Dieu conforte l'appel de son Apôtre

Par Alexandre Sarranle 18 octobre 2009

Introduction

« Saint Paul était misogyne, antisémite, intolérant, colérique, complètement illuminé, arrogant, et très désagréable. Il fut l’inventeur malin d’un christianisme différent de celui des Évangiles. C’était un homme dont le prosélytisme hystérique lui a valu d’être chassé partout où il allait. C’est quelqu’un qui a su, par ambition personnelle, retourner sa veste quand il le fallait, et qui a attiré sur tout le christianisme une bien mauvaise image. » N’est-ce pas là, souvent, le regard que notre culture post-chrétienne porte sur cet apôtre controversé ? Vous-mêmes, parfois, je suis sûr que vous lisez certains passages du Nouveau Testament écrits de la main de l’apôtre Paul, qui condamnent sans appel les pratiques homosexuelles, le concubinage, l’impudicité, le féminisme, et vous vous dites : « Mais c’est pas possible d’être aussi intolérant ! C’est d’un autre temps tout ça ! ». L’apôtre Paul, en tout cas, était déjà décrié de son propre temps, même par certains croyants (1 Co 9.2-3 ; Ga 4.16-17 ; 2 Tm 1.15…). Et c’est en partie pour cette raison que l’auteur nous raconte ce nouvel épisode dans les pérégrinations de Paul en Mer Méditerranée. Dans le récit, Paul est sur le point d’arriver à Rome, où le livre des Actes va se terminer, mais où une nouvelle ère va commencer pour la propagation de l’Évangile. Au moment d’entrer dans cette nouvelle ère, comme en préambule, l’auteur va raconter comment Dieu, de manière providentielle, a voulu conforter l’appel de son apôtre Paul. Ce texte s’adresse particulièrement à tous ceux qui ont du mal à accepter certains enseignements du Nouveau Testament (dont une grande partie est due au ministère de Paul). L’idée à retenir est celle-ci : un cœur bien disposé doit s’incliner devant l’enseignement de l’Écriture sainte, car celle-ci nous vient de la part d’un Roi suprême et bon. Voyons comment cette idée est développée dans le texte.

Une population bien disposée (v. 1, 2, 4, 6, 7, 10)

La première chose que fait l’auteur, c’est de nous surprendre. Les passagers du navire se sont échoués sur l’île de Malte, et là, les habitants sont très gentils avec eux. Ce sont des étrangers, d’une culture et d’une langue différentes, mais ils font preuve de bienveillance (v. 2), de sollicitude (v. 2, 6), d’un certain sens moral (et d’un sens du divin, v. 4), et d’une grande reconnaissance (v. 10). Il faut se souvenir que Paul, jusque là, partout où il est allé, a surtout subi la persécution et les épreuves. Alors c’est une bonne surprise ! L’auteur est en train de décrire ces barbares sous leur plus beau jour, pour montrer que leur cœur est bien disposé.

Ce petit épisode constitue un genre de « teaser » (un petit extrait qui est censé vous donner envie d’assister à la suite). Ces barbares représentent la population qui est sur le point d’être particulièrement concernée par la propagation de l’Évangile dans cette nouvelle ère. Ce petit teaser sert à nous donner un sentiment enthousiaste d’anticipation à l’idée de ce qui doit se passer dans la suite de l’histoire. Ce teaser nous montre une terre qui est prête à recevoir la semence de l’Évangile. Une terre meuble, souple, fertile. Des cœurs bien disposés.

La leçon à tirer de ce premier point, c’est que la Parole de Dieu prend racine là où les cœurs sont prêts à la recevoir. Dans quel état est votre cœur ? À moins que nous soyons juifs, grecs ou romains, cette population barbare nous représente nous aussi. C’est nous qui sommes concernés par cette nouvelle avancée de l’Évangile. Mais notre cœur est-il devenu hautain et insensible ? La terre est-elle devenue toute sèche et dure ? Comment votre cœur est-il disposé, au moment où vous ouvrez la Bible pour la lire, et quel accueil allez-vous réserver à ces passages qui dérangent, qui contredisent votre sagesse toute humaine et qui menacent votre autonomie et peut-être le confort de votre vie ?

La Parole de Dieu prend racine là où les cœurs sont prêts à la recevoir. Mais ce n’est pas nous qui pouvons préparer le terrain : c’est Dieu qui assouplit les cœurs par son Esprit. C’est pourquoi nous pouvons prier avec le psalmiste : « Incline mon cœur vers tes préceptes et non vers le gain ! » (Ps 119.36). Le premier point à retenir, pour ceux qui ont du mal à accepter certains enseignements de la Bible, c’est donc l’importance d’avoir un cœur bien disposé ; le deuxième point, nous le voyons dans la suite du texte.

