Dormir sur ses deux oreilles

Par Alexandre Sarranle 20 août 2023

À quoi est-ce que vous pensez le soir, une fois que vous êtes allongé sur votre lit et que vous attendez de vous endormir ? C’est souvent à ce moment-là de la journée que les choses qui nous touchent ou qui nous préoccupent le plus prennent toute l’attention de notre esprit et de notre imagination—au point de susciter en nous, parfois, des ruminations interminables, des obsessions, ou même de l’angoisse. Et parfois, on en perd le sommeil, n’est-ce pas ?

Peut-être que vous avez un grave problème de santé qui remet en question tous les projets que vous aviez faits sur le plan personnel ou professionnel, et vous angoissez à l’idée que votre vie pourrait être un échec. Peut-être que vous êtes en burn-out ou en dépression, et vous vous demandez si un jour, vous allez pouvoir retrouver l’énergie et la joie de vivre que vous aviez autrefois. Peut-être que vous avez été trahi ou rejeté par quelqu’un qui vous était proche, et la blessure est profonde, et vous n’arrivez pas à faire le deuil de cette relation—et ça occupe en permanence vos pensées. Peut-être que vous êtes épris d’une personne ; vous y pensez tout le temps, mais c’est un amour impossible, et vous craignez qu’il ne manque un morceau à votre cœur pour le reste de votre vie. Ou peut-être que vous vous sentez harcelé par des problèmes, par des gens, par des doutes, par des inquiétudes, par des tentations…

Bref, c’est assez courant, en fait, de passer par des moments où on se sent malheureux et angoissé, et même oppressé par des inquiétudes, et où on se demande si on arrivera un jour à connaître le contentement, la joie, la paix dans notre vie—et à dormir sur nos deux oreilles ! Eh bien on va voir ce matin que c’est possible, si on en croit la Bible.

On va lire un texte dans un instant qui a été écrit par quelqu’un qui a traversé ce genre de chose. C’est un texte poétique appelé un « psaume », et ce psaume a été écrit—ou composé—par le grand roi David, qui était le roi d’Israël environ 1000 ans avant Jésus-Christ. On ne sait pas exactement qu’est-ce qui se passait dans la vie du roi David quand il a écrit ce psaume en particulier (le Psaume 4), mais ce qui est clair, c’est qu’il est en train de passer par une période difficile et que ça lui cause de l’angoisse.

Et on a des indices dans le texte qui pourraient même nous laisser penser qu’il a composé ce psaume alors qu’il était dans son lit et qu’il ne trouvait pas le sommeil à cause de ses inquiétudes. Mais ce qui va être super intéressant pour nous, ça va être de voir comment, finalement, le roi David va être rassuré, tranquillisé, et même réjoui par Dieu, dans les difficultés qu’il est en train de traverser.

Ça va être un texte plein d’espoir pour nous, parce que ce qu’on va voir, c’est qu’il y a un vrai repos, et même un vrai bonheur, auprès du vrai Dieu. Quelque chose d’inégalable, et de réellement bienfaisant face à nos angoisses—à condition qu’on comprenne bien de quoi il s’agit. Et c’est ce qu’on va essayer de voir ce matin.

1/ La complainte de David (v. 1-3)

On va voir trois choses dans ce texte : une complainte, une conviction, et une confiance. Ce sont trois choses que le roi David exprime successivement dans ce texte, et ce sont ces choses-là qui permettent à David de trouver le repos, la sérénité, le sommeil, alors même qu’il est en train de traverser des difficultés.

Premièrement, donc : la complainte de David. Si on regarde le texte, on peut voir qu’il est divisé en trois parties, qui sont séparées par cette expression : « pause ». Ce qu’il faut imaginer, quand on voit ce mot « pause », c’est un moment de silence et de réflexion, comme s’il fallait méditer sur ce qu’on vient de lire ou de chanter. C’est un peu comme une respiration entre deux strophes d’un poème, ou une petite ritournelle instrumentale entre deux couplets d’un chant.

