Je bâtirai mon Eglise

Par Alexandre Sarranle 27 avril 2008

Introduction

L’Église. Qu’est-ce que cela évoque pour vous ? La chapelle en pierre que nous trouvons au cœur du village ? La Basilique de Fourvière ? Les clochers, les vitraux, le grand orgue ? Qu’est-ce que le mot « Église » évoque pour vous ? Une vieille institution dont le siège social est au Vatican ? Un rassemblement de vieilles personnes dans un lieu sombre, froid et ennuyeux ? Une idéologie obscurantiste, bornée, manipulatrice ? Un service à la demande pour ceux qui croient en Dieu et qui ont besoin de son aide de temps à autre ? Pour les contemporains de Jésus, l’Église est un concept relativement nouveau. Jusqu’alors, le peuple de Dieu était constitué des Juifs ; on ne parlait pas de l’Église, mais des Juifs, ou du peuple d’Israël, ou du peuple de Dieu. Mais Jésus parle d’un peuple qui lui appartienne, et appelle ce peuple, « l’Église ». Dans le texte que nous avons lu, c’est la toute première fois que le mot « Église » apparaît dans le Nouveau Testament. Et ce n’est pas un hasard si c’est aussi dans ce texte que se trouve la définition la plus fondamentale de ce que c’est que l’Église. Le reste du Nouveau Testament va nous parler de la naissance de l’Église, de sa croissance, de sa mission, de son édification ; mais avant cela il faut que nous sachions bien de quoi il s’agit. Et qui mieux que Jésus peut nous dire ce qu’est l’Église, son Église ? Nous allons voir ce matin que l’idée que nous nous faisons de l’Église est souvent bien déformée, bien loin de l’idée que Jésus se fait de l’Église, et que par conséquent, nous sous-estimons la nature et le rôle de l’Église, parfois au point de nous en désintéresser. Mais Jésus nous montre dans ce texte que l’Église est centrale au plan de Dieu pour nous.

L’Église est bâtie sur une confession

Jésus se renseigne pour savoir ce que les gens disent de lui (v. 14). Puis il demande à ses disciples ce qu’ils pensent, et Pierre répond : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (v. 16). Jésus félicite Pierre pour sa réponse, une réponse unique par rapport aux autres, car elle n’est pas le fruit de ses propres raisonnements, mais d’une révélation de Dieu. Ensuite, Jésus fait cette déclaration bien connue : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église (v. 18). Ce verset a fait couler beaucoup d’encre, mais il n’y a rien ici de très mystérieux : Jésus répond à la déclaration de Pierre en faisant de lui, non pas à cause de sa personne mais à cause de sa déclaration, l’exemple de ce qui doit constituer le fondement de l’Église de Jésus.

Jésus dit qu’il bâtira son Église sur cette pierre, c'est-à-dire sur la déclaration de Pierre : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (v. 16). L’Église est bâtie sur cette confession de foi. Lorsque vous construisez une maison, vous choisissez le matériau de base pour la construction : maison en parpaings, maison en bois, maison en briques… Jésus est en train de dire : le matériau de base pour la construction de l’Église, c’est cette confession de foi : Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant.

Cela peut sembler simpliste, et pourtant, cette affirmation n’est pas anodine. Confesser que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, c’est reconnaître que Jésus a été envoyé par Dieu, que Jésus est médiateur entre nous et Dieu, et que Jésus a été établi Roi par Dieu. C’est aussi reconnaître la divinité de Jésus, Fils de Dieu. Vous voyez que le sens même de la venue de Jésus est résumé par cette simple déclaration : il est le prophète que Dieu nous a envoyé pour se révéler à nous ; il est le prêtre qui a offert le meilleur sacrifice, le sacrifice de sa propre vie, pour le pardon de nos péché ; il est enfin le Roi suprême, vainqueur de l’ennemi ultime par sa résurrection, appelé à régner dans notre vie et sur toute la création.

