Il y a deux ans, un prédicateur canadien animait des soirées d’évangélisation et de guérison à Lakeland en Floride. Un stade de la ville était loué à hauteur de $15.000 la soirée, afin d’accueillir les milliers de personnes quotidiennes qui venaient assister au culte. Les moyens mis en œuvres étaient colossaux : projecteurs, groupes de rock, écrans géants, retransmission sur internet et diffusion en prime time sur la chaîne de télévision par satellite « God TV ». On a estimé qu’environ 400.000 personnes, venues de 100 pays différents, avaient assisté aux réunions, sans compter les millions de téléspectateurs. Il se trouve qu’après quatre mois de ministère à Lakeland, le fameux prédicateur canadien a annoncé son divorce pour cause d’infidélité envers sa femme. Sept mois plus tard, il était marié avec quelqu’un d’autre. Plus proche de nous, en France, autre ambiance. Dans les années 1980, un prêtre s’attaque au douloureux problème des réseaux pédophiles internationaux. Il fonde des foyers en Afrique pour accueillir les enfants de la rue. Il reçoit la légion d’honneur. Il s’engage avec Médecins du monde. En 1999, il devient curé d’un ensemble de seize paroisses autour de Cluny en Saône-et-Loire. Mais en 2005, après avoir été mis en examen, le prêtre est reconnu coupable de tentatives de corruption, d’agressions sexuelles et de viols sur mineurs, et condamné à huit ans de prison. Deux histoires récentes où l’on voit que le zèle religieux ne rime pas nécessairement avec la véritable piété chrétienne. Et vous, quel zèle religieux déployez-vous pour aller à l’église le dimanche, pour incliner vos têtes au moment des prières, pour chanter avec enthousiasme nos beaux cantiques, peut-être pour faire l’aumône aux pauvres, peut-être pour témoigner hardiment de l’Évangile autour de vous, ou comme moi, pour passer de longues heures à préparer une prédication ? Quel zèle religieux déployez-vous dans votre vie, et ce zèle religieux rime-t-il avec la véritable piété chrétienne ? Le texte que nous allons lire soulève précisément cette question, pour nous mettre en garde contre un danger bien précis, c’est celui de l’hypocrisie. Nous avons déjà pu voir, depuis le début du livre du prophète Amos, qu’un des principaux problèmes du peuple, c’est qu’il est présomptueux : il pense être en bons termes avec Dieu alors que d’après Dieu, ce n’est pas du tout le cas. Et les reproches que Dieu a faits à son peuple il y a 27 siècles s’adressent à nous aujourd’hui avec autant de pertinence pour nous inciter à être extrêmement vigilants contre le danger de glisser dans l’hypocrisie, et de finir par chuter gravement. Ce texte va pointer la différence fondamentale qu’il y a entre la religion hypocrite et la religion véritable, et nous montrer quel élément est indispensable pour que le zèle religieux puisse rimer avec la vraie piété chrétienne. Cet élément qui change tout, cette qualité déterminante, c’est l’authenticité de la foi. Mais voyons comment le texte développe cette idée.
La première chose que dit Dieu à son peuple, c’est qu’il va y avoir de terribles lamentations dans le pays. Avez-vous remarqué la façon dont Dieu insiste là-dessus ? Encore une fois, Dieu cherche à choquer le peuple en utilisant un langage très fort. Dans ces trois versets, on ne sait pas précisément pourquoi il y aura tant de lamentations, sinon que ce sera lié à une intervention de Dieu. Amos insiste d’ailleurs, encore une fois, sur l’identité de ce Dieu : « Ainsi parle l’Éternel, le Dieu des armées, le Seigneur » (v. 16). Dieu cherche ici à briser les rêves du peuple, à dissiper l’illusion dans laquelle vivent les Israélites, parce qu’en réalité, à ce moment-là, personne ne croit à ce tableau. Et la première leçon que l’on peut tirer de ce texte au sujet de l’hypocrisie, c’est que les hypocrites ne voient pas qu’il y a un problème.