Et donc dans le premier couplet de ce psaume, on a une complainte (v. 1-3, ou 1-2 si le titre n’est pas comptabilisé dans les versets) ; et la première chose qu’on voit, c’est que ça fait du bien à David de déplorer tout haut ses problèmes à Dieu.

Le texte commence par David qui interpelle directement Dieu. Et on voit à la conclusion du psaume (v. 9), que David finit aussi en parlant directement à Dieu. Donc l’ensemble de ce texte, en fait, est à comprendre comme étant prononcé par David devant Dieu, ou en présence de Dieu—même si David, par moments, semble parler à d’autres gens.

Imaginez donc David allongé sur son lit, il ne trouve pas le sommeil, mais Dieu est avec lui. David a conscience que Dieu est là, et il lui parle spontanément, naturellement, parce qu’il a ce genre de relation avec Dieu. Mais tout en lui parlant, il réfléchit à ce qui lui arrive—et c’est ce qu’on voit dans le premier couplet (ou la première strophe).

David demande à Dieu de le secourir dans sa détresse (v. 2). Et tout de suite après, David semble parler à ceux qui l’oppriment (v. 3). Ce n’est pas parce que ces gens sont apparus tout d’un coup à côté de lui. Ce n’est pas parce que David a fini son temps de prière et qu’ensuite, il a pris le téléphone pour appeler ses ennemis. David est dans son temps de prière, il est devant Dieu, et il réfléchit à ses problèmes en présence de Dieu.

Et regardez encore un peu plus ce que David est en train de dire. Il dit d’abord : « Dans la détresse, tu me mets à l’aise » (v. 2). Littéralement, en hébreu, les termes que David emploie, ça signifie : « Quand je suis à l’étroit, quand je suis tout enserré, confiné, étouffé, étranglé (c’est l’idée d’être tout comprimé), tu ouvres un espace autour de moi, tu me soulages, tu me desserres, tu me décontractes, tu détends ce qui était trop serré.

Et qu’est-ce qui causait cette oppression à David ? Dans son cas, c’était des gens qui changeaient sa gloire en honte (v. 3)—c’est-à-dire qui lui pourrissaient la vie—par des calomnies, motivées par des « choses vaines ». Il y avait des gens qui en voulaient à David et qui lui faisaient du mal, pour des motifs complètement injustes, et David se sent désemparé devant eux. Il voudrait que ça s’arrête—il voudrait qu’on arrête de le harceler, parce qu’il ne pense pas avoir fait quoi que ce soit pour mériter ça.

Et donc vous comprenez ce qui se passe dans ce premier couplet ? David est dans une situation qui l’angoisse. Il est vraisemblablement allongé sur son lit et il n’arrive pas à dormir, parce qu’il pense à ses problèmes—il pense à ces circonstances de sa vie sur lesquelles il n’a pas de contrôle, des circonstances qui l’oppriment, qui l’assaillent dans ses pensées et dans ses émotions et peut-être même dans sa santé (si on en croit ce qu’il dit dans d’autres psaumes, cf. Ps 6). Et cette angoisse, c’est comme quelque chose qui l’étrangle.

Vous avez peut-être déjà eu une crise d’asthme, où vos voies respiratoires se resserrent et où vous avez du mal à faire entrer et sortir l’air de vos poumons. Où peut-être que vous avez déjà dû porter des vêtements trop serrés autour du ventre ou du cou. Personnellement, ça m’est déjà arrivé de porter une chemise un peu trop serrée, boutonnée jusqu’au col, et à cause de la chaleur ou de l’effort, j’ai le cou qui a enflé un peu, et je me suis vite senti étranglé ! Ou bien je me souviens qu’après l’opération que Suzanne a subie il y a quelques mois, elle a dû porter un corset pendant plusieurs semaines pour favoriser la cicatrisation à l’intérieur de son ventre—et c’était très, très serré autour de sa taille. C’était si serré, que pour le mettre, ce corset, il fallait qu’on s’y mette à deux !