Jésus, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Tu es le prophète, le prêtre, le Roi. Tu es le chemin, la vérité, la vie, et nul ne vient au Père sinon par toi (Jn 14 : 6). Voilà la confession de foi dont est faite l’Église. La pierre sur laquelle Jésus bâtira son Église. Le matériau de construction. Alors la question qui nous est posée, bien sûr, c’est : Qui est Jésus pour nous ? Jésus nous demande aussi : Qui dites-vous que je suis (v. 15) ? Il y a beaucoup de gens bien intentionnés à l’égard de Jésus, qui ont des opinions diverses mais positives sur lui. Mais c’est seulement sur cette déclaration authentique que l’Église sera construite. Pierre lui-même l’a bien compris, lorsqu’il écrit plus tard : Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle… L’honneur est donc pour vous qui croyez (1 Pi 2 : 5). Mais Jésus nous parle aussi de la mission, ou du rôle, de l’Église.

L’Église est le triomphe de la vie sur la mort

Et voici ce que Jésus ajoute, une fois qu’il a dit de quoi serait faite l’Église : Les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle (v. 18). Nous imaginons souvent que l’Église se trouve sur la défensive face aux attaques de l’enfer ; c’est exactement le contraire. Selon Jésus, l’Église est conquérante, elle enfonce les portes du séjour des morts.

Il y a un épisode d’Astérix et Obélix où Astérix est emprisonné dans une prison romaine, et où Obélix va le chercher. Obélix se laisse emprisonner, pour rejoindre Astérix, puis il lui brise les chaînes, et d’un petit coup de poing il défonce la porte de la prison et les deux s’enfuient ensemble. C’est exactement ce que Jésus a fait pour nous : il a été enseveli, il est descendu au séjour des morts, le troisième jour, il est ressuscité des morts. Tous ceux qui se confient en lui ressuscitent avec lui ; ils sont nés de nouveau, délivrés de la puissance du péché et de la mort.

La mission de l’Église, c’est la parfaite continuité de ce que Jésus a fait pour nous. Nous sommes appelés à enfoncer les portes du séjour des morts et à en ressortir avec des personnes, des hommes et des femmes qui placent leur confiance en Jésus pour leur salut, et qui naissent à une vie nouvelle. Comment faisons-nous pour enfoncer les portes du séjour des morts ? Nous le faisons en proclamant le message de l’Évangile : la bonne nouvelle du salut par la foi en Jésus, cette bonne nouvelle qui est résumée, précisément, par la déclaration de Pierre, cette déclaration qui est le matériau de construction de l’Église : Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant (v. 16).

L’évangélisation, c’est une opération commando en terrain ennemi. L’évangélisation, c’est être parachuté en pleine jungle colombienne et en ressortir avec Ingrid Bétancourt. Mais voyez la promesse de Jésus : les portes de la prison ne résisteront pas à la mission de l’Église. Paul dit, Je n’ai pas honte de l’Évangile, c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit (Rm 1 : 16). Jésus affirme ici que l’Église est conquérante ; c’est le triomphe de la vie sur la mort ; c’est la continuité de l’œuvre de Jésus à la croix, et au tombeau vide. Malheureusement, parfois, on pousse les portes d’une Église, et on a l’impression d’être entré dans le séjour des morts ; ce n’est pas surprenant si le témoignage de ces églises semble inefficace. Jésus dit que l’Église doit être l’inverse du séjour des morts : autour de la personne de Jésus, l’Église doit être le règne de la vie, et de la vie en abondance (Jn 10 : 10). Mais Jésus ajoute encore autre chose.

L’Église est l’avant-poste du Royaume de Dieu

Jésus confie les clefs du royaume des cieux à Pierre. Il donne à Pierre un mandat particulier concernant l’établissement de l’Église du Nouveau Testament, et nous verrons Pierre assumer ce rôle dans le livre des Actes, en ouvrant des portes successives pour la progression de l’Évangile, à Jérusalem, en Judée, en Samarie, et jusqu’au bout du monde (Ac 1 : 8). Puis Jésus affirme qu’il y a un lien direct entre l’usage que Pierre fera de ces clefs sur terre, et ce qui se passe au ciel (v. 19).

