Comment garder courage ?

Par Alexandre Sarranle 2 octobre 2016

Vous n’en avez pas marre, des fois, de l’état du monde ? Regardez un peu les infos : la semaine dernière, de nombreux civils, notamment de nombreux enfants, sont morts dans les affrontements qui continuent d’avoir lieu dans la ville d’Alep en Syrie. À 8000 km de là, la Corée du Nord vient de réaliser son cinquième essai nucléaire. Il y a un mois, un tremblement de terre en Italie a fait presque 300 morts. Au Nord-Est du Nigéria, dans la région où sévit le groupe terroriste Boko Haram, la famine est en train de faire des milliers de victimes. Pendant ce temps, l’État Islamique continue de recruter des djihadistes et de projeter des attaques en France et en Occident. Et la première puissance du monde aura vraisemblablement à sa tête après le mois de novembre une femme machiavélique, menteuse et corrompue, ou bien un clown xénophobe et misogyne. Mais il se trouve que l’injustice, la souffrance et la mort, on les observe aussi tout près de nous ; pas seulement au journal télévisé. Hier par exemple, j’ai appris la mort soudaine d’une amie à qui nous avions rendu visite il y a quelques mois lorsque nous étions aux États-Unis. Et face à ce flux constant de mauvaises nouvelles, est-ce que vous vous demandez parfois : « Mais quand est-ce que ça s’arrêtera » ? Ce monde sera-t-il un jour délivré de cette maladie, de cette corruption, de cette violence, qui semble le gangréner ? Et bien sûr, si vous êtes chrétien, et surtout si vous avez suivi cette série de messages sur l’Évangile selon Matthieu, vous savez (normalement) que Jésus est venu précisément pour ça. Il est venu délivrer les hommes, et toute la création, des liens du mal et de la mort ; et cette réalité est souvent décrite en termes de la venue et de l’établissement du « royaume des cieux ». C’est-à-dire que le lecteur attentif (et le paroissien attentif) sait que Jésus est venu de la part de Dieu faire tout ce qu’il fallait pour vaincre le mal et soumettre le monde à son règne bienveillant. C’est exactement ce qu’attendait le peuple d’Israël depuis de nombreux siècles, et qui est annoncé d’avance par tous les prophètes de l’Ancien Testament. Bonne nouvelle, non ? Sauf que… c’est pour quand ? « Je veux bien croire, Seigneur, que ton projet c’est de délivrer le monde et d’établir ton royaume sur toute la terre, et que Jésus a fait ce qu’il fallait pour ça, mais… jusqu’à quand, Seigneur, devra-t-on encore souffrir, et observer l’injustice, et la corruption, et la violence, et la guerre, et la persécution, et la mort autour de nous ? » Si seulement Dieu nous donnait une petite indication, comme par exemple : « Allez, il reste encore à peu près trois semaines et demi avant ta délivrance », ça nous aiderait à garder courage, non ? Eh bien il se trouve que dans le texte qu’on est sur le point de lire et d’étudier, les disciples de Jésus posent à Jésus une question qui ressemble beaucoup à ça. Ils aimeraient que Jésus leur dise quelque chose qui les encourage à patienter en attendant l’établissement du règne bienveillant de Dieu sur la terre. Et Jésus va répondre en leur faisant un long discours (le dernier des grands discours de Jésus dans cet Évangile) ; et ce discours, on va l’aborder en trois parties, la première aujourd’hui. Vous allez voir que ce passage nous donne des éléments, des indications destinées à nous encourager et à nous faire comprendre ce message : « Tiens bon ! Car Jésus règne et il est en train d’accomplir ce qu’il a promis ».