C’est un peu comme l’histoire de l’homme qui fait une chute libre depuis le 50ème étage d’un gratte-ciel, et qui se dit à chaque étage: « Jusqu’ici, tout va bien ! ». Dans le texte, le peuple d’Israël s’imagine que tout va bien. Ils ne voient pas qu’il y a un problème, et c’est pour cela que Dieu veut les confronter à la réalité. C’est comme dans la fable de Jean de La Fontaine, « Le Statuaire et la statue de Jupiter », où le poète termine en nous livrant la morale de l’histoire : « Chacun tourne en réalités, / Autant qu’il peut, ses propres songes : / L’homme est de glace aux vérités ; / Il est de feu pour les mensonges. »
Les hypocrites ne voient pas qu’il y a un problème. Et nous ? Est-ce que nous vivons au quotidien comme si tout allait bien, comme si rien ne devait changer ? Est-ce que la vie avec Dieu nous paraît facile ? Ou bien ressentons-nous la tension qui existe entre qui est Dieu et qui nous sommes ? Tout ne va pas bien ! Il y a un problème ! « L’Éternel, le Dieu des armées, le Seigneur », est un Dieu saint et redoutable ! Et moi je suis une pauvre créature, enclin au mal. L’apôtre Paul lui-même nous a livré un témoignage poignant de la tension douloureuse dans laquelle il vivait en tant que chrétien : « Je prends plaisir à la loi de Dieu, dans mon for intérieur, mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon intelligence et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux que je suis ! » (Rm 7.22-24). Il y a un problème. Mais les hypocrites ne le voient pas. Puissions-nous avoir la même lucidité que l’apôtre Paul. Regardons la suite.
La deuxième chose que dit Dieu à son peuple, c’est que le jour de son jugement sera un jour effroyable. Dieu décrit la témérité de certaines personnes dans le peuple qui sont tellement sûres d’elles qu’elles « désirent le jour de l’Éternel » (v. 18) ! Mais Dieu dit que ce jour-là sera un jour de terrible désillusion pour tous les présomptueux et pour tous ceux qui s’obstinent dans l’hypocrisie. Dieu va intervenir pour juger son peuple, et ce jugement sera parfaitement juste et inéluctable. Les présomptueux pensent que cela ne les concerne pas : ils pensent avoir des arguments à faire valoir, ils sont sûrs d’eux. Ils fuiront devant le lion, ils fuiront devant l’ours, ils se mettront à l’abri dans leur maison, mais ils devront quand même répondre à la justice de Dieu (v. 19).
La deuxième leçon que l’on peut tirer de ce texte au sujet de l’hypocrisie, c’est que les hypocrites ne craignent pas le jugement de Dieu. Vous avez déjà entendu parler de Dominique Gaye-Mariole ? C’était un valeureux soldat au service de Napoléon. Un jour, lorsque l’Empereur passait ses troupes en revue, Dominique Gaye-Mariole pose précipitamment sa carabine par terre et s’empare d’un petit canon pour présenter les armes. Il voulait montrer à Napoléon combien il était intrépide et sûr de lui. Selon la tradition, c’est de cette histoire qu’est née l’expression « Faire le mariole », qui signifie faire l’intéressant ou faire le malin. À ce qu’il paraît, Napoléon a apprécié le geste. Mais le problème, c’est que ce n’est pas devant Napoléon que nous devons nous présenter, mais devant le juste Juge, qui ne tient pas le coupable pour innocent. Et devant lui, il n’est pas question de faire le mariole !
Les hypocrites ne craignent pas le jugement de Dieu. Et nous ? Comment réagissons-nous à l’idée qu’un jour, Dieu va parfaitement juger le monde ? Est-ce que nous faisons les marioles, en pensant que nous n’avons rien à craindre puisque nous sommes des personnes relativement bonnes ? Est-ce qu’on a hâte d’y être, en se disant qu’enfin, ce voisin ou ce frère devra répondre devant Dieu de ses erreurs ? Ou bien la perspective du jugement de Dieu nous pousse-t-elle plutôt à l’humilité, à la sobriété et à l’examen de soi ? Le jour du jugement de Dieu sera effroyable. C’est pourquoi Jésus dit, dans la parabole des dix vierges, que celles qui attendent le venue de l’époux sans s’y être préparées sont folles (Mt 25.1-13). C’est pourquoi aussi l’Apôtre Paul nous exhorte non pas à la témérité mais à la sobriété lorsqu’il écrit : « Quand les hommes diront : Paix et sécurité ! c’est alors que la ruine fondra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils n’échapperont point. […] Ne dormons donc pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres » (1 Th 5.3-6). Le jugement de Dieu est effroyable. Mais les hypocrites ne le craignent pas. Puissions-nous veiller et rester sobres, et nous exhorter mutuellement, « et cela d’autant plus que [nous voyons] le Jour s’approcher » (Hé 10.25). Regardons la suite.
