La promesse faite par Dieu à nos pères

Par Alexandre Sarranle 5 juillet 2009

Introduction

À quoi pensez-vous lorsque vous entendez ces mots : « l’espérance chrétienne » ? J’ai tapé « l’espérance chrétienne, c’est… » dans Google, et voici quelques exemples de ce que j’ai trouvé : « L'essence même de l'espérance chrétienne, c'est de faire que tout attachement à une chose comme bien à posséder soit reporté sur Dieu seul… », « L'espérance chrétienne, c'est l'appel le plus fort à l'exercice de notre responsabilitéhumaine, à notre intelligence et à notre liberté », « L'espérance chrétienne, c'est de pouvoir déceler dans notre vie des signes positifs qui ne sont pas toujours évidents », « L'espérance chrétienne c'est la certitude de la présence agissante de Dieu au cœur de l'humanité »… Je crois qu’il règne un certain flou autour de cette idée de l’espérance chrétienne. Je ne vous apprends rien, d’ailleurs, en vous disant que lorsque les médias parlent des chrétiens aujourd’hui, on entend un peu tout et n’importe quoi. La raison de cette confusion ? C’est que nous vivons, en France en tout cas, dans une culture post-chrétienne, une culture qui, globalement et pour faire simple, a pris ses distances avec la Bible. « L’espérance chrétienne » devient donc une expression à la fois folklorique et fourre-tout, souvent même une valeur humaniste tout-à-fait détachée de son origine et de sa définition bibliques. Et vous, donc, à quoi pensez-vous lorsque vous entendez ces mots : « l’espérance chrétienne » ? Le texte que nous avons lu arrive à un moment-clef du récit des Actes. Depuis le chapitre 21, Paul est arrivé à Jérusalem, et il a eu l’occasion de présenter sa cause successivement devant le peuple, devant le Sanhédrin, devant le gouverneur Félix à Césarée, et devant le gouverneur Festus. Maintenant, Paul va présenter sa cause au roi lui-même, Agrippa. Paul s’apprête à lui donner le témoignage de sa conversion spectaculaire sur la route de Damas, mais avant cela, il lui fait ce petit discours introductif dans lequel Paul va mettre le doigt, très précisément, sur ce qui constitue l’objet de son ministère d’apôtre, la raison pour laquelle il est accusé, cette fameuse espérance chrétienne qu’il est chargé d’annoncer et de propager. La ligne de défense de Paul est simple, et elle n’est pas nouvelle : il affirme ici que l’espérance chrétienne ne consiste en rien d’autre qu’en l’espérance millénaire de l’Ancien Testament. Regardons le texte, et voyons en quoi cela peut changer notre propre perspective sur la foi chrétienne.

Paul va faire une annonce solennelle (v. 1-3)

La première chose que fait le texte, c’est de nous préciser le caractère unique de cette confrontation entre Paul et Agrippa. C’est un véritable paroxysme dans le récit des Actes. Il se passe quelque chose de solennel. Tous les dignitaires de la ville sont réunis. Le roi Agrippa est attentif. Paul se réjouit de l’occasion, et reconnaît la compétence unique d’Agrippa, ce roi judéo-romain qui réunit dans sa personne une formidable connaissance de la religion juive et de la culture romaine, et une autorité à la fois civile et religieuse. Quelle occasion !

Imaginez que vous militiez pour une cause quelconque. Vous faites un blog, vous distribuez des tracts, les médias commencent à s’intéresser à vous, vous passez quelques fois au journal télévisé, et voici qu’un jour vous êtes convoqué au conseil des ministres pour présenter vos idées. La crème du pouvoir politique s’intéresse à vous. Quelle occasion pour présenter exactement, mais succinctement, vos revendications !

Ici aussi, Paul va saisir l’occasion pour présenter exactement, mais succinctement, sa cause. Il annonce la couleur (v. 3-4) et lance une invitation : Je te prie donc de m’écouter patiemment. Paul va faire une annonce solennelle. Et très solennellement, il va préciser à quoi se résume son ministère d’Apôtre. Nous puisons beaucoup de notre théologie chrétienne dans les lettres de Paul, et c’est très bien. Mais je crois qu’il faut aussi considérer avec beaucoup d’attention ce que Paul nous dit ici, et dans d’autres textes de ce type, pour comprendre dans quelle perspective Paul plaçait son propre ministère et tout son enseignement. Regardons la suite.

Paul a toujours été un Juif exemplaire (v. 4-5)

Le premier point de Paul, pour sa défense, c’est de rappeler, avec insistance, qu’il a toujours été un Juif exemplaire. Il a grandi à Jérusalem, « dès [sa] jeunesse et depuis le commencement » ; il a toujours pleinement fait partie du peuple saint ; non seulement cela, mais sa vie était celle d’un Pharisien ; et tout le monde le sait très bien. Paul est en train de dire qu’avant d’être « chrétien », il était un spécialiste du judaïsme.

