Le testament de Paul

Par Alexandre Sarranle 9 mars 2008

Introduction

Nous avons tous un point commun ce matin, c’est que nous sommes venus au culte. Nous avons chanté ensemble, prié ensemble, lu la Bible ensemble, mais Dieu seul sait le sens que ce culte a pour vous, dans le secret de votre cœur. La question que nous devons tous nous poser ce matin, c’est : quel est le rapport entre cette petite heure et demie du dimanche matin et le reste de ma semaine ? C’est facile d’être un chrétien, ou de ressembler à un chrétien, quand on est à l’église, le dimanche matin entre 10 h 30 et 12 h. Mais à quoi ressemble votre vie du lundi matin au samedi soir ? À quoi ressemble votre vie quand les amis de l’église ne sont pas là, quand vous êtes seul en famille, ou seul avec les collègues, ou seul avec les camarades de classe ? Le texte que nous avons lu est particulièrement poignant car il s’agit des adieux de Paul aux anciens de l’église d’Éphèse. Paul sait qu’il ne va plus les revoir, alors il les convoque pour leur donner ses dernières instructions. C’est le moment où l’église va devoir se débrouiller sans lui. Paul leur livre en quelque sorte son testament, ses dernières volontés. Et la question qui anime Paul à ce moment-là, c’est : à quoi va ressembler la vie de ces chrétiens éphésiens maintenant qu’ils vont être livrés à eux-mêmes ? Ces chrétiens vont-ils retenir fidèlement l’enseignement que Paul leur a transmis, ou bien vont-ils l’assaisonner à leur goût, le modifier à leur convenance pour pouvoir continuer à vivre comme ils le souhaitent maintenant que l’apôtre n’est plus là pour les surveiller et les gronder lorsqu’ils s’écartent du chemin ? Ce texte va nous montrer, à nous aussi, ce que nous devons retenir, en quittant ces lieux tout à l’heure, pour que cette heure et demie le dimanche matin ne soit pas juste une parenthèse dans une vie qui, le reste de la semaine, risque de ne pas avoir grand-chose de chrétien. Dans son testament, Paul va nous parler de l’héritage qui nous est destiné : un héritage transmis péniblement, à assumer difficilement, et à protéger absolument.

Un héritage péniblement, mais soigneusement transmis

Le texte nous présente Paul comme étant fatigué de son travail missionnaire. Bien que pressé (v. 16), il choisit de faire une partie du chemin à pied, seul (v. 13), puis il enchaîne les voyages, jour après jour : Assos, Mytilène, Chio, Samos, Milet (v. 14, 15)… Puis il convoque les anciens d’Éphèse, et la première chose qu’il leur dit, c’est combien il a souffert pour leur transmettre le message de l’Évangile : humilité, larmes, épreuves (v. 19), et pourtant, il a continué de le faire, sans rien dissimuler, en toute transparence, afin qu’ils reçoivent tout ce qui leur soit utile (v. 20). En plus, il l’a fait à ses propres frais (v. 33 – 35). Le texte nous parle ici d’un héritage que Paul a transmis avec grand’ peine, mais avec grand soin.

Imaginez qu’un jour vous héritiez d’un tableau d’une valeur inouïe. C’est un tableau mythique, convoité par les plus grands musées. Il a été trouvé, à la fin du 19ème siècle, dans l’épave d’un bateau au fond de l’océan indien, et rapatrié en France au prix de beaucoup d’efforts et d’argent, tout en prenant le plus grand soin pour le protéger. Votre grande tante décède, et vous héritez de cet objet. Qu’allez-vous faire avec ?

