Vous savez, on dit parfois que les chiens au bout d’un certain temps finissent par ressembler à leur maître ! Et de la même façon, on dit parfois que l’Église locale tend à ressembler à ses responsables, particulièrement à son pasteur. Eh bien, moi qui suis dans la vingtième année de mon ministère dans notre Église, je peux vous dire… que ce n’est pas vrai ! Regardez comme vous êtes jeunes, dynamiques, beaux, forts et intelligents ! Pas du tout comme votre pasteur !
Par contre, là où je pense qu’on a un point en commun, vous et moi – ou en tout cas un certain nombre d’entre vous, et moi – c’est qu’on est triste. Je veux dire par là que la tristesse est une réalité assez ordinaire, assez habituelle même, de ma vie – du moins en ce moment, et je sais que c’est le cas pour un certain nombre d’entre vous. La question que je me pose, c’est : est-ce que c’est vous qui avez déteint sur moi, ou est-ce que c’est l’inverse ?
Peu importe. Le sujet qu’on va aborder aujourd’hui, c’est la tristesse, et ce genre de tristesse qui monte de très profond en nous, si profond qu’on ne sait pas trop d’où ça vient, on ne sait pas où se cache l’usine en nous capable de produire ce genre de chose. Parce que si on le savait, on la mettrait à l’arrêt, cette usine, n’est-ce pas ?
Et cette tristesse, parfois, elle s’accompagne d’un sentiment de grande solitude. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Premièrement, parce qu’on n’a pas l’impression que les gens nous comprennent, même les personnes les plus proches de nous. Deuxièmement, parce qu’on n’a pas l’impression que les gens sont même capables de nous comprendre. Troisièmement, parce que même s’ils pouvaient nous comprendre, on n’a pas l’impression d’avoir les mots ou les moyens d’exprimer correctement ce qu’on traverse. Quatrièmement, même si on avait les moyens de le faire, souvent on n’en a pas envie parce qu’on ne veut pas déranger les gens, on ne veut pas passer pour quelqu’un qui se plaint tout le temps, on a honte de se sentir mal alors qu’il y a des gens autour de nous qui vivent des trucs dix mille fois pires. On se sent seul, cinquièmement, parce que même si on ne dit rien, on aimerait trop que quelqu’un nous demande comment ça va, que quelqu’un nous prenne par le bras pour nous dire qu’il se fait du souci pour nous, que quelqu’un nous envoie un petit WhatsApp pour nous dire qu’il est solidaire de notre tristesse – mais ça arrive trop rarement. Et quand ça arrive, on se dit que la personne a dû faire ça par un sentiment de devoir, parce qu’elle se sentait obligée, et pas parce qu’elle s’est sentie poussée, pressée, par une compassion sincère.
Des fois, on est vraiment triste, et on se sent vraiment seul dans notre tristesse. Est-ce que ça vous est déjà arrivé ?
Vous savez, quand on est croyant, on imagine parfois que plus on est mûr dans la foi, plus on est pieux, plus on est proche de Dieu… et moins on se sent triste. En fait, la tristesse est un sentiment très ordinaire chez les croyants, d’après la Bible. Le texte qu’on va regarder dans un instant, c’est un passage de la Bible assez connu (si on est chrétien depuis un certain temps). C’est un passage qui nous parle, justement, de la tristesse d’un croyant.
Et l’intention de ce texte, c’est de donner aux croyants des mots à mettre sur leur tristesse. Rappelons-nous que la Bible, pour nous les croyants, c’est un livre qui a été inspiré par Dieu. Donc l’auteur de ce texte qu’on va lire, il l’a écrit en étant conduit par Dieu qui voulait que ce passage fît partie de la Bible. Et si Dieu a voulu que ce passage fît partie de la Bible, c’est pour que nous qui sommes tristes, nous pussions nous sentir en bonne compagnie – en compagnie d’un croyant comme nous, et même d’un croyant meilleur que nous, qui trouve les bons mots (inspirés par Dieu) pour exprimer sa tristesse et pour nous aider à comprendre la nôtre, de tristesse. Et rien que ça, c’est déjà rassurant.
