Cette semaine, un chiffre a été rendu public, celui de 115 milliards d’euros. Vous savez à quoi correspond ce chiffre ? C’est ce que coûte la délinquance chaque année à notre pays. Les meurtres, les vols, les agressions, le vandalisme, les fraudes, etc., tout cela revient, tous les ans, à 115 milliards d’euros de pertes pour la France, soit environ deux fois le déficit public annuel de notre pays. Le calcul est simple : ça veut dire que si la délinquance était réduite de moitié seulement, les comptes publics retrouveraient automatiquement leur équilibre, et la dette de notre pays cesserait de s’accroître d’année en année. Incroyable, non ? Et si la délinquance disparaissait complètement, toute la dette publique de la France serait effacée en 10 ans seulement. Cette réalité illustre en tout cas de manière théorique l’incroyable effet que cela aurait si tout le monde en France devenait tout d’un coup honnête. Et cela nous aide peut-être à comprendre ce que cela veut dire que de prendre la mesure de nos responsabilités. Notre mode de vie a des conséquences qui débordent des limites de notre propre petite personne. Ma vie ne concerne pas que moi. Ma vie ne concerne pas non plus que moi et Dieu. Mais Dieu m’a doté de certaines responsabilités vis-à-vis de mon entourage. Et c’est à cela que le texte de ce matin va nous inviter à réfléchir. Dans ce passage, Amos va s’adresser spécifiquement aux notables d’Israël, aux personnalités de la nation, ou aux « people » pour ainsi dire, dans le but de dénoncer leur irresponsabilité vis-à-vis du peuple. Pendant ces quelques versets, Dieu a dans son collimateur toute la crème du peuple d’Israël et il va leur faire plusieurs reproches destinés à éveiller (ou à réveiller) en eux le sens de leurs responsabilités. On va voir à travers ce passage que les responsabilités que Dieu nous a confiées vis-à-vis d’autrui comptent pour lui. Autrement dit, Dieu a le sens de nos responsabilités, même si nous ne l’avons pas. Regardons le texte, et essayons de voir ce que cela veut dire.
La première chose que l’on voit dans ce texte, c’est que Dieu reproche aux notables d’Israël de conduire le peuple dans une mauvaise direction. Au premier verset, Amos fait comprendre à ses auditeurs que Dieu a dans son collimateur une certaine catégorie de la population, les « grands » d’Israël, qu’ils appartiennent au royaume du Nord (Samarie) ou au royaume du Sud (Sion). Dieu invite ces notables à examiner l’état des nations alentour : Kalné, Hamath, Gath… ces villes n’étaient-elles pas autrefois puissantes et prospères ? Mais cette puissance et cette prospérité n’ont pas évité à ces populations voisines d’être affaiblies et appauvries sous l’effet du jugement de Dieu. Dieu invite les notables à constater ce fait pour leur faire prendre conscience du chemin sur lequel ils sont engagés (et tout le peuple avec eux), malgré l’impression qu’ils ont de tranquillité et de sécurité.
Ce qu’il faut vraiment remarquer dans ces quelques versets, c’est que Dieu souligne la responsabilité des notables dans cette situation : d’abord, il s’adresse à eux comme à une catégorie de la population à part entière (sans tenir compte de la distinction entre notables du Nord et notables du Sud). Ensuite, ils sont appelés les « grands, auprès desquels va la maison d’Israël » (v. 1), c’est-à-dire qu’ils occupent une position d’influence au sein du peuple ; et non seulement cela, mais ils sont appelés les grands « de la première des nations », ce qui souligne encore plus le poids de leurs responsabilités, étant donné qu’ils devraient être des exemples pour le monde entier ! Et au verset 3, le langage est sans appel en ce qui concerne la responsabilité des notables vis-à-vis du mauvais chemin sur lequel tout le peuple est engagé : « Vous croyez éloigné le jour du malheur, et vous faites approcher le règne de la violence ». Autrement dit : « c’est par votre attitude irresponsable que le peuple s’enfonce de plus en plus dans l’injustice et que s’approche de plus en plus le jour effroyable du jugement ».
