Dans ma faiblesse immense

Par Alexandre Sarranle 17 septembre 2023

Est-ce qu’il vous arrive de vous sentir faible, parfois ? Faible physiquement ? Faible moralement ? Faible spirituellement ? Si vous êtes croyant ce matin, est-ce qu’il vous arrive de vous dire : « Bon, je sais ce que Dieu a mis devant moi que je dois faire, aujourd’hui, cette semaine, cette année, ou dans ma vie—mais je ne me sens tout simplement pas du tout à la hauteur ! Ça me semble impossible. C’est perdu d’avance. »

C’est peut-être votre état de santé qui vous bloque, et vous vous dites : « J’aimerais tellement participer à ce projet de l’Église, ou m’investir dans tel ou tel service, mais je ne crois pas que je pourrais, dans mon état ! » Ou bien c’est peut-être psychologiquement que vous vous sentez faible : vous êtes extrêmement démoralisé, fatigué émotionnellement, vous avez l’impression d’être pratiquement au bout du rouleau, et vous ne voyez pas comment vous pourriez réaliser quoi que ce soit d’utile ou d’intéressant en ce moment.

Ou peut-être que vous vous sentez très limité matériellement. Vous n’avez pas beaucoup de moyens financiers, vous êtes peut-être endetté, c’est compliqué pour vous professionnellement, vous n’avez pas de voiture, pas de maison, pas d’épargne, pas de retraite… Ou peut-être que vous venez d’une famille brisée ou d’un mariage brisé. Et peut-être que vous vous dites que vous n’avez pas de qualités en vous-même, ou de compétences intéressantes qui pourraient vous permettre de réaliser les projets que Dieu met devant vous.

Ou bien c’est dans votre relation avec Dieu que c’est compliqué. Vous avez conscience que Dieu existe, qu’il a un projet dans ce monde, auquel il vous invite à prendre part, mais vous ne vous sentez pas très proche de lui, vos temps de prière sont un peu ternes, et vous n’êtes pas convaincu que dans ces conditions, Dieu va vous utiliser pour faire de grandes choses. Ou peut-être même que vous vous rendez compte qu’il y a des mauvaises habitudes dans votre vie, des choses qui déplaisent à Dieu, des idoles, des péchés récurrents, des convoitises profondes dans votre cœur, et tout ça, ça vous donne l’impression d’être complètement disqualifié et inutile pour Dieu.

Bref, on peut se sentir faible pour plein de raisons. Et en tant que croyant, c’est compliqué parce qu’on a conscience que Dieu nous appelle à entrer dans ses projets, il nous appelle à le servir, à servir notre prochain, à rendre témoignage autour de nous de qui il est et de ce qu’il fait, et à contribuer au développement de son Église—mais très facilement, on peut se sentir tout petit devant la tâche, tout faible, impuissant et même craintif.

On a un projet énorme devant nous—le projet de Dieu—mais nous, on est tout limité, on manque de foi, et on a peur. Qu’est-ce qu’on peut faire dans ces conditions ?

Eh bien si on se sent faible et inadéquat devant le projet de Dieu, le texte qu’on va lire et étudier dans un instant va nous aider. C’est la suite du livre des Juges, qu’on trouve dans l’Ancien Testament et qui nous raconte cette période de l’histoire d’Israël (environ 1200 ans av. J.-C.) où les Israélites ont commencé à occuper la terre promise ; mais ils n’ont pas encore de roi, et ils n’ont pas non plus la jouissance complète de ce territoire. Il y a encore des peuples étrangers, ennemis, qui leur mènent la vie dure.

Et dans ce contexte, on a vu la dernière fois que Dieu avait répondu aux cris des Israélites (qui sont opprimés) en leur envoyant un libérateur (ou un « juge ») qui s’appelle Gédéon. La dernière fois, on a vu surtout comment Dieu avait appelé Gédéon à sa mission de libérateur. Maintenant, on va voir la suite de son histoire—et ce qui va vraiment être intéressant, ça va être de voir comment Gédéon est présenté comme quelqu’un d’assez faible, en fait. Et de voir comment Dieu veut, en réalité, que Gédéon soit faible, pour que la force de Dieu se révèle d’autant plus à travers lui !

