époux de sang !

Par Alexandre Sarranle 4 mars 2012

Quelles sont les personnes auxquelles vous tenez le plus dans la vie ? Vos parents ? Vos frères et sœurs ? Votre conjoint ou votre fiancé(e) ? Vos enfants ? Votre meilleur(e) ami(e) ? Pensez à ces personnes et réfléchissez à ce que vous seriez prêt à faire pour elles. Pensez à ce que vous seriez prêt à donner pour leur venir en aide au cas où elles seraient en difficulté. Pensez à l’effet que cela vous ferait si ces personnes ne voulaient plus vous voir ou vous connaître.

Y a-t-il des gens comme cela dans votre vie auxquelles vous tenez tout particulièrement ? Si c’est le cas, alors vous allez plus facilement comprendre ce que Dieu veut nous montrer dans le passage que nous sommes sur le point de lire, et ce qu’il veut nous montrer, c’est qu’il est lui-même fortement attaché à certaines personnes, à savoir son peuple. Dieu tient à son peuple ; il tient énormément à son peuple ! Ce texte va nous faire comprendre cela à travers un épisode très étrange, très étonnant, et même choquant à certains égards.

Nous sommes au chapitre 4 du livre de l’Exode, et à la fin du chapitre 4, on assiste au dénouement de la première grande partie de cette histoire. Pour résumer, on a vu jusqu’ici que le peuple d’Israël s’était multiplié en Égypte mais que face à cette croissance effrénée, les autorités avaient accablé les Israélites de travaux pénibles. On a vu qu’un libérateur était né dans des circonstances assez incroyables, mais qu’une fois adulte, il avait été rejeté par le peuple à cause de l’incrédulité de celui-ci. On a vu que Dieu n’avait pas pour autant abandonné son peuple, mais qu’il s’était fait connaître à Moïse en vue de l’utiliser comme médiateur pour délivrer son peuple de l’esclavage.

Enfin, on a vu que Moïse ne voulait pas, dans un premier temps, assumer cette responsabilité, mais que Dieu avait compensé sa faiblesse et qu’il lui avait montré, ainsi qu’au peuple et à nous-mêmes, qu’on pouvait se fier entièrement à lui.

Après avoir longuement parlé avec Dieu près du buisson ardent, Moïse va donc partir avec sa famille et retourner en Égypte, pour la première fois depuis quarante ans. Moïse obéit donc à la mission que Dieu lui a confiée, mais qu’est-ce qu’il va trouver en Égypte ? Le peuple d’Israël est-il encore là ? Moïse est-il encore recherché à cause de l’Égyptien qu’il a tué en défendant un Hébreu ? Les Israélites, s’ils sont encore là, vont-ils recevoir Moïse favorablement cette fois-ci ? Est-ce que le frère de Moïse va vraiment se joindre à lui pour l’aider dans sa mission ?

Il faut que toutes ces questions trouvent une réponse avant de passer à la suite de l’histoire, c’est-à-dire à la confrontation proprement dite entre Moïse et le Pharaon.

La tension dans le récit est donc sur le point de monter d’un cran, mais avant cela, avec la fin de cette première partie (ch. 1-4), Dieu veut asseoir une idée très importante, une idée que l’on retrouvera d’ailleurs au fil du récit de l’Exode, et c’est l’idée que j’ai déjà mentionnée : Dieu est fortement attaché à son peuple. Il tient énormément à lui. Regardons le texte pour mieux comprendre.

Dieu veille sur son peuple, selon son plan (v. 18-20)

Premièrement, le texte nous fait comprendre que Dieu est fortement attaché à son peuple, car il veille sur son peuple, conformément à son plan.

Pour nous faire comprendre cela, Moïse souligne de nouveau le contraste qu’il y a entre, d’un côté, sa propre faiblesse et son incrédulité, et de l’autre, la force et la détermination de Dieu. Moïse se demande si ses frères sont encore vivants ; Dieu affirme que ses ennemis sont morts. Moïse et sa famille ne paient pas de mine sur leurs ânes ; mais Moïse tient le bâton de Dieu, comme un sceptre, emblème de la puissance de Dieu mobilisée au profit du peuple.

Ces versets 18-20 servent un peu d’épilogue à toute la conversation entre Moïse et Dieu près du buisson ardent. Ce que l’Israélite se dit en lisant ces quelques lignes, c’est : « Heureusement que notre existence ne dépend pas de la foi de Moïse mais de la fidélité de Dieu ! ».