Vous voyez comment ces premiers versets soulignent la responsabilité des notables dans la situation du peuple, et comment Dieu reproche à ces « grands » de conduire le peuple dans une mauvaise direction ? Imaginez qu’un jeune homme, qui n’a jamais fait d’études de commerce ou de management, hérite soudainement de son père une entreprise multinationale cotée au CAC 40. Tout d’un coup, ce jeune homme se retrouve avec à sa disposition des richesses illimitées ! Pourquoi pas dépenser 10 millions d’euros sur une nouvelle maison, aujourd’hui ? Et pourquoi pas m’acheter un Airbus A380 pour mon anniversaire ? Pourquoi pas ? J’ai les sous, et cela me ferait plaisir ! Le problème, c’est qu’avec une telle attitude irresponsable de la part du jeune héritier, l’entreprise se dirigerait droit vers la faillite, et les milliers d’employés vers le chômage.
C’est un peu la même chose dans le texte. Dieu reproche aux notables d’Israël de conduire le peuple vers la catastrophe. Ce que nous devons retenir de ce premier reproche adressé aux « riches héritiers » de la nation, c’est que Dieu est sensible aux conséquences que notre comportement a sur les autres. Certes, vous n’avez peut-être pas l’impression d’être un « people » dans la société, et pourtant posez-vous la question : n’y a-t-il pas des gens qui « vont auprès de vous » (cf. v. 1) ? Qui sont ces gens, dans votre vie, sur lesquels vous avez une influence, que vous le vouliez ou non ? Si vous êtes parent, c’est facile : il y a au moins votre conjoint et vos enfants. Si vous êtes enseignant, ou cadre, ou pasteur, ou président de la République, vous n’avez pas à chercher bien loin. Mais pour d’autres, c’est peut-être plus difficile à dire, et pourtant vous avez bien un entourage, des collègues, des voisins, et si vous êtes présents ce matin, c’est que vous avez au moins l’église !
La première leçon à tirer de ce texte, c’est donc que Dieu est sensible aux conséquences que notre comportement a sur les autres, que nous en ayons conscience ou non. Nous sommes donc invités, dans un premier temps, à mesurer l’influence, en bien ou en mal, que nous pouvons avoir sur tout un entourage. La question que les notables d’Israël auraient dû se poser, et que nous devons nous poser, c’est : dans quelle direction mon comportement entraîne-t-il les autres ? Une bonne direction ou une mauvaise ? Dans quelle direction mon comportement entraîne-t-il… mes enfants ? Mon conjoint ? Mes élèves ? Mes employés ? Mes collègues ? Mes frères et sœurs de l’église ? Dieu a le sens de nos responsabilités, même si nous ne l’avons pas. Regardons la suite.
La deuxième chose que l’on voit dans ce texte, c’est que Dieu reproche aux notables d’Israël d’être insensibles aux problèmes du peuple. Assez longuement, le prophète va décrire tous ces signes ostentatoires de luxe, de tranquillité et d’autosatisfaction que l’on peut observer chez les notables du peuple : les lits d’ivoire et les beaux tapis sur lesquels ils s’allongent, les animaux les plus jeunes et les plus tendres dont ils se nourrissent, la musique raffinée qu’ils essaient de jouer, le vin qu’ils boivent dans des calices, et ces précieux cosmétiques dont ils s’enduisent ! Il n’y a rien de foncièrement mauvais dans toutes ces choses. Mais le tableau va être gâché par la petite phrase que le prophète ajoute après avoir décrit cet étalage de richesse et de confort : « Et ils ne souffrent pas de la ruine de Joseph ! » (v. 6). Voilà vraiment le cœur du deuxième reproche que Dieu adresse aux notables d’Israël dans ces quelques versets : la situation de plus en plus dramatique dans laquelle la nation est en train de s’engouffrer les laisse totalement indifférents. Si seulement ces gens d’influence étaient sensibles à ce qui ne va pas ! Mais ils sont trop occupés à s’occuper d’eux-mêmes.