Cette histoire, en fait, est une bonne nouvelle pour les gens qui se sentent faibles. Parce qu’on va voir que Dieu ne méprise pas les faibles—au contraire, pour reprendre une parole que Dieu a adressée bien plus tard à l’apôtre Paul : « Ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Co 12.9) Et ça, c’est vraiment le message de notre texte ce matin.

Ne craignez pas de vous sentir faibles, n’en ayez pas honte, parce qu’en fait, c’est plutôt bon signe ! Dans notre état de faiblesse—si on le reconnaît cet état, si on le confesse—eh bien on est en bonne posture pour voir Dieu faire de grandes choses pour nous et à travers nous.

1/ … Dieu comprend mes craintes (6.33-40)

Premièrement : dans ma faiblesse immense, Dieu comprend mes craintes. Prenons les choses dans l’ordre. La première chose que ce texte veut nous montrer, c’est que Dieu ne nous reproche pas de nous sentir intimidé voire complètement dépassé par ce qu’il nous demande.

À la fin du chapitre 6 (versets 33-40), ce qui se passe, c’est que les ennemis des Israélites se rassemblent pour les opprimer comme ils ont l’habitude de le faire. On l’a vu la dernière fois : quand ils font ça, ils arrivent « comme une multitude de sauterelles », ils sont innombrables et ils ravagent tout sur leur passage (cf. Jg 6.5). Le texte dit que tout Madian, Amalec et le bédouins de l’Orient se rassemblent, et qu’ils campent dans la vallée de Jizréel.

Nous, on imagine mal ce que ça représente, mais les Israélites qui lisent cette histoire, ils savent que la vallée de Jizréel c’est une des plus grandes vallées de cette région du monde, qui fait environ 1500 km² (moitié du Rhône). L’idée, c’est qu’il y a vraiment énormément de monde, une foule innombrable d’ennemis violents, certainement des milliers et des milliers.

Et Gédéon a compris que Dieu l’appelait à combattre ces gens-là pour délivrer les Israélites, mais vous comprenez, ça fait peur ! Alors Gédéon se dit qu’il va convoquer un maximum de monde à son tour parmi les tribus d’Israël qui vivent dans cette région : Manassé, Aser, Zabulon et Nephthali—ça fait quand même un tiers des tribus d’Israël ! Un peu plus loin dans le texte, on apprendra que Gédéon arrive à recruter 32 000 combattants (cf. Jg 7.3).

Donc c’est pas mal. Mais ça ne suffit pas pour rassurer Gédéon. Dieu lui avait dit qu’il serait avec lui et qu’il battrait Madian « comme un seul homme », c’est-à-dire à plates coutures (cf. Jg 6.16), mais Gédéon n’est pas complétement convaincu, et pour cause : il y a vraiment beaucoup, beaucoup de méchants dans la vallée de Jizréel ! Alors Gédéon demande un signe à Dieu pour que Dieu vienne confirmer sa promesse : « Si tu veux sauver Israël par ma main, comme tu l’as dit… » (v. 36) Et non seulement un signe, mais deux signes ! Deux miracles, deux jours de suite, parce que Gédéon est très, très intimidé devant la tâche, il est très craintif, très conscient de sa faiblesse, par rapport à la force des ennemis d’Israël.

Il faut bien comprendre un truc, c’est que Gédéon ne pense pas, au fond, qu’il va gagner cette bataille. Il a rassemblé une grosse armée, mais il n’y croit quand même pas.

Vous comprenez ce qui se passe, ici ? Le texte nous décrit un Gédéon qui a compris quel était l’appel de Dieu, mais qui se trouve trop faible pour réussir ce que Dieu lui demande. Gédéon, ce n’est pas un gars ultra spirituel qui va dire aux gens : « C’est bon, ne vous inquiétez pas, Dieu s’est révélé à moi, il m’a dit qu’on allait battre nos ennemis, et donc moi, je me fie entièrement à sa parole. Ce n’est plus la peine d’attendre, allons-y, c’est parti, on n’a même pas besoin d’une grande armée puisque Dieu nous a de toute façon promis la victoire ! »

Non, Gédéon c’est l’inverse de ça, en fait. « Bon, je sais ce que Dieu a dit, mais quand même, ils sont vachement nombreux vus d’ici ! Et ils ont l’air quand même vachement entraînés. »

Vous comprenez, c’est comme si avec votre petite équipe de rugby amateur de Seine-et-Marne, vous étiez convoqué au stade de France pour jouer contre les All Blacks, l’équipe de rugby de la Nouvelle Zélande. Vous n’allez pas trop y croire, avec vos joueurs du dimanche un peu gringalets, surtout quand les Néozélandais vont se mettre à faire leur fameux haka en début de match—l’espèce de danse tribale maori destinée à frapper d’épouvante leurs adversaires ! Si vous deviez parier sur un vainqueur, ce serait sur qui ?