La troisième chose que dit Dieu à son peuple, c’est que la religion lui est détestable quand elle est dénuée de la vraie foi. Dieu ne mâche pas ses mots pour rejeter le culte que lui offre le peuple. Dieu rejette tout en bloc : fêtes, assemblées solennelles, holocaustes, offrandes, sacrifices de communion, chants et musique instrumentale. Tout cela est haïssable à ses yeux, bien que tout cela lui soit présenté à lui, à l’Éternel. Pourquoi ? Parce que ce culte est dénué de la vraie foi, qui est censée se traduire par une vie droite et juste (v. 24). C’est cela qui compte pour Dieu. On peut imiter un culte, mais on ne peut pas imiter la vraie foi. La troisième leçon qu’on peut tirer de ce texte au sujet de l’hypocrisie, c’est que les hypocrites n’ont pas la foi authentique.
Laissez-moi vous raconter l’histoire de la femme la plus malheureuse du monde. La femme la plus malheureuse du monde, c’est une femme qui se réveille chaque matin et qui trouve sur sa table de chevet un bouquet de roses fraîchement cueillies par son mari. À côté du bouquet, comme tous les jours, un plateau pour son petit-déjeuner, avec ses viennoiseries préférées et un délicieux café. Un poème d’amour aussi, un poème différent chaque matin composé par son mari. D’ailleurs, celui-ci se lève tôt, tous les jours, et en profite pour faire la vaisselle et ranger le linge. Et pourtant, sa femme est la plus malheureuse du monde. Parce que tous les soirs, son mari boit, il se rend ivre, et il la frappe. De la même façon que l’amour authentique ne se mesure pas au déploiement d’artifices dont on est capable, la foi authentique ne se mesure pas au zèle religieux dont on peut faire preuve. La foi authentique se mesure à la transformation profonde d’une vie. « Que le droit coule comme de l’eau, et la justice comme un torrent intarissable ! » (v. 24).
Les hypocrites n’ont pas la foi authentique. Et nous ? Est-ce que nous sommes indifférents aux prescriptions de la Parole de Dieu ? Est-ce que notre vie privée, du lundi au samedi, ressemble à s’y méprendre à celle de n’importe quel non-croyant ? Ou bien avons-nous ce désir profond, et irrépressible, de voir les ordonnances de Dieu se réaliser dans notre vie ? Comme le psalmiste qui s’écrie en prière à Dieu : « Puissent mes voies être bien réglées, afin que j’observe tes prescriptions ! » (Ps 119.5). La foi authentique, c’est un renoncement à soi, et une confiance totale placée en Dieu. C’est de cette foi authentique que notre culte, et notre religion, doivent découler, autrement tout ce que nous faisons extérieurement pour Dieu lui est en réalité détestable. Mais les hypocrites n’ont pas cette foi authentique. Puissions-nous renoncer à nous-mêmes et recevoir pleinement le règne de Dieu dans notre vie. Et cela, d’autant plus que la fin du passage va enfoncer le clou, si j’ose dire.
Et la dernière chose que fait Dieu dans ce passage, c’est de rappeler à son peuple un souvenir douloureux. Ce souvenir douloureux, c’est celui des quarante années passées dans le désert, bien des siècles auparavant dans l’histoire d’Israël, juste après que le peuple ait été spectaculairement délivré par Dieu de l’esclavage d’Égypte. Dieu pose une question grinçante aux Israélites, censée leur rappeler que même juste après la libération d’Égypte, ils avaient été incrédules devant la grâce de Dieu, et que cela avait aboutit à des pratiques idolâtres mêlées au culte de l’Éternel. C’est un problème ancien. Cette incrédulité avait eu des conséquences désastreuses : quarante années à errer dans le désert, et toute une génération privée de terre promise. Maintenant, Dieu annonce que le peuple d’Israël va être déporté, conformément aux nombreux avertissements. La dernière leçon que l’on peut tirer de ce texte au sujet de l’hypocrisie, c’est que les hypocrites ne croient pas à la grâce de Dieu.
Imaginez que vous soyez un amateur de haute cuisine, et qu’un jour, un ami vous offre discrètement, pour votre anniversaire, une enveloppe soigneusement cachetée. À l’intérieur, la recette confidentielle d’un des plats les plus réputés de Paul Bocuse ! Vous ne savez pas comment votre ami a réussi à se procurer ce précieux sésame, mais dès le lendemain, vous comptez vous préparer ce bon petit plat. Vous commencez à suivre la recette, mais en cours de route, vous commencez à vous dire : « Tiens, je pense qu’il faudrait peut-être un peu plus de safran. Et moins d’ail. Et si je montais un peu la température du four ? Tiens, je n’ai pas assez d’estragon, je vais remplacer par du persil… », et ainsi de suite. Vous pensez qu’à la fin, vous obtiendriez le plat délicieux de Paul Bocuse et que vous pourriez le servir dans son restaurant ? Certainement pas. Votre incrédulité devant le talent et la compétence de Paul Bocuse aura abouti à un plat totalement altéré.