L’autorité de Paul appuyée (v. 5, 6, 8, 9)

Les naufragés ont donc été très bien accueillis par les habitants de l’île. Mais voilà qu’il se passe un événement curieux qui va vraiment marquer les esprits (v. 5-6) : Paul se fait mordre par une vipère, mais rien de mal ne lui arrive. Les barbares sont très impressionnés. Ensuite, le texte raconte comment Paul a commencé à guérir les malades de l’île, d’abord le père de Publius, jusqu’au dernier (v. 8-9). Remarquez que Luc est avec Paul, que c’est Luc le médecin, mais que c’est à Paul qu’est accordé le don de pouvoir guérir les malades ! Cela pour une raison toute simple : c’est que le don de pouvoir accomplir ce genre de miracle était donné par Dieu à des gens particuliers pour un but particulier. Les miracles servaient à appuyer, à renforcer, à « surligner » l’enseignement apostolique ; c’est pourquoi le don d’opérer des miracles (notamment des guérisons) est souvent donné aux apôtres, dans le livre des Actes, pour manifester l’autorité dont ils sont investis pour l’accomplissement de leur mandat particulier, qui est la proclamation et la diffusion des vérités aujourd’hui contenues dans le Nouveau Testament. Parlant de la diffusion de l’Évangile dans les premiers temps de l’ère chrétienne, Jésus avait justement dit : « Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : En mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris » (Mc 16.17-18).

Vous avez sans doute déjà reçu un document officiel, par exemple de la Préfecture. Vous savez que ce document fait autorité à cause du tampon qui se trouve dessus. Mais ce n’est pas le tampon qui doit retenir l’attention : c’est le contenu de ce document. Le tampon sert à authentifier les informations contenues dans le document. De même, lorsque vous lisez un livre scientifique, il y a souvent, au dos du livre, une petite biographie de l’auteur mentionnant son expérience et ses diplômes. Mais ce n’est pas cela qui est important : c’est le contenu du livre. Mais la petite biographie sert à appuyer l’autorité et la crédibilité des thèses contenues dans le livre. De la même façon, les miracles accomplis par les apôtres ont une utilité précise : c’est d’appuyer l’autorité que Dieu leur a donnée, et d’authentifier leurs enseignements.

La leçon à tirer de ce deuxième point, c’est donc que l’autorité des enseignements de l’Écriture est attestée par Dieu. La Bible n’est pas un document anodin, à mettre sur la même étagère que le dernier best-seller de chez Gallimard. Même les meilleures encyclopédies ne portent pas sur elles le tampon de Dieu. Mais la Bible oui. Ceci nous fait donc poser une question : nous sommes prompts à croire et à accepter ce que nous trouvons dans le Petit Larousse et dans Wikipédia, mais sommes-nous encore plus prompts à croire et à accepter ce que nous lisons dans la Parole de Dieu ?

L’autorité des enseignements de l’Écriture est attestée par Dieu. Si nous avons du mal à accepter certains enseignements de la Bible, à nous de prendre le temps de considérer par quels moyens absolument uniques et extraordinaires Dieu a authentifié sa Parole. La Bible porte le tampon de Dieu ! Les miracles opérés par Paul révèlent donc aux yeux de ces barbares l’autorité dont il est investi par Dieu, et ces miracles sont censés pointer vers le « contenu » du ministère de Paul : son témoignage à l’Évangile. Et justement, les miracles accomplis dans ce texte sont très significatifs.

Des miracles significatifs (v. 3, 5, 6, 8, 9)

Il faut comprendre que si ces gens sont appelés des « barbares », ce n’est pas parce qu’ils sont incivilisés, c’est tout simplement parce qu’ils ne parlent ni le grec, ni le latin, qui sont les langues communes de l’époque. Vous voyez pourquoi il est si important que le témoignage à l’Évangile passe par des prodiges concrets et visibles. Les barbares observent ces choses et en tirent des enseignements concernant la nature du message véhiculé par les chrétiens. Et les miracles qui sont mentionnés sont très significatifs. D’abord, l’invulnérabilité de Paul face à la vipère pointe vers la suprématie toute divine de Jésus sur l’ordre de la nature (cf. v. 6), sur toute la création, même sur les plus vils et les plus dangereux animaux, même sur le diable, même sur la mort. Cette suprématie, la Bible nous explique qu’il l’a gagnée en mourant lui-même sur la croix pour les péchés de tous ceux qui se confient en lui, et en ressuscitant pour eux : « Il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2.8-9). Jésus a vaincu tous les ennemis, et il règne sur la création toute entière.