Mais ce texte est aussi là pour nous rassurer d’une autre manière : en nous montrant que si on a la foi en Dieu, cette foi, elle a quelque chose à dire à notre tristesse. Si on a la foi en Dieu, peut-être que la tristesse continue d’être une réalité assez ordinaire de notre vie, mais il y a aussi une autre réalité ordinaire – c’est celle de notre espérance. Et on va voir aujourd’hui ce que ça veut dire.
Avant de lire le passage, finalement, j’aimerais résumer en une phrase toute la leçon que j’espère qu’on va retenir ce matin. Dieu accueille avec tendresse et miséricorde le chagrin de ses enfants, à qui il s’est donné sans réserve, pour les tenir dans leurs afflictions.
On peut diviser ce texte en trois parties, qui sont chacune structurées à peu près pareil : on a d’abord la description d’un truc négatif, qui se conclut ensuite par un truc positif. Ces trois parties sont : versets 2-6, puis 7-9, puis 10-12. Le verset 1, dans mon édition de la Bible, c’est tout simplement le titre. C’est marqué que c’est un poème ou un chant qui a été écrit « pour le chef de chœur », et « par les fils de Qoré », mais en fait, on peut aussi traduire « pour les fils de Qoré » – les fils de Qoré, c’était une confrérie de chantres, c’est-à-dire des musiciens responsables de la louange au temple de l’Éternel, il y a très, très longtemps.
La précision que je viens de faire n’est pas hyper importante, mais ça peut être pertinent, parce que le texte lui-même ressemble beaucoup au style du roi David, et si c’est bien le roi David qui s’exprime dans cette lamentation, alors c’est encore plus remarquable. Voilà un homme de Dieu, un homme « selon le cœur de Dieu », qui éprouve une très grande tristesse, et qui l’exprime avec beaucoup de sincérité. Si le roi d’Israël lui-même éprouve ce genre de chose, alors les gens qui reçoivent ce texte en premier, c’est-à-dire les Israélites, les sujets du royaume du roi David, doivent se dire : « Wouah, alors le grand roi David, l’homme selon le cœur de Dieu, il est comme moi, lui aussi il ressent des trucs comme ça, je ne suis donc pas tout seul, je ne suis pas bizarre, et je n’ai pas besoin d’avoir honte ! »
En tout cas, regardons le texte. Premièrement, je suis triste... et je sais ce qui me manque. Ce qui me manque réellement. Est-ce que vous savez, quand vous êtes triste, ce que c’est qui vous manque réellement ? Je ne parle pas de la voiture de sport que vous ne pourrez jamais vous payer, ni des vacances aux Maldives, ni du chalet de luxe à la montagne. Je ne parle même pas du travail que vous aimeriez trouver, ni du conjoint ou de l’enfant que vous n’arrivez pas à avoir, ni de la guérison physique à laquelle vous aspirez.
Dans le texte, la première chose qu’on voit, c’est que la cause profonde de notre tristesse, est une cause relationnelle : il nous manque quelque chose dans notre relation à Dieu et dans notre relation aux autres.
Si vous regardez bien le texte, il y a vraiment ces deux choses qui manquent à l’auteur, et qui sont a l’origine de sa tristesse. Dieu lui manque, et la solidarité des autres croyants lui manque. Et les termes et les expressions qu’il emploie pour exprimer ce manque et cette tristesse, sont hyper forts. « Comme une biche assoiffée, qui n’a qu’un seul objectif, c’est trouver de l’eau, de même, mon âme soupire après toi, ô Dieu ! Mon âme gémit de soif intérieurement, elle languit après Dieu, le Dieu vivant ! »
Et l’auteur du texte ajoute que « ses larmes sont sa nourriture jour et nuit », c’est-à-dire qu’il a perdu l’appétit, il ne mange plus, sa tristesse a pris toute la place. Je suis sûr que ça vous est déjà arrivé, à certains d’entre vous, d’être accablé de tristesse, et vous ne pensez même plus à manger. Vous n’avez même pas faim. Il faut savoir que quand on est en état de dépression, il arrive qu’on n’ait plus envie de manger, tout simplement parce qu’on n’a plus de plaisir à manger. Il faut savoir aussi que quand on est dans un état d’anxiété, notre cerveau sécrète une hormone qui ralentit aussi le système digestif.