Mais peut-être que vous avez déjà eu cette sensation d’étranglement, d’étouffement, de compression autour de votre ventre ou de votre poitrine—mais ce n’était pas à cause de vos vêtements. C’était tout simplement l’anxiété, le stress, l’angoisse !

Regardez le roi David : c’est ce qui lui arrive à lui aussi ! Mais qu’est-ce qui lui fait du bien, apparemment, dès ce premier couplet ? Ce qui lui fait du bien, déjà, c’est de déplorer tout haut ses problèmes à Dieu. Le roi David pratique la complainte dans sa prière. Il vide son cœur à Dieu.

David est plutôt un bon théologien, alors il sait que Dieu est là, toujours, avec lui. Il sait que tout ce qui se passe dans sa vie intérieure, ça se passe sous le regard de Dieu. Alors quand il réfléchit, il sait que Dieu est présent, qu’il écoute ses pensées, qu’il assiste à ses états d’âme. Et donc quand David se met à « parler à ses problèmes » dans ce psaume, ça fait toujours partie de ce moment qu’il est en train de passer avec Dieu dans son for intérieur.

Est-ce que vous avez ce genre de relation avec Dieu ? Est-ce que vous avez conscience que toute la complexité de votre vie intérieure, incompréhensible aux gens autour de vous, est parfaitement comprise par Dieu ? Est-ce que vous vous rendez compte que vous pouvez mettre votre cœur à nu devant Dieu sans aucune honte parce qu’il sait déjà ce qu’il y a dedans ? Est-ce que vous avez déjà intégré le fait que Dieu est toujours témoin de vos pensées, et qu’il est toujours présent dans vos réflexions intérieures, et que ça ne le dérange pas du tout que vous vous lamentiez devant lui et auprès de lui, de vos problèmes ?

Ça fait du bien à David de faire ça. « Seigneur, je n’en peux plus. Je n’arrive pas à dormir. Je pense tout le temps à ce truc qui m’angoisse, ou qui occupe mes pensées en permanence. J’en ai marre. Je ne sais pas comment surmonter ce truc-là. Ce n’est pas bien de vivre comme ça. Jusqu’à quand est-ce que je vais vivre comme ça ? »

C’est déjà une habitude qu’on peut prendre, de nous rappeler intentionnellement que Dieu est présent dans nos angoisses, et de lui exprimer nos angoisses avec une grande liberté, et d’avoir des moments pour faire ça, comme un trajet seul en voiture où on éteint la musique et les podcasts, ou une balade seul dans le quartier sans écouteurs dans les oreilles, ou tout simplement quand on est allongé sur son lit dans le silence et qu’on n’arrive pas à trouver le sommeil. Déjà, ça fait du bien ; déjà, la pression est soulagée un peu quand on peut prendre à témoin de notre angoisse quelqu’un qui la comprend parfaitement.

2/ La conviction de David (v. 4-5)

Donc ça, c’était le premier point : la complainte de David. Mais David n’en reste pas là. Dans le deuxième couplet (ou la deuxième strophe) de son psaume, David va maintenant exprimer une conviction très forte, qui va avoir un effet très puissant sur son angoisse. Ce qu’on va voir maintenant, c’est que ça fait du bien à David de penser à ce que Dieu pense de lui.