Une question précise

Avant de regarder plus en détail ce que Jésus dit dans ce passage, il est important de regarder et de comprendre la question que les disciples posent à Jésus. Les disciples viennent d’entendre Jésus leur dire que le temple de Jérusalem va être détruit (v. 2). Les disciples ne semblent pas être très surpris par cette annonce, et pour cause : ce passage vient après plusieurs chapitres où Jésus a longuement dénoncé l’infidélité des responsables religieux juifs de son époque, et où à plusieurs reprises, il a annoncé un jugement à venir contre l’infidélité des Israélites qui rejettent le messie. À la fin du chapitre précédent, Jésus prononce même cette sentence à l’encontre du temple : « Voici, votre maison vous est laissée déserte » (23.38). Les disciples ne demandent donc pas « pourquoi », mais plutôt « quand ». Et ce qu’il faut remarquer, c’est que les disciples associent la destruction du temple à deux autres notions qu’ils appellent « l’avènement » de Jésus et « la fin du monde ».

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les disciples ne posent pas trois questions distinctes à Jésus, mais bien une seule question, qu’on pourrait paraphraser ainsi : « Dis-nous quand et comment on pourra être encouragé en sachant que le temps de ton règne sera venu ». Pourquoi est-ce qu’on peut dire ça ? Eh bien pour les disciples, la destruction du temple signifie que le temps du temple sera révolu parce que Jésus aura établi une fois pour toutes ce que le temple établissait de manière imparfaite, c’est-à-dire une relation entre les hommes et Dieu. Le messie aura accompli sa mission, donc le temple n’aura plus lieu d’être. Et justement, « l’avènement » de Jésus désigne l’entrée de Jésus dans son règne après avoir accompli sa mission en tant que messie. Et puisque la mission du messie consiste notamment à réconcilier le monde avec Dieu, une fois que cela sera fait, les disciples peuvent dire que l’histoire aura atteint son but ; le projet de Dieu pour racheter le monde sera accompli et donc la « fin du monde » sera venue. Vous voyez que la destruction du temple, l’avènement de Jésus et la fin du monde sont des choses qui, pour les disciples, font référence à une seule et même réalité, à savoir l’établissement du règne bienveillant de Jésus le messie.

Mais attention, cette réalité de l’établissement du règne de Jésus ne se résume pas à un événement historique précis, comme si en un seul jour, à une date donnée, le temple devait être détruit, Jésus devait entrer dans son règne et l’histoire du monde devait s’arrêter. Certes dans la question des disciples, il y a un événement historique précis (la destruction du temple), mais il y a aussi une réalité historique qui ne se limite pas à une seule date dans l’histoire (le règne du messie et la conclusion de l’histoire du monde). Pour comprendre cela, imaginez par exemple que je vous dise que je conclurai ma prédication après ma quatrième partie, et que vous me demandiez en retour : « Alex, dis-nous quand cela arrivera et quel sera le signe de ta conclusion et de la fin de ta prédication ? ». Et je pourrais vous répondre : « Le signe de ma conclusion et de la fin de ma prédication, c’est quand je dirai ‘Et maintenant pour conclure’ ». Mais en vous répondant ça, je n’implique pas qu’au moment où j’aurais dit cela, la prédication prendra fin instantanément. Ce que ça veut dire, c’est que ce sera le signe de la fin, et le signe que le temps de la conclusion est venu. Il y a donc à la fois un événement précis et une réalité qui ne se limite pas à seulement un événement précis. Mais ces choses sont liées.

Vous suivez ? Tout ça pour dire que la question des disciples n’implique pas non plus que la destruction du temple, l’avènement de Jésus et la fin du monde, sont des choses qui désignent ensemble un seul événement précis dans l’histoire. Ce que les disciples veulent savoir, c’est quand et comment ils pourront être encouragés en sachant que le temps du règne de Jésus sera venu. Et Jésus va justement répondre à cette question pour que ses disciples, le moment venu, soient incités à persévérer dans leur vocation, un peu comme quand je vous dirai : « Et maintenant pour conclure », vous serez vous aussi incités à persévérer dans l’écoute de ma prédication, sachant que le temps de la conclusion est venu et que votre délivrance est proche !

