Est-ce que Dieu se soucie vraiment de mes souffrances ? Il y a plein de raisons pour lesquelles on peut avoir tendance à penser que Dieu ne se préoccupe pas tant que ça de nous, quand on traverse des difficultés.
On peut supposer par exemple que Dieu est beaucoup trop occupé pour ça ! Si Dieu existe, il doit être très pris à gérer l’univers qu’il a créé, à contrôler la tectonique des plaques, à gouverner la météo, par exemple, sans parler des terribles conflits géopolitiques qui déchirent l’humanité un peu partout dans le monde—voilà ce qui doit vraiment préoccuper Dieu. Il n’a pas le temps pour mes petits malheurs à moi.
Ou bien, on peut avoir du mal à penser que Dieu se soucie de nos souffrances, tout simplement parce qu’on ne le voit pas. On ne voit pas Dieu s’occuper de nous, on ne ressent pas son amour, nos prières semblent rester sans réponse. On dirait bien qu’on ne compte pas beaucoup pour lui.
Ou bien, c’est notre théologie qui nous fait penser ça. Puisqu’on a une très, très bonne doctrine de Dieu—nous les réformés évangéliques—eh bien on sait que Dieu est par nature impassible, c’est-à-dire que rien ni personne ne peut avoir d’effet sur lui. Dieu n’est jamais sujet à quoi que ce soit. Bon, ben ça, ça veut bien dire que rien ne peut lui causer des émotions, donc nos souffrances ne le touchent pas, c’est bien ça ?
Ou bien, parfois, on pense que Dieu ne se soucie pas vraiment de nos difficultés, parce qu’on se dit qu’on ne mérite pas qu’il s’en soucie. On se dit qu’on n’est pas assez pieux, pas assez proche de Dieu, qu’on n’a pas assez de foi, qu’on n’a pas une vie de prière assez régulière, qu’on ne lit pas assez fidèlement la Bible, qu’on ne témoigne pas assez à notre entourage—comparé à d’autres personnes qui elles, sont vraiment fortes spirituellement—et donc, ce n’est pas à nous (et à nos épreuves) que Dieu va accorder beaucoup d’attention.
Mais parfois, c’est pire que ça. On se dit que Dieu ne se soucie pas de nos souffrances, parce qu’en fait, il approuve nos souffrances ! Pourquoi est-ce qu’il approuverait nos souffrances ? Parce qu’on fait des choses qui ne sont pas bien. Parce qu’on a le mal en nous, parce qu’on a des mauvaises pensées, des mauvais désirs, et qu’on se sent coupable de ça—eh bien on se dit que c’est juste qu’on souffre. Pourquoi est-ce que Dieu s’émouvrait de nos souffrances alors qu’on les a bien cherchées ?
Alors est-ce que Dieu se soucie de mes souffrances ? Est-ce qu’il se soucie de vos souffrances ce matin ? Est-ce qu’il a de la « peine » pour nous ? Je propose de réfléchir à cette question à travers le texte qu’on va lire et étudier dans un instant. Et à travers ce texte, ce que j’aimerais ce matin, c’est que tous ensemble, on comprenne un peu mieux que si on est croyant, oui, Dieu se soucie de nos souffrances. Oh, comme il se soucie de nos souffrances !
En fait, j’aimerais qu’on comprenne un peu mieux à quel point Dieu se préoccupe réellement de nous, si on est croyant. Et pour ça, on va voir une histoire un peu particulière, où les Israélites vont justement tout faire pour être définitivement rejetés par Dieu, et Dieu va même avoir des paroles très fortes de désapprobation, de rejet et de condamnation à l’encontre des Israélites. Mais Dieu va continuer de les aimer quand même. Et ça, c’est pour nous montrer un truc super important concernant Dieu : c’est qu’il y a des gens que Dieu aime, même quand il n’y a rien d’aimable en eux. En gros, l’amour de Dieu est d’autant plus incroyable qu’il aime des gens qui font tout pour ne pas être aimés !