Gédéon est dans ce genre de situation, et ça a tellement l’air perdu d’avance, que même la parole de Dieu ne suffit pas à le rassurer. Et même avec une grosse armée. Et même avec un signe miraculeux obtenu de la part de Dieu—il va quand même encore demander un second miracle (plus « miraculeux »), parce qu’il n’est toujours pas prêt à parier sur la victoire !

Donc Gédéon ne se sent pas à la hauteur. Il est intimidé, hésitant, craintif. Pour quelqu’un qui est présenté comme un héros, c’est frappant, mais c’est réaliste. Gédéon est comme nous, il se sent faible devant la tâche que Dieu lui a confiée. Mais ce qui doit aussi nous frapper, dans cette partie du texte, c’est que Dieu ne lui reproche pas ses craintes.

Et ça, c’est évident dans le fait que Dieu exauce sa demande—ses deux demandes ! Il donne à Gédéon les signes qu’il lui demande. Dieu ne lui reproche pas ses craintes.

Et c’est la première chose qu’on doit retenir nous aussi : si nous, on ne se sent pas à la hauteur des projets que Dieu met devant nous, eh bien Dieu ne nous reproche pas de nous sentir intimidé voire complètement dépassé par ce qu’il nous demande. Dieu ne nous reproche pas de nous sentir faible. En fait, dans ma faiblesse immense, Dieu comprend mes craintes. Il ne me demande pas de bomber le torse et de faire mon héros imperturbable.

Si aujourd’hui, en tant que croyant, vous vous sentez faible, impuissant, intimidé, craintif, incapable devant les projets de Dieu, eh bien ce premier point est déjà super important pour vous. N’allez pas imaginez que Dieu vous reproche de vous sentir faible. N’allez pas imaginer que Dieu vous préférerait si vous étiez beau, fort, jeune, en pleine santé, riche, compétent, vif d’esprit, optimiste, enthousiaste, plein de foi, toujours en paix, avec une vie parfaitement ordonnée extérieurement et intérieurement.

Non, si on se sent tout l’inverse de ça, si on est abattu, si on est découragé, si on a honte, si on se sent coupable, si on a peur, si on est fatigué, si on est en lutte perpétuelle contre nos propres mauvais penchants, eh bien Dieu est miséricordieux. Dieu est attentif à notre humiliation. Dieu comprend nos craintes. Et il vient justement à notre rencontre, avec puissance, dans notre faiblesse. Comme on le voit dans la suite du passage.

2/ … Dieu vise sa propre gloire (7.1-8)

Deuxièmement, dans ma faiblesse immense, Dieu vise sa propre gloire. Ce qu’on va voir maintenant, dans la suite du récit (7.1-8), c’est que ce n’est pas une mauvaise chose qu’on soit dépouillé de nos forces, parce que de cette manière, Dieu va tirer toute la gloire de l’accomplissement de ses projets dans notre vie.

C’est vraiment incroyable ce qui se passe dans notre texte. On a vu dans un premier temps que Gédéon se sent faible, il a peur, et comme il a peur, il fait des efforts pour rassembler un maximum de combattants pour aller faire la guerre aux ennemis d’Israël. On sent que Gédéon fait tout ce qu’il peut, et malgré tout (comme on l’a dit), il n’est quand même pas rassuré.

Mais qu’est-ce qui se passe maintenant ? Dieu lui dit : « Écoute Gédéon, en fait, comment te dire ? Vous êtes trop nombreux ! Renvoie du monde ! Commence par ceux qui ont peur. » Et là on se rend compte que les deux tiers des combattants que Gédéon avait recrutés étaient « craintifs et tremblants » (v. 3), puisque Dieu dit de commencer par renvoyer ceux-là, et il y en a 22 000 sur 32 000 qui s’en vont ! Ce que ça nous montre ici, c’est tout simplement qu’effectivement, même avec 32 000 combattants, la plupart des gens se disaient qu’ils allaient sûrement se faire massacrer par les Madianites ! Ça confirme donc ce qu’on a vu dans le premier point : à vue humaine, il n’y a aucune chance de gagner contre les Madianites qui font le haka dans la plaine de Jizréel, même avec 32 000 combattants, même avec la promesse de Dieu, même avec des signes qui viennent confirmer la promesse !