Et parfois, on pleure, on pleure si fort qu’on ne peut pas manger. Vous avez déjà essayé de manger en sanglotant ? C’est impossible. On passe son temps à essuyer ses larmes et à se moucher. Et en fait, c’est ça que le texte nous décrit.
Mais ce qui est frappant, c’est que l’auteur nous dit que ce qui cause une telle tristesse, c’est qu’il est privé de quelque chose de très particulier. Il est privé d’une proximité avec Dieu – une proximité dont il faisait l’expérience quand il pouvait aller au temple (à « la maison de Dieu », v. 5) en compagnie des autres croyants.
Est-ce que vous avez déjà pensé que votre tristesse, fondamentalement, au plus profond de vous-même, ça pouvait venir de ça ? Certes, il y a des facteurs déclencheurs : un souvenir, un échec, la fatigue, une adversité, une précarité… et d’ailleurs si c’est bien le roi David qui écrit ce psaume, eh bien il est fort probable qu’il l’ait écrit avant d’être roi, quand il était persécuté par le roi Saül et qu’il était obligé de fuir et de se cacher pour sa propre sécurité. Mais ce n’est pas ce danger objectif qui cause fondamentalement sa tristesse – c’est le fait de se sentir privé de Dieu parce qu’il est privé du culte au temple et de la communion avec les autres croyants.
Imaginez qu’une de vos plus grandes joies dans la vie, c’est de faire partie de l’Église Lyon Gerland. Le dimanche, c’est votre jour préféré parce que vous allez pouvoir rendre un culte à Dieu avec les gens que vous aimez le plus au monde. Vous êtes membre de l’Église, vous avez donné votre consentement au traitement de vos données personnelles afin d’être ajouté à la liste de diffusion et à la communauté WhatsApp, et dès que vous recevez une notification de l’Église sur votre smartphone, il y a votre poitrine qui se resserre et votre cœur qui tressaille d’émotion – c’est un frère, c’est une sœur, c’est votre Église, c’est la vie du peuple de Dieu ; c’est Dieu, en fait, à travers la vie de son peuple !
Maintenant imaginez que pendant, disons, trois mois, vous soyez privé de tout ça. Pas un seul dimanche au Théâtre de Lulu pour le culte, pas un seul mardi au groupe de maison, vous êtes supprimé de tous les groupes WhatsApp de l’Église – plus de message le mercredi sur le groupe logistique et accueil pour dire qu’il manque encore deux ou trois personnes dans l’équipe, plus de mail de Maïlys avec les consignes pour la louange, plus de petite annonce de Colin Cachard sur le groupe de recherche d’un local…
Ça, c’est la tristesse du roi David dans notre passage. Parce que pour lui, sa relation avec Dieu est inséparable de sa relation avec les autres croyants. Il a soif de Dieu parce qu’il ne peut pas aller à l’Église. Et il met ces mots-là sur sa tristesse. Il est triste parce qu’il est persécuté, certes, mais au fond, ce n’est pas la persécution qui explique sa tristesse, c’est plutôt que Dieu lui manque, et la solidarité des autres croyants lui manque.
Est-ce que vous avez déjà mis ces mots-là sur votre tristesse ? Il y a sûrement des facteurs déclencheurs de votre tristesse, mais la cause profonde de cette tristesse, c’est une cause relationnelle : il nous manque quelque chose dans notre relation à Dieu et dans notre relation aux autres. Et en fait, au plus profond de nous-même, on aspire existentiellement à ça. On aspire à être connecté à Dieu et aux autres.