Et ça, à son tour, c’est pour nous montrer que si on est croyant, Dieu a une miséricorde pour nous qui est ancrée dans autre chose que nous. Si Dieu continue d’aimer des gens et de se soucier de gens qui n’ont clairement rien d’aimable en eux—et même au contraire, qui font tout pour être détestés—alors ça veut dire que ce n’est pas ce que nous on pense, ou ce qu’on fait, ou ce qu’on ne fait pas, qui pourrait avoir la moindre influence sur le souci que Dieu va avoir, ou non, de nous et de nos souffrances. Et ça c’est ultra rassurant, en fait !
Le but du texte qu’on va lire dans un instant, c’est de nous montrer que Dieu est incroyablement miséricordieux envers les croyants, qu’il se soucie personnellement et perpétuellement de nos souffrances, précisément parce que sa miséricorde ne dépend pas de nous, ou de quoi que ce soit qu’on pourrait faire, dire ou penser.
Alors on va lire la suite du livre des Juges là où on s’était arrêté la semaine dernière. Le livre des Juges nous rapporte des événements de l’histoire d’Israël qui se sont passés plus de mille ans avant Jésus-Christ. Et vous allez voir dans ce texte trois choses : d’abord, le peuple d’Israël qui s’enfonce encore plus bas dans sa déchéance et dans sa rébellion contre Dieu ; ensuite, des paroles très, très dures mais très, très justes de la part de Dieu qui condamne sans ménagement les Israélites ; mais enfin, une affirmation très étonnante, en contraste absolu avec tout ce qui précède, qui concerne la disposition du cœur de Dieu envers les Israélites.
Si on est croyant, Dieu a une miséricorde pour nous qui est ancrée dans autre chose que nous. Prenons les choses dans l’ordre. D’abord, l’affront ultime d’Israël.
La première chose que ce texte veut nous communiquer (v. 1-6), c’est vraiment un sentiment d’indignation et d’horreur devant le comportement des Israélites. Et bien sûr, leur comportement doit nous faire réfléchir à notre comportement.
Alors la semaine dernière, on a longuement parlé de ce personnage appelé Abimélek, un Israélite qui a causé beaucoup de tort à Israël. Le comble dans cette histoire, c’était que ce n’était même pas des nations étrangères avoisinantes qui faisaient la guerre à Israël : c’était des Israélites, c’était une guerre civile. Et on avait vu que l’auteur voulait nous montrer combien c’était pitoyable : Israël n’avait même pas besoin de ses ennemis pour se faire du mal et pour essayer de saboter le projet de Dieu !
Alors on a vu que Dieu était intervenu pour éliminer Abimélek et mettre un terme à ses projets mégalomaniaques. Et maintenant dans notre passage, on va avoir de nouveau un témoignage de la bonté de Dieu envers les Israélites. La première phrase, littéralement en hébreu, c’est : « Il se leva, après Abimélek, pour sauver Israël, Tola, fils de Poua… » (v. 1) Autrement dit, même après Abimélek, Dieu est encore là pour sauver les Israélites (sous-entendu pour les sauver d’Abimélek et des conséquences d’Abimélek), et pour leur envoyer encore un juge (un libérateur).
Et pas seulement un juge, mais deux juges à la suite, qui sont mentionnés ici sans beaucoup de détails sinon juste ce qu’il faut pour nous montrer que leur intervention est bien attestée historiquement. Oui, Dieu a vraiment continué de s’occuper des Israélites, il a continué de se montrer généreux malgré tous les horribles épisodes qui précèdent, où les Israélites ont fait le mal, où ils se sont tournés vers des faux dieux, et où ils ont même voulu d’un horrible roi appelé Abimélek. Mais : « Il se leva, [même] après Abimélek, pour sauver Israël, Tola… »
Alors comment les Israélites vont-ils réagir à cette énième manifestation de la bonté de Dieu à leur égard ? Je vous le dis comme ça apparaît en hébreu : « Et encore les fils d’Israël firent ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, et ils servirent les Baals et les Astartés et les dieux de Syrie et les dieux de Sidon et les dieux de Moab et les dieux des fils d’Ammon et les dieux des Philistins, et ils abandonnèrent l’Éternel, et lui, ils ne le servirent pas. » (v. 6)
Est-ce que vous comprenez l’indignation et l’horreur qu’on est censé éprouver en lisant ces lignes ? L’Éternel n’a pas arrêté de faire des bonnes choses pour les Israélites, mais les Israélites en retour vont servir n’importe qui, sauf l’Éternel !
