Voici ce qu’écrit le philosophe Michel Onfray dans son Traité d’athéologie :
« Dieu, fabriqué par les mortels à leur image hypostasiée, n’existe que pour rendre possible la vie quotidienne malgré le trajet de tout un chacun vers le néant. […] Les uns adorent les pierres – des tribus les plus primitives aux musulmans tournant autour du bétyle de la Ka’aba –, d’autres la lune ou le soleil, certains un Dieu invisible, impossible à représenter sous peine d’idolâtrie, d’autres une figure anthropomorphe – blanche, mâle, aryenne évidemment… –, tel voit dieu partout, en panthéiste accompli, tel autre, adepte de la théologie négative, nulle part, une fois il est adoré couvert de sang, couronné d’épines, cadavre, une autre dans un brin d’herbe sur le mode oriental shintô : il n’existe aucune facétie inventée par les hommes qui n’ait été mise à contribution pour étendre le champ des possibles divins. »
J’espère que vous avez remarqué la façon dont Michel Onfray a subtilement mis côte à côte le Dieu de la Bible (judéo-chrétien) avec tous les autres dieux de toutes les autres religions qui ont jamais existé parmi les hommes. Pour défendre son athéisme, sa stratégie consiste à mettre toutes les divinités dans le même panier, et à jeter le panier.
Le problème, voyez-vous, c’est que le Dieu du judéo-christianisme, tel qu’on le découvre dans la Bible, n’a rien à voir avec toutes les autres divinités prétendues auxquelles les hommes ont pu, et peuvent encore, rendre un culte. On est d’accord avec Michel Onfray pour dénoncer toutes ces « facéties inventées par les hommes » qui ont donné naissance à beaucoup de faux dieux. Mais notre Dieu n’a rien à voir avec ces idoles qui sont le fruit de l’imagination des hommes ! Notre Dieu est totalement différent !
Et c’est cela, précisément, que Moïse veut nous faire comprendre à travers le texte qu’on est sur le point d’étudier.
Souvenez-vous que le peuple d’Israël, au moment où Moïse écrit ces lignes, est à un moment-charnière de son histoire. Les Israélites sont sortis d’Égypte et s’apprêtent à entrer en terre promise. Mais tout autour d’eux, il y a des nations, des cultures et des religions étrangères. Dans un premier temps, Moïse leur a rappelé le genre de peuple qu’ils étaient (ch. 1). Dans un deuxième temps, Moïse leur a rappelé le genre de libérateur dont ils avaient besoin (ch. 2). Maintenant, il introduit Dieu dans l’histoire, et il veut leur montrer le genre de Dieu qu’ils ont.
Ce thème, en fait, le thème de la connaissance de Dieu (le fait de le connaître tel qu’il est, par opposition aux faux dieux) occupe une place importante dans le récit de l’Exode. C’est donc un thème très important que Moïse aborde ici, et son but, c’est de montrer la distinction radicale, infranchissable, qui existe entre le Dieu d’Israël et les idoles du monde païen.
La leçon que nous pourrons en tirer pour nous aujourd’hui, c’est la suivante : Dieu est infiniment supérieur à nos idoles. Il est donc dans notre intérêt de lui rester attaché.
La première chose que Moïse nous fait comprendre dans ce texte, c’est que Dieu est constamment attentif à notre situation. Notre Dieu, contrairement aux idoles qui sont sourdes et aveugles, lui il entend et il voit. Le langage de Moïse n’est pas destiné à montrer que Dieu avait « oublié » son peuple, mais il est plutôt destiné à souligner le contraste entre les faux dieux qui restent insensibles à la condition de leurs adorateurs, et le Dieu d’Israël.
Vous avez remarqué qu’en ce moment, les compagnies de téléphonie mobile se livraient une guerre sans merci. Et un des arguments que certaines compagnies font valoir vis-à-vis de leurs concurrents, c’est la qualité de leur service clients. Il y a une compagnie en particulier qui ne manque pas de mentionner dans ses publicités qu’elle a été élue n°1 de la relation clients ! Et n’est-il pas frustrant en effet lorsqu’on appelle son service clients et qu’on tombe sur un service vocal compliqué, et que finalement, après avoir appuyé sur la touche 3, puis sur la touche dièse, puis entré son code postal, puis énoncé tout fort l’objet de notre demande, on nous annonce que quelqu’un va nous répondre dans moins de 18 minutes !