C’est très fort ce qui se passe dans le texte. Il y a eu une « pause » après le premier couplet, on a pu respirer et réfléchir un peu au premier point, et maintenant, David affirme quelque chose très solennellement à destination de ses ennemis. « Reconnaissez que l’Éternel s’est choisi un homme fidèle ; l’Éternel entend quand je crie à lui. » (v. 4)

Ce que David est en train d’exprimer là, c’est tout simplement la conviction que Dieu lui est propice. Ça veut dire que Dieu lui est favorable, que Dieu l’aime, que Dieu est pour lui, que Dieu est « dans son camp », si j’ose dire. David a cette conviction : c’est qu’il est ami avec Dieu—et ce n’est pas parce que David le vaut bien (si vous regardez bien le texte), c’est parce que Dieu l’a « choisi ». Il « s’est choisi » un homme fidèle. C’est Dieu qui a pris David et qui se l’est consacré à lui-même.

Et si David se décrit comme étant « un homme fidèle », ce n’est pas pour dire que c’est ça qui a motivé le choix de Dieu. David avait parfaitement conscience de la gravité de ses propres péchés et de son indignité devant Dieu à cause du mal qu’il y avait par nature dans son propre cœur, comme dans le cœur de tous les humains (cf. Ps 51) ! La « fidélité » dans la Bible, ça ne décrit pas habituellement la perfection morale chez l’humain—ça décrit plutôt l’attitude de cœur devant Dieu. Quelqu’un de fidèle, quelqu’un de pieux, c’est quelqu’un qui craint Dieu, c’est-à-dire qui aime Dieu, qui lui fait confiance et qui se montre docile sous sa main. Et ça, en fait, c’est l’effet de la foi, et non pas la condition de la foi.

C’est un peu comme si David disait : « Regardez, Dieu a mis la foi dans mon cœur, il m’a pris pour lui, c’est lui qui m’a choisi et qui s’est attaché à moi, faisant de moi un fidèle. »

Et donc, si Dieu l’a choisi, c’est que Dieu l’aime ; et si Dieu l’aime, alors il est parfaitement attentif à sa détresse, et « l’Éternel entend, quand David crie à lui » (v. 4). Et c’est ça que David oppose à ses ennemis. « Allez-y, agitez-vous, gesticulez tant que vous voulez, faites-moi peur, angoissez-moi ; mais moi, j’ai la faveur du Dieu de l’univers. Donc mon conseil, c’est que vous ne péchiez pas, que vous n’agissiez pas contre les projets de Dieu, que vous réfléchissiez dans votre cœur à la faveur que Dieu me porte—vous qui êtes sûrement sur votre couche comme moi je le suis à cette heure de la nuit—et que vous arrêtiez de me persécuter. »

Et évidemment, comme je le disais tout-à-l’heure, quand David dit tout ça, ses ennemis ne sont pas là, devant lui. Il dit tout ça devant Dieu, et c’est pour lui-même qu’il le dit, surtout. David pense à ce que Dieu pense de lui, et ça lui fait du bien.

C’est un peu comme si, professionnellement, vous commenciez à travailler pour un nouveau chef, et que ce chef vous dise : « C’est avec toi que je veux travailler. C’est toi que je veux pour ce poste. Je suis persuadé que tu vas faire un super boulot, et je ne veux pas que ce soit quelqu’un d’autre que toi qui le fasse. » Et imaginez qu’ensuite, une fois que vous travaillez avec ce chef, il vous dise très régulièrement : « C’est super ce que tu fais. Je suis vraiment content que tu sois là. Je suis ravi que tu sois dans l’équipe. » Et maintenant, imaginez que dans le cadre de vos missions, vous rencontriez des difficultés, et que vous fassiez des erreurs, et que certains objectifs ne soient pas atteints ; mais au lieu de vous faire des reproches, ou de vous donner des avertissements, ou de vous menacer ou de vous mettre la pression ou de vous crier dessus, le chef vous dise : « Ce n’est pas grave. C’est quand même avec toi que je veux travailler, c’est quand même toi que je veux à ce poste ; et je suis avec toi et pour toi, et on va regarder ces difficultés ensemble et résoudre ces problèmes ensemble. Tu es dans mon équipe, et moi dans la tienne ; je t’apprécie, et ça, ça ne va pas changer ! »

Je sais que certains d’entre vous, vous avez connu de grosses tensions, voire même des conflits avec un chef à votre boulot. Alors vous imaginez la confiance que ça vous donnerait, et le courage pour affronter les difficultés sur le plan professionnel, si votre chef vous rappelait perpétuellement que c’est vous qu’il veut à votre poste, et qu’il ne compte pas se séparer de vous, et qu’il se rendra toujours disponible pour vous aider dans la résolution des problèmes, et qu’il ne vous reprochera pas vos échecs—bref, que vous avez toujours sa faveur !