Imaginez que vous traversiez une période difficile dans votre vie, et que de temps à autre, pendant cette période, alors que tous vos autres amis se sont éloignés de vous, vous receviez un bouquet de fleurs, une carte avec un mot d’encouragement, voire même une enveloppe avec un peu d’argent. Tout cela étant signé : « Un ami qui vous veut du bien ». Vous ne savez pas qui est cette personne de votre entourage qui vous manifeste ainsi sa sollicitude, mais ce que vous savez, c’est que sans cette sollicitude, vous ne vous en sortiriez pas !

Dans le texte, Dieu se présente comme cet ami qui veut du bien à son peuple, alors même que le peuple ne lui prête pas beaucoup d’attention. Même Moïse est un peu incrédule. Mais Dieu surpasse cette incrédulité et continue d’accomplir son plan en faveur de son peuple : il l’a préservé tout au long de cette période de servitude, et il lui envoie maintenant Moïse, un pauvre berger de 80 ans qui tient dans sa main le bâton de Dieu.

Vous voyez donc que Dieu est fortement attaché à son peuple, car il veille sur son peuple, conformément à son plan. C’est une illustration historique de cette affirmation bien connue du Nouveau Testament :

« Toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. » (Rm 8.28)

D’accord. Mais est-ce que Dieu se contente d’orchestrer les circonstances pour qu’elles soient favorables à l’accomplissement de son plan ? Non, il fait plus que cela. Regardons la suite.

Dieu intervient pour son peuple, à grand prix (v. 21-23)

Deuxièmement, le texte nous fait comprendre que Dieu est fortement attaché à son peuple, car il intervient pour son peuple, à un prix considérable.

Encore une fois, Dieu annonce la couleur : malgré les prodiges, le Pharaon ne va pas laisser partir le peuple. Alors Dieu va faire une terrible menace : si le Pharaon ne laisse pas partir le premier-né de Dieu, alors Dieu fera mourir le premier-né du Pharaon. Ces deux versets (22-23) sont très forts : c’est la première fois que le peuple d’Israël est appelé le fils, le premier-né de Dieu, et c’est la première fois qu’il est question d’un jugement aussi sévère contre le Pharaon. Mais est-ce que vous voyez, dans ces versets, l’affection que Dieu porte pour son peuple ?

Dans le film « Taken », avec Liam Neeson (sorti en 2008), la fille d’un ancien agent secret américain est enlevée pendant qu’elle est en voyage à Paris, par un gang de proxénètes albanais qui compte faire d’elle une marchandise. Il se trouve qu’au moment de l’enlèvement, la fille réussit à téléphoner d’urgence à son père qui est aux États-Unis, mais le chef des kidnappeurs lui prend le téléphone, et avant de raccrocher, le met à son oreille. Le père comprend à ce moment-là qu’il a, à l’autre bout du fil, le kidnappeur de sa fille. Et voici ce qu’il lui dit :

« Je ne sais pas qui vous êtes. Je ne sais pas ce que vous voulez. Si c’est une rançon que vous espérez, dites-vous bien que je n’ai pas d’argent, par contre ce que j’ai, c’est des compétences particulières, que j’ai acquises au cours d’une longue carrière. Des compétences qui font de moi un véritable cauchemar pour vous. Si vous relâchez ma fille maintenant, ça s’arrêtera là. Si vous ne la relâchez pas, je vous chercherai, je vous trouverai et je vous tuerai. » Il y a un long silence, puis le kidnappeur répond : « - ... Bonne chance. », et raccroche. Le reste du film raconte la façon dont le père va rechercher sa fille, et détruire tout ce qui se trouve sur son passage.

C’est un film dur, qui est destiné à un public averti. Mais ce que je veux que vous voyiez, c’est la façon dont l’affection que ce père porte pour sa fille se traduit au niveau de ses actes et au niveau du prix que va coûter son intervention. Ce n’est pas que ce père est un homme violent ou qu’il aime tuer les gens ; mais il est prêt à tout pour la retrouver et la délivrer, parce qu’il tient à elle. De la même façon dans le texte, Dieu tient à son peuple comme à son fils, à son premier-né, et s’il doit faire périr le premier-né du Pharaon comme prix de la délivrance d’Israël, il le fera.