En quelque sorte, dans ces trois versets, Moïse fait de la publicité pour la relation clients du Dieu d’Israël ! Tout cela entre guillemets bien sûr. En fait, il n’y a même pas de commune mesure entre Dieu et les idoles, et cette réalité est soulignée par le fait que Moïse emploie le nom Elohim pour Dieu, qui est le nom du Dieu Créateur, de l’auteur de l’univers, et il rappelle également l’alliance que ce Dieu a conclue avec Abraham dans l’histoire. Contrairement à tous les autres dieux prétendus, ce Dieu est tout-puissant, il est créateur, il est le maître bienveillant de l’histoire… et il est constamment attentif à la situation de son peuple.
Notre Dieu entend et voit. Il n’est pas une statue sourde et aveugle. Nous pouvons lui parler et il nous écoute. Nous pouvons ne pas lui parler, et seulement gémir sous les épreuves, et il nous voit quand même. Nos cris et nos soupirs montent à lui. Y a-t-il quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre dans votre vie qui soit en mesure de veiller constamment sur vous et d’être constamment attentif à votre situation ?
Mais Dieu ne se limite pas à entendre et à voir, comme s’il n’était qu’un simple spectateur de ce qui se passe dans notre vie. La deuxième chose que Moïse nous fait comprendre dans ce texte, c’est que Dieu est capable de se révéler dans notre monde. Notre Dieu, contrairement aux idoles qui sont immobiles et muettes, lui il s’approche et il parle.
On connaît tous cette histoire du buisson ardent. C’est un épisode « extraordinaire » (cf. v. 3) et donc à certains égards mystérieux. Mais ce qu’on peut au moins retenir de ces quelques versets, c’est que Dieu n’est pas exclu de sa propre création : il est capable de se révéler au milieu de quelque chose de matériel (v. 2). Dieu est omniprésent, mais il est capable d’être localement présent. Et pour être sûr qu’on ne s’imagine pas qu’il s’agit seulement d’un ange, Moïse ajoute les versets 5 et 6 (il ôte ses sandales, et il se cache le visage).
Il existe une illustration populaire pour décrire la différence entre Dieu et les hommes : c’est l’illustration de la fourmilière. Les hommes sont à Dieu ce que les fourmis sont aux hommes, ou inversement, Dieu est aux hommes ce que les hommes sont aux fourmis. Cette illustration a du bon en ce qu’elle aide peut-être à comprendre la transcendance de Dieu. Mais est-ce qu’un homme est capable de communiquer avec les fourmis ? Est-ce qu’un homme est capable de s’abaisser au point d’apparaître dans un de ces petits couloirs creusés par les fourmis et de parler la langue des fourmis pour se faire connaître, personnellement, à une ou deux fourmis, voire même à un peuple de fourmis ?
Eh bien notre Dieu en est capable ! Voilà encore une différence radicale entre les faux dieux qui sont le fruit de l’imagination des hommes, et le vrai Dieu, le Dieu de la Bible. Michel Onfray ne représente pas fidèlement le Dieu de la Bible lorsqu’il dit que « Dieu, invisible, inaccessible, donc silencieux sur ce qu’on peut lui faire dire ou endosser, ne se rebelle pas quand d’aucuns se prétendent investis par lui pour parler, édicter, agir, pour le meilleur et le pire ». Je conseille à Michel Onfray de lire cet excellent livre de Francis Schaeffer : Dieu ni silencieux ni lointain (1979 pour la parution en français).
Notre Dieu s’approche. Il s’approche et il parle. Il n’est pas immobile et muet comme les idoles taillées dans la pierre ou dans le bois ou dans notre propre imagination. Il n’est pas silencieux ni lointain comme le « grand horloger » des déistes ou comme le « grand architecte » des francs-maçons. Il est un Dieu personnel qui s’approche et se fait connaître. Il interagit avec sa création, et il l’a fait par excellence en la personne de Jésus, le Fils éternel de Dieu qui s’est incarné, c’est-à-dire qui a pris la forme de quelque chose de créé.