Paul sait que le message de l’Évangile est tellement précieux, que les chrétiens sont comme les héritiers de ce tableau inestimable. Le problème, c’est que nous trouvons ce tableau encombrant et que nous préférons le ranger dans la poussière du grenier plutôt que de le suspendre au mur de la salle à manger. Ce texte, en premier lieu, veut nous rappeler la valeur inouïe de l’héritage qui nous a été transmis, et à quel prix cet héritage nous est parvenu. Le message de l’Évangile, c’est la bonne nouvelle du pardon offert aux hommes pour leur péchés, au prix du sang du Fils de Dieu, Jésus-Christ. Ce pardon est offert à tous, sans discrimination, si les hommes se repentent devant Dieu et placent leur foi en Jésus (v. 21).

Est-ce que nous mesurons vraiment la chance que nous avons d’avoir la liberté de lire la Bible, la liberté de nous rendre au culte, la liberté de nous renseigner concernant le message de l’Évangile, alors que dans le monde, il y a des endroits où l’on est mis à mort pour ces mêmes choses ? La Bible que nous tenons dans nos mains est entachée du sang des martyres qui nous ont précédés, en France même. Le message de l’Évangile nous a été rendu accessible au prix de beaucoup de vies. Et nous voudrions y consacrer qu’une heure et demie le dimanche matin, et encore, quand ça nous arrange ? Ou pire, nous ne voudrions jamais même nous intéresser à ce précieux message alors qu’il est là pour nous, en libre accès ? Mais le texte continue, au sujet de cet héritage qui nous est destiné ; après nous avoir rappelé combien péniblement cet héritage nous a été rendu accessible, il veut nous parler de la difficulté, mais de la nécessité, à assumer cet héritage.

Un héritage à assumer difficilement, mais nécessairement

Paul a parlé du mal qu’il s’est donné à transmettre aux éphésiens le message de l’Évangile. Maintenant, il témoigne de ce que sa vocation chrétienne a entraîné dans sa propre vie. Et le tableau n’est pas tout rose. Il dit que des liens et des tribulations l’attendent (v. 23). Il sait que sa vie même est en danger (v. 24). Paul dit en quelque sorte : voilà, j’ai porté cet héritage pendant tant d’années, je vous l’ai transmis péniblement mais soigneusement, maintenant je vous ai remis le flambeau ; quant à moi, je dois achever ma course et mon ministère. La balle est dans votre camp : allez-vous aussi assumer cet héritage ?

Paul dit que sa vocation était de rendre témoignage à la bonne nouvelle de la grâce de Dieu (v. 24). Parfois, dans des affaires judiciaires, on entend parler d’un « témoin numéro un », une personne dont le témoignage est absolument capital. Pour les uns, ce témoin est la personne la plus précieuse, pour les autres, la plus dangereuse. Les uns veulent la protéger, les autres l’éliminer. Paul a conscience qu’en tant que chrétien, il est dans cette situation.

Ce texte nous dit que l’héritage qui nous a été transmis, c’est un élément capital dans l’affaire judiciaire qui concerne l’humanité. Et nous sommes, en tant que légataires de ces informations, les témoins numéro un dans cette affaire. Le message de l’Évangile est une bonne nouvelle à accueillir dans sa propre vie, et à partager, même si la vérité de l’Évangile est une vérité qui dérange. C’est nous, d’abord, qu’elle dérange, parce qu’elle exige de notre part une vie radicalement transformée, une vie de dépendance de Dieu par la foi en Jésus. C’est le monde, ensuite, qu’elle dérange, parce qu’elle parle du péché et de l’impuissance des êtres humains, qui ne peuvent être sauvés sans renoncer à leur autonomie et se confier en Jésus-Christ.

Évidemment, lorsque l’on accueille la bonne nouvelle de l’Évangile, et que l’on commence à assumer l’héritage qui nous a été transmis, on se rend compte qu’il y a des difficultés. Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés (2 Tm 3 : 12). Mais nous avons reçu un héritage d’une valeur inouïe ; allons-nous le ranger au grenier, quitte à le sortir une fois par semaine, ou bien allons-nous le suspendre au mur de notre salle à manger, là où tout le monde peut le voir, chaque jour de la semaine ? Mais le texte ne s’arrête pas là, et après nous avoir parlé de cet héritage qui a été transmis péniblement mais soigneusement, et qui doit être assumé difficilement mais nécessairement, il va nous montrer que cet héritage doit aussi être protégé absolument.

