Je suppose que la plupart d’entre vous ici aujourd’hui vous croyez en Dieu, et je suppose que si c’est le cas, vous êtes aussi intéressés de savoir comment vous pouvez mener votre vie d’une manière qui lui plaise. Réfléchissons-y un instant. Il y a un être suprême et transcendant qui gouverne cet univers, et qui dirige toutes choses vers un certain but, selon son plan souverain ; ce serait quand même bien de savoir qu’on est du bon côté de cette histoire !
Et beaucoup de gens dans notre monde présupposent qu’ils ont la faveur de Dieu, parce qu’ils se disent « croyants », ou « chrétiens », ou parce qu’ils vont à l’église de temps en temps, ou parce qu’ils ont un certificat de baptême rangé quelque part dans leur grenier. Il y a des gens qui présupposent qu’ils ont la faveur de Dieu parce qu’ils sont très engagés dans des œuvres sociales, ou parce qu’ils ont fait de longues études et sont très intelligents, ou parce qu’ils s’adonnent corps et âme à une pratique religieuse.
Le problème, c’est qu’on peut cocher toutes ces cases et quand même se trouver du mauvais côté de l’histoire de Dieu. C’est même pire que ça : on peut vivre une expérience apparente de conversion, faire une profession de foi tout-à-fait évangélique, s’engager dans l’église pendant plusieurs années, et quand même « faire naufrage en ce qui concerne la foi », pour reprendre une expression de l’apôtre Paul (appliquée à un certain Alexandre !).
Si je vous dis ça, c’est pas pour vous faire peur ! C’est plutôt pour éveiller notre vigilance et pour nous encourager à faire très attention à la leçon du texte qu’on est sur le point de lire et d’étudier. Vous allez voir que ce texte nous parle en effet de la façon dont Dieu écarte de son projet des gens qui étaient pourtant convaincus d’avoir la faveur de Dieu. Et le problème que ce texte va pointer chez ces gens, le problème qui les a conduits à leur perte, c’est un problème que nous avons tous : c’est le problème de notre cœur présomptueux. C’est-à-dire que nous faisons tous face à cette tentation qui consiste à avoir une confiance excessive en nous-mêmes et à présumer que nous avons raison et que nous marchons dans la vérité.
Et c’est un vrai problème, parce que cette tendance, si on lui lâche la bride, peut nous aveugler, nous endurcir, nous dessécher spirituellement et nous faire encourir le jugement de Dieu. Ouais, c’est du sérieux ! Heureusement, ce texte ne fait pas que nous montrer le problème ; il nous conduit aussi vers le remède en nous faisant considérer quelle est, en fait, la piété que Dieu attend de nous. Le texte nous met devant trois questions successivement, la question de la foi, celle de l’autorité et celle des fruits, pour nous aider à examiner notre piété et notre relation avec Dieu, tout cela pour nous adresser ce message : attention à ne pas finir comme le figuier desséché !
Alors comment éviter de finir comme le figuier desséché ? C’est-à-dire, comment éviter que notre cœur présomptueux finisse par nous exclure du projet de Dieu ? Trois choses. Premièrement, la foi, ce n’est pas forcément ce que tu crois. Alors ce qui se passe au début de ce texte est un peu curieux, et c’est fait exprès. On est censé être assez éberlué à la lecture de ces quelques versets où Jésus semble s’emporter contre un pauvre figuier qui ne porte pas de fruits, et où ensuite, il fait une affirmation très étonnante au sujet de la foi. Apparemment, si vous avez la foi, vous pouvez déplacer des montagnes et même obtenir tout ce que vous demandez par la prière (cf. Mt 17.20). Vous êtes étonnés ? Très bien, c’est exactement le but de Jésus et du texte !
Le texte est censé frapper notre esprit, ici, et faire sonner notre radar, en quelque sorte. Nos antennes devraient vibrer, et une sirène devrait retentir en nous : « Hein, quoi, comment ? ». C’est quoi cette histoire bizarre ? Quel est le sens de ce pauvre figuier maudit par Jésus ? Et qu’est-ce que c’est que cette affirmation péremptoire ? Finalement, quand on arrive au verset 22, il y a une question qui devrait s’imposer à nous, et le texte n’est pas tant en train de nous mettre face à une leçon particulière que face à cette question particulière. C’est la question de la foi. Quel est selon Jésus l’élément décisif qui, d’après lui, peut faire qu’on va dessécher des figuiers, déplacer des montagnes, et recevoir tout ce qu’on demandera par la prière ? C’est la foi. Dans ce cas… eh bien qu’est-ce que c’est, cette foi ? Ce serait bien de le savoir !