Dieu entend et voit, Dieu s’approche et parle, et ensuite ? Eh bien la troisième chose que Moïse nous fait comprendre dans ce texte, c’est que Dieu intervient dans notre monde et dans l’histoire des hommes pour délivrer son peuple. Notre Dieu, contrairement aux idoles qui sont incapables de satisfaire nos vrais besoins, lui il sauve.
Dans ces quelques versets, Dieu résume ce qui a déjà été dit (il entend et voit, il s’est approché), et sur la base des promesses qu’il a déjà faites dans l’histoire, il mandate maintenant Moïse pour aller délivrer son peuple.
Il y a quelque chose de surprenant dans ces versets. Dieu est le sujet de tout ce qui est dit aux versets 7-9, et on s’attend à ce que Dieu annonce la délivrance d’Israël. Mais ô surprise, Dieu annonce plutôt la mission de Moïse. Dieu va intervenir, oui, mais à travers un intermédiaire (v. 10).
Imaginez que vous êtes en train de discuter avec Jonah, et Jonah vous dit combien il est triste et frustré de voir tant de familles dysfonctionnelles dans la société, même parmi les chrétiens. Vous êtes bien d’accord avec lui. Et Jonah vous fait tout un discours où il évoque les enjeux psychologiques, spirituels, théologiques, politiques et moraux de la famille en tant que noyau de la société, et il vous dit combien il lui paraît nécessaire qu’un livre soit écrit à ce sujet. Vous approuvez, bien sûr, sachant que Jonah est un écrivain de talent, et un fin philosophe, et vous pensez qu’il va vous annoncer son prochain ouvrage. Et là il vous regarde et vous dit : « Maintenant, va, je t’envoie vers ton ordinateur ; écris ce livre sur la famille ».
Vous comprenez ce qui est surprenant dans ce verset 10 ? Qui, dans cette conversation, a les moyens de délivrer le peuple : Dieu ou le berger de 80 ans ? Moïse est donc choqué, et jusqu’au milieu du chapitre 4, Moïse va présenter cinq objections à la mission que Dieu lui confie. Le lecteur aussi est censé être choqué. Dieu n’aurait-il pas pu délivrer le peuple autrement ? Certainement, mais la leçon que Dieu communique à son peuple, c’est que Dieu agit à travers un médiateur. Il y a un exemple ou un modèle qui est posé ici. Moïse est le premier d’une longue série de personnages dans l’histoire d’Israël qui ont occupé la fonction de médiateurs entre Dieu et le peuple, comme tous les prophètes, les prêtres et les rois.
Notre Dieu sauve donc, et il sauve par le moyen d’un médiateur. Ces quelques versets posent donc un antécédent qui va perdurer tout au long de l’histoire d’Israël, jusqu’à ce qu’apparaisse le médiateur par excellence, à savoir Jésus-Christ, le Messie, le Fils éternel de Dieu qui est mandaté par Dieu le Père pour délivrer son peuple. Et pour délivrer son peuple une fois pour toute, et pour le délivrer de son pire ennemi, ce Médiateur est mort à la place du peuple, il a supporté sur la croix le poids des péchés de son peuple, et il a vaincu la puissance du mal et de la mort en ressuscitant le troisième jour.
Notre Dieu s’est approché en Jésus, et il sauve en Jésus. Voilà pourquoi l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament dit :
« Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes. » (2 Co 5.19)
Ou encore :
« Il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ-Jésus homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. » (1 Tm 2.5-6)
Notre Dieu sauve. Il n’est pas démuni devant notre condition misérable, comme le sont tous les faux dieux, qui sont incapables de nous racheter de nos péchés. Y a-t-il quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre dans votre vie qui soit en mesure de se donner soi-même en rançon pour vous et de vous sauver du mal et de la mort ?
Mais il y a encore autre chose dans le texte. La quatrième chose que Moïse nous fait comprendre dans ce texte, c’est la suprématie exclusive de Dieu. Notre Dieu, contrairement aux idoles qui existent plus ou moins, tantôt sous une forme matérielle, tantôt dans l’imagination des hommes, tantôt comme des forces spirituelles éphémères et limitées, notre Dieu, lui, il est ! Il est comme rien ni personne d’autre n’est.