Il faut comprendre que ce que Jésus déclare à Pierre, s’applique certes à Pierre dans un premier temps, mais à l’Église dans son ensemble, étant la continuité de ce que Pierre et les apôtres ont commencé. Jésus affirme qu’il y a un lien direct entre la terre et les cieux à travers l’Église. Jésus vient juste de parler des portes du séjour des morts qui ne prévaudront pas contre l’Église, et maintenant il parle de lier et de délier. Jésus est en train de dire que les effets de la mission de l’Église ici-bas sont célestes. L’Église assumant sa mission ici-bas produit des effets dans le ciel. L’Église proclamant la parole de Dieu enfonce les portes du séjour des morts ; et des hommes et des femmes sont délivrés pour l’éternité, déliés dans les cieux, tandis que d’autres s’endurcissent à l’écoute de la même parole, restent incrédules, et sont liés dans les cieux.

On peut dire que pour Jésus, l’Église c’est l’irruption du Royaume des cieux sur terre. Ou encore, que l’Église, c’est un avant-poste du Royaume de Dieu. Lors du débarquement en Normandie, les alliés ont cherché à gagner du terrain, puis à sécuriser la zone. À un moment donné, dans la France occupée, il se trouvait donc des zones sécurisées, des avant-postes alliés en terrain ennemi. Les lois dans ces zones et en-dehors de ces zones étaient différentes. La vie y était différente. L’Église aussi, c’est un avant-poste du Royaume de Dieu. C’est l’ambassade du Royaume des cieux sur terre.

Paul dit que notre cité est dans les cieux ; de là, nous attendons comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ (Ph 3 : 20). Ailleurs, Paul dit : Dieu nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé (Co 1 : 13). Notre citoyenneté, en tant que chrétiens, citoyens du ciel et sujets du royaume de Jésus, s’exprime et se vit dans le cadre de l’Église. La parole de Dieu, que nous sommes appelés à proclamer, est une épée, la seule arme offensive qui nous est confiée (Ep 6 : 17), pour accomplir notre mission et entraîner des conséquences dans l’éternité.

Conclusion

Alors il faut bien conclure. L’Église. Qu’est-ce que cela évoque pour vous ? Votre idée de l’Église s’approche-t-elle ou s’éloigne-t-elle de l’idée que Jésus se fait de l’Église ? Vous pensiez peut-être que l’Église c’était une vieille chapelle avec un clocher et des vitraux, mais l’Église selon Jésus, c’est un édifice formé de pierres vivantes, qui confessent que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Vous pensiez peut-être que l’Église avait pour mission d’aider les gens qui croient en Dieu lorsqu’ils en ressentent le besoin, mais l’Église selon Jésus est appelée à enfoncer les portes du séjour des morts et à en ressortir avec des hommes et des femmes qui placent leur confiance en Jésus et qui naissent à une vie nouvelle. Vous pensiez peut-être que l’Église était une institution humaine, hégémonique, dont le siège social est au Vatican, mais l’Église selon Jésus est un avant-poste de son propre royaume, le royaume des cieux, le royaume de Dieu, le cadre dans lequel Jésus lui-même agit sous l’effet de sa parole proclamée, pour tantôt endurcir les cœurs, tantôt délier les âmes pour l’éternité. Alors quelle idée vous faites-vous de l’Église, au quotidien ? Quelle idée vous faites-vous de notre église, cette petite assemblée incongrue postée en plein milieu de la ville de Lyon ? Calvin a dit que nul ne peut avoir Dieu pour père, s’il n’a l’Église pour mère. Sachez que selon Jésus, même notre petite église est un avant-poste de son royaume ; c’est son Église, c’est lui notre pasteur, c’est lui qui nous conduit et qui nous nourrit, c’est lui enfin qui compte nous édifier en tant qu’Église et nous faire croître à sa gloire.

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