Mais Dieu donne des instructions tellement choquantes ! « Renvoie du monde, Gédéon ; et d’ailleurs, même à 10 000 vous êtes toujours trop nombreux ! » Et finalement, après avoir renvoyé encore du monde, Gédéon se retrouve avec 300 hommes seulement (v. 8). Et « le camp de Madian était au-dessous de lui dans la vallée ».

Alors le calcul est vite fait. De 32 000 à 300, Dieu a tout simplement réduit les ressources de Gédéon de plus de 99%. Imaginez un instant.

Vous vous sentez déjà limité dans votre santé physique—mais Dieu vous retire encore 99% de vos facultés. Vous ne gagnez pas beaucoup d’argent chaque mois—mais Dieu diminue vos revenus de 99%. Vous êtes très fatigué—mais Dieu vous enlève encore 99% de l’énergie qui vous reste. Vous n’avez pas fait énormément d’études et vous n’avez pas beaucoup d’expérience—et Dieu vous fait oublier 99% de vos connaissances et de vos compétences. Vous avez douloureusement conscience du mal qu’il y a dans votre cœur—et Dieu augmente votre sensibilité au péché de 99% !

Et dans cet état de dépouillement et d’affaiblissement, Dieu vous dit : « Maintenant que je t’ai bien affaibli, regarde encore en bas de la montagne, dans la vallée de Jizréel, la tâche à laquelle je t’appelle. » Ça a l’air complètement absurde, n’est-ce pas ?

Mais Dieu dit pourquoi il fait ça. Il dépouille Gédéon et les Israélites presque entièrement, pour qu’ils ne puissent pas « en tirer gloire contre [lui] et dire : C’est ma main qui m’a sauvé. » (v. 2) C’est-à-dire que Dieu ne veut pas que les Israélites puissent dire qu’ils ont réussi à accomplir le projet de Dieu par leurs propres forces et leurs propres efforts.

Vous savez, sur YouTube, je suis abonné au compte d’un gars qui fait de la basse électrique, et régulièrement, il publie des vidéos où il fait des morceaux incroyables. Et moi je vois ça et j’écoute ça, et je me dis parfois : « Bon OK, il a un super instrument. Si c’est aussi impressionnant, c’est parce qu’il joue sur une basse qui vaut 10 000 EUR. Moi aussi, si j’avais une basse comme ça, je pourrais jouer super bien. » Mais un jour, il a fait un morceau en jouant exprès sur une basse à 80 EUR. Et là je me suis rendu compte qu’en fait, ce n’était pas l’instrument qui faisait la différence ! Le gars, c’est vraiment un virtuose !

De la même façon dans notre texte, Dieu veut jouer sur des instruments en carton, pour montrer que c’est lui qui est un virtuose. C’est lui qui est puissant. C’est lui qui a la force et la compétence. Et c’est à lui que revient la gloire dans tout ce qu’il accomplit.

Et nous, on ne doit pas craindre d’être des instruments en carton. Dans ma faiblesse immense, Dieu vise sa propre gloire.

C’est incroyablement difficile de nous sentir dépouillés de nos moyens. Ça peut être une incroyable souffrance d’être atteint dans sa santé et de ne pas arriver à remonter la pente. Ou d’être atteint dans son moral. Ou de manquer du nécessaire matériellement pour vivre. Ou de se sentir loin de Dieu, voire même empêtré dans des luttes sans fin contre des doutes, des convoitises, des addictions. On peut se sentir tellement petit et abattu. On peut trouver qu’on est vraiment des bons à rien !

Mais il faut absolument qu’on demeure convaincu que la capacité de Dieu d’accomplir avec puissance ses projets dans notre vie ou à travers notre vie ne dépend absolument pas de la qualité apparente de notre vie. On a plutôt l’impression dans la Bible que Dieu aime manifester sa puissance dans le contexte de notre faiblesse.