Une attente difficile

Alors justement, regardons maintenant la réponse de Jésus. La première chose que Jésus nous fait comprendre ici, c’est que la venue de son règne n’entraîne pas immédiatement notre délivrance, parce que des choses doivent encore se passer avant la fin de la conclusion de l’histoire. C’est intéressant de remarquer que les disciples demandent à Jésus un encouragement, et la première chose que Jésus leur donne en réponse, c’est un avertissement. C’est vrai que les disciples pouvaient penser qu’une fois la mission de Jésus accomplie, le monde serait très rapidement réparé et rétabli, et que ce serait assez rapidement le paradis sur terre. Mais Jésus dit ici qu’une fois sa mission accomplie, il va y avoir une période de l’histoire qui va leur paraître difficile (et nous paraître difficile), où il y aura des faux messies, des guerres, des famines, des tremblements de terre, des tourments, de la persécution, de la division, de l’hérésie et même de l’apostasie, c’est-à-dire des gens qui vont se dire chrétien mais qui vont finir par se détourner de la foi. Mais pendant cette période, il y aura aussi quelque chose qui sera en train de s’accomplir : c’est que la bonne nouvelle du royaume (c’est-à-dire la bonne nouvelle qui concerne la venue et l’œuvre de Jésus) sera annoncée dans le monde entier auprès de toutes les nations. Jésus commence par cette précision, parce qu’il sait que les disciples seront tentés de douter que Jésus règne vraiment, au point même, peut-être, de se détourner de lui, en voyant comment les choses se passent !

Jésus compare cette période à un accouchement (v. 8), et je trouve que cette illustration est merveilleuse. Lorsqu’un accouchement se déclenche, on a des sentiments assez ambivalents. C’est à la fois une excellente nouvelle : le bébé va naître ! Et en même temps, on sait que ce n’est que le commencement des douleurs. Les contractions commencent à 4 ou 5 minutes d’écart, et elles ne sont pas trop fortes au début, mais elles grandissent en intensité et en fréquence. Et à la fois c’est de plus en plus dur, et en même temps on se réjouit de plus en plus parce que la naissance est de plus en plus imminente. La conclusion de la grossesse est venue, le signe de l’accouchement est là, mais dans un sens, ce n’est que le début d’une période difficile. Et voilà comment Jésus décrit la conclusion de l’histoire du monde.

Et nous sommes dans cette période. La Bible explique que Jésus est venu sur la terre pour délivrer les hommes et toute la création des effets du péché, c’est-à-dire de la souffrance et de la mort. Pour cela, Jésus s’est substitué aux hommes en prenant sur lui-même le poids des péchés de tous ceux qui se confient en lui, et il est mort sur la croix, engloutissant nos péchés dans sa mort, pour nous en délivrer. Il est ressuscité le troisième jour comme preuve de sa victoire sur le mal et sur la mort. Tous ceux qui font confiance à Jésus entrent au bénéfice de cette victoire, d’autant plus que Jésus est ensuite monté au ciel et qu’il s’est assis sur le trône de l’univers. Jésus a donc accompli sa mission en tant que messie, il a établi son règne, il a réconcilié la création avec son créateur, et il a envoyé ses disciples dans le monde pour annoncer partout cette bonne nouvelle. Le temple n’a plus lieu d’être, et en effet il a été détruit en l’an 70. La conclusion de l’histoire du monde est arrivée ; nous y sommes ! MAIS « ce n’est pas encore la fin ». Nous sommes dans les douleurs de l’accouchement. Nous vivons dans une période ambivalente, où nous savons que Jésus règne, mais où en même temps nous n’avons pas encore été délivrés définitivement des effets du péché.

Et donc comme le dit Jésus, ne nous alarmons pas (v. 6). Ne perdons pas courage. Ne perdons pas patience. Ne nous laissons pas séduire. Ne laissons pas refroidir notre amour. Jusqu’à la fin, la souffrance, l’injustice, la persécution, seront des réalités ordinaires dans notre monde ; Jésus semble même indiquer que l’iniquité va progresser (v. 12) ! Mais ce qui va progresser en même temps, c’est la proclamation, dans le monde entier, de l’Évangile de Jésus-Christ, c’est-à-dire de cette invitation adressée aux hommes d’entrer gratuitement dans son royaume et d’être réconciliés avec Dieu pour l’éternité. Nous vivons donc dans « les derniers temps », c’est la conclusion de l’histoire du monde, mais Jésus nous avertit ici que la venue de son règne (lorsqu’il est ressuscité et qu’il est monté au ciel) n’entraîne pas immédiatement notre délivrance, parce que des choses doivent encore se passer avant la fin de la conclusion de l’histoire.