C’est ça la conviction de David au milieu même des difficultés qu’il est en train de traverser : c’est qu’il a pour toujours la faveur de Dieu.

Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul dit que le roi David avait conscience que Dieu appelait à lui des humains, par sa seule grâce, pour les déclarer justes indépendamment des bonnes œuvres ou des mauvaises œuvres que ces humains avaient pu faire (Rm 4.6-8). C’est extrêmement important de bien comprendre ça.

La Bible explique que tous les humains sont moralement coupables devant Dieu et ne méritent pas sa faveur. Mais la Bible explique aussi que Dieu a voulu quand même accorder sa faveur à des humains, en réglant lui-même la dette morale que ces humains lui devaient, et en leur imputant sa justice en échange. C’est la raison pour laquelle Jésus est venu sur la terre, qu’il est mort sur la croix, et qu’il est ressuscité le troisième jour : c’était pour supporter la peine des péchés de tous les croyants (y compris du roi David), de façon à ce que tous les gens qui lui font confiance soient déclarés justes par Dieu, pour toujours. Et donc, de cette manière, les croyants reçoivent la pleine approbation de Dieu, ils reçoivent pleinement sa faveur et ils font pleinement l’objet de son amour, pour toujours !

C’est ça, la conviction de David dans notre texte—c’est que l’a déclaré juste, comme il l’avait dit d’ailleurs dès le début de sa prière :

« Réponds-moi, Dieu de ma justice » (v. 2).

Et c’est ça que David oppose dans ses pensées—ou devrais-je dire dans ses prières—c’est ce qu’il oppose aux difficultés qu’il est en train de traverser. « Fils des hommes, jusqu’à quand est-ce que vous allez me persécuter ? Reconnaissez que Dieu est pour moi ! »

Et l’exhortation du verset 5 devient finalement une sorte d’exhortation universelle, aussi bien adressée aux ennemis de David, qu’à tous les humains et à David lui-même ! « Puisque j’ai la faveur de Dieu pour toujours, une faveur scellée par le sang de Jésus-Christ, le Fils même de Dieu—puisque Dieu m’a choisi pour lui et que rien ni personne ne pourra jamais m’arracher de sa main ou annuler son amour pour moi !—eh bien je peux m’agiter devant lui, lui exprimer mon angoisse, lui parler de mes problèmes en toute liberté, mais je ne vais pas pécher en l’incriminant, lui, ou en lui reprochant le malheur qui m’arrive—je vais me plaindre à lui mais pas de lui ; je vais parler en mon cœur, sur ma couche, et ensuite me taire et m’incliner devant le merveilleux verdict qu’il a prononcé sur ma vie : JUSTE ! Fidèle ! Choisi par Dieu ! Approuvé par Dieu pour toujours ! Aimé de Dieu pour toujours ! Enfant de Dieu pour toujours ! »

Et donc vous voyez, ça fait du bien à David, dans son angoisse et dans ses difficultés, de penser à ce que Dieu pense de lui. Et ça, ça va aboutir au troisième et dernier couplet de son psaume, où David maintenant, va exprimer une incroyable confiance.

3/ La confiance de David (v. 6-9)

Et ce qu’on va voir maintenant, c’est que ça fait du bien à David de se rappeler qu’est-ce que c’est que Dieu lui destine (v. 6-9).