Alors notons bien que le texte ne répond pas ici explicitement à cette question. La fonction de ce passage est surtout de soulever la question pour nous rendre attentif à ce qui va suivre. Dans la suite en effet, on va apprendre beaucoup de choses concernant la vraie foi. On va aussi comprendre un peu mieux pourquoi Jésus a maudit ce pauvre figuier qui n’avait rien demandé à personne. Mais il y a au moins une chose ou deux qu’on peut dire avant d’aller plus loin. Quand Jésus emploie le mot « foi » ici, il n’emploie pas un mot inconnu ; c’est un mot qui désigne une confiance docile en Dieu. C’est-à-dire le fait de s’en remettre à Dieu en étant convaincu qu’il est plus intelligent et plus fort que nous, et le fait d’agir en conséquence.
Parfois on lit ce type de passage et on a l’impression que la foi, c’est une sorte de pensée positive ou de puissance psychique. Et quand on examine certains mouvements prétendument chrétiens, on a l’impression que c’est ça, la foi pour eux. « Si seulement tu le croyais vraiment, sans douter, tu serais guéri de ton cancer ! » Mais en réalité, la foi ce n’est pas le fait de solliciter Dieu avec l’intention et la conviction qu’il va accomplir nos désirs, mais c’est le fait de solliciter Dieu avec l’intention et la conviction qu’il va accomplir ses désirs.
La foi au sens biblique est résolument tournée vers Dieu, vers sa volonté, vers ses projets à lui. Quand on a une confiance docile en Dieu, ce qui nous préoccupe plus que notre projet personnel, c’est son projet à lui. « Avoir la foi et ne point douter » (v. 21), ça veut dire être entièrement consacré à Dieu (« douter » en grec, c’est un mot qui veut dire « être partagé » ou « divisé »), et donc souscrire complètement à sa volonté. Par conséquent, dans la mesure où 1. Dieu compte notamment « déplacer des montagnes » pour réaliser ses projets, et 2. Dieu compte accomplir sa volonté notamment par le moyen de nos prières, eh bien tout ce que nous demanderons avec foi (c’est-à-dire en conformité avec le projet de Dieu), nous l’obtiendrons.
Si vous étiez un agent de police chargé de démanteler un réseau de terroristes au nom de la loi, l’État vous promettrait sans doute de vous donner les moyens de le faire. On vous dirait : « Tout ce que vous demanderez pour le compte de cette mission, vous le recevrez ». Vous pourriez appeler et obtenir le soutien d’un hélicoptère, par exemple, pour pourchasser les méchants. Mais ça ne veut pas dire que vous pourriez obtenir cet hélicoptère pour emmener votre enfant à l’école parce qu’il est en retard ! De la même façon, la foi, c’est une confiance docile en Dieu, qui souscrit complètement à sa volonté, qui s’attache à sa mission. La foi est résolument tournée vers Dieu et non vers nous-mêmes, vers ses projets et non vers les nôtres. On va y revenir.
Comment éviter que notre cœur présomptueux finisse par nous exclure du projet de Dieu ? Premièrement, donc, la foi, ce n’est pas forcément ce que tu crois. Mais deuxièmement, l’autorité de Dieu est évidente, mais est-ce que tu te rends à cette évidence ? Regardons la suite du passage. Après avoir soulevé la question de la foi, maintenant le texte soulève la question de l’autorité. Il y a un échange intéressant entre Jésus et les responsables religieux de Jérusalem, où ces derniers demandent à Jésus par quelle autorité il enseigne dans le temple et accomplit des miracles. La réponse de Jésus est très habile, et révèle qu’en vérité, ces gens connaissent déjà la réponse mais ils ne veulent pas l’admettre. Ils savent très bien que Jésus prétend agir au nom de Dieu, comme ils savent très bien aussi que Jean-Baptiste est venu « dans la voie de la justice » (v. 32), et que Jean-Baptiste a rendu témoignage à Jésus (Mt 3). Jésus met donc ces responsables religieux face à leur propre mauvaise foi et à leur endurcissement.