Un règne manifeste

Mais qu’est-ce que dit Jésus ensuite ? Il veut nous faire comprendre qu’en attendant la fin, nous avons des raisons de savoir pour sûr que Jésus règne. À partir du verset 15, Jésus donne en effet à ses disciples des éléments qui leur serviront plus tard à savoir que Jésus est bien entré dans son règne. Il est d’abord question d’une terrible tribulation qui va arriver à Jérusalem. Ensuite il dit qu’il y aura des gens qui vont prétendre être le messie, mais dont la messianité ne sera pas clairement attestée, au contraire de la sienne, de messianité, qui sera manifeste parce qu’elle s’imposera d’elle-même, en quelque sorte, depuis l’orient jusqu’en occident. Autrement dit, la réalité du règne de Jésus le messie sera attestée assez clairement par des indices objectifs, sur lesquels les disciples (et en réalité tous les chrétiens) pourront s’appuyer pour être encouragés.

Et en effet, lorsqu’on regarde ce qui s’est passé dans l’histoire quelques années après la résurrection de Jésus et son ascension au ciel, on voit que conformément aux prédictions de Jésus, une terrible guerre civile a éclaté à Jérusalem, qui a conduit à la profanation du temple (v. 15), à de terribles souffrances parmi le peuple, et finalement à la destruction de Jérusalem par les Romains. Une grande tribulation, sans doute la pire de l’histoire, du point de vue de sa signification théologique, puisque la ville de Jérusalem a été humiliée et foulée aux pieds par une nation païenne, marquant le jugement de Dieu contre les Israélites incrédules qui, pour un grand nombre d’entre eux, ont rejeté leur propre messie. Pendant cette période, des conducteurs différents se sont levés, souvent des chefs militaires, qui prétendaient être le messie, et ils réussissaient à entraîner quelques personnes à leur suite. Mais leur succès était toujours limité et plutôt confidentiel, à l’inverse de Jésus le vrai messie, dont le rayonnement et la réputation se sont clairement imposés au fil des années et des siècles, d’abord à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, en Asie mineure, et jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1.8).

Et donc Jésus veut qu’on regarde en arrière dans l’histoire, et que malgré tout ce qu’on observe autour de nous qui pourrait nous faire croire le contraire, on se dise : « Mais oui, Jésus règne ! Jésus est bien le messie, il a accompli sa mission, et il a établi son règne ! ». Tout s’est passé, et se passe, comme il l’a prédit (v. 25). Il n’y a aucun doute, quand on considère la grande tribulation qui a eu lieu à Jérusalem dans les années 68 à 70, et quand on considère la propagation spectaculaire du christianisme dans le monde entier depuis presque 2000 ans, aucun doute que le Fils de l’homme, c’est-à-dire le messie, Jésus-Christ, est entré dans son règne. Comme le dit le dicton : « Où que soit le cadavre, là s’assembleront les aigles », ou pour le dire en français : « Il n’y a pas de fumée sans feu ». Si tu vois des aigles, tu en déduis qu’il y a un cadavre, et si tu vois de la fumée, tu en déduis qu’il y a du feu ; et de même, si tu vois que tout se passe conformément aux prédictions de Jésus, tu peux en déduire que Jésus est le messie qui a effectivement établi son règne.