Vous voyez que ces quelques versets soulignent ici l’insensibilité des notables vis-à-vis des problèmes qui les entourent, et leur égocentrisme. Je vous déjà raconté l’histoire de la femme la plus malheureuse du monde. Voici maintenant l’histoire de sa cousine. Elle est malheureuse, elle aussi. Elle aimerait que son mari lui accorde plus d’attention mais il est tout le temps occupé, soit par son travail, soit par les matches de foot qui passent à la télé, soit par les virées à moto avec les copains. Tous les ans, lorsque l’anniversaire de sa femme approche, celle-ci essaie de lui glisser qu’elle aimerait tant partir avec lui passer un petit weekend en amoureux. Et tous les ans, c’est pareil. Elle ouvre le cadeau que lui tend son mari et elle découvre un nouveau DVD des 100 plus beaux buts de l’histoire du football, ou un magnifique album avec des photos de motos de collection, ou encore un superbe kit de broderie et son mari qui lui dit, tout enthousiaste : « Regarde, comme ça t’ennuieras moins pendant que je suis au travail ! ».
C’est un peu la même chose dans le texte. Dieu reproche aux notables d’Israël d’être insensibles à la situation de plus en plus dramatique dans laquelle se trouve le peuple. Ce que nous devons retenir de ce deuxième reproche adressé aux hommes d’influence de la nation, c’est que Dieu veut que nous portions le même regard que lui sur ce qui ne va pas parmi notre entourage, un regard plein de sollicitude et de compassion. Nous avons déjà reconnu qu’il y avait des gens, dans notre vie, sur lesquels nous avions une influence, que nous le voulions ou non. Suis-je sensible à leurs difficultés ? Est-ce que je me préoccupe des épreuves que traversent mes enfants ? Est-ce que le découragement de mon conjoint me remplit de compassion ? Est-ce que je souffre de la dépression de ce collègue ou de cet élève ? Est-ce que je suis attentif aux besoins de mes frères et sœurs de l’église ? Ou bien, dans toutes ces situations, suis-je trop occupé à m’occuper de moi-même ?
La deuxième leçon à tirer de ce texte, c’est donc que Dieu veut que nous portions de l’attention à ce qui ne va pas autour de nous, et que nous agissions, en fonction de nos responsabilités. Ce principe est particulièrement important pour les maris, les pères, les pasteurs, les anciens, et toute personne qui est dans une position de responsabilité particulière vis-à-vis d’autrui. Dieu veut que je me préoccupe et que je m’occupe des souffrances de mon conjoint si je suis marié, de mes enfants si je suis parent, de mes paroissiens si je suis un ancien dans l’église, de mes employés si je suis le patron d’une PME, et ainsi de suite. C’est important pour Dieu. Dieu a le sens de nos responsabilités, même si nous ne l’avons pas. Regardons la suite et la fin du texte.
Et la dernière chose que l’on voit dans ce texte, dans le dernier verset, c’est que Dieu reproche aux notables d’Israël d’abuser de leur position parmi le peuple. Dans ce dernier verset, Dieu prononce une sentence à l’encontre des notables. Dieu va mettre un terme à leurs banquets détestables. Par quel moyen ? Par un châtiment que Dieu va faire subir aux Israélites comme le juste jugement de leurs fautes (un châtiment mérité, qui a été annoncé comme un avertissement déjà depuis des siècles !). Ce châtiment, c’est la déportation. Mais avez-vous remarqué l’ironie que Dieu emploie contre les notables du peuple ? Ils seront placés en tête du cortège ! Évidemment, puisque ce sont des gens importants ! Ils ont passé tellement de temps à s’occuper d’eux-mêmes que Dieu aussi va les mettre à l’honneur ; mais peut-être pas de façon très agréable. Pourquoi cette ironie ? Pour attirer l’attention sur le fait que les notables d’Israël étaient trop attachés à leur position privilégiée parmi le peuple. Si seulement ces gens d’influence s’étaient faits les serviteurs d’autrui plutôt que de passer une partie de leur temps à se regarder dans le miroir et l’autre partie du temps à regarder les autres de haut !
On raconte l’histoire d’un homme, un civil pendant la guerre d’indépendance des États-Unis, qui est passé un jour à cheval devant un groupe de soldats qui essayaient tant bien que mal de réparer une barricade. Le chef des hommes leur criait toutes les instructions nécessaires, mais ne faisait rien pour les aider. L’homme en civil s’arrête, et demande au chef pourquoi il n’aide pas ses hommes. Le chef lui répond très dignement : « Monsieur, voyons, je suis un caporal ! ». Alors l’étranger lui présente ses excuses, descend de cheval, et s’attèle à la tâche pour aider les soldats. Une fois la barricade réparée, l’homme dit au caporal : « Si jamais vous avez encore besoin d’aide, faite-le savoir à votre état-major et je reviendrai vous donner un coup de main ». Il ne s’agissait de nul autre que de Georges Washington himself.