La question est bien celle de l’autorité, mais la question n’est pas de savoir par quelle autorité Jésus fait ces choses (la réponse étant déjà évidente), mais plutôt de savoir pourquoi les interlocuteurs de Jésus ne se rangent pas à cette autorité. La réponse ? Leur cœur présomptueux. Il y a un truc que j’ai remarqué chez mes enfants, et qui était sans doute aussi caractéristique de ma vie quand j’étais enfant (et peut-être encore aujourd’hui). Parfois, les enfants sont convaincus d’avoir raison même quand on les confronte à l’évidence. Parfois on a ce type de conversation à la maison : « Attends, tu es en train de me dire que tu ne crois pas cette personne qui a pourtant vécu 5 fois plus longtemps que toi, qui a obtenu cinq doctorats et qui a écrit 12 livres sur le sujet ; tu ne penses pas qu’il est mieux placé que toi pour en parler ? – Si. – Mais tu penses quand même avoir raison ? – Oui. »
Je ne comprends pas toute la psychologie qu’il y a derrière ce type d’attitude, mais ce qui est certain, c’est que lorsque cela se traduit au niveau spirituel, c’est très dangereux. Regardez le texte de nouveau. Dans la parabole des deux fils, celui qui est désobéissant, c’est celui qui reconnaît l’autorité du père mais qui refuse d’en tirer les conséquences. Le message qui nous est adressé ici, c’est le suivant : si nous nous disons croyants ou chrétiens, si nous avons été baptisés, si nous venons régulièrement à l’église, tout cela sous-entend que nous reconnaissons l’autorité de Dieu. Là n’est pas la question ! La question est : « Est-ce que nous en tirons vraiment les conséquences ? ».
Un pasteur pourrait vous dire un jour : « Écoute, tu ne devrais pas avoir cette relation amoureuse avec ce non-chrétien », et vous pourriez lui répondre : « Mais pour qui tu te prends pour me dire ça ? » (sous-entendu : par quelle autorité ?). Et si ce pasteur était inspiré par Jésus, il vous dirait : « Laisse-moi te poser une question d’abord. La Bible, d’où vient-elle ? Du ciel ou des hommes ? » (sous-entendu : la réponse à ta question est évidente, je prétends te parler sur la base de l’autorité de la Parole de Dieu ; tu le sais, mais est-ce que tu veux l’admettre ?). Vous voyez, le nominalisme (le fait de se dire chrétien sans en tirer vraiment les conséquences) peut nous exclure du projet de Dieu, alors que les gens qui ne se disent pas chrétiens, mais qui entendent l’appel du Seigneur, lui demandent pardon et se rangent à cette autorité sont accueillis à bras grands ouverts dans le royaume de Dieu. On va y revenir.
Comment donc éviter que notre cœur présomptueux finisse par nous exclure du projet de Dieu ? Premièrement, la foi, ce n’est pas forcément ce que tu crois. Et deuxièmement, l’autorité de Dieu est évidente, mais est-ce que tu te rends à cette évidence ? Troisièmement et dernièrement, si tu t’attaches à Jésus, ta vie peut porter les fruits de Dieu. Jésus raconte une deuxième parabole où il est question d’ouvriers qui travaillent pour le compte d’un maître dans son vignoble. Le problème c’est que ces ouvriers empêchent le maître de récupérer le produit de la récolte, au point de tuer ses serviteurs et même son fils. Le sens de la parabole est évident : d’après l’Ancien Testament, la vigne représente le peuple de Dieu, qui lui-même incarne le projet de Dieu pour la rédemption du monde. Les ouvriers (ou les vignerons) sont les responsables du peuple qui, au fil de l’histoire biblique, ont systématiquement rejeté les prophètes que Dieu leur a envoyés, et qui ont fini par rejeter le messie lui-même, le Fils de Dieu, au point de le faire mourir.
Cette « pierre rejetée par les bâtisseurs » était pourtant bien la principale, et par la providence de Dieu et selon son dessein éternel, c’est précisément par sa mort que Jésus a accompli sa mission qui consistait à délivrer le peuple de ses oppresseurs et à le réconcilier avec Dieu. En effet, les hommes étaient captifs du péché, en proie à la mort, séparés spirituellement de Dieu, mais Jésus a pris sur lui, sur la croix, tout le poids des fautes de son peuple ; il a détourné sur lui-même le châtiment divin destiné aux péchés de son peuple ; il a absorbé la colère de Dieu et englouti les péchés des croyants dans sa mort, et il est ressuscité triomphant et glorieux. De telle sorte qu’aujourd’hui, tous ceux qui placent leur foi en lui, qui ont cette confiance docile en lui, reçoivent le pardon total et définitif de Dieu et sont réconciliés avec lui pour toujours. La pierre rejetée était la principale, et elle est devenue manifestement la principale, celle de l’angle ! Celle sur laquelle la vie du croyant doit être construite, mais pas seulement la vie individuelle du croyant ; c’est aussi tout le projet de Dieu pour le monde qui est construit sur cette pierre d’angle qu’est le Seigneur Jésus ressuscité.