En attendant la fin, donc, nous avons des raisons de savoir pour sûr que Jésus règne. Et donc nous devons faire attention à ne pas nous laisser entraîner par des faux Christs et des faux prophètes, aujourd’hui encore, qui voudraient nous faire croire que eux, ont la solution à nos souffrances et à notre péché. Des gens comme des conducteurs religieux qui semblent même revendiquer la capacité d’accomplir des miracles, mais qui trahissent le message de l’Évangile ; ou encore des conducteurs politiques que l’on serait tenté de voir comme des sauveurs (« Ah si seulement celui-là pouvait être élu, ce serait la fin des problèmes »). Stop ! Jésus seul est le vrai remède aux dysfonctionnements du monde ; il a accompli sa mission pour nous racheter ; il est entré dans son règne ; et la conclusion de l’histoire du monde a commencé ; et en attendant la fin, nous sommes chargés de proclamer cette bonne nouvelle dans le monde entier.

Une issue certaine

Et nous pouvons faire cela avec d’autant plus de courage que Jésus nous rappelle, à partir du verset 29, le contexte de notre vie chrétienne présente. Il veut nous faire comprendre ici que l’histoire du monde tend vers un but qui a déjà été scellé. Jésus utilise un langage particulier aux versets 29-30 que les Juifs de l’époque devaient comprendre sans difficulté. Jésus décrit une sorte de cataclysme suivant la grande tribulation, et coïncidant avec « le signe du Fils de l’homme », les lamentations des tribus d’Israël, et la venue du Fils de l’homme sur les nuées du ciel. Bizarre ! Mais pour les Juifs, un tel langage signifiait tout simplement une grande catastrophe pour Israël, qui sera liée à l’entrée du messie dans son règne. Cette catastrophe, c’est la destruction du temple de Jérusalem en l’an 70, qui sera effectivement une cause de grande lamentation parmi les Israélites, et parmi les Juifs jusqu’à ce jour. Quant au « fils de l’homme qui vient sur les nuées », c’est une expression tirée de l’Ancien Testament qui désigne l’établissement du règne du messie ; et ce que Jésus est en train de faire en associant ces deux réalités, c’est qu’il affirme que la destruction du temple de Jérusalem sera le signe spectaculaire de son avènement et de la fin du monde. En ce sens, il répond donc à la question des disciples (v. 3).

Mais il décrit aussi le déploiement de son règne, qui va se produire pendant cette « fin du monde », c’est-à-dire pendant cette période dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Jésus dit que son avènement sera visible (v. 30), non seulement en raison de la destruction spectaculaire du temple, mais aussi parce que sa puissance et sa gloire vont se manifester dans l’appel efficace des élus, c’est-à-dire des croyants de toute l’histoire qui vont répondre à l’invitation de l’Évangile prêché par les messagers de Dieu que sont les apôtres, les évangélistes, les pasteurs, et tous les croyants qui témoignent fidèlement de Jésus-Christ dans l’histoire. En fin de compte, l’avènement de Jésus sera manifesté au monde entier le jour de son retour glorieux, et les anges du ciel parachèveront le rassemblement des élus pour le jour du jugement. Mais ce processus, en quelque sorte, a déjà commencé, et nous sommes déjà « en plein dedans ». Déjà l’avènement de Jésus est manifeste dans la prédication de la Parole de Dieu et dans la réponse de foi des croyants à l’appel de Dieu, et déjà Jésus juge le monde sous l’effet de sa Parole qui est une épée efficace, à double tranchant, mais la consommation, ou le parachèvement, ou l’accomplissement définitif de cette réalité, ne viendra que le jour du retour glorieux de Jésus, à la fin de la conclusion de l’histoire.

Jésus veut que nous soyons persuadés de vivre aujourd’hui dans une réalité déjà inaugurée, mais pas encore consommée (c’est-à-dire pas encore pleinement déployée). Et il veut que cette conviction conditionne la façon dont nous vivons et dont nous le servons pendant cette période qui continuera d’être difficile jusqu’à la fin. C’est un peu comme quand on achète une nouvelle maison. Il arrive le jour où vous signez l’acte de vente. Ce jour-là, vous pouvez dire que vous avez acheté une nouvelle maison. Votre adresse a changé. Vous êtes propriétaire d’un logement dans une nouvelle ville, et vous êtes devenu un citoyen de cette ville. C’est une réalité qui a été inaugurée le jour de la signature. Mais cela ne veut pas dire que vous habitez instantanément la maison. Vous devez encore déménager vos meubles, transférer votre abonnement internet, déclarer votre changement d’adresse à EDF et au service des eaux, etc. Et ça peut prendre du temps. Mais un jour, la réalité de ce qui a été signé sera pleinement manifestée, et entre temps, cette conviction va conditionner votre vie.