L’apôtre Paul dit :

« Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; Dieu a choisi les choses viles du monde, celles qu’on méprise, celles qui ne sont pas, pour réduire à rien celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. » (1 Co 1.27-29)

Et donc la question qu’on doit se poser en premier, ce n’est pas : « Qu’est-ce que je peux faire pour aller mieux ? » Même si ça, c’est certainement une question très importante ! Mais la toute première question, ça devrait être la suivante : « Est-ce que je recherche avant tout la gloire de Dieu dans ma vie ? » Si oui, alors je peux me rendre compte qu’en fait, ce n’est pas forcément une mauvaise chose que je sois temporairement dépouillé de mes forces, parce que de cette manière, Dieu va se révéler comme étant manifestement le virtuose de ma vie.

Si je persévère dans la foi alors que je suis gravement malade—ce n’est clairement pas de moi, c’est un miracle de Dieu ! Si je témoigne de Jésus au Parc Blandan alors que je suis paralysé dans un fauteuil—ce n’est pas par mes forces, c’est un miracle de Dieu ! Si je suis en proie aux doutes ou à la dépression mais qu’il y a quelque chose qui me ramène toujours à l’Église et qui m’empêche de sombrer dans le désespoir—ça ne vient pas de moi, c’est un miracle de Dieu. Si j’ai des luttes sans fin dans mon cœur contre des tentations et des obsessions et que je continue malgré tout d’en parler à un frère, de confesser mes péchés et de chercher la délivrance dans la prière—ce n’est pas parce que je suis super balaise, c’est un miracle de Dieu ! Et si l’Église Lyon Gerland est sans lieu de culte fixe depuis des années et des années, mais que l’Évangile continue d’y être prêché et que des hommes, des femmes et des enfants continuent de se tourner vers le Seigneur et de grandir dans la foi—ça ne vient pas de nous, c’est un miracle de Dieu !

3/ … Dieu fortifie ma foi (7.9-15)

Ne craignons pas de nous sentir faibles, vous comprenez ? Surtout que, troisièmement : dans ma faiblesse immense, Dieu fortifie ma foi. On revient au texte (7.9-15), et la troisième chose qu’on va voir maintenant, c’est que Dieu compatit tellement à notre condition qu’il veut vraiment nous rassurer dans notre faiblesse et qu’il mobilise des moyens spéciaux pour cela.

Il se passe un truc super intéressant dans le texte. L’auteur ne nous a rien dit concernant la réaction de Gédéon après que Dieu a réduit la taille de son armée de 99%. En revanche, ce qui se passe juste après est très significatif, et en dit long à la fois sur l’état psychologique de Gédéon et sur la bonté de Dieu envers Gédéon.

Dieu répète à Gédéon qu’il doit affronter les Madianites, mais il ajoute juste après : « Si tu crains de descendre… [je vais faire quelque chose pour te fortifier]. » (v. 10) Et ensuite, on voit que Dieu va orchestrer les choses de manière à ce que Gédéon soit pleinement rassuré. D’abord, l’auteur prend le soin de nous préciser de nouveau que les méchants sont extrêmement nombreux et dangereux (v. 12), mais ensuite, Gédéon va entendre un Madianite raconter un rêve qui est un rêve prémonitoire où le Madianite lui-même comprend que « Dieu a livré Madian et tout le camp entre les mains de Gédéon » (v.14).

Et ça, ça rassure totalement Gédéon. Il n’a pas demandé ce signe, mais Dieu lui donne quand même. Dieu prend l’initiative, parce qu’il sait que Gédéon est dans une situation de grande incrédulité, en fait ; peut-être même de grande détresse ! « Si tu crains de descendre », c’est juste une manière de dire : « Puisque tu trembles de peur à l’idée d’affronter les milliers de milliers de Madianites avec ta petite troupe de 300 hommes… »

Et donc ce qu’on voit, c’est vraiment la miséricorde incroyable de Dieu. Il se montre attentif et prévenant envers Gédéon, et il fait quelque chose de spécial pour le rassurer.