C’est ce que Dieu fait comprendre à Moïse en réponse à ses deux premières objections : qui suis-je ? et : qui es-tu ? Le Dieu unique et vivant, l’Éternel, le seul digne d’être adoré, celui qui n’a pas d’égal ni de semblable, est le Dieu de Moïse et le Dieu d’Israël.
Pour être clair : quand Dieu utilise cette expression « Je suis » pour annoncer son identité, il est en train de déclarer qu’il est le seul et unique Dieu au sens propre du terme. Certes, il est le Dieu d’Israël, qui porte une attention particulière à un peuple particulier, et dans ce sens, on pourrait le comparer aux dieux des nations païennes : chacun son dieu, chacun son chemin, passe le message à ton voisin ! Mais ici, Dieu affirme non seulement la relation particulière avec son peuple, mais il annonce en même temps qu’il est le seul Dieu à l’exclusion de tous les autres ! Moïse veut que le peuple mesure ce privilège extraordinaire.
Imaginez que vous travailliez à l’usine Renault de Batilly en Meurthe et Moselle. Vous n’êtes qu’un petit employé lambda parmi les 44 000 qui travaillent pour Renault en France. Un jour, à l’atelier, un responsable vous tend le téléphone. « C’est un appel pour vous ». À l’autre bout du fil, Carlos Ghosn, le président de Renault ! Il aimerait nouer des liens avec vous et votre famille ! Il veut vous inviter chez lui pour les vacances, vous prêter son yacht… Enfin bref, quel privilège, n’est-ce pas ?
Eh bien c’est un privilège infiniment supérieur que de connaître personnellement l’Éternel, le Dieu unique et vivant, celui qui est comme rien ni personne d’autre n’est. Il est l’objet de notre culte, il est avec nous, et nous lui appartenons.
Vous voyez le genre de Dieu que nous avons en tant que chrétiens ? Vous comprenez pourquoi Dieu est infiniment supérieur à toutes nos idoles, c’est-à-dire à tout ce qui, dans notre vie, est susceptible de lui faire concurrence ?
Notre Dieu entend et voit, il est attentif à notre situation, il est, si j’ose dire, sensible à nos gémissements. Notre Dieu s’est approché et il s’est fait connaître par Jésus, celui qui était à la fois homme et Dieu, il a interagi avec notre monde et il a parlé notre langue, lui qui a dit :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. » (Jn 8.58)
Notre Dieu sauve en Jésus, il a payé le prix que rien ni personne d’autre ne pouvait payer pour délivrer du mal et de la mort tous ceux qui lui font confiance.
Et notre Dieu est, il existe éternellement, il est infiniment au-dessus de tout ce qui n’est pas Dieu, il est suprême, tout-puissant, omniscient, omniprésent, il est l’Éternel, notre Dieu ! Mais est-ce que c’est votre Dieu ?
Hier soir, nous avons eu une discussion intéressante avec le groupe de jeunes adultes sur l’influence que peuvent avoir les médias (notamment les films et la télévision) sur notre pensée. Dans le film The Island, par exemple, il y a un personnage qui demande : « C’est quoi Dieu ? » et on lui répond : « Tu vois quand tu fermes les yeux et que tu désires un truc très fort. Eh ben Dieu c’est le mec qui en a rien à faire ».
Ou encore dans la série Dr House, il y a un épisode où le Dr House dit : « Si vous parlez à Dieu, vous êtes croyant. S’il vous répond, c’est que vous êtes schizophrène ».
C’est peut-être drôle, mais ça ne représente pas le Dieu de la Bible, pas plus que ce que dit Michel Onfray dans son Traité d’athéologie. Le vrai Dieu n’est pas comme ça. Les faux dieux le sont. Toutes ces choses (ou ces personnes) dans notre vie en lesquelles nous sommes tentés de placer notre espérance, toutes ces idoles n’arrivent pas à la cheville du Dieu unique et vivant. Notre Dieu, c’est l’Éternel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Moïse et de Jésus. J’espère que c’est votre Dieu aussi.
« C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors de moi il n’y a point de sauveur. » (És 43.11)