D’après la Bible, on a été fait pour ça. On a été fait pour vivre dans une douce communion avec Dieu, et dans une douce communion les uns avec les autres. On n’a pas été fait pour vivre seul. On n’a pas été fait pour être indépendant. On n’a pas été fait pour qu’on se suffise à soi-même. Réfléchissons déjà à ça, et mettons ces mots-là sur notre tristesse ! Si je me sens seul dans ma tristesse, et si je désire être compris et accepté et entouré et réconforté et aimé, c’est un bon désir. J’ai soif de Dieu, en fait. Et par la solidarité des frères et sœurs de l’Église, c’est l’amour de Dieu, en fait, qui m’est communiqué. C’est normal que j’aie envie de ça.
Donc l’auteur de notre texte est triste, et il sait ce qui lui manque. Il exprime un truc négatif, mais cette première partie se conclut quand même par un truc positif (v. 6). Ce truc positif, c’est tout simplement qu’il reconnaît que ce qui lui manque, ce n’est pas juste une utopie, ce n’est pas juste un rêve impossible, un truc qui n’existera jamais. Il reconnaît que Dieu existe, et puisqu’il existe et que rien n’est impossible à Dieu, eh bien Dieu peut satisfaire la soif du roi David, il peut satisfaire notre langueur existentielle, il peut parfaitement consoler notre tristesse. Est-ce qu’on a conscience de ça, et par conséquent, est-ce que, dans notre tristesse, on a placé nos espoirs en lui – est-ce qu’on a reconnu quel était l’objet réel de nos aspirations profondes et de notre langueur intérieure, et est-ce qu’on a mis ces mots-là-dessus, sachant qu’on ne désire pas un truc impossible à obtenir, en fait, mais qu’on désire ce pour quoi Dieu nous a créés, et qu’il est capable de nous donner un jour ?
Mais l’auteur de notre texte va un peu plus loin ensuite. Deuxièmement, je suis triste… et je sais d’où vient ma peine. Alors certes, on a dit que l’auteur attribuait sa tristesse, fondamentalement, à une cause relationnelle : il lui manque quelque chose dans sa relation avec Dieu et avec les autres. Mais maintenant, ce qu’on voit dans le texte, c’est que la tristesse elle-même est une œuvre de Dieu dans notre vie, mais c’est l’œuvre d’un Dieu qui demeure fidèle dans son amour pour nous.
L’auteur explique de nouveau qu’il est triste, que son âme « est abattue à [son] sujet » (v. 7), parce qu’il se « souvient » de Dieu depuis le lieu où il a dû s’enfuir, et où il se trouve privé du culte et de la communion des autres croyants. Mais ensuite, il va décrire cette tristesse avec une autre métaphore que la soif. Il parle des cascades et des vagues et des flots de Dieu qui passent sur lui (v. 8).
Alors rien à voir avec l’eau qu’il pourrait boire pour se désaltérer – ici, il s’agit de vagues de tristesse. C’est un genre de déluge, c’est une tempête, c’est une série d’afflictions. Ça me fait penser à une crise d’angoisse, quand on se sent assailli par plein de pensées ou d’images impossibles à verbaliser, qu’on a même du mal à reconnaître, mais qui se déversent sur nous comme une cascade, qui nous submergent comme des vagues et qui créent un sentiment de panique et de désespoir.
Et c’est ça que dit l’auteur de notre texte, quand il dit qu’au « bruit de [ces] cascades », « un abîme appelle un autre abîme » (v. 8), c’est-à-dire qu’il a l’impression de descendre dans un gouffre, et que dans ce gouffre, il y a un autre gouffre, et ainsi de suite.
Mais ce qui doit nous frapper, c’est l’article possessif : l’auteur parle de « tes cascades », « tes vagues », « tes flots ». Les flots de qui ? Les flots de Dieu – celui dont il se souvient depuis le pays du Jourdain (v. 7). C’est frappant, parce que le texte attribue à Dieu la paternité des vagues d’affliction et de tristesse qui submergent l’auteur.
L’auteur confesse que Dieu est absolument souverain – et c’est logique puisqu’il est Dieu. Mais puisqu’il est Dieu, même la tristesse est subordonnée à sa volonté. Certes, l’auteur est triste parce qu’il est persécuté ; et certes, fondamentalement, il est triste parce qu’il est privé de la communion avec Dieu et de la communion avec les autres croyants ; mais en bout de chaîne, c’est Dieu qui lui envoie cette tristesse. C’est Dieu qui fait monter cette tristesse en lui – de quelque part de très profond en lui – et qui l’entraîne d’abîme en abîme.