Vous voyez : David a encore marqué une « pause », pour qu’on réfléchisse à ce qu’il vient de dire. Après l’expression d’une complainte, puis d’une conviction, maintenant une petite ritournelle instrumentale, un petit moment de réflexion, et on va aboutir sur quelque chose, mais sur quoi ? Eh bien c’est assez frappant.

David va conclure d’abord en nous donnant l’application pratique principale de tout son poème : c’est qu’on devrait tous nous tourner vers le vrai Dieu pour lui offrir un vrai culte, c’est-à-dire tout simplement nous reposer en lui—nous confier en lui (v. 6).

Mais ensuite, David ajoute une sorte de réflexion existentielle : « Beaucoup de gens cherchent le bonheur », dit-il. Beaucoup de gens désirent que Dieu leur donne le bonheur, que Dieu fasse disparaître les difficultés, et qu’à la place, il leur donne de quoi combler leur vie et satisfaire leur âme (v. 7). Est-ce que vous faites partie de ces gens-là ? Est-ce que c’est réaliste, ce que dit David ? Bien sûr que oui ! Qui ne voudrait pas le bonheur ? Qui ne voudrait pas que Dieu, s’il existe, fasse disparaître les problèmes, et nous donne en échange le repos, la joie, la paix complètes et durables ?

Mais ce qui est incroyable, si on regarde ce que dit David, c’est qu’il prétend, lui avoir reçu ce genre de joie et de paix—et c’est même une joie et une paix qui dépasse le genre de joie et de paix que peuvent connaître ordinairement les gens les plus chanceux sur la terre.

Regardez bien ce qu’il dit. David dit qu’il reçoit dans son cœur plus de joie que ce que peuvent connaître les gens qui réussissent matériellement et qui ont tout pour se faire plaisir ici-bas (v. 8). Donc imaginez : pour moi, ce serait un multi-millionnaire qui se serait fait construire un magnifique chalet retiré sur une montagne, avec tous les équipements de confort imaginables, des repas gastronomiques tous les jours avec du fromage, une merveilleuse cave à vin—quelqu’un qui aurait en plus une super forme physique, capable d’aller randonner tous les jours sur le plus hauts sommets ; quelqu’un qui aurait une super bonne santé, jamais de migraines ou de douleurs, qui s’entendrait super bien avec tout le monde, ses enfants, sa femme, sa belle-famille, ses amis, ses voisins (les premiers vivant à 15 kilomètres)… Bref, j’ai du mal à imaginer avoir plus de joie qu’en vivant dans cette situation.

Mais David dans notre psaume, dit que Dieu a mis dans son cœur plus de joie que ça ! Et que maintenant, il peut s’endormir en paix, aussitôt couché sur son lit. Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce que Dieu a fait disparaître d’un coup tous ses problèmes, entre le début et la fin de sa prière ? Est-ce qu’il a reçu un télégramme qui lui disait que tous ses ennemis étaient morts ?

Ou bien est-ce que David est tout simplement en train de bluffer ? Il veut se donner un air spirituel, il fait genre que tout va bien pour nous impressionner ? Ou peut-être que c’est de la pensée positive : à force de se dire que ça va, peut-être qu’on va vraiment aller bien ?

Pas du tout. Ce que dit David ici, il le dit avec une parfaite sincérité. Oui, ça doit nous impressionner, mais justement, ça doit nous impressionner pour nous faire demander d’où ça vient, et nous faire désirer la même chose.

Et en fait, on sait d’où ça vient, si on a écouté attentivement les deux premiers couplets (ou les deux premières strophes). En fait, cette joie et cette paix qui dépassent l’entendement, découlent de la relation que David a avec Dieu—une relation où David sait que Dieu est le Dieu de sa justice (v. 2) et que Dieu l’a choisi pour l’aimer pour toujours.

Ce que ça veut dire—et je veux vraiment qu’on mesure l’importance et les implications pratiques de ce que je  vais dire—ce que ça veut dire, c’est qu’on peut connaître ce genre de joie et ce genre de paix, nous aussi, en réfléchissant plus, et plus souvent, à notre espérance, si on est croyant.