L’autre miracle qui est mentionné, c’est la guérison des malades. Ce miracle pointe vers la bonté et la sollicitude de Jésus envers nous. Jésus est un Roi suprême, mais son règne est bienveillant : il compatit à nos souffrances, il compte nous délivrer de la mort, il veut nous consoler, nous redresser et nous faire du bien, et en fin de compte, il essuiera toute larme de nos yeux (Ap 21.4). Voilà comment Dieu, à travers ces miracles, appuie et illustre le message véhiculé par son apôtre. Le règne du Messie est suprême et bienveillant.

Imaginez que vous êtes un explorateur au service d’un pays puissant, et que vous débarquez avec tout votre équipage sur un territoire inconnu, et que vous faites la connaissance des indigènes. Impossible de communiquer avec eux par le langage. Alors vous leur offrez sans doute des cadeaux, pour leur manifester vos intentions pacifiques. Mais pas n’importe quels cadeaux : pas des fusils qu’ils pourraient utiliser pour se faire du mal, pas des noix de coco dont ils n’ont pas besoin parce qu’elles poussent déjà à foison sur leur territoire, pas des manteaux de fourrure alors qu’ils vivent dans un pays tropical, mais plutôt des choses qui vont leur faire du bien, et dont ils ont vraiment besoin.

De la même façon, les miracles qui ont accompagné le ministère de Paul pointent vers les intentions de Dieu envers nous. Ces miracles sont censés montrer à quoi ressemble le royaume de Dieu. Lorsque Jésus a envoyé les soixante-dix disciples en mission, il leur a donné le pouvoir de guérir les malades, et il leur a expliqué : « Guérissez les malades qui se trouveront dans la ville, et dites-leur : Le royaume de Dieu s’est approché de vous » (Lc 10.9). Les apôtres annoncent la venue de ce royaume, et l’établissement du règne de Jésus par sa mort, sa résurrection et son ascension auprès du Père, et les miracles qui accompagnent ou qui précèdent cette proclamation montrent que ce Seigneur tout-puissant veut notre bien.

Voici donc la troisième leçon à tirer de ce texte : l’Écriture sainte provient d’un Roi suprême et bienveillant. Si nous avons du mal à accepter certains enseignements de la Bible, il faut que nous nous posions la question suivante, une question désagréable mais nécessaire : qui suis-je pour discutailler avec le Roi des rois qui a manifesté sa bienveillance envers moi ? Non seulement a-t-il appuyé ces enseignements par des miracles significatifs qui me parlent de tout le bien qu’il me veut, mais ce Roi a tant aimé ses sujets qu’il a donné sa vie pour nous, il a vaincu à lui seul tous nos ennemis, et il veut partager avec nous cette victoire.

Conclusion

Pour terminer : nous avons donc pu voir dans ce texte qu’un cœur bien disposé doit s’incliner devant l’enseignement de l’Écriture sainte, car celle-ci nous vient de la part d’un Roi suprême et bon. Cette leçon nous est donnée en préambule à une nouvelle ère pour la propagation de l’Évangile, une ère qui nous concerne particulièrement puisque c’est nous, les « barbares », les païens dont Paul, particulièrement, est l’apôtre. Le chapitre précédent nous a tenus en haleine. On a senti qu’il y avait un bouleversement qui était en train de s’opérer. Jusque là, tout le livre des Actes a raconté le tiraillement entre Juifs et païens vis-à-vis de l’Évangile. On a appris que Paul avait été envoyé « vers les païens », et on attend que l’Évangile arrive, depuis la capitale des Juifs, Jérusalem, où l’histoire a commencé, à la capitale des païens, le siège du pouvoir del’époque : Rome. Tout le livre des Actes raconte ce mouvement, ce déplacement du centre de gravité du christianisme. D’énormes changements sont en train de survenir : l’apothéose de ce bouleversement sera, plus tard, la destruction de Jérusalem et du Temple des Juifs par les forces romaines en l’an 70. Mais dans notre texte, Paul est sur le point d’arriver à Rome pour inaugurer cette nouvelle ère, et au moment d’y entrer, dans le vestibule si j’ose dire, Dieu choisit de conforter l’appel de Paul, de lui renouveler sa confiance en quelque sorte, et de l’encourager dans le mandat qu’il lui a confié. À nous aujourd’hui de considérer la disposition de notre cœur à recevoir les enseignements de la Parole de Dieu, de considérer la façon dont Dieu lui-même a attesté les enseignements de l’Écriture sainte, et de considérer que les intentions du Roi suprême, pour le règne qu’il compte déployer dans notre vie par sa Parole, sont bonnes.

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