Vous savez, ça c’est quelque chose que j’ai intégré il n’y a pas si longtemps dans ma vie chrétienne. Le fait que notre capacité à être triste, c’est Dieu qui nous l’a donnée. Et puisque Dieu est souverain, c’est toujours lui, en fin de compte, qui actionne notre capacité à être triste – et en fait, la tristesse en elle-même n’est pas une mauvaise chose dans le contexte qui est le nôtre ici-bas. La tristesse nous indique qu’il y a quelque chose qui ne va pas, et c’est vrai qu’il y a quelque chose qui ne va pas, et si on n’en était pas triste, ça voudrait dire qu’on ne serait pas très bien connecté à la réalité.
Mes bien-aimés, Jésus lui-même a été triste et angoissé ; il est même dit dans le Nouveau Testament que le Saint-Esprit lui-même est capable d’être attristé (Ep 4.30). Ça veut bien dire que la tristesse en elle-même n’est pas moralement mauvaise. Et franchement, si vous êtes triste aujourd’hui, qu’est-ce que ça changerait de vous dire que cette tristesse vous a été donnée par Dieu ?
Cette tristesse, c’est une capacité merveilleuse que Dieu nous a donnée de déplorer les mêmes choses que lui. C’est une capacité merveilleuse qu’on a de nous accorder avec le cœur de Dieu. Lui aussi déplore ce qui nous manque dans notre relation avec lui et dans notre relation avec les autres. Lui aussi déplore les dysfonctionnement de ce monde et les défaillances de notre condition humaine. Lui aussi déplore l’existence du mal, présent autour de nous et à l’intérieur de nous, et qui cause tant de dégâts et de souffrance.
Ne vous en voulez pas d’être triste. Vos gémissements intérieurs, inexprimables, ce sont peut-être les soupirs du Saint-Esprit qui est en vous si vous êtes croyants (Rm 8.26), et qui exprime parfaitement votre peine à Dieu le Père, dans un monde déchu où il y a tant de choses brisées, tant d’injustice à déplorer, tant de souffrance à lamenter.
La tristesse elle-même est une œuvre de Dieu dans notre vie, mais c’est l’œuvre d’un Dieu qui demeure fidèle dans son amour pour nous. Et c’est comme ça que l’auteur, dans cette deuxième partie, dit un truc négatif mais conclut par un truc positif. Il se rappelle que Dieu n’est pas seulement souverain dans la tristesse qu’il éprouve, mais que Dieu en même temps continue d’avoir tous ses autres attributs. Il est souverain, mais il est aussi omniprésent – il est présent partout, même dans la tristesse. Et il est aussi bon – même si Dieu actionne la tristesse dans notre vie, il n’arrête pas pour autant d’agir par bienveillance. Et il est aussi fidèle – Dieu n’abandonne pas les gens auxquels il s’est attaché.
Et pour toutes ces raisons, l’auteur du texte déclare qu’il a une certaine assurance. Au verset 9, les verbes sont parfois traduits au passé, parfois au présent, et parfois au futur. « Le jour, l’Éternel [m’accordera] sa bienveillance ; la nuit, son cantique [m’accompagnera]. [Ce sera] une prière au Dieu de ma vie. » Je pense que le futur est la meilleure option (puisque c’est aussi l’avis de Jean Calvin !).
Mais quoi qu’il en soit, ce qui est intéressant, c’est de noter cette expression : « le Dieu de ma vie ». Quel que soit le temps du verbe, l’auteur exprime une incroyable assurance, c’est que sa vie est gouvernée par Dieu. Quelles que soient les circonstances qu’il traverse – et en l’occurrence, ce sont des circonstances difficiles – eh bien, Dieu est le Dieu de sa vie. Et en fait, il y a une progression depuis le début du psaume. Au début, l’auteur a dit qu’il voulait s’attendre à Dieu pour son salut ; maintenant, il dit qu’il connaît bien ce Dieu, qui est le Dieu de sa vie, et il rappelle sa bienveillance et sa fidélité.
