Piété et priorités

Par Alexandre Sarranle 30 décembre 2007

Introduction

Il y a quelque temps, j’ai feuilleté mon nouvel agenda pour l’année 2008. J’ai observé les deux pages du planning annuel, en me demandant qu’est-ce qui allait bien remplir toutes ces petites cases vides, 366 en tout, réparties sur les douze colonnes des douze mois de l’année. Vous êtes comme moi ; toutes vos petites cases de l’année 2008 vont se remplir bien vite, d’une pléiade d’activités diverses. Travail, études, devoirs, vacances, courses, visites chez le médecin, sport, repas de famille, sans compter toutes ces activités qu’on ne prend pas la peine d’écrire dans l’agenda, mais qui sont ô combien importantes : manger, dormir, regarder la télé. Mais en tant que croyant, votre piété personnelle, comment s’inscrit-elle dans tout ça ? Quelle teinte votre relation à Jésus va-t-elle donner à toutes vos activités en 2008 ? Dans cet épisode du livre des Actes, l’auteur veut parler à des gens qui sont tentés par l’activisme au détriment de leur piété personnelle. Il veut remettre toutes nos activités, aussi louables soient elles, à leur juste place, c’est-à-dire en subordination à notre relation personnelle avec Jésus. Il veut nous montrer la nécessité, et la priorité, du bien-être spirituel pour que nos activités, en 2008, ne deviennent pas pour nous des pièges de l’adversaire, pour nous détourner de Dieu et nous dessécher spirituellement.

Nous ne sommes pas des machines

Cet épisode mentionne tout d’un coup un détail étonnant : Paul est en plein voyage missionnaire, et il se fait raser la tête à cause d’un vœu (v. 18). Le texte ne précise rien d’autre, seulement l’auteur veut nous montrer que Paul, en super-héros de la foi, n’est pas une machine, qui passe son temps à voyager et à prêcher l’Évangile. Paul est avant tout un homme qui a une relation personnelle et intime avec Dieu.

Paul a été présenté dans le texte comme un Sébastien Chabal de la mission chrétienne : il rentre dans le tas, il pilonne l’adversaire sur toutes ses lignes avec la prédication vigoureuse de l’Évangile, et rien ne semble l’arrêter. 115 kg de muscles de la foi. Mais on oublie que ce héros a un cœur, jusqu’à ce qu’on le voit en-dehors des terrains, la tête et la barbe rasées, en proie à des sentiments, manifestant sa vulnérabilité et son besoin du Père. Sébastien Chabal et l’apôtre Paul sont des êtres humains comme vous et moi.

Si Dieu avait voulu que nous nous consacrions à nos multiples activités et que nous y trouvions la satisfaction et le sens de notre vie, il n’aurait pas fait de nous des hommes et des femmes, avec un cœur et des sentiments, mais des robots, et nous aurions été beaucoup plus efficaces. Mais Dieu est un Père : il ne nous a pas créés pour l’activisme mais pour lui-même.

Au milieu de toutes nos activités, il faut déjà que nous nous souvenions de cette réalité : le sens, et la valeur, de ma vie n’est pas dans tout ce que je peux accomplir ici-bas, même si c’est pour Dieu. Le sens de ma vie est d’abord dans la relation d’amour que Dieu veut avoir avec moi, personnellement. Paul ne l’a pas oublié, et voilà qu’au milieu d’un ministère ultra chargé, hyper intense, sa piété personnelle fait naturellement surface dans le texte. Et nous allons voir que sa piété ne s’est pas limitée à un vœu qu’il a fait dans le secret de son cœur.

Le bien-être spirituel est prioritaire

Paul arrive à Éphèse, où l’Évangile n’est encore jamais parvenu. Fidèle à son habitude, il entre dans la synagogue pour parler de Jésus aux Juifs, et ô miracle, les Juifs, au lieu de le chasser ou d’essayer de le faire tuer, l’invitent à rester quelque temps (v. 20). Mais ô surprise, Paul refuse de rester, sous prétexte qu’il doit absolument se rendre à Jérusalem pour célébrer une fête religieuse (la Pentecôte). Paul estime qu’il y a un besoin dans sa vie plus grand que celui même de prêcher l’Évangile à ces Éphésiens : c’est le besoin de se ressourcer.

En course de Formule 1, les voitures sont censées faire des dizaines de tours sur un circuit, et vous savez qu’un élément très important de la stratégie pour chaque concurrent est de savoir à quel moment la voiture va s’arrêter au stand pour refaire le plein d’essence, changer les pneus, etc. C’est terrible parce que 6 ou 8 secondes d’arrêt, lorsque toutes les autres voitures continuent de foncer à 200 km, c’est énorme. Pourtant les arrêts au stand sont indispensables, sans quoi les voitures ne pourraient pas finir la course faute d’essence.