Ça a l’air un peu banal ce que je dis, là, et pourtant je suis persuadé—parce que c’est aussi dans notre texte—que c’est vraiment une des clefs du véritable contentement dans l’expérience qu’on fait de la vie ici-bas, avec tous ses problèmes, toutes ses difficultés, et parfois même les terribles épreuves qu’on traverse.

L’apôtre Paul dans le Nouveau Testament dit que si on est croyant, on a été sauvé « en espérance », et que cette espérance, c’est quelque chose que Dieu nous destine, quelque chose qui va venir pleinement un jour, et qu’on attend « avec persévérance » (Rm 8.24-25). Et c’est en réfléchissant à ça que l’apôtre Paul nous dit aussi qu’il faut qu’on se rappelle, pendant notre pèlerinage sur la terre, « qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous. » (Rm 8.18)

Et c’est cette réalité-là, en fait, que le roi David a bien intégrée, déjà 1000 ans avant l’époque de l’apôtre Paul. Il ne fait pas semblant, quand il dit que Dieu a mis dans son cœur plus de joie que ce que les non-croyants peuvent connaître dans les meilleures conditions matérielles et psychologiques imaginables !

Le problème, mes bien-aimés, c’est qu’on a beau être des croyants, on a encore cette tendance en nous, tellement profondément ancrée en nous—cette tendance à penser comme des non-croyants. C’est-à-dire qu’on a naturellement tendance à se dire que notre bonheur, on l’aura quand on aura notre chalet à la montagne. On l’aura quand on aura rencontré le conjoint idéal. On l’aura quand on aura réussi nos études et trouvé un bon travail. Ou bien, on l’aurait si on pesait 10 ou 20 kilos de moins. On l’aurait si on n’était pas atteint de cette maladie chronique. On l’aurait si on était réconcilié avec telle ou telle personne.

Ou bien, le bonheur on l’aurait si on assouvissait ce désir. On l’aurait si on avait cette liaison. On l’aurait si on oubliait nos soucis en buvant un peu plus, ou en regardant un peu plus la TV, ou en se réfugiant dans d’autres comportements « d’évitement », comme on dit en psychologie. Mais tout ça, en fait, ce sont des « chimères ». Une chimère, à l’origine, c’est un animal dans la mythologie grecque, qui est en fait un hybride de plusieurs animaux : le corps d’un lion, la tête d’un bouc, et la queue qui finit en tête de serpent. Une chimère, en fait, c’est le produit de notre imagination.

Et donc notre imagination, vous comprenez, est capable de nous représenter plein de choses en nous faisant croire que ces choses peuvent satisfaire nos désirs les plus profonds, rassasier notre âme et nous donner le contentement dans la vie. Mais ce n’est pas vrai. En fait, notre imagination peut produire des choses assez hideuses quand on y pense—des choses contraires à la beauté et à la justice de Dieu—mais en nous susurrant à l’oreille que ces choses, en fait, peuvent nous procurer la joie et la paix qu’on recherche tant !

Et souvent, c’est quand on traverse des difficultés, que notre imagination redouble de productivité, et que notre cœur, cette fameuse « fabrique d’idoles » comme disait Calvin, tourne à plein régime.

Mais le roi David nous dit stop. Ce n’est pas là que se trouve la joie, ou la paix.

« Confiez-vous en l’Éternel. […] Toi seul, ô Éternel, tu me fais habiter en sécurité. » (v. 6, 9)

Pourquoi ? Parce que la seule chose durable dans mon existence aujourd’hui, c’est la relation que j’ai avec Dieu. C’est l’amour que Dieu me porte. C’est sa faveur qui va durer dans l’éternité.