C’est comme s’il y avait un dialogue qui était enclenché entre les trucs négatifs et les trucs positifs, et déjà, après ces deux « échanges », on s’est rapproché de Dieu. Mais regardons la suite et la fin du texte.
Troisièmement, je suis triste… mais je sais qui est pour moi. Dans cette troisième partie, on a aussi un truc négatif qui se conclut par un truc positif. Mais il y a quelque chose qui est très différent. Cette fois, l’auteur du psaume ajoute un élément extrêmement important au contexte de ses lamentations. C’est un tout petit mot en français – petit mais costaud – c’est le mot « roc ». Verset 10 : « Je dis à Dieu, mon roc : Pourquoi m’as-tu oublié ? »
On a l’impression que les versets 10 et 11 sont une sorte de redite des versets 3-4 (l’auteur est triste de se sentir loin de Dieu et d’être persécuté par ses ennemis qui retournent le couteau dans la plaie en lui disant : « Où est ton Dieu ? ») – on dirait que l’auteur se répète un peu, et c’est vrai ; mais en réalité, ce qu’il fait, c’est qui recadre sa tristesse avec des éléments qu’on n’avait pas au début.
Il continue de pleurer et de déverser son cœur devant Dieu et d’exprimer cette douleur qu’il a de se sentir loin de Dieu et de l’Église – mais c’est à Dieu, son roc, qu’il s’adresse. Il s’adresse à celui qui non seulement existe, et qui non seulement gouverne sa vie, mais sur lequel sa vie est fondée, sur lequel il s’appuie, celui qu’il reconnaît comme étant la seule sécurité infaillible dans ce monde. Même s’il se sent éloigné de lui, il confesse que Dieu est son roc. Il n’a que Dieu comme roc. Et puisqu’il est son roc, son rocher solide et inamovible, eh bien il peut lui déverser sa tristesse sans aucune crainte, il peut lui exprimer sa perplexité et ses doutes et sa solitude avec une grande liberté.
Imaginez que vous soyez le fils ou la fille de Teddy Riner, le grand judoka français, 11 fois champion du monde, 2,04 m, 150 kg. Imaginez que votre papa, qui existe et qui est souverain dans votre vie, prend une décision que vous ne comprenez pas, et qui vous donne l’impression qu’il vous délaisse ou se désintéresse de vous. Vous pourriez vous sentir perplexe et même blessé, et ça pourrait vous inciter à protester, et à dire : « Papa, pourquoi m’as-tu oublié, pourquoi dois-je marcher dans la tristesse ? » Et si vous avez entre 4 et 6 ans environ, vous pourriez même être tenté de saisir votre papa pour le secouer ou lui faire une prise de judo. Le truc, c’est que votre papa Teddy Riner, ça ne le fera pas bouger, ça. Ça ne le déstabilisera pas. Il est capable de recevoir toutes vos protestations, et toute votre tristesse, et toute votre indignation. Vous pouvez l’attraper par la manche ou par le col et tirer de toutes vos forces, il ne bougera pas. Mais il sera là, et il continuera d’être votre papa qui vous aime.
De la même façon, mes bien-aimés, Dieu est capable de recevoir toutes nos protestations, et toute notre tristesse, et toute notre indignation. On peut lui dire : « Pourquoi m’as-tu oublié ? » et il ne sera pas vexé. Il est un roc, et il est notre roc si on est croyant, et pour cette raison, on peut déverser « sur lui » si j’ose dire, tout notre chagrin, toute notre douleur et toute notre perplexité. Il a les reins solides, ou les épaules solides – il peut le supporter ! Et ça, ça doit nous libérer dans l’expression de notre peine à Dieu.