Vous savez, moi, des fois, ça me fait un petit quelque chose quand je fais un truc bien pour l’Église, mais que l’Église ne s’en rend pas compte, et du coup, personne ne me dit merci. Ou pire, des fois, je fais un truc pour l’Église, et c’est quelqu’un d’autre qui est remercié. Voilà, ça me vexe un peu parce que je suis orgueilleux, c’est comme ça ! Mais je vous rassure, je n’en veux à personne, parce que je sais très bien que personne ne peut deviner exactement qui a fait quoi, et donc c’est déjà bien s’il y a une certaine reconnaissance qui s’exprime.
Dans notre passage, au contraire, c’est hyper choquant parce que les Israélites devraient parfaitement savoir, depuis le temps, tout ce que l’Éternel fait pour eux. Ce n’est pas en secret, ce n’est pas caché dans les coulisses (bien que Dieu fasse aussi beaucoup de choses dans les coulisses !)—mais toutes les grandes œuvres de délivrance qu’il y a eues dans l’histoire d’Israël, il y a eu beaucoup de témoins et de prophètes pour expliquer et rappeler aux Israélites que tout ça, c’est l’œuvre fidèle et généreuse de l’Éternel en leur faveur !
Et donc si moi, petit être orgueilleux et susceptible, je suis un peu vexé quand d’autres personnes reçoivent la reconnaissance pour quelque chose que moi, j’ai fait… à combien plus forte raison l’affront est-il monstrueux et infâme et gravissime quand la reconnaissance qu’on doit, en connaissance de cause, à l’Éternel, le Dieu unique et vivant, le Dieu juste et droit, le Dieu trois fois saint—quand la reconnaissance qu’on lui doit, on la donne à tout le monde sauf à lui ! Vous comprenez ? C’est ça, l’affront ultime d’Israël dans notre passage.
Dieu n’arrête pas de délivrer les Israélites, mais à chaque fois, on a l’impression qu’ils tombent encore plus bas que la fois d’avant. L’apôtre Pierre dans le Nouveau Testament a trouvé une bonne image ; il dit : « La truie à peine lavée va se vautrer dans le bourbier. » (2 Pi 2.22) On l’a bien savonnée, on lui a fait son shampooing, on l’a bien frottée, bien astiquée, bien rincée, bien séchée, bien coiffée, bien parfumée… mais oh, qu’est-ce qu’on a là ? Une fosse septique remplie de liquide infect et d’excréments ! Le rêve ! Hop, plouf !
C’est absurde et c’est tragique. Et c’est la première chose qu’on voit dans ce passage. Mais comme je le disais, le comportement des Israélites ici doit nous faire réfléchir à notre comportement. Est-ce qu’on est spontanément et perpétuellement animé d’une grande reconnaissance à Dieu pour tous les bienfaits qu’il nous donne ?
On est vivant, on a de quoi se nourrir et de quoi se vêtir chaque jour, on a de l’air gratuit à respirer à chaque instant, on a pu venir à l’Église aujourd’hui, on a probablement quelques amis qui nous aiment… La Bible dit qu’en Dieu, « nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17.28), parce qu’on est ses créatures, et notre existence lui est suspendue ; mais est-ce qu’on sert Dieu vraiment à la hauteur de ce que lui a fait, et continue de faire, pour nous ?
Ou bien est-ce qu’on est prompts à nous tourner vers des idoles, vers des faux dieux, vers des possessions, des projets ou des personnes auxquelles on préfère s’attacher plutôt qu’à Dieu ?
Eh bien c’est parce qu’en fait, on est fait de la même pâte que les Israélites dans notre passage. On a la même nature, une nature dite « pécheresse », c’est-à-dire qui est infectée par le mal, et donc malgré tout ce que Dieu fait pour nous, il y a quand même quelque chose en nous qui nous incite à le rejeter—et ça c’est le début d’une mauvaise nouvelle pour nous.
Mais on a besoin de passer par là pour bien comprendre ce que ce passage nous enseigne sur la miséricorde incroyable de Dieu envers les croyants—et on va y venir dans un instant. Mais avant ça, il y a la suite de la mauvaise nouvelle.
