Avoir peur de Jésus

Par Alexandre Sarranle 12 avril 2009

Introduction

« A Pâques, les ventes de chocolat sont passées de 14.400 tonnes en 2006 à 12.700 tonnes deux ans plus tard […].Cette année, la consommation de Pâques devrait encore baisser à 12.500 tonnes, prédit Florence Pradier, secrétaire générale du Syndicat [du Chocolat]. […] [Selon Thierry Desouches, porte-parole de Système U,] Pâques, c'est comme Noël, une fête pour les enfants, ce qui nous laisse espérer que les consommateurs auront une attitude de consommation moins prudente […]. » Voilà ce que l’Agence France-Presse a jugé bon de nous communiquer ce weekend, à l’occasion de la fête de Pâques 2009. C’est dire que la commémoration de la résurrection de Jésus-Christ ne rencontre guère que l’indifférence, de nos jours, dans notre société. Mais quels étaient nos sentiments ce matin en nous levant et en nous préparant pour venir à l’église ? Étaient-ils si éloignés que ça de l’indifférence générale que nous constatons tout autour de nous ? Était-ce pour nous ce matin, un dimanche comme un autre, ou une fête de Pâques comme une autre, telle qu’on a l’habitude d’en avoir une fois par an, toujours autour du début du printemps, avec le même chocolat, la même chasse aux œufs, le même lundi férié ? Peut-être même que la foi chrétienne, en général, est pour vous une simple habitude, ou une curiosité que vous observez avec un certain recul et une certaine passivité. Il me semble qu’il y a un vrai et profond décalage entre l’événement extraordinaire de la résurrection de Jésus, et la façon dont la plupart d’entre nous réagissons vis-à-vis de cette information. Le texte de ce matin, en effet, va nous montrer que la résurrection de Jésus ne peut laisser personne indifférent ; qu’elle doit nous faire frémir de terreur d’abord et de joie ensuite ; et qu’elle a le potentiel de bouleverser notre rapport à Dieu et notre vie toute entière.

Un événement terrifiant (v. 1 – 4)

Matthieu raconte que les deux Maries (M&Ms) se rendent de très bonne heure au tombeau de Jésus. Elles ne sont pas encore arrivées que soudain il se passe quelque chose d’extraordinaire et de terrifiant. Un grand tremblement de terre. Un être céleste qui descend du firmament. Une force extraordinaire déployée pour rouler de devant l’entrée du tombeau la pierre massive qui en bouchait l’entrée. Et l’ange victorieux de s’asseoir sur l’objet de sa conquête, et de briller de tous ses feux éblouissants et de ses vêtements blancs comme la neige. Et les gardes qui devaient surveiller le tombeau sont pétrifiés, terrorisés, morts de peur.

Matthieu est en train de nous parler d’un événement terrifiant. Ces gardes, ce ne sont pas des surveillants de stades de foot. Ce sont des soldats romains armés et entraînés pour le combat. D’après un historien grec de cette époque (Polybe), on peut savoir précisément de quoi ils avaient l’air : ils sont armés d’une épée, d’un ou deux javelots, d’un grand bouclier, d’un casque, et parfois d’une armure complète. Ils étaient vraisemblablement au minimum une quinzaine de gardes. Assez pour faire une équipe de Rugby : le XV de Rome. Imaginez ces grands gaillards, les All Blacks de l’époque, effondrés par terre en train de gémir, de trembler de peur et d’appeler leur maman à l’aide.

Matthieu commence tout juste, ainsi, son compte-rendu de la résurrection de Jésus. Il veut nous montrer que la suprématie de Jésus, manifestée par sa victoire sur la mort, doit nous terrifier. Dites-moi : quel genre de puissance est capable de vaincre la mort ? La puissance d’un char d’assaut ? La puissance d’une bombe nucléaire ? La puissance du soleil ou du Big Bang ou de toute l’énergie de l’univers serait-elle suffisante pour vaincre la mort ? Non. Impossible. Mais si devant de tels déploiements de puissance nous serions tous ici absolument épouvantés, alors quelle serait notre réaction face à une puissance infiniment supérieure à toutes celles-là, une puissance capable de vaincre la mort ?