Vous voyez donc que Dieu est fortement attaché à son peuple, car il intervient pour son peuple, à un prix considérable. Alors à ce stade du récit, le croyant se dit : « Waouh, vu ce que Dieu est prêt à faire pour son peuple, on doit vraiment être des gens supérieurs aux autres ! ». Ah oui ? Eh bien regardons la suite du récit, les v. 24-26 qui sont au cœur de ce passage.

Dieu marque son peuple, avec un signe (v. 24-26)

Et ici, le texte nous fait comprendre que Dieu est fortement attaché à son peuple, troisièmement, car il a marqué son peuple d’un signe distinctif.

Que se passe-t-il ? Dieu vient d’annoncer qu’il va faire périr le fils du Pharaon, et au verset suivant, c’est Moïse qu’il cherche à faire périr (ou son fils, le texte est ambigu) ! Vu ce qu’il se passe, on comprend que la raison de cette situation, c’est que le fils de Moïse n’est pas circoncis. La femme de Moïse prend conscience de cette situation, et corrige cette anomalie en guise de propitiation (c’est-à-dire pour rendre Dieu propice). Par cet épisode, Dieu est en train de souligner l’extrême importance du rite de la circoncision qui a été institué comme signe, dans l’Ancien Testament, de la relation particulière entre Dieu et son peuple.

Dieu avait dit à Abraham :

« J’établirai mon alliance avec toi et ta descendance après toi, dans toutes leurs générations : ce sera une alliance perpétuelle, en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi. [..] Voici comment vous garderez l’alliance que je traite avec vous et avec ta descendance après toi : tout mâle parmi vous sera circoncis. Vous vous circoncirez comme signe d’alliance entre vous et moi. » (Gn 17.7, 10-11)

Dieu voulait donc que son peuple porte le signe de son appartenance à Dieu, le signe de son statut particulier.

C’est un peu comme les poinçons qu’on met sur des bijoux. Une bague en or, normalement, porte une tête d’aigle. Une bague en platine une tête de chien. Imaginez que vous vous promeniez dans la rue et que votre enfant ramasse un bout de métal dans le caniveau. « Regarde Papa, on dirait une bague ! – Beurk, remets ça par terre, c’est dégoûtant ! – Mais, papa, tu as vu cette petite tête de chien gravée dessus ? – Attends, donne-moi ça ! » Le poinçon est important car il témoigne du statut d’un objet.

De manière similaire, la circoncision devait témoigner du statut d’une famille. En omettant de circoncire son fils, Moïse s’était rangé avec les peuples païens. Sa famille ne portait pas le signe de sa relation particulière avec Dieu, et sans ce signe, la famille de Moïse ne valait pas mieux que les familles égyptiennes.

Y avait-il une différence de valeur intrinsèque entre Israël et les autres nations ? Non. Mais le peuple d’Israël était à part en vertu des promesses que Dieu lui avait faites, et qui étaient signifiées par la circoncision. Dieu a fait ces promesses par grâce, et il les a scellées avec le sang de la circoncision.

Ce que le peuple d’Israël est en train d’apprendre, ici, c’est que « sans effusion de sang, il n’y a pas de pardon » (Hé 9.22). Autrement dit, pour que Dieu soit propice à Moïse, comme à Israël, il faut que le sang coule. C’est parce qu’elle comprend que le statut de leur famille devant Dieu dépend du sang qui doit couler, que Séphora s’exclame : « Tu es pour moi un époux de sang ! ».

Dieu a peut-être utilisé cette histoire pour montrer au peuple d’Israël l’importance d’être circoncis, notamment lorsqu’ils ont traversé le Jourdain à la sortie du désert (Jos 5).

Vous voyez en tout cas que Dieu est fortement attaché à son peuple, car il a marqué son peuple d’un signe distinctif. C’est un signe qui met le peuple à part, et qui parle de la grâce de Dieu et de son pardon qui sont nécessaires, et possibles par l’effusion de sang. Ce sang a coulé une fois pour toutes sur la croix où Jésus, le Messie, a tout accompli en mourant. Le sang n’a plus besoin de couler. Mais Dieu marque quand même son peuple d’un signe distinctif, et depuis Jésus, c’est le signe du baptême. Votre baptême, c’est le signe que Dieu tient à vous.

Dieu se fait connaître à son peuple, de façon efficace (v. 27-31)

Mais il y a encore une chose. Quatrièmement et dernièrement, le texte nous fait comprendre que Dieu est fortement attaché à son peuple, car il se fait connaître à son peuple, et de façon efficace.