La suite de la mauvaise nouvelle, c’est le deuxième point : après l’affront ultime d’Israël, il y a maintenant le châtiment ultime de Dieu. En effet, la deuxième chose que ce passage veut nous faire comprendre (v. 7-14), c’est que Dieu est patient, mais pas indéfiniment, et que l’infidélité à Dieu attirera toujours en fin de compte son juste châtiment. Et ça aussi c’est très important à comprendre avant de voir ce que ce texte nous dit sur la miséricorde de Dieu.
Alors qu’est-ce qu’on a dans le texte maintenant ? Après la réponse d’Israël aux bienfaits de Dieu (une réponse pour le moins insultante), on a maintenant la réponse de l’Éternel à l’affront d’Israël. Et cette réponse doit nous faire froid dans le dos, elle doit nous faire peur, parce que la réponse de Dieu est terrible.
D’abord, Dieu livre les Israélites entre les mains de leurs ennemis (v. 7-9)—pour l’instant, ça ce n’est rien de nouveau. Dieu avait dit qu’il se servirait des nations environnantes pour exercer sa discipline paternelle (et bienveillante) envers son peuple, dans le but de le ramener à son bon sens et de le ramener dans la justice et la vérité.
Mais cette fois, ça va plus loin. Le peuple d’Israël une fois opprimé par ses ennemis se trouve « dans une grande détresse » (v. 9) et se met à « crier à l’Éternel » (v. 10). On est habitué à ce motif dans le livre des Juges, et normalement, maintenant, il y a Dieu qui va intervenir d’une manière ou d’une autre pour secourir son peuple. La dernière fois, on avait été un peu surpris parce qu’au lieu de susciter un juge (ou un libérateur), Dieu avait suscité un prophète (cf. Jg 6.6-7), mais il leur avait quand même envoyé un juge juste après : il s’agissait de Gédéon.
Mais là, maintenant, qu’est-ce qui se passe ? Les Israélites crient à l’Éternel, et l’Éternel leur dit : « Maintenant, ça suffit. Est-ce que je ne vous ai pas sauvés à de maintes reprises dans votre histoire, de plein d’ennemis différents ? À chaque fois, ils vous ont opprimés, vous avez crié vers moi, et je vous ai délivrés ! Mais qu’est-ce que vous avez fait après ? Vous m’avez rejeté ! Eh bien là, c’est terminé. Vous avez voulu servir d’autres dieux, eh bien demandez-leur à eux de vous délivrer. »
C’est hyper, hyper grave ce qui se passe ici. Et c’est hyper important qu’on mesure bien ce qui se passe. Ce qui se passe, c’est que Dieu prononce la condamnation de son peuple. C’est aussi simple que ça. Dieu s’est montré patient, il s’est montré généreux, il est intervenu encore et encore en faveur de son peuple, mais là il dit stop. À ce stade de l’histoire d’Israël, on est censé comprendre que ce peuple a grillé toutes ses cartes. Ils ont atteint le fond. Ils ont atteint le point de non-retour. Ils n’ont plus de joker, plus rien ; Dieu lui-même leur dit : « Je ne vous sauverai plus ! » (v. 13)
Est-ce que vous pouvez imaginer, si un jour, Dieu vous disait : « Cette fois, Alex, tu as dépassé les bornes. Tu as péché une fois de trop. Je me détourne de toi, je te laisse, je te maudis. Va voir chez les musulmans ou chez les bouddhistes si j’y suis. »
Mes amis, j’ai une boule dans la gorge, j’ai mal à l’estomac, et j’ai les jambes qui tremblent juste à imaginer que Dieu puisse m’abandonner.
C’est effroyable. Mais ce qui se passe dans notre passage ne devrait pas nous surprendre. Est-ce qu’on pensait que la patience de Dieu était infinie ? C’est-à-dire qu’elle n’aurait jamais de fin ? Le principe même de la patience, c’est de retarder, de repousser, de différer quelque chose qui doit arriver—mais ce truc-là, il doit quand même arriver !