Or, ces deux étapes, l’inauguration et la consommation (pour ainsi dire), sont tellement liées entre elles, que quand vous parlez de l’une, vous impliquez naturellement et logiquement l’autre. Et c’est un peu ce qui se passe dans le texte ici. En parlant de l’avènement de Jésus (c’est-à-dire l’entrée de Jésus dans son règne), le texte implique non seulement l’inauguration de ce règne par la résurrection et l’ascension de Jésus, et non seulement le signe historique de cet avènement par la destruction de Jérusalem et du temple, et non seulement le déploiement actuel de ce règne par la prédication de l’Évangile, mais aussi la consommation de ce règne par le retour de Jésus-Christ à « la fin de la conclusion », lorsqu’il jugera le monde selon la justice, purgera le monde de tout mal, et établira sur le monde son règne éternel et bienveillant, pour notre plus grand bonheur et pour sa gloire. Et parce que cette réalité est tellement certaine, Jésus dit qu’elle est « proche » (v. 33), le royaume est « à la porte », tout près, et nous le savons pour sûr depuis l’époque où ce texte a été écrit, et où la génération de cette époque a vu de ses propres yeux tout ce qui atteste cette réalité, à savoir le siège de Jérusalem, la destruction du temple, et l’évangélisation des nations. L’histoire du monde tend vers un but qui a déjà été scellé. Comme le dit Jésus (v. 35) : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ».

Et maintenant pour conclure. Je sais que cette prédication a pu vous paraître technique et compliquée. C’est vrai que ce texte en particulier est un texte difficile ; en fait, c’est un de ces textes qui est tellement compliqué qu’il n’existe pas vraiment de consensus sur l’interprétation précise qu’on doit en faire. Il y a des gens bien plus intelligents que moi, qui en prêchant ce texte, vous diraient peut-être des choses assez différentes que moi, en ce qui concerne l’accomplissement passé, présent ou futur, de certaines des prédictions de Jésus. Mais le moins qu’on puisse dire, avec certitude, c’est que Jésus ici répond à une question précise des disciples qui voudraient que Jésus leur dise quelque chose qui les encourage à patienter en attendant l’établissement du règne bienveillant de Dieu sur la terre. Et aujourd’hui vous êtes peut-être dans cette situation vous aussi : vous vous dites chrétien, ou en tout cas, vous avez entendu parler de l’espérance des chrétiens, mais en même temps vous observez le monde et vous êtes profondément déprimé, peut-être découragé, abattu, et peut-être même que vous vous posez des questions quant à la fiabilité des promesses de l’Écriture sainte qui concernent la personne et l’œuvre de Jésus. On vous dit que Jésus est venu accomplir tout ce qu’il fallait pour délivrer le monde… mais on dirait pas que ça a bien réussi ! Et pourtant, ce texte cherche précisément à nous convaincre que le royaume des cieux est tout proche, à la porte. La fin de la conclusion arrive, c’est une certitude. « Tiens bon ! Car Jésus règne et il est en train d’accomplir ce qu’il a promis ». Comme le dit aussi l’apôtre Pierre, qui était là lorsque Jésus a prononcé ce discours :

« Le Seigneur ne retarde pas l’accomplissement de sa promesse, comme quelques-uns le pensent. Il use de patience envers vous, il ne veut pas qu’aucun périsse, mais il veut que tous arrivent à la repentance. […] C’est pourquoi, bien-aimés, dans cette attente, efforcez-vous d’être trouvés par lui sans tache et sans défaut dans la paix. Considérez que la patience de notre Seigneur est votre salut. » (2 Pi 3.9, 14-15)

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