Le tremblement de terre, l’ange resplendissant qui descend du ciel et qui roule la pierre de devant le tombeau vide et qui s’assoit dessus, c’est l’annonce de la victoire de Jésus sur l’ennemi ultime qu’est la mort, et c’est la manifestation de sa suprématie sur tout l’univers. Et nous, à Pâques, nous parlons de chocolat, de chasse aux œufs, et de lundi férié. Nous avons banalisé la résurrection de Jésus alors même qu’elle devrait nous faire peur. C’est comme ça en tout cas que Matthieu commence son récit de la résurrection. Mais il ne s’arrête pas là, et heureusement pour nous.

Une alternative à la terreur (v. 5 – 7)

Ayant parlé de la terreur des gardes, Matthieu va dresser un contraste saisissant. L’ange prit la parole et dit aux femmes : Pour vous, n’ayez pas peur, car je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié (v. 5). L’ange dit aux femmes qu’elles ne doivent pas avoir peur. Il connaît leurs motivations, et la sollicitude qu’elles éprouvaient pour Jésus. Il leur donne une explication pour cette situation spectaculaire en leur expliquant que Jésus est revenu à la vie. Il leur dit que Jésus veut les revoir, ainsi que les disciples. L’ange leur parle du lien d’affection qui existait, et qui existe encore entre Jésus et elles et les disciples. L’ange leur fait comprendre que celui qui est ressuscité, et qui a une puissance telle qu’il a vaincu la mort, est leur ami.

Dans le premier volet des Chroniques de Narnia, Susan et Lucy discutent avec M. et Mme Castor au sujet de leur rencontre prochaine avec le lion Aslan. Susan se demande :

- N’est-il pas…dangereux ? Cela me fera plutôt peur de rencontrer un lion…
- Tu auras certainement peur, ma mignonne, c’est sûr ! dit Mme Castor. S’il existe des gens qui peuvent se présenter devant Aslan sans que leurs genoux tremblent, ils sont soit plus courageux que les autres, soit tout simplement stupides.
- Alors, il est dangereux ? dit Lucy.
- Dangereux ? reprit M. Castor. Vous n’avez donc pas entendu ce qu’a dit madame Castor ? Dangereux ? Evidemment qu’il est dangereux. Mais il est bon.

Jésus aussi est dangereux. Parce que sa puissance dépasse tout ce que nous pourrions imaginer. Mais Jésus est bon. Il aime ses disciples. Ce que Matthieu est en train de nous montrer ici, c’est que oui, Jésus est ressuscité ; oui, il est sorti victorieux du combat suprême ; oui, il a vaincu l’ennemi ultime qu’est la mort ; mais il l’a fait pour nous. Il l’a fait pour tous ceux qui renoncent à leur propre autonomie, qui confessent leurs péchés et qui s’en remettent totalement à lui dans la confiance. D’où la parole de l’ange : Pour vous, n’ayez pas peur

À ce stade du récit, il y a un contraste incroyable : d’un côté une quinzaine de grands gaillards armés jusqu’aux dents qui tremblent de peur, à un tel point qu’ils ne peuvent même pas ouvrir la bouche pour émettre un son ; de l’autre côté, deux femmes vulnérables, endeuillées, dubitatives, auxquelles l’ange dit : Vous, n’ayez pas peur. Sommes-nous prêts à ressembler à ces femmes, dans leur vulnérabilité, dans leur fragilité, mais dans l’affection qu’elles portent pour Jésus ? Ou préférons-nous ressembler aux gardes costauds et virils, tout équipés pour empêcher Jésus de sortir de son tombeau et de se mêler de notre vie privée ? Confrontés à la suprématie de Jésus, les gardes ont tremblé de peur. Les femmes aussi ont tremblé de peur, mais elles, elles ont reçu une parole de réconfort, et l’assurance que Jésus les aimait. Et cela a eu chez elles un effet remarquable. Regardons plutôt.

Une attitude transformée (v. 8 – 10)

Matthieu raconte que les femmes, ensuite, sont parties en courant. Non pas à cause de la peur qu’elles éprouvent encore, d’après le texte (v. 8), mais à cause d’une joie débordante et d’un empressement pour aller tout raconter aux disciples. Et c’est là que Jésus les rencontre sur le chemin. Lorsqu’elles le voient, elles se prosternent pour saisir ses pieds et se mettent à lui rendre un culte ! Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais d’après moi, il y a ici, dans la façon dont ces deux femmes célèbrent Pâques, tout sauf de l’indifférence ! La résurrection de Jésus a radicalement changé leur perspective et leur attitude. Elles ont été bouleversées.