Je suis patient envers mes enfants si je ne les punis pas tout de suite à la première bêtise. Je suis patient si je les avertis, et si je leur donne une deuxième, une troisième, une quinzième chance avant de les punir. Je suis patient si la première punition est légère, et si la deuxième et la quinzième punition sont légères. Je suis patient si les punitions augmentent doucement en intensité. Je suis patient si, pendant tout ce temps, je ne confisque pas tous leurs jouets et si je ne les prive pas de dessert pendant six mois. Mais si, après tout ça, leur comportement a empiré, et ils se fichent complètement de moi, et ils envoient balader toutes mes tentatives de les raisonner et de les ramener dans le droit chemin—eh bien, quand la justice finit par être strictement exercée, ce n’est pas contraire à ma patience, vous comprenez ?
Voici ce que Dieu avait déclaré au peuple d’Israël à travers Moïse, bien des générations auparavant, lorsque Dieu avait délivré les Israélites de l’esclavage en Égypte, et qu’il avait averti son peuple par rapport à la tentation qu’ils auraient de suivre d’autres dieux :
« L’Éternel dira : Où sont leurs dieux, le rocher qui leur servait de refuge, ces dieux qui mangeaient la graisse de leurs sacrifices, qui buvaient le vin de leurs libations ? Qu’ils se lèvent, qu’ils vous secourent, que ce soit pour vous une protection ! » (Dt 32.37-38)
Bref, dans notre passage, Dieu est simplement en train de faire ce qu’il a dit qu’il ferait, et qu’il a longtemps patienté avant de faire. Dieu n’a jamais dit qu’il serait un distributeur automatique de pardon, qu’il suffisait d’actionner en mettant quelques pièces de pénitence dans la fente—ni même beaucoup de pièces de pénitence. Dieu est patient, oui, mais il est juste. Et parce que Dieu ne change pas, eh bien il y a un juste châtiment qui est nécessairement réservé à l’infidélité à Dieu. Et ce châtiment ultime—mais juste—c’est d’être abandonné par Dieu.
Finalement, le texte est en train de nous rappeler ici quels sont les mécanismes de ce qu’on appelle en théologie « l’alliance des œuvres »—l’alliance sous laquelle on existe tous par nature. C’est-à-dire les termes ou les conditions de notre existence en tant qu’êtres humains sur la terre—des termes définis par Dieu qui est l’auteur de notre existence. Quels sont ces termes ? Eh bien, on est sous la loi de Dieu qui est notre créateur, et en vertu de cette loi, on doit satisfaire activement aux exigences positives de la justice de Dieu d’une part, c’est-à-dire accomplir le bien que Dieu attend de nous ; et on doit aussi satisfaire passivement aux exigences négatives de la justice de Dieu d’autre part, c’est-à-dire supporter le châtiment requis contre nos manquements à sa loi.
Vous suivez ? Ça veut tout simplement dire qu’on est naturellement en très, très mauvaise posture devant Dieu ! Et les Israélites qui lisent ce texte sont censés se dire : « Ah mais oui, en effet, il y a longtemps qu’on grillé toutes nos cartes. Il y a longtemps qu’on a épuisé la patience de Dieu. Il y a longtemps que notre condamnation a été prononcée. Ça fait longtemps qu’on devrait savoir qu’on mérite d’être définitivement abandonné et maudit par Dieu. »
Et ça, c’est aussi le message qu’on devrait entendre aujourd’hui, et qui est hyper important qu’on entende, à ce stade de notre passage, pour bien comprendre ce qui va venir après.
Ce sont les deux parties de la mauvaise nouvelle : 1/ on a une nature qui est infectée par le mal, et 2/ Dieu a prononcé depuis longtemps notre condamnation. Mais la question qu’on doit se poser avant de passer à la suite, c’est : est-ce qu’on est prêt à entendre ça ? À le croire ? À l’accepter ? Est-ce qu’on plaide coupable en reconnaissant qu’on n’arrive pas à produire par nous-même suffisamment d’œuvres de pénitence, ou des œuvres de pénitence d’une qualité suffisante—des cris à l’Éternel suffisamment efficaces !—pour éradiquer de notre cœur notre propension à nous détourner de Dieu et à suivre des faux dieux ?
J’espère que vous reconnaissez à ce stade du texte (et de ma prédication) que vous êtes incapables de produire par vous-mêmes quoi que ce soit qui puisse prolonger à l’infini la patience de Dieu, ou annuler, ou inverser la condamnation et la malédiction que Dieu prononce sur votre vie, selon sa justice.