Ça me touche, parce que moi, je ne suis pas du tout comme ça. L’autre jour, j’étais dans mon bureau, et j’ai entendu Suzanne pousser des grands cris, et après quelques secondes, j’entends : « Aaah ! Je l’ai tuée, je l’ai tuée ! » Alors je vais voir, et je découvre Suzanne avec le souffle court, toute pâle, relativement paniquée, et une araignée recroquevillée par terre à ses pieds. Et normalement, un mari bienveillant, il fait quoi ? Il ramasse l’araignée dans un sopalin, il la jette à la poubelle, il prend sa femme dans ses bras et il la rassure. Mais moi, non. Moi, je regarde l’araignée par terre et je dis : « Je pense qu’elle fait juste semblant d’être morte, et qu’elle attend le bon moment pour te sauter dessus à l’improviste, ha ha ! »

C’est nul, hein ? Eh bien je veux que vous compreniez que Dieu n’est pas du tout comme ça ! Dieu ne nous fait pas de mauvaises blagues. Dieu n’est pas du tout cruel. Dieu ne nous soumet jamais à des épreuves par plaisir d’observer nos réactions.

Et même, il fait tout l’inverse. Il est un tendre père et un tendre mari. Comme avec Gédéon, il compatit à nos faiblesses et à nos craintes. Et il déploie des moyens pour nous rassurer.

Et moi j’aimerais que vous vous rendiez compte que Dieu ne nous rassure pas ordinairement par des rêves prémonitoires ou par des toisons qui absorbent la rosée ou qui restent sèches—Dieu nous a donné des choses bien meilleures que ça. Il nous a donné la Bible, Ancien et Nouveau Testaments où sont consignées toutes les promesses de Dieu, et qui nous fait connaître son caractère et ses œuvres d’une manière tellement plus complète que ce que pouvait connaître Gédéon ! L’apôtre Paul parle de « la patience et [de] la consolation que donnent les Écritures » (Rm 15.4). Cette Bible, on peut la lire soi-même personnellement, mais on peut aussi en recevoir les enseignements à l’Église, on peut l’étudier à deux dans un groupe de croissance.

D’ailleurs, Dieu nous donne l’amitié des croyants dans la communauté de l’Église comme moyen spécial d’encouragement et de consolation. Si vous vous sentez faible—physiquement, moralement spirituellement—ouvrez-vous aux autres, accueillez l’amitié des chrétiens. Allez autant que possible au groupe de maison, où on pourra pleurer avec vous et prier pour vous. Et si vous êtes trop faible pour cela, alors vous qui êtes dans les groupes de maison, intéressez-vous aux personnes qui ne viennent pas, envoyez-leur un petit message, passez-leur un coup de fil, prenez de leurs nouvelles ! Peut-être que ça leur fera du bien.

Dieu déploie des moyens spéciaux pour nous rassurer dans notre faiblesse—recevons ces moyens-là. Et parmi ces moyens, on a parlé du culte, mais n’oublions pas que dans le culte chaque dimanche, les promesses de Dieu nous sont rappelées et confirmées de manière tangible et solennelle à travers le pain et la coupe de la sainte cène. C’est un « moyen de grâce », comme on dit, un moyen très spécial que Dieu a voulu déployer par égard pour notre faiblesse, parce qu’il veut fortifier notre foi.

Si vous vous sentez faible, n’allez pas imaginer que Dieu vous abandonne dans cet état et qu’il se tient à distance en attendant que vous alliez mieux—c’est tout le contraire, il est particulièrement attentif à vos souffrances et à vos craintes, parce qu’il est lui-même miséricordieux. Regardez autour de vous comment Dieu veut prendre soin de vous !

Mais on doit encore examiner la fin de cette histoire.

4/ … Dieu me veut humble (7.16—8.3)

Quatrièmement, dans ma faiblesse immense, Dieu me veut humble. On a une grosse section du texte pour terminer (7.16—8.3) mais l’idée est assez simple, c’est que Dieu résiste aux orgueilleux, mais qu’il élève les humbles.

En fait, c’est un proverbe de la Bible, ça (Pr 3.34), que l’apôtre Jacques cite dans le Nouveau Testament (Jc 4.6). Mais regardez ce qui se passe dans notre histoire, surtout. On a le dénouement de cet affrontement entre Gédéon et les Madianites. Comment est-ce que les 300 hommes de Gédéon vont vaincre les milliers de milliers de Madianites qui font le haka dans la vallée de Jizréel ? Eh bien par une ruse qui va faire que la force apparente des Madianites va se retourner contre eux.