En vertu de la faveur de Dieu qui m’a choisi pour que je lui appartienne, qui a envoyé son Fils dans le monde pour me racheter, qui a ressuscité son Fils pour sceller ma vie éternelle—en vertu de tout cela, je sais pour sûr que Dieu va réaliser dans ma vie, un jour, tout ce que mon être désire le plus profondément et qui pourra me procurer réellement et complètement toute la joie qui m’échappe aujourd’hui. Un jour je connaîtrai la guérison de toutes mes maladies, un jour j’aurai une énergie que je n’aurai jamais eue auparavant, un jour je vivrai dans une communion et une amitié parfaite avec toutes les personnes qui seront autour de moi pour toute l’éternité, un jour tous mes désirs affectifs seront parfaitement et définitivement comblés, un jour je n’aurai plus de problèmes, plus de doutes, plus de conflits, plus d’inquiétudes, plus de tentations ni de péchés !

Est-ce qu’on peut réfléchir à ça plus souvent ? D’après le roi David, et d’après l’apôtre Paul—et d’après toute la Bible, je dirais—ça fait du bien, en fait, de se rappeler qu’est-ce que c’est que Dieu nous destine, si on est croyant. C’est ça, la confiance de David dans notre psaume, la confiance en Dieu, l’espérance si forte de David, si solide qu’elle lui permet de s’endormir en paix alors même qu’il traverse des difficultés.

Pour conclure. Ce qu’on a pu voir dans ce texte ce matin, je l’espère, c’est qu’il y a un vrai repos, et même un vrai bonheur, auprès du vrai Dieu. Quelque chose d’inégalable, et de réellement bienfaisant face à nos angoisses—à condition qu’on comprenne bien de quoi il s’agit. Et David dans son psaume nous a aidés à comprendre de quoi il s’agit.

C’est un repos et un bonheur en espérance—mais l’espérance, ce n’est pas juste une vague idée théorique. Ce n’est pas juste un rêve ou un espoir. L’espérance chrétienne repose sur les promesses de Dieu qui sont toutes oui et amen en Jésus-Christ.

Si on est angoissé en ce moment, prenons le temps de la complainte. Parlons à Dieu de nos problèmes en toute liberté et en toute simplicité, parce qu’il est déjà là, déjà au courant, et en fait, ça fait du bien de se rappeler que le Dieu de notre justice est avec nous, présent et à l’écoute quand on va mal. Prenons un peu de temps seul avec Dieu pour lui parler ou tout simplement pour exposer nos pensées à sa lumière. Faites comme David et écrivez un poème, si ça vous dit ! Moi ça m’arrive de faire cela.

Prenons aussi le temps de nous rappeler avec conviction que Dieu nous est favorable pour toujours si on est attaché à Jésus par la foi. Et en réfléchissant à nos problèmes, réfléchissons aussi en même temps à la position qui est la nôtre en tant qu’enfants bien-aimés de Dieu. C’est lui qui nous a choisis ! Et on est maintenant greffé en son Fils Jésus-Christ qui lui-même intercède perpétuellement pour nous ! Dieu ne va jamais nous laisser tomber, et nos problèmes n’ont qu’à bien se tenir, parce qu’il est impossible qu’ils aient le dernier mot !

C’est pourquoi on peut prendre le temps, enfin de nous rappeler avec confiance l’avenir que Dieu nous destine si on est croyant. On peut déjà être satisfait dans notre âme en espérance, à condition de prendre le temps de nous prêcher à nous-mêmes et de contempler le plus souvent possible dans nos pensées, dans nos méditations—de contempler le merveilleux héritage que Dieu nous réserve dans son paradis pour toujours.

Puissions-nous tous, par la grâce de Dieu, et par la puissance de son Saint-Esprit œuvrant en nous par le moyen de ses promesses, et malgré les difficultés, les épreuves et l’angoisse—puissions-nous tous connaître dès ici-bas le contentement, la joie et la paix dans notre vie—et dormir sur nos deux oreilles !

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