Parce que c’est dans cette posture seulement que vous pourrez comprendre ce qu’il y a d’absolument merveilleux et de bouleversant dans ce passage—si vous vous demandez ce matin si Dieu se soucie de vos souffrances.
Troisièmement : l’assurance ultime des croyants. Ce que j’aimerais qu’on voie maintenant, pour terminer, c’est qu’il y a de l’espoir quand même ! Et plus que de l’espoir. Il y a une assurance, une assurance ultime pour les croyants, parce qu’elle est fondée sur un truc qui est absolument impossible à détruire ou à changer.
Revenons au texte une dernière fois. Dieu vient de prononcer la condamnation de son peuple. Il a dit : « Je ne vous sauverai plus, c’est terminé. Tournez-vous vers vos autres dieux. » Alors comment réagissent les Israélites maintenant ? Le texte dit qu’ils vont supplier Dieu encore plus, et même, qu’ils vont retirer les faux dieux et se remettre à rendre un culte à l’Éternel. Mais notez bien ce qui est écrit : les Israélites ne se mettent pas vraiment en peine de la rupture de la relation avec l’Éternel, ce qu’ils veulent, c’est être délivrés aujourd’hui.
« Traite-nous comme il te plaira. Seulement, daigne nous délivrer aujourd’hui ! » (v. 15)
Un des commentateurs que j’ai consultés sur ce passage dit que les Israélites ne sont pas foncièrement repentants, ici. Ce qui les dérange, ce n’est pas leur infidélité, mais c’est l’oppression de leurs ennemis. Ce qui leur cause de la peine, ce n’est pas que eux, ils font le mal, mais c’est que d’autres leur font du mal. Et donc ils crient à Dieu pour des motifs qui sont centrés sur eux-mêmes et sur leur intérêt personnel, et pas sur Dieu, sur leur relation à Dieu ou sur le projet de Dieu.
Et c’est tout ça qui établit le contexte de la petite phrase qui vient juste après. « L’Éternel fut touché des maux d’Israël. » (v. 16) Dans notre traduction, on peut avoir l’impression que c’est le résultat des œuvres de pénitence d’Israël : les Israélites enlèvent les faux dieux, alors l’Éternel fut touché… Mais en réalité, ce n’est pas ça que le texte dit. Le texte ne dit pas que l’Éternel est touché de la repentance d’Israël, mais qu’il est touché de la souffrance d’Israël. Dieu n’est pas du tout touché par quelque chose que les Israélites font dans notre passage.
En fait, le texte est en train de nous dire que malgré l’affront ultime d’Israël, et malgré le châtiment ultime de Dieu, et dans un contexte où les Israélites n’éprouvent même pas de véritable contrition—eh bien Dieu est quand même touché de leur souffrance.
Le texte en hébreu dit littéralement que l’âme de Dieu, son for intérieur, le siège de ses affections est « contracté, rétréci, fauché » à cause des douleurs d’Israël.
La Bible Martin dit : « L’Éternel fut touché en son cœur de l’affliction d’Israël. » La Bible Darby : « Son âme fut en peine de la misère d’Israël. » La Bible de Jérusalem : « Yahvé ne supporta pas plus longtemps la souffrance d’Israël. » La Bible de Neuchâtel : « Son âme ne put supporter plus longtemps les souffrances d’Israël. »
Ce que je veux que vous compreniez ici, c’est que la compassion de l’Éternel envers le peuple d’Israël est totalement indépendante des œuvres d’Israël, et on en a la preuve dans ce chapitre, puisque les Israélites n’ont jamais autant insulté Dieu, et Dieu ne les a jamais condamnés aussi sévèrement—et pourtant, l’âme de Dieu se contracte à cause de leur douleur !
Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il a, ce peuple, pour que Dieu soit touché comme ça par ses souffrances ? Comment ça se fait qu’un peuple si ingrat, si infidèle, si effronté, puisse continuer de faire l’objet de l’intime compassion de Dieu ?