Dans le texte, les notables ressemblent au caporal alors qu’ils auraient dû ressembler à Georges Washington. Dieu leur reproche de se complaire dans leur position, alors qu’ils auraient dû « descendre de leurs grands chevaux » et s’atteler à la tâche ! Ce que nous devons retenir de ce troisième reproche adressé aux personnalités d’Israël, c’est que pour Dieu, assumer une position de responsabilité, à quelque échelle que ce soit, c’est prendre le chemin du service.
Dans l’histoire d’Israël, heureusement pour nous, il y a eu un notable qui a parfaitement assumé ses responsabilités. Son nom était Jésus-Christ. Le prophète Ésaïe l’appelle « Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix » (És 9.5). L’Apôtre Paul dit que sa « condition était celle de Dieu », mais qu’il « n’a pas considéré comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes ; après s’être trouvé dans la situation d’un homme, il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix » (Ph 2.6-8). Pourquoi Jésus a-t-il fait cela ? Parce qu’il savait quel était le châtiment que nous méritions tous à cause de nos péchés. Parce qu’il a « souffert de la ruine de son peuple », pour ainsi dire ; il a été rempli de compassion pour nous, à cause de notre condition désespérée. Et il a choisi volontairement d’être emmené à la tête des déportés à notre place, de subir le jugement qui nous était réservé à notre place, afin que tous ceux qui se confient en lui reçoivent le pardon de leurs péchés et l’assurance d’être réconciliés avec Dieu pour l’éternité. La Bible ajoute que Jésus est ressuscité, qu’il est vivant aujourd’hui, et qu’il règne, depuis la droite de Dieu le Père, en faveur de tous ceux qui se réfugient en lui.
Jésus est l’exemple du bon notable. L’exemple du notable dont le comportement est bénéfique, et ô combien, pour le peuple. L’exemple du notable rempli de compassion. L’exemple du notable serviteur. En un mot, l’exemple du notable qui a le sens de ses responsabilités. C’est pour cette raison que l’Apôtre Paul nous livre, dans le même passage, une leçon essentielle : « Ayez en vous la pensée qui était en Christ-Jésus » (Ph 2.5). Alors prenons le temps de considérer la trajectoire de sa vie. Confions-nous en lui pour le pardon de nos péchés. Vivons en nouveauté de vie sous l’action bienfaisante du Saint-Esprit agissant par la Parole de Dieu. Et recevons de la part de Dieu le sens de nos responsabilités.
Pour terminer, je voudrais adapter une citation de Ronald Reagan, l’ancien président des États-Unis. Je crois que la leçon à retenir de ce texte, c’est la suivante : ne soyons pas comme des bébés, qui ne sont que des tubes digestifs avec un gros appétit à un bout, et aucun sens des responsabilités de l’autre. À travers les reproches adressés aux notables d’Israël, ce texte nous a rappelé que nous devions être sensibles aux conséquences que notre comportement a sur les autres, que nous devions porter de l’attention à ce qui ne va pas autour de nous, et que nous devions suivre le chemin de l’humilité et du service, à l’image de Jésus-Christ. Comme nous le disions en introduction, ma vie ne concerne pas que moi. Ma vie ne concerne pas non plus que moi et Dieu. Mais Dieu m’a doté de certaines responsabilités vis-à-vis de mon entourage, et ces responsabilités, elles comptent aux yeux de Dieu. Dieu a le sens de nos responsabilités, même si nous ne l’avons pas. Heureusement que par la foi en Jésus-Christ, nous pouvons être pardonnés de nos manquements, et sensibilisés à la vocation que Dieu nous adresse. Alors maris, femmes, parents, pasteurs, anciens, responsables de jeunes, membres de l’église, employeurs, cadres, médecins, ministres, et Monsieur le Président de la République : « S’il y a donc quelque consolation en Christ, s’il y a quelque encouragement dans l’amour, s’il y a quelque communion de l’Esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, mettez le comble à ma joie afin d’avoir une même pensée ; ayez un même amour, une même âme, une seule pensée ; ne faites rien par rivalité ou par vaine gloire, mais dans l’humilité, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. Ayez en vous la pensée qui était en Christ-Jésus » (Ph 2.1-5).