Paul insiste là-dessus pour montrer qu’il est très bien placé pour parler de religion. Comme Obélix, il est tombé dans la marmite quand il étaitpetit. Imaginez que vous empruntiez la thèse de Nubia en sciences de l’éducation, et que vous lisiez un passage sur le système éducatif au Brésil et que vous ne soyez pas d’accord avec son analyse. Vous vous mettez à attaquer Nubia sur son travail. Qu’est-ce qu’elle va vous répondre ? Sans doute qu’elle connaît très bien son sujet parce qu’elle y a passé des heures et des années. Non seulement cela, mais elle a grandi au Brésil et elle a enseigné au sein du système.

Paul, de la même façon, est en train de montrer qu’il connaît mieux le sujet que ses détracteurs. Ce qui est incroyable, c’est que pour défendre son témoignage chrétien, Paul insiste avant tout sur le fait qu’il a toujours été un Juif exemplaire. Paul ne renie pas son judaïsme, mais le revendique, et cela, dans le cadre de son ministère d’Apôtre chrétien, et non seulement cela, mais en tant qu’Apôtre « des païens » (Ga 2.7-8).

Paul est en train de dire qu’il est un spécialiste du christianisme parce qu’il est un spécialiste du judaïsme. Pour Paul, la foi en Christ ne s’oppose pas au judaïsme, et pour cause, Jésus lui-même était Juif, et tous les apôtres aussi. C’est Jésus qui a dit : « Le salut vient des Juifs » (Jn 4.22). Paul écrira : « L’Évangile est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec » (Rm 1.16). Les disciples de Jésus continuaient à se rendre au Temple pour adorer, en compagnie des Juifs. Paul insiste donc sur le fait que sa formation, son zèle et son expérience au sein du judaïsme fondent son ministère d’Apôtre chrétien ! Paul est en train de dire qu’en tant que Juif aguerri, il est bien placé pour témoigner de l’espérance chrétienne. Comment cela se fait-il ? N’y a-t-il pas une profonde dichotomie entre l’espérance juive et l’espérance chrétienne ? La suite du texte va nous montrer tout le contraire.

Paul témoigne de l’espérance de l’Ancien Testament (v. 6-7)

Paul insiste sur le fait qu’il a toujours été un Juif exemplaire, précisément pour donner du poids à ce qu’il dit ensuite. Et ce qu’il dit ensuite, c’est que ce dont on l’accuse, c’est justement de croire en l’espérance des Juifs (v. 6) ! Paul dit que dans le cadre de son ministère, tout ce qu’il a fait, c’est de maintenir la foi des « douze tribus » (v. 7), c’est-à-dire du peuple juif dans toute son histoire depuis les patriarches. Paul est en train d’affirmer la parfaite continuité de l’histoire du salut, la continuité de l’espérance du peuple de Dieu.

Ailleurs dans le Nouveau Testament, Paul utilise une image très forte pour illustrer le rapport des chrétiens au peuple juif de l’Ancien Testament. Paul dit que les Chrétiens sont comme des branches qui ont été prises à un arbre et greffées à un autre arbre, et cet arbre, c’est le peuple juif de l’Ancien Testament (Rm 11.16-24). Paul dit que les Chrétiens participent « à la racine et la sève » de cet arbre, et il dit à tous lesChrétiens d’origine non-juive : « sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte » (Rm 11.18). Les Chrétiens ne sont pas un nouvel arbre, planté à côté de l’arbre du judaïsme de l’Ancien Testament. Les Chrétiens sont, depuis Jésus-Christ et les Apôtres, les branches de cet arbre unique.

Parfois on entend parler du christianisme évangélique comme d’un mouvement nouveau, qui serait apparu soit au 20ème siècle avec le pentecôtisme, soit au 19ème siècle avec les mouvements de réveil, soit au 16ème siècle avec la réforme, soit au 12ème siècle avec les Vaudois, soit au 1er siècle avec Jésus et les Apôtres. En réalité, d’après Paul, le christianisme évangélique, c’est-à-dire le mouvement de croyants caractérisé par la foi en Dieu, et dont la foi est fondée sur la révélation de Dieu, remonte à beaucoup plus longtemps que ça ! Pour Paul, professer la foi chrétienne, c’est professer la foi des pères du peuple juif. Pour Paul, l’espérance chrétienne consiste en l’espérance millénaire de l’Ancien Testament.

Ne vous imaginez pas que le christianisme soit une révolution religieuse, ou une secte plus ou moins nouvelle. La foi chrétienne biblique c’est la foi du peuple de Dieu depuis au moins quatre millénaires. Étienne dit la même chose dans Actes 7. Ailleurs, Paul dit que « si vous êtes à Christ, alors vous êtes la descendance d’Abraham » (Ga 3.29). Dans Hébreux 11, l’auteur remonte encore plus haut, jusqu’à Abel, pour décrire ce que c’est que la foi chrétienne. Dans l’Évangile de Luc, c’est Jésus lui-même qui résume, à partir de l’Ancien Testament exclusivement, la substance de la foi et de la mission chrétiennes : « Il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour et que la repentance en vue du pardon des péchés serait prêchée en son nom à toutes les nations à commencer par Jérusalem » (Lc 24.46-47). Alors si c’est vrai, que l’espérance chrétienne consiste en l’espérance millénaire de l’Ancien Testament, pourquoi les Juifs s’opposent-ils à Paul avec tant de véhémence ?