Eh bien c’est parce que le statut de ce peuple dans le cœur de Dieu ne dépend aucunement des qualités propres de ce peuple, de ses performances ou de ses mérites, mais seulement de Dieu qui a voulu de ce peuple pour qu’il lui appartienne, et pour qu’il soit le vecteur de sa bénédiction au monde, notamment et suprêmement par l’enfantement du messie, le grand libérateur que Dieu avait promis, et par lequel une multitude d’hommes, de femmes et d’enfants issus de toutes les nations seraient délivrés du mal et de la mort pour vivre en communion avec Dieu et les uns avec les autres pour toute l’éternité.
La Bible dit que Dieu a décidé, avant même de créer le monde, que tous les croyants seraient sauvés ; et il y a eu une sorte d’accord qui a été conclu en Dieu, entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit, pour réaliser le salut des croyants—avant même que le monde ne fût créé. Dans cet accord, le Fils a accepté d’avance de prendre sur lui le châtiment des croyants, de détourner sur lui-même la malédiction due à leurs péchés, et pour ça, il a accepté d’avance de prendre la condition d’un homme, de naître dans le peuple d’Israël et de mourir sur la croix.
Là où je veux en venir, c’est qu’il y avait de l’amour en Dieu pour les croyants avant même la création de l’univers—parce que Dieu aimait les croyants en son Fils qui acceptait de nous unir à lui dans sa mort expiatoire et sa résurrection triomphale. Ce sont des mots compliqués que j’utilise ici, mais tout ce que je veux que vous compreniez, c’est que si Dieu est touché des souffrances d’Israël dans notre texte, c’est parce que Dieu aime les croyants de toute éternité en son Fils, et que son Fils le Seigneur Jésus-Christ n’est pas encore issu d’Israël à ce moment-là de l’histoire—la descendance promise n’est pas encore venue, elle est encore « dans les reins » d’Israël, si j’ose dire.
Autrement dit, Dieu est touché des maux d’Israël dans notre passage, parce qu’il aime les croyants d’un amour éternel en vertu de son Fils Jésus-Christ. Vous comprenez ? Dieu est touché des maux d’Israël dans notre passage, non pas en vertu d’Israël, mais en vertu de lui-même. C’est pour ça que les Israélites ont peut-être grillé toutes leurs cartes, ils ont tout fait pour se rendre détestables et pour être rejetés, et pourtant Dieu a de la compassion pour leurs souffrances. Cette compassion est ancrée dans l’amour éternel que Dieu porte à tous les croyants en son Fils Jésus-Christ.
Mes amis, c’est incroyable ce que ça veut dire pour nous. Si on est croyant ce matin, ça veut dire que Dieu nous aime d’un amour qui ne dépend absolument pas de nos qualités propres, de nos performances ou de nos mérites. En fait, si on est croyant, on peut dire d’une certaine marnière que Dieu nous aime par nature : parce que l’amour qu’il nous porte c’est l’amour que le Père porte au Fils dans toute l’éternité (puisque si on est croyant, Dieu nous a uni à Jésus par le moyen de la foi). Et si c’est vrai que Dieu nous aime de l’amour que le Père a de toute éternité pour le Fils, alors cet amour est aussi indestructible que Dieu lui-même.
Elle est là, l’assurance ultime des croyants. C’est un peu comme si vous étiez en train de faire de l’escalade, et à un moment donné, vous n’avez plus le choix que de lâcher la paroi et de vous suspendre à la corde. Sauf que par réflexe et par peur, vous prenez la corde à deux mains et vous tirez dessus de toutes vos forces pour vous tenir. Le truc, c’est qu’en faisant ça, vous allez vous fatiguer et vous ne pourrez pas tenir très longtemps ! Or au lieu de paniquer, au lieu de vous agiter, au lieu de vous épuiser, si vous lâchez la corde, là vous allez vous rendre compte qu’en fait, vous êtes parfaitement tenu par votre baudrier.
Ce texte est là pour rappeler aux Israélites qui vont lire cette histoire par la suite, qu’ils ont déjà essayé de subsister en tenant la corde à bout de bras, et qu’ils n’ont pas réussi. Le texte veut leur rappeler qu’il n’y a rien de propre à eux-mêmes qui puisse leur assurer la faveur de Dieu—en fait, ils peuvent voir dans cette histoire qu’ils ont déjà franchi le point de non-retour. Mais. Il y a un amour plus grand en Dieu. Dieu a quand même compassion, non pas à cause d’eux, mais à cause de lui-même.