C’est pourquoi on peut dire que la chose la plus déterminante aujourd’hui dans la vie d’une personne, c’est sa relation à Jésus. Est-ce que Jésus est la pierre d’angle de ta vie, ou une pierre d’achoppement ? Est-ce que tu as pleinement foi en lui, c’est-à-dire est-ce que tu souscris pleinement à sa volonté, est-ce que tu es résolument tourné vers lui et vers ses projets, est-ce que tu t’attaches à sa mission ? Est-ce que tu te rends à l’évidence de son autorité divine ? Est-ce que tu es prêt, sans réserve, à tirer les conséquences de ton allégeance présumée à Jésus ? Est-ce que tu es prêt à le suivre et à tirer de lui la sève vivifiante qui te fera porter du fruit pour le compte de Dieu, le maître de la vigne ? Ou bien : est-ce que tu es partagé ? Est-ce que tu te dis croyant, mais en même temps, tu préférerais que la foi serve tes intérêts plutôt que ceux de Dieu ? Est-ce que tu as conscience de l’autorité de Jésus, mais tu refuses de te ranger à cette autorité parce qu’elle implique de ta part que tu te repentes et que tu changes la direction de ta vie ? Est-ce que ton cœur présomptueux te fait trébucher sur Jésus ?
Imaginez cette pierre, cet énorme bloc de granit magnifiquement taillé, posé au milieu du chemin, et vous êtes en train de courir en sa direction. Et Dieu vous dit : « Mon projet pour toi, ce n’est pas que tu cours dans tous les sens au gré de tes passions, de tes désirs et de tes intérêts personnels. Mon projet c’est que tu construises sur cette pierre un édifice solide, magnifique, au profit du monde et pour ma gloire. Mon projet c’est que tu t’attaches à Jésus et que tu portes du fruit ! Et cette pierre est là, en travers de ton chemin. Et si tu ne t’arrêtes pas, et si elle ne devient pas pour toi la pierre d’angle de ta vie, tu vas un jour lui rentrer dedans, et ce n’est pas la pierre qui sera abîmée. »
Vous voyez ce qui est arrivé à ces responsables religieux auxquels Jésus s’adresse dans ce passage ? Ces responsables religieux se disent croyants, ils sont convaincus d’avoir la faveur de Dieu, ils pensent être du bon côté de l’histoire, ils sont mêmes à certains égards très consacrés à la pratique de leur religion. Et pourtant, Jésus leur dit : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits ». Cette prédiction et ce jugement se sont réalisés dans l’histoire lorsque Dieu a ouvert grand les portes de son royaume aux nations non-juives qui s’y sont engouffrées en nombres incalculables, au détriment du peuple d’Israël dont le cœur, de façon générale, s’est endurci contre Dieu et contre son messie.
Mais il y a là aussi un avertissement qui nous est adressé, comme le dit l’apôtre Paul :
« Les branches naturelles ont été retranchées pour cause d’incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi. Ne t’abandonne pas à l’orgueil, mais crains ; car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, il ne t’épargnera pas non plus. » (Rm 11.20-21)
Vous voyez ? Elle est là, en fait, la leçon du figuier desséché. Jésus s’est approché du figuier pour en recueillir le fruit, mais il n’y en avait pas. Jésus a maudit le figuier, non pas parce qu’il aurait eu un accès de colère, non pas parce que c’était un méchant figuier, comme si les figuiers pouvaient avoir un quelconque sens moral ; non, Jésus a maudit le figuier en guise de signe prophétique. Il a capté l’attention de son auditoire (comme Matthieu le fait de ses lecteurs), pour nous livrer ensuite cette leçon extrêmement importante. Oui, Dieu peut nous écarter de son projet, alors même que nous sommes convaincus d’avoir sa faveur, et pourquoi ? Eh bien en raison de notre cœur présomptueux qui, si on lui lâche la bride, peut nous aveugler, nous endurcir, nous dessécher spirituellement et nous faire encourir le jugement de Dieu.
Heureusement, ce texte nous a conduits aussi à remédier à cela en nous posant les bonnes questions : celle de la foi qui n’est pas forcément ce que nous croyons mais qui est une confiance docile en Dieu, qui souscrit sans réserve à ses projets ; celle de l’autorité de Dieu qui est évidente, mais est-ce que nous nous rendons à cette évidence et le manifestons par notre repentance et notre obéissance à ses voies ? Et celle des fruits de Dieu, que notre vie peut porter si nous nous attachons à Jésus, celui qui a été rejeté, maltraité, humilié et crucifié pour le pardon de nos péchés, et qui est ressuscité comme cette pierre d’angle, solide et inamovible, sur laquelle nous pouvons bâtir notre vie de manière fructueuse.
Mettons à mort l’orgueil et la suffisance qui remplissent si facilement notre cœur ! Faisons-le pour ne pas finir comme le figuier desséché. Au contraire, portons du fruit pour Dieu, sous l’effet de sa grâce qui agit en nous par la foi, comme le dit Jésus :
« Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. Si vous portez beaucoup de fruit, c’est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples. » (Jn 15.7-8)