Mais regardez surtout comment le psaume se termine. Le verset 12 répète le verset 6 qu’on a vu dans la première partie, mais avec un petit changement qui est extrêmement significatif. Au verset 6, l’auteur avait dit : « Attends-toi à Dieu [mon âme], car je le célébrerai encore pour son salut. » Mais maintenant, en conclusion de ce psaume, il dit : « Attends-toi à Dieu [mon âme], car je le célébrerai encore ; il est mon salut et mon Dieu. »
Au début, l’auteur présentait Dieu comme celui de qui le salut pouvait venir. Mais maintenant, il présente Dieu comme celui qui est le salut. Qui est son salut et son Dieu ! Vous avez vu la progression qu’il y a depuis le début de ce psaume, à travers ces trois étapes où l’auteur dit un truc négatif qui se conclut par un truc positif ? C’est très pédagogique. L’auteur se lamente, il exprime sa tristesse, mais au fur et à mesure de sa lamentation, il réfléchit sur Dieu, il réfléchit à ce que ça veut dire d’avoir la foi, il réfléchit à qui est Dieu, à comment il est, à ce qu’il a fait et à ce qu’il a promis de faire – et à la fin, l’auteur dit quelque chose de vraiment sensationnel : c’est que dans sa tristesse, Dieu lui-même est son salut.
Tout le reste de la Bible nous aide à comprendre ce que ça veut dire. Le reste de la Bible nous explique que si les choses ne vont pas bien dans notre vie – et c’est le cas pour tout le monde – eh bien c’est parce que fondamentalement, on a perdu notre connexion avec Dieu qui nous a créés. Et ça, c’est la racine de toute tristesse dans notre vie. Dieu avait créé les humains pour qu’on vive dans l’intimité avec lui et avec les autres humains, mais on a perdu ça, parce qu’on a voulu vivre indépendamment de Dieu, et ça, c’est vraiment l’explication qu’on a dans la Bible, en fin de compte, de tout ce qui va mal dans le monde.
Mais la Bible nous dit aussi que Dieu n’a pas voulu simplement abandonner les humains. Il a voulu racheter les humains et réparer ce qui était abîmé. Parce que Dieu est bon et miséricordieux, parce qu’il aime sa création ! Le truc, c’est que pour faire ça, pour racheter les humains, il y avait un prix à payer, et c’est Dieu seul qui pouvait le payer, ce prix. Aucun être humain n’était capable de le payer, parce que nous tous, les humains, on était infecté par le mal qui était entré dans le monde.
Du coup, Dieu s’est approché lui-même des humains, il a prix la nature et la condition d’un homme en Jésus-Christ, et il a vécu sur la terre sans jamais commettre le mal, lui ! Et en tant qu’être humain parfait et innocent, il s’est offert ensuite lui-même comme sacrifice – c’est-à-dire comme paiement du prix nécessaire pour racheter les humains. En fait, ce qui s’est passé, c’est que sur la croix où Jésus a agonisé avant de mourir, eh bien Jésus a connu la souffrance et la tristesse ultimes, et les conséquences ultimes de notre déchéance, pour que nous, si on place notre confiance en lui, on soit délivré de ces choses-là.
Sur la croix, Jésus s’est écrié, un peu comme l’auteur de notre texte : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Et pour Jésus en tant qu’être humain sur la croix, l’expérience de cet éloignement de Dieu, assortie de l’abandon de ses amis, est infiniment pire que tout sentiment d’éloignement de Dieu et de nos amis dont on pourrait faire l’expérience sur cette terre.
Jésus a été plus triste qu’on ne le sera jamais, si toutefois notre confiance est en lui. Jésus est mort, mais ensuite il est ressuscité le troisième jour en vainqueur sur le mal et sur la mort, et aujourd’hui il est vivant dans le paradis, et il nous appelle à lui. Il nous dit : « Viens, repose-toi en moi, par la foi, et dans ta tristesse aujourd’hui, je serai ton roc et ton salut. »
Mes amis, si notre foi est en Dieu, comme l’était la foi de l’auteur de notre texte, eh bien certes, on va continuer de connaître la tristesse ici-bas, parce que la tristesse, c’est l’indicateur qu’il y a des choses qui ne vont pas dans ce monde, et notre tristesse nous accorde avec le cœur de Dieu. Mais si je suis triste… je sais qui est pour moi. Dieu, mon roc, est pour moi. Il est mon Dieu et il ne change pas. Rien ne pourra jamais le vaincre. Personne ne pourra jamais faire un ippon à Dieu. Il a vaincu la puissance du mal, et il prépare un monde où toute larme sera essuyée de nos yeux, et où la tristesse ne sera plus, et où on pourra vivre bientôt, enfin, et pour toujours, dans la communion parfaite avec Dieu et les uns avec les autres.