Paul soulève le véritable problème (v. 8)

C’est Paul qui va soulever le véritable problème. Ce problème, c’est que les Juifs ne croient pas à la résurrection de Jésus (v. 8). L’espérance de l’Ancien Testament se portait vers un personnage, celui du Messie. La fameuse promesse faite aux pères devait se réaliser à travers l’œuvre d’un envoyé de Dieu. Le problème des détracteurs de Paul, c’est qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme cet envoyé de Dieu. Pourquoi ? Parce qu’il est venu comme un serviteur, qu’il s’est humilié, qu’il est mort comme un bandit, alors que les Juifs voulaient un chef de guerre, un libérateur politique qui chasserait les romains de la terre sainte et qui redonnerait au peuple juif intégrité, puissance et prospérité.

Le problème des détracteurs de Paul, c’est qu’ils ont sous-estimé le véritable problème, et donc, la véritable promesse. Je connais quelqu’un qui a appris, lors d’un examen quelconque, qu’elle avait un cancer du sein. Elle se portait très bien à part ça. Sur les conseils pressants du médecin, elle a subi une opération, puis plusieurs mois de chimiothérapie et de radiothérapie. Je peux vous dire qu’elle se sentait bien mieux avant son traitement, avec sa tumeur, que pendant son traitement, sans la tumeur ! Elle aurait pu se dire : « Flûte, je laisse tomber le traitement car je me sens mieux sans ». Combien il eût été facile, et dangereux, pour elle de sous-estimer le véritable problème et donc, de passer à côté du véritable traitement.

Les détracteurs de Paul ont pensé que le véritable problème du peuple juif c’était l’occupation ennemie de la terre sainte, et la dispersion du peuple. Alors qu’en fait, le véritable problème du peuple c’était le péché du peuple (sa rébellion contre Dieu) qui avait entraîné, comme un jugement, cette occupation et cette dispersion. Le Messie est venu régler ce problème. Non pas en libérant le peuple d’un ennemi politique, mais en le libérant du véritable ennemi, le péché lui-même, et pour offrir au peuple le pardon de Dieu. Pour faire cela, le Messie s’est substitué au peuple pour accomplir l’obéissance parfaite que Dieu attendait du peuple ; il s’est substitué au peuple pour prendre sur lui le châtiment que le peuple méritait ; il s’est substitué au peuple pour subir à sa place non pas un exil géographique, mais un exil spirituel, le fait d’être séparé de Dieu par un abîme infranchissable ; il s’est substitué au peuple, enfin, en vainquant à sa place l’ennemi ultime, la mort, et en ressuscitant le premier pour ouvrir la voie à tous ceux qui se confieraient en lui. La croix et la résurrection de Jésus accomplissent parfaitement la promesse faite aux pères ; cette promesse est plus grande, plus définitive, plus glorieuse que ce que les détracteurs de Paul imaginaient.

Conclusion

Alors à quoi pensez-vous lorsque vous entendez ces mots : « l’espérance chrétienne » ? L’espérance chrétienne, c’est l’espérance de la réalisation de la promesse faite par Dieu à nos pères, c’est-à-dire à Abraham et aux patriarches : la promesse d’un peuple innombrable, dans un territoire béni, en relation intime et perpétuelle avec Dieu. Cette promesse est réalisée, dans tout son potentiel, à travers la croix de Jésus et sa résurrection. Le règne de Christ a été établi, et tous ceux qui se confient en lui participent à ce règne dès maintenant. Toutefois, comme le dit l’Écriture, nous attendons encore la révélation de sa gloire (Rm 8.18-25), qui viendra lors du retour de Jésus, et de l’inauguration des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (Ap 21). On a donc pu voir que la ligne de défense de Paul, contre ses accusateurs, est simple : selon lui, l’espérance chrétienne ne consiste en rien d’autre qu’en l’espérance millénaire de l’Ancien Testament. Le saviez-vous ? Cela peut changer notre perspective sur la foi chrétienne, notamment sur la mission de l’Église dans le monde, sur notre idée du paradis et de la vie éternelle, sur le rapport de nos enfants à l’alliance de grâce, et même sur l’histoire tout entière : création, chute, rédemption. Je finis avec ces paroles que Pierre a adressées à des Chrétiens non-Juifs : "Vous, par contre, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d'annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ; vous qui, autrefois, n'étiez pas un peuple et qui, maintenant, êtes le peuple de Dieu ; vous qui n'aviez pas obtenu miséricorde et qui, maintenant avez obtenu miséricorde" (1 Pierre 2.9-10).

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