Gédéon trouve un moyen de provoquer un mouvement de panique parmi les rangs des Madianites. Et le texte dit que « dans tout le camp, l’Éternel tourna l’épée des uns contre les autres » (v. 22). Et ça, en fait, c’est le danger quand on est une foule de milliers de milliers. Parce vous comprenez, nous à l’Église Lyon Gerland, on est peut-être une bonne centaine et on a déjà du mal, pour certains d’entre nous, à nous reconnaître les uns les autres, même après quelques dimanches où on a fréquenté ensemble le culte ! Imaginez si on était 10 000 ou 100 000 ! On serait entouré d’inconnus !

Et donc ce qui se passe, c’est que les Madianites, pris de panique, s’imaginant qu’ils sont attaqués par plein d’Israélites, se tournent à droite, à gauche, et voient des inconnus qui saisissent leur épée, et ils se défendent par réflexe, et ils frappent des gens qui sont en fait dans leur camp. Un peu comme un chien qui a peur de sa propre queue. En fait, ce qui faisait la force des Madianites—le fait qu’ils étaient des milliers et des milliers—ça se retourne contre eux. Dieu retourne la force des forts contre eux.

Et une fois que les Madianites sont en déroute, le texte nous dit qu’à ce moment-là, les tribus d’Israël qui vivaient dans cette région vont se mobiliser et les poursuivre ; et Gédéon va convoquer la tribu d’Éphraïm notamment, pour qu’ils reprennent le territoire qui était occupé par les Madianites. Et le texte nous dit que les Éphraïmites vont attraper les deux princes de Madian et qu’ils vont les tuer tous les deux. La victoire est donc totale.

Mais regardez ce qui se passe à la fin.

Il y a des Israélites qui vont quand même trouver un moyen de râler. Les hommes d’Éphraïm d’abord : « Non mais oh, Gédéon, pourquoi tu ne nous as pas appelés avant, pour qu’on puisse combattre les Madianites avec toi—tu as voulu garder toute la gloire pour toi ! » Mais regardez aussi la réponse de Gédéon. Il aurait pu dire : « Vous ne comprenez pas, c’est l’Éternel qui l’a voulu ainsi, justement pour qu’on ne puisse pas en tirer gloire contre lui et dire : C’est ma main qui m’a sauvé ! » Mais au lieu de ça, Gédéon dit en gros : « Ouais, ben ne te plains pas—au moins toi, tu as pu tuer les princes de Madian. Moi, je n’en ai vraiment rien tiré, de cette histoire ! »

Je pense qu’on doit être un peu dérangé par la fin de ce récit, parce qu’en fait, ce qu’on voit, c’est que malgré tout ce que Dieu a fait pour les Israélites, les Israélites, eux (et même Gédéon) restent centrés sur eux-mêmes. Ils restent préoccupés par leur propre gloire. Il y a un orgueil profond qui résiste vraiment à l’idée que la faiblesse, la fragilité, et la dépendance de Dieu, ça peut être bien.

Ça me fait penser aux petits enfants qui veulent absolument tout faire eux-mêmes. On leur propose de l’aide pour telle ou telle tâche, parce qu’on sait qu’ils ne vont pas y arriver, ou qu’ils vont mal le faire—mais eux, ils résistent : « Nan, c’est moi qui fais ! » Ça vient d’où, ça, alors qu’on leur propose de leur mâcher le travail, de leur faire gagner du temps, et de réaliser un truc dix fois mieux que ce qu’ils pourraient faire eux-mêmes ? Tout simplement, je pense que ça vient de l’orgueil qu’il y a en nous tous—on a envie de pouvoir se flatter soi-même et de pouvoir dire qu’on l’a fait tout seul et qu’on est trop fort !

Mais cette dernière partie de notre texte nous montre que Dieu résiste aux orgueilleux, et qu’il élève les humbles. Et c’est à la fois un avertissement et un encouragement. Un avertissement par rapport à notre tendance à vouloir nous appuyer sur nos propres capacités, nos propres moyens, nos propre mérites pour accomplir les choses que Dieu met devant nous—et donc notre tendance parfois à vouloir surmonter notre faiblesse mais pour de mauvaises raisons. Parce qu’au fond, on voudrait pouvoir dire qu’on est des gens costauds et admirables ! Comme Éphraïm et Gédéon dans notre texte ! Un avertissement, donc.