Je suis sûr que vous êtes amenés à rencontrer des inconnus très régulièrement, peut-être tous les jours. Avez-vous remarqué qu’au fur et à mesure que nous apprenons des choses sur les gens, notre opinion change à leur sujet, ainsi que notre façon de les aborder ? Un jour, lors d’une rencontre de pasteurs, je me souviens d’avoir salué un certain nombre de personnes, dont un pasteur noir, qui n’avait pas particulièrement retenu mon attention. Un peu plus tard pendant la réunion, mon voisin de droite se penche vers moi et me dit : « Tu vois ce pasteur noir ? Avant de se convertir, il a été trois fois champion de France de boxe ». J’aime autant vous dire qu’à partir de ce moment-là, ce monsieur a retenu mon attention, et sans doute qu’après la réunion, lorsque l’occasion m’a été donnée de lui parler, je devais bégayer un peu, hésiter à le regarder en face, et paraître tout-à-fait intimidé !

Ayant compris que Jésus était, non pas trois fois champion de France de boxe, mais l’éternel champion de l’univers, toutes disciplines et toutes catégories confondues, les femmes ont saisi ses pieds et l’ont adoré. Je me demande, si Jésus devait entrer dans cette pièce à l’instant et nous dire « Je vous salue ! », combien d’entre nous nous aurions l’idée de nous abaisser à ses pieds et de l’adorer comme l’ont fait ces femmes. Je crois qu’il nous manque quelque chose. Je crois qu’il nous manque la peur, une terreur appropriée devant la suprématie de Jésus-Christ manifestée à sa résurrection. Il nous manque cette crainte qui permet de répondre à l’invitation du Psaume 2 : Servez l’Éternel avec crainte, soyez dans l’allégresse, en tremblant. Embrassez le fils, de peur qu’il ne se mette en colère, et que vous ne périssiez dans votre voie, car sa colère est prompte à s’enflammer. Heureux tous ceux qui se réfugient en lui ! (Ps 2.11-12). Et en se réfugiant en lui, remplis comme Marie et Marie de crainte et de joie, ou comme le psalmiste d’allégresse et d’effroi, nous entendrons la tendre voix du Fils suprême nous rassurer et nous dire : Soyez sans crainte (v. 10).

Conclusion

Nous faisions un constat en introduction. Que la commémoration de la résurrection de Jésus-Christ ne rencontrait guère que l’indifférence, de nos jours, dans notre société. Nous faisions le constat d’un vrai et d’un profond décalage entre l’événement extraordinaire de la résurrection de Jésus, et la façon dont la plupart d’entre nous réagissons vis-à-vis de cette information. Ce texte nous a montré que la résurrection de Jésus devait, dans un premier temps, nous inspirer de la terreur. Mais dans un deuxième temps, la résurrection de Jésus c’est aussi une incroyable bonne nouvelle pour tous ceux qui veulent renoncer à leur armure, à leur force, à leur expérience, et confier leur vie toute entière à Jésus-Christ. Et cette association d’une crainte véritable et d’une joie véritable, c’est un bouleversement total dans notre vie. C’est une relation approfondie avec Dieu. C’est une fête de Pâques tous les dimanches. C’est avoir le champion de l’univers comme ami. C’est un refuge solide au temps de la détresse. Alors je veux vous poser une question : est-ce que Pâques a déjà voulu dire plus pour vous que « chocolat, chasse aux œufs et lundi férié » ? Je vous mets au défi, à chaque fois que vous mangez des M&Ms, de réfléchir au témoignage de ces deux femmes, Marie et Marie, et de la façon dont elles, les premiers témoins de la résurrection de Jésus, étant confrontées à la suprématie de Jésus et à son amour pour elles, se sont abaissées pour saisir ses pieds et l’adorer. Aujourd’hui, je ne vais pas prononcer la formule traditionnelle : Le Christ est ressuscité ; il est vraiment ressuscité, alléluia ! Mais je vais plutôt l’adapter au texte d’aujourd’hui : « Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ! Mais pour vous, n’ayez pas peur. »

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