Les versets 27-31 rapportent le dénouement heureux de toute cette première partie : Aaron se joint à Moïse, ensemble ils vont parler aux anciens et opérer les prodiges aux yeux du peuple, et le peuple comprend et croit. Bref, tout se passe exactement comme Dieu l’avait prévu. Le plan est en train de fonctionner, et le résultat, c’est la foi et l’adoration des Israélites. Dieu s’est efficacement révélé à son peuple.

Imaginez que c’est la St Valentin et que vous receviez une lettre d’amour. Quelqu’un a pris son courage à deux mains pour vous déclarer sa flamme. « Bonjour, je n’ose pas te donner mon nom car je suis trop timide, et puis ce n’est pas important. J’espère que tu vas bien. Moi ça va. Je te connais un peu mais pas trop. Je t’aime bien, enfin je pense. Personnellement, je suis pas mal, je pense que tu m’aimerais bien toi aussi mais bon j’en suis pas sûr. J’imagine qu’on a des intérêts en commun mais en fait je n’y ai pas trop réfléchi. Enfin bref, je voulais juste me présenter. Maintenant qu’on se connait, est-ce que tu veux bien m’épouser ? »

Pas sûr que ce soit la plus efficace des lettres d’amour. Mais vous voyez, quand Dieu se fait connaître à son peuple, c’est exactement le contraire. Dieu tient à son peuple, et c’est pourquoi il met tout en œuvre pour se faire connaître de façon efficace. On a vu dans les chapitres précédents tous les moyens que Dieu a mobilisés pour venir au secours de son peuple et se faire connaître à lui, et la fin de ce chapitre souligne clairement l’efficacité de tout ce que Dieu a fait. Le verset 31 est une célébration de la révélation de Dieu.

Alors pour récapituler, ce qu’on a vu dans ce texte, c’est que Dieu était fortement attaché à son peuple. Dieu tient énormément à son peuple !

Dieu nous a fait comprendre cela en nous montrant tout d’abord qu’il veillait sur son peuple, conformément à son plan. Sachez donc mes amis que Dieu a un plan bienveillant pour son peuple, et que rien ne peut le faire plier ; il poursuivra fidèlement la réalisation de toutes ses promesses, jusqu’à leur plein accomplissement.

Ensuite, Dieu nous a fait comprendre qu’il tenait à son peuple en nous montrant qu’il intervenait pour son peuple, à un prix considérable. Regardez donc l’histoire et voyez tout ce que Dieu a fait en faveur de son peuple, tout ce qu’il a fait pour le pardon et la délivrance de son peuple ; non seulement a-t-il étendu son bras puissant dans l’histoire, mais il est venu en personne, par Jésus.

Troisièmement, pour nous faire comprendre combien il tenait à son peuple, Dieu nous a montré qu’il marquait son peuple avec un signe distinctif : le signe de la circoncision dans l’Ancien Testament et le signe du baptême dans le Nouveau. C’est le signe de la promesse de Dieu adressée à son peuple, en vertu de laquelle le pardon des péchés est rendu possible par l’effusion du sang de Jésus-Christ une fois pour toutes. Si vous placez votre entière confiance en lui, qui est ressuscité, qui est assis à la droite de Dieu le Père et qui intercède pour son peuple, alors Jésus deviendra pour vous, à son tour, un genre « d’Époux de sang », car vous serez uni à lui par un lien indéfectible, et tous les bienfaits qu’il a promis à son peuple seront vôtres par le moyen de votre foi en lui.

Enfin, pour couronner le tout, Dieu nous a fait comprendre combien il tenait à son peuple en nous montrant qu’il se faisait connaître à son peuple de façon efficace. Il a mobilisé tous les moyens nécessaires pour que nous puissions le connaître, pour que nous croyions, pour que nous apprenions qu’il nous a vraiment visités, qu’il a vu notre misère, qu’il nous a délivrés par Jésus, et pour qu’à notre tour, nous nous inclinions et nous prosternions.

Ainsi, nous pouvons prier avec le psalmiste :

« Je t’invoque, car tu me réponds, ô Dieu ! Incline vers moi ton oreille, écoute ma parole ! Toi qui sauves ceux qui cherchent un refuge, montre les merveilles de tes bienfaits, par ta droite contre les assaillants. Garde-moi comme la prunelle de l’œil ; cache-moi, à l’ombre de tes ailes ! » (Ps 17.6-8)

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