De la même façon, l’incrédulité devant la grâce de Dieu aboutit à une religion frelatée. En Égypte, Dieu avait manifesté « à bras étendu » sa justice, sa puissance, et sa grâce. Dieu avait tout fait en faveur de son peuple. Mais le peuple n’y a pas cru, il s’est inventé des idoles comme pour « compléter » la grâce de Dieu, et le peuple a été privé de terre promise. Cela n’a pas empêché Dieu de renouveler ses promesses de grâce, et conformément à ces promesses, le Messie est venu en la personne de Jésus pour délivrer son peuple, une fois de plus, mais pour le délivrer cette fois d’un ennemi bien plus redoutable, à savoir le péché lui-même. Et là aussi, Dieu a manifesté « à bras étendu » sa justice, sa puissance et sa grâce. Il a manifesté sa justice en punissant les fautes de son peuple à la croix, mais pas sur son peuple ; plutôt sur son propre Fils comme en sacrifice d’expiation. Il a manifesté sa puissance en ressuscitant Jésus d’entre les morts comme gage de sa victoire totale sur le péché et sur la mort. Il a manifesté sa grâce enfin, en promettant à tous ceux qui se confient en Jésus-Christ le pardon de leurs fautes et l’assurance de la vie éternelle, bien que les hommes ne le méritent pas.
Mais les hypocrites ne croient pas à la grâce de Dieu. Et nous ? Est-ce que le prix de notre pardon, que Jésus a payé, nous laisse indifférents ? Est-ce que le Christ victorieux est pour nous un grand Roi… à côté d’autres rois ? Est-ce que l’Évangile est pertinent pour nous le dimanche, et pour certains casiers de notre vie, tandis que pour d’autres jours, et pour d’autres casiers, ce sont d’autres choses qui nous régissent ? Ou bien reconnaissons-nous que la grâce de Dieu est absolument suffisante, que le règne de Jésus-Christ est suprême, et qu’il n’y a pas d’idole qui soit excusable ni de péché qui soit mignon ? Avons-nous cédé notre vie toute entière à celui qui l’a rachetée toute entière ? Pouvons-nous dire avec l’Apôtre Paul : « Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ, qui vit en moi » (Ga 2.20) ? Et Paul ajoute dans une autre épître, comme pour nous rappeler qu’il n’y a rien à ajouter pour « compléter » la grâce de Dieu : « Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi tout avec lui, par grâce ? » (Rm 8.32). La grâce de Dieu est suffisante. Mais les hypocrites n’y croient pas. Puissions-nous garder les yeux fixés sur la croix, où Dieu a manifesté son parfait amour pour nous.
En introduction, nous parlions de ces exemples de déploiement de zèle religieux, qui ne rimaient pas avec la véritable piété chrétienne. Nous sommes aussi enclins à déployer ce zèle religieux, sans doute de manière différente les uns des autres. Et dans notre vie, ce zèle religieux rime-t-il avec la véritable piété chrétienne ? Le texte que nous avons étudié nous a mis en garde contre un réel danger : celui de l’hypocrisie. On ne peut pas dire qu’il y a les hypocrites d’un côté, et les vrais croyants de l’autre. Dans la Bible, l’hypocrisie est un danger qui nous guette, et les apôtres nous incitent à la plus grande des vigilances « de peur d’aller à la dérive » (Hé 2.1). Souvenons-nous donc de la mise en garde de ces paroles du prophète Amos, où nous avons pu voir comment l’hypocrisie nous était décrite. Les hypocrites ne voient pas qu’il y a un problème. Les hypocrites ne craignent pas le jugement de Dieu. Les hypocrites n’ont pas la foi authentique. Et les hypocrites ne croient pas à la grâce de Dieu. Vous voyez que ce texte a pointé la différence fondamentale qu’il y avait entre la religion hypocrite et la religion véritable, et nous a montré quel élément était indispensable pour que le zèle religieux puisse rimer avec la vraie piété chrétienne. Cet élément qui change tout, cette qualité déterminante, c’est l’authenticité de la foi. Et la foi, d’après l’Écriture, « c’est l’assurance des choses qu’on espère » (c’est-à-dire une confiance totale placée dans les promesses de Dieu et plus globalement dans sa Parole), et c’est « la démonstration [des choses] qu’on ne voit pas » (c’est-à-dire une vie transformée sous l’effet de la Parole de Dieu, et par le zèle authentique que donne l’Évangile de paix, Hé 11.1, Ép 6.15).