Comme le dira le prophète Ésaïe quelques siècles plus tard :
« Un court instant, je t’avais abandonnée, mais avec une grande compassion je te recueillerai ; dans un débordement d’indignation, je t’avais un instant dérobé ma face, mais avec un amour éternel j’aurai compassion de toi, dit ton rédempteur, l’Éternel. » (És 54.7-8)
Et donc le lecteur est placé dans cette attente à la fin du chapitre : « Quel est l’homme qui commencera l’attaque contre nos ennemis ? » (v. 18) Dieu va sûrement faire quelque chose dans sa grande compassion devant nos souffrances. Il va faire quelque chose par amour pour les croyants. Et bien entendu, la réponse ultime à cette attente, ce n’est pas Jephté le Galaadite qui va arriver dans le chapitre suivant, mais c’est Jésus de Nazareth qui va arriver plus de mille ans plus tard.
Et c’est lui qui va combattre les ennemis des croyants, qui va prendre nos péchés pour en régler la dette sur la croix, qui va écraser la tête du diable en le dépouillant de toutes ses munitions, et qui va triompher de la mort par sa résurrection.
Mais pour conclure. La question qu’on se posait au tout début, c’était la suivante : est-ce que Dieu se soucie vraiment de mes souffrances ? Et peut-être que vous vous posez cette question parce que vous êtes malade et qu’il n’y a pas vraiment d’espoir de guérison rapide ou facile, et que la compassion de Dieu ne vous est pas très perceptible en ce moment.
Ou bien peut-être que vous traversez des difficultés relationnelles, sur le plan familial ou professionnel, et c’est très douloureux pour vous, mais vous imaginez Dieu comme étant très froid, distant, imperturbable—quelqu’un de trop important pour avoir des émotions, ou quelqu’un de trop occupé pour vous accorder de l’attention.
Ou bien peut-être que vous êtes en proie au découragement, au doute ou à la dépression, et au fond, vous vous sentez coupable et vous vous dite que c’est bien ce que vous méritez—ce serait déplacé si Dieu avait de la compassion pour vous dans cette situation, alors que vous en êtes tout-à-fait indigne !
Eh bien j’aimerais que nous tous, on devienne peut-être un peu plus convaincu de la leçon de ce passage ce matin : c’est que si on est croyant, Dieu a une miséricorde pour nous qui est ancrée dans autre chose que nous. Oui, Dieu se soucie de nos souffrances si on est croyant. Oh, comme il se soucie de nos souffrances ! Parce que si on est croyant, Dieu nous aime d’un amour éternel, Dieu nous aime de l’amour parfait qu’il a pour son Fils Jésus-Christ à qui on est uni par la foi, Dieu nous aime par nature, et tant que Dieu sera Dieu, il aura compassion de nous dans nos souffrances !
Souvent, on est comme des enfants amnésiques qui regardent leur père sans le reconnaître. On voit cette figure puissante, juste et sage, et il y a quelque chose en nous qui nous fait désirer sa faveur, sa compassion, son amour. Mais on ne sait pas trop quoi faire pour l’obtenir, alors on tente des trucs, on essaie de faire les yeux doux, on tente un peu de manipulation émotionnelle, ou alors on essaie de provoquer sa pitié. Or parce qu’on est amnésique, on oublie qu’on est déjà son enfant et qu’il nous aime déjà d’un amour parfait et indestructible. Lui, il n’est pas amnésique, et il nous dit : « Arrête de gesticuler comme si tu pouvais avoir la moindre influence sur mon amour et ma compassion pour toi. Regarde plutôt ton certificat de naissance. Je suis ton père et je t’aime depuis toute l’éternité ! »
Et je veux simplement terminer avec ça. Il n’y a qu’une seule question à se poser finalement pour savoir si Dieu se soucie vraiment de nos souffrances. Cette question, c’est : est-ce que ma foi est en Jésus ? Est-ce que je me repose en lui ? Est-ce qu’il est tout pour moi ? Si oui, ça veut dire que je suis un enfant de Dieu, et que Dieu se soucie personnellement et perpétuellement de toutes mes souffrances aussi certainement que le Père aime le Fils.