« Cette pure symbiose / De plaisir nous comblera ; / Nous la dirons grandiose, / Elle nous enchantera, / Nous qui, inscrits dans le Livre, / Consommerons notre amour, / Enfin libres de le vivre / Pour toujours, oui, pour toujours. »
Alors pour conclure. Des fois, on est triste, et on peut se sentir vraiment seul dans notre tristesse. Mais le texte qu’on a regardé ensemble nous a aidé à mettre des mots sur notre tristesse. On est triste parce que fondamentalement il nous manque quelque chose dans notre relation avec Dieu et dans notre relation avec les autres. On est triste, et on peut savoir que cette tristesse, en fait, n’est pas forcément notre ennemie ; elle est actionnée par Dieu dans notre vie pour nous faire déplorer ce qui ne va pas. On vit dans un monde abîmé et on est nous-mêmes abîmés, et Dieu lui-même est « triste » de cette situation, il est « triste » avec nous. C’est pourquoi il s’est approché de nous par Jésus-Christ pour nous délivrer – et c’est sûr qu’il nous délivrera si notre foi est en lui.
C’est pourquoi j’ai dit au début que toute la leçon de ce texte, on pourrait la résumer en une phrase : Dieu accueille avec tendresse et miséricorde le chagrin de ses enfants, à qui il s’est donné sans réserve, pour les tenir dans leurs afflictions.
Est-ce que ce matin, vous croyez que Dieu existe, et que s’il existe, ça veut dire que le salut existe ? C’est-à-dire que s’il y a un Dieu, alors il y a un espoir dans la tristesse. La tristesse n’est pas le fin mot de l’histoire. Je peux tourner mes regards vers Dieu et placer mes attentes en lui, parce qu’il est au-dessus de cette tristesse, il la voit, il la comprend, et il est capable de la résoudre un jour. Si vous doutez que Dieu existe, je vous encourage vivement à lire par exemple le livre de Tim Keller : La raison est pour Dieu.
Mais si vous croyez que Dieu existe, est-ce que vous savez comment il est, ce Dieu ? Est-ce que vous croyez en un Dieu cruel, méchant, implacable, rabat-joie, tyrannique, distant, froid, capricieux… ? Je vous assure que ce n’est pas le vrai Dieu. Si vous voulez savoir comment il est, je vous invite à lire la Bible, à l’étudier attentivement, et pour ça, rapprochez-vous d’un ami ou d’une amie chrétien ou chrétienne, et lisez la Bible ensemble ! Si vous ne savez pas avec qui faire ça, je vous propose de venir me voir et on pourra en discuter ensemble. Et si vous êtes chrétien, est-ce que vous pourriez vous proposer pour accompagner quelqu’un de votre entourage qui aimerait en savoir plus sur Dieu ?
Enfin, si vous croyez que Dieu existe, et qu’il est le Dieu de la Bible, le seul et unique Dieu vivant, le vrai créateur du monde et celui qui gouverne toutes choses selon sa providence, eh bien est-ce que vous avez compris que ce grand Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ, de sorte qu’il a connu nos souffrances humaines, notre fragilité et notre tristesse – et il est mort et ressuscité pour nous ouvrir un monde à venir où on sera heureux pour toujours ? Est-ce que vous avez placé toute votre confiance en lui ? Est-ce qu’il est votre roc, votre salut et votre Dieu ? Dans ce cas, il est aussi le compagnon de votre tristesse aujourd’hui, il est celui qui est toujours avec vous et pour vous, et il vous manifeste sa présence et son amour à travers la communion de l’Église, par le culte, les sacrement (et les messages WhatsApp de vos frères et sœurs qui vous disent leur solidarité et leur affection !). Il ne vous abandonnera jamais, il ne vous laissera jamais seul, il vous défendra infailliblement jusqu’au bout.