Un héritage à protéger absolument

Paul annonce aux éphésiens qu’ils ne le verront plus (v. 25). Il coupe officiellement le cordon, en annonçant qu’il leur a transmis tout ce qu’ils avaient à recevoir (v. 26, 27). Et tout de suite, il les met en garde contre des « loups » qui s’attaqueront à l’église, des hommes qui annonceront des choses contraires à la Parole de Dieu (v. 29, 30). Paul leur dit : voyez ce que je vous ai donné, péniblement (v. 31), et que vous devez assumer ; maintenant prenez-en soin, protégez cet héritage qui vous a été remis.

Il y a quelque temps, nous avons envoyé un paquet à la sœur de Suzanne qui habite aux USA. Nous avons pris soin de bien l’emballer pour le protéger, et nous l’avons envoyé en prioritaire, en ayant rempli toutes sortes de papiers pour les douanes, parce que le contenu était relativement précieux. Quelle ne fut pas notre tristesse d’apprendre que le colis était arrivé dans un emballage différent, avec la moitié du contenu qui manquait !

Dieu aussi nous a envoyé un paquet. Mais au cours du temps, dans l’histoire de l’Église, comme dans notre propre vie, est-ce qu’on n’en a pas volé la moitié du contenu ? Nous volons le contenu du paquet, et nous abîmons l’héritage que Dieu nous a transmis, lorsque nous choisissons les éléments de sa Parole que nous recevons, et ceux que nous ne voulons pas recevoir. Nous abîmons l’héritage que Dieu nous a transmis lorsque nous assaisonnons à notre goût les paroles de Dieu qui nous sont difficiles à accepter, lorsque nous disons amen le dimanche matin, et le contraire le dimanche soir. Plutôt que cela, la Bible nous exhorte au discernement et à l’humilité devant la Parole de Dieu.

Conclusion

Nous nous posions la question au début de savoir quel était le rapport entre cette petite heure et demie le dimanche matin et le reste de notre semaine, et ce que nous devions retenir pour que cette heure et demie ne soit pas juste une parenthèse dans une vie qui, par ailleurs, court le risque de ne pas avoir grand-chose de chrétien. Posons-nous donc ces quelques questions : à quel point est-ce que je m’intéresse à l’héritage qui m’a été rendu accessible au prix de beaucoup d’efforts et de souffrances ? À quel point cet héritage a-t-il transformé ma vie et continue-t-il de transformer ma vie, si du moins je l’ai reçu ? À quel point est-ce que je protège, jour après jour, l’intégrité de cet héritage, plutôt que de l’assaisonner à mon goût, ou au goût du jour, de sorte que ma vie ait moins besoin d’être transformée ? Vous avez hérité de ce tableau d’une valeur inouïe, récupéré à grand prix au 19ème siècle au fond de l’océan Indien : est-il actuellement rangé dans la poussière du grenier ? Il n’est pas trop tard pour le dépoussiérer et le suspendre au mur de la salle à manger. L’avez-vous quelque peu recoloré, parce que vous trouviez qu’il n’était pas suffisamment assorti aux rideaux ? Il n’est pas trop tard pour le faire restaurer, et pour changer les rideaux. L’Évangile rangé au grenier, c’est un évangile qui n’a pas été reçu. L’Évangile reçu, mais modifié, c’est un faux évangile. La Parole de Dieu doit être reçue dans son intégralité, et dans son intégrité. C’est la le testament de Paul aux éphésiens, ce sont là ses dernières volontés. Paul écrira à Timothée, son jeune « apprenti » : 2 Timothée 1 : 8 – 14.

Et pour finir, les paroles de Paul lui-même aux anciens d'Ephèse : Et maintenant, je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, qui a la puissance d’édifier et de donner l’héritage parmi tous ceux qui sont sanctifiés (v. 32).

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