Mais c’est aussi un encouragement pour ceux qui ont déjà douloureusement conscience de leur faiblesse—parce que dans ma faiblesse immense, Dieu me veut humble. Et parce que c’est dans mon humilité que Dieu va m’élever. C’est dans mon humilité que Dieu va venir à ma rencontre et qu’il va accomplir avec puissance ses projets en moi et à travers moi.

Et cette réalité, on la voit par excellence quand on se tient devant la croix de Jésus-Christ. (Oui, jusqu’ici, j’ai parlé de tout sauf du plus important, mais j’y viens !)

Il y a un sens dans lequel notre passage qui fait l’éloge de la faiblesse, comme on l’a vu, prépare ses lecteurs à accueillir Jésus-Christ. Pourquoi ? Parce que d’après la Bible, Jésus est venu justement sauver des gens qui ne pouvaient pas se sauver eux-mêmes. On était tous séparés de Dieu par notre propre faute, et on était tous destinés à en subir les conséquences pour toujours. Et le problème, c’est qu’on aurait peut-être aimé s’en sortir, mais on aurait aimé s’en sortir par nos propres moyens—et en fait, toute l’histoire de l’humanité c’est l’histoire des hommes qui cherchent le salut par leurs propres moyens.

Mais voilà. C’est impossible de se sauver soi-même. C’est impossible d’expier nos fautes par nous-mêmes et d’acquérir par nous-mêmes le pardon et de régénérer par nous-mêmes notre propre cœur et de vaincre par nous-mêmes la puissance du diable et de réparer par nous-mêmes la relation qui est brisée avec Dieu.

Jésus est venu pour faire tout ça pour nous—et bien plus encore. Et il accomplit tout ça à ses propres frais—au prix de sa vie offerte sur la croix.

Et nous, on a besoin de se rendre compte qu’on ne peut rien ajouter à ce que Jésus a fait pour nous. Comme on l’a dit la dernière fois, en Jésus, Dieu nous a donné tout ce qu’il pouvait nous donner, et nous, on a juste à le recevoir par la foi. Et la foi, c’est l’inverse de la performance : c’est l’anti-performance ! La foi, c’est se reposer sur la performance d’un autre, c’est tout simplement se fier à ce qu’un autre a fait, c’est recevoir avec confiance l’œuvre complète et définitive de Jésus-Christ. Est-ce que vous avez trouvé le repos en Jésus ?

Et donc quand on se tient devant la croix de Jésus-Christ, et qu’on contemple ce que Dieu a suprêmement accompli pour nous si on est croyant, eh bien c’est impossible pour nous de « tirer gloire contre Dieu et de dire : C’est ma main qui m’a sauvé ! »

Donc on peut dire dans un sens que notre passage ce matin—oui, fait l’éloge de la faiblesse, parce que c’est dans un état de faiblesse qu’on est le plus susceptible de reconnaître combien on est dépendant de Dieu. Et ça, c’est vraiment bon pour nous. C’était bon pour les Israélites qui lisaient en premier cette histoire, et qui continuaient d’être visés par l’hostilité de leurs nombreux ennemis—ils avaient besoin d’être humiliés et de se rendre compte qu’ils avaient perpétuellement besoin que Dieu les délivre par sa puissance.

Et tous les humains ont besoin de se rendre compte de ça. On a envie d’être forts et autonomes et indépendants—mais parfois la réalité nous rattrape et on se retrouve malade, handicapé, isolé, pauvre, abattu, brisé, humilié… Et on se demande qu’est-ce qu’on vaut, finalement ? Est-ce qu’on va pouvoir faire quoi que ce soit d’utile et d’intéressant ? Est-ce que notre vie va avoir un sens ? Est-ce qu’on va pouvoir prendre part au projet de Dieu, est-ce qu’on va pouvoir réaliser les choses que Dieu met devant nous ? On se sent si faible !

Eh bien ne craignez pas de vous sentir faibles, n’en ayez pas honte, parce qu’en fait, c’est plutôt bon signe ! Dans ma faiblesse immense, Dieu comprend mes craintes, il vise sa propre gloire, il fortifie ma foi, et il me veut humble. Il a déjà tout accompli pour mon salut éternel par son Fils Jésus-Christ mort et ressuscité pour moi ; il a déjà vaincu tous mes adversaires ; et un jour, j’entrerai dans la joie de son paradis pour toujours, et je ne me sentirai plus jamais faible ! En attendant, dans ma faiblesse immense, Jésus me tient et il ne me lâchera jamais.

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