Paul est un pilote de Formule 1 qui reconnaît son besoin de s’arrêter au stand afin de pouvoir terminer la course. Paul avait conscience que son bien-être spirituel était prioritaire, même sur une activité aussi louable que l’évangélisation d’une ville où la porte était grande ouverte. La suite du texte nous dira même que le choix de Paul a eu des conséquences fâcheuses (voir v. 25 et 19 : 2) ! Mais nous devons aussi reconnaître que notre santé spirituelle est prioritaire sur toutes nos activités, sans quoi nos activités nous laisseront à bout de souffle, desséchés spirituellement, et loin de Dieu.

Mais à quoi doit ressembler notre piété, pour que nous ne tombions pas dans le piège de l’activisme, le piège dans lequel Marthe est tombée ; mais pour que nous sachions choisir, au milieu de nos nombreuses activités de 2008, la seule chose nécessaire, la bonne part, qui ne nous sera pas ôtée (Luc 10 : 38 -42) ?

Cultiver sa relation au Seigneur

Observons Paul, dans ce texte qui présente une sorte de parenthèse dans son ministère. La piété personnelle de Paul fait surface. C’est une piété qui est secrète, intime, personnelle : Paul fait un vœu, et nous ne savons pas de quoi il s’agit. Mais cette piété personnelle se traduit publiquement : il se fait raser la tête. Puis, en guise de ressourcement, il fait deux choses : il se rend à Jérusalem, en effet, pour saluer l’Église (v. 22), puis il se rend à Antioche pour y passer quelque temps (v. 23). Paul a besoin de communion fraternelle. La relation de Paul avec Jésus est à la fois personnelle et communautaire, et dans les deux cas, publique.

Je me suis récemment fait mal au pied en jouant au foot, et on m’a mis un bandage. J’ai dû marcher avec des béquilles, ce qui est handicapant dans beaucoup de situations, et j’ai dû multiplier les acrobaties pour prendre ma douche sans mouiller ma jambe blessée. Ma jambe est devenue comme un objet encombrant.

La Bible dit que les hommes et les femmes qui placent leur confiance en Jésus pour le pardon de leurs péchés deviennent des membres du corps de Jésus, qui est l’Église. Le problème c’est que les chrétiens sont souvent comme des mains ou des pieds qui d’une part, restent en-dehors de la baignoire lorsque le corps se lave, d’autre part, se déguisent, ou s’immobilisent, pour paraître ne pas faire partie du corps. Mais le bien-être de chaque membre est intimement lié à sa relation au corps, et le bien-être du corps tout entier est intimement lié au bien-être de chaque membre. Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui (1 Co 12 : 26).

Comme pour Paul, et pour tous les chrétiens, notre relation au Seigneur est à la fois personnelle et communautaire, et elle devrait se traduire par des choix qui sont visibles. Des choix qui donnent du temps à la prière personnelle et à la lecture personnelle de la Bible. Des choix qui traduisent, publiquement même, notre volonté d’être un membre en bonne santé du corps de Christ, et de participer activement à la vie du corps de Christ qu’est l’Église.

Conclusion

On a pu voir dans ce texte comment la piété personnelle de Paul est venue tout d’un coup au premier plan, pour nous rappeler qu’aussi actif que Paul ait pu être, il n’a pas négligé sa relation personnelle au Seigneur et son bien-être spirituel. Cette relation personnelle avec Jésus a teinté tout son ministère, du début à la fin, et a conditionné ses choix. Des choix qui s’imposaient parfois face à des opportunités qui semblaient extraordinaires ; mais la santé spirituelle de Paul, sa marche ordinaire avec le Seigneur, restait toujours plus importante. Il a cultivé sa relation avec le Seigneur dans l’intimité du lieu secret, mais aussi dans la communauté de ses frères et sœurs en Christ, dont il ne pouvait pas se passer, aussi fort spirituellement qu’il ait pu sembler être par ailleurs. Alors au moment où nous allons entamer l’année 2008, face aux 366 petites cases de notre agenda qui vont se remplir très vite de toutes sortes d’activités diverses, dont la plupart très utiles et louables, qu’allons-nous faire de notre relation personnelle à Jésus, pour ne pas tomber dans l’activisme qui est un stratagème du diable pour nous dessécher spirituellement et nous éloigner de Dieu ? Avec l’aide du Saint-Esprit, nous devrons faire des choix, parfois contre le courant du monde et même de nos propres envies, pour laisser la place au repos spirituel et au ressourcement dans les petites cases de notre agenda 2008. Nous pouvons au moins commencer par dédier à notre santé spirituelle la case du dimanche matin, qui est l’occasion unique, chaque semaine, de se réunir avec le reste du corps pour apporter notre adoration à Dieu et écouter sa Parole. Mais en fait, tout notre emploi du temps, du lundi au dimanche, doit être subordonné au Seigneur, qui veut vivre avec nous non pas la relation d’un tyran avec ses sujets, ou d’un ingénieur avec ses machines, mais